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jeudi 9 juin 2022

La politique coloniale de la MONARCHIE DE JUILLET en ALGÉRIE (24) : LE SYSTEME BUGEAUD

  LE SYSTÈME BUGEAUD, GOUVERNEUR GÉNÉRAL DE L’ALGÉRIE DE 1841 À 1847 

 UN ÉCHEC QUASI-GENERAL SELON LES RÉCITS ET ANALYSES  DES CONTEMPORAINS : 

L’EXEMPLE PARTICULIER DE TROIS VILLAGES DE COLONISATION : SAINT FERDINAND, SAINTE AMELIE ET ZERALDA

Le village de ZERALDA avait été constitué selon le système du comte Guyot dont M Bussières, dans son livre, LE MARÉCHAL BUGEAUD ET LA COLONISATION DE L’ALGERIE, (Revue des Deux Mondes, 1853) rappelle les caractéristiques essentielles

« Ce système.. consistait à admettre les colons riches ou pauvres, à leur livrer sur place, pour une somme de 6 à 800 francs ou souvent à titre gratuit, les matériaux de construction d’une maison que chacun élevait à sa guise sur le lot qui lui était concédé. »

Quoique l’auteur ait écrit le contraire par ailleurs, au début, les colons n’étaient pas livrés à eux-mêmes : «  On leur prêtait en outre, autant qu’on le pouvait, des bœufs pris dans les parcs de l’administration militaire, des moutons de même origine, dont la laine et le croît restaient au colon, tenu seulement de représenter, lorsqu’il en était requis, un même nombre de têtes et un poids de viande sur pied égal à celui que les parcs lui avaient fourni. Diverses subventions en nature pour les semailles ou pour la subsistance du colon et quelques défrichements opérés par l’administration complétaient les moyens d’assistance que le gouvernement mettait à la disposition du colon ».

Pourtant, cette assistance ne pouvait durer longtemps et la situation du village de ZERALDA, fondé en 1843, devint vite catastrophique, c’est ce que constate M BUSSIERES  lors de son périple en Algérie :  

ce village « mérite d’être cité comme type de l’extrême misère, …Il se composait de 30 concessions de 15 hectares chacune : on avait cru devoir compenser la qualité par la quantité; mais après quatre années d’existence, 40 hectares à peine étaient défrichés. Tous les colons, à l’exception de deux ou trois, étaient arrivés là sans aucune ressource. … Pour les faire vivre, on les employa aux terrassements de leur grand fossé, au nivellement de leurs rues et de leur route…Un tiers des concessions était devenu désert ; on ne voyait que maisons vides et fermées, les murs à moitié décrépis par les pluies, les volets descellés et pendants ou battant au vent. Que si vous vous informiez du sort de ceux qui les avaient occupées, on vous répondait : Celui-ci a abandonné, celui-ci aussi, cet autre également. Cinq familles étaient dans ce cas. Mais celle-ci ? Morts. Et celle-ci ? Morts. Et celle-ci encore ? Orphelins ; le père est mort. Quant aux vingt concessionnaires survivants, ils se mouraient »

Les deux villages de SAINTE-AMELIE (53 familles) et SAINT-FERDINAND (51 familles) auquel s’ajoute un hameau appelé le MARABOUT D’AUMALE (10 familles) ont été créé en 1843  selon un système concurrent de celui du comte Guyot prôné par le colonel Marengo.

Ce système était apparemment plus favorable à l’instauration d’une colonie prospère et s’adressait à des colons plus fortunés (nécessité de justifier d’un apport minimum de  3000 francs dont 1500 francs pour subvenir aux dépenses nécessaires à l’exploitation) :

le colonel Marengo « livrait la maison bâtie et un certain nombre d’hectares défrichés. Ce nouveau mode s’adressait à des colons présumés plus riches. Ils trouvaient, en arrivant, le village tout construit et n’avaient qu’à s’installer, en payant 1,500 francs ou 3,000 francs, selon qu’ils prenaient une maison par moitié ou en entier. Toutes les maisons, bâties uniformément sur un égal espace de terrain, étaient en effet doubles, c’est-à-dire disposées de manière à pouvoir contenir deux ménages. Les maisons étaient rigoureusement alignées et espacées. L’intervalle qui les séparait devait servir de jardin, et chaque jardin se trouvait, comme la maison, coupé en deux parties égales, suivant l’axe qui partageait la façade »

M BUSSIERES visita également ces deux villages et constata, à SAINT-FERDINAND   un échec semblable à celui observé à ZERALDA

Saint-Ferdinand, ..  était .. dans une situation précaire. .. Des 51 concessionnaires qui avaient primitivement peuplé ce village et son hameau, le Marabout d’Aumale, 25 étaient partis, 8 nouveaux étaient survenus ; mais, par suite d’autres mutations, le nombre total se trouvait, en 1847, réduit à 29. Sur ce nombre, il n’y avait, il est vrai, que deux célibataires ; tous les autres avaient une famille. Les colons travaillaient avec peu de courage, rebutés sans doute par les mauvaises conditions dans lesquelles ils étaient placés, et qui avaient fait émigrer la moitié d’entre eux. Ils n’avaient encore rien ajouté aux défrichements qu’ils trouvaient tout faits en prenant possession de leur maison de 1.500 francs, L’intention sur laquelle reposait le système du colonel Marengo, c’est-à-dire celle de former une colonisation qui, composée de gens possédant un petit capital, pût se soutenir par elle-même, était complètement trompée. Pendant les quatre premières années (de 1843 à 1847), l’administration avait fourni aux colons leurs semences, qu’ils s’empressaient de vendre au lieu de les mettre en terre. Pour arrêter ce commerce, M. Cappone, gendre du colonel Marengo et maire de Saint-Ferdinand, prit le parti de ne distribuer les semences qu’au fur et à mesure des labours exécutés. Les colons de Saint-Ferdinand n’avaient du propriétaire que la prétention de ne vouloir pas travailler pour autrui,.. . Les résultats obtenus n’étaient cependant pas encourageants mais il faut tenir compte de la nature sauvage et dure de ces terres, calcinées depuis des siècles par un soleil dont la broussaille ne les défend pas, balayées chaque année par des pluies torrentielles qui en emportaient l’humus et ne cessaient de creuser que lorsqu’elles rencontraient un sous-sol lisse, glissant et compacte comme du savon …

Ce qui a aidé les colons à se soutenir, c’est le foin qui vient de lui-même en Algérie partout où la broussaille et le palmier nain lui laissent un peu de place. Quelques pluies d’hiver suffisent pour créer partout des prairies sauvages plutôt encore que naturelles, où le sainfoin, la luzerne et les autres plantes fourragères se développent avec une abondance qui tient du prodige et une admirable vigueur ; mais, en ceci encore, le Sahel est bien inférieur à la plaine. Néanmoins le foin est, pour lui, comme une manne qui lui tombe du ciel. »

 

Le village de Sainte-Amélie possédaient à l’origine des conditions plus favorables, pourtant, là  aussi, l’échec du projet était patent :

« Sainte-Amélie n’en a pas moins éprouvé les mêmes vicissitudes que Saint-Ferdinand. Pour 54 concessions, elle ne comptait que 30 concessionnaires, dont 8 ou 9 avaient, il est vrai, des concessions doubles, ce qui portait à 38 ou 40 le nombre des concessions occupées. Les autres, ou n’avaient pas trouvé de preneurs, ou étaient redevenues vacantes par suite d’éviction ou d’expropriation. »

Ces échecs amenèrent M BUSSIERES à tenter de leur donner une explication  globale  :

« Pour opérer (les) transformations (nécessaires), on ne trouvera que des colons pauvres, des hommes de travail et de privations, auxquels il faudra toujours plus ou moins venir en aide. Bien peu d’hommes possédant un capital petit ou grand seront tentés de le sacrifier en le confiant à une terre qui ne le rendra peut-être qu’à leurs successeurs.

 … Ne nous hâtons pas de jeter la pierre à ceux-là-même qui ont faibli. Sans parler des maladies et de la mort, il y a eu là des épreuves plus fortes que la dose de constance ordinairement donnée à la nature humaine, et parmi ceux qui se sont trouvés des plus faibles là-bas, beaucoup peut-être mériteraient encore d’être comptés parmi les plus forts d’ici. »