REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 31 décembre 2013

De la nature.5. Le figuier etrangleur

L'histoire de cet arbre photographié à la Martinique ressemble presque à un récit d'horreur :

Une graine de cet arbre est transportée par les fientes des oiseaux qui ont mangé ses fruits ; ces fientes tombent au hasard du vol de l'oiseau, dans la forêt dense tropicale, elles atterrissent la plupart du temps sur les branches d'un arbre au niveau de la canopée ; là, la graine dispose de tous les éléments pour germer !

La plante se développe à la manière d'un épiphyte  dans les branches supérieures de l'arbre avec apparition de racines aériennes pendant vers le sol et de branches poussant vers le ciel afin de capter un peu de lumière. Quand les racines aériennes ont atteint le sol, la croissance de l'arbre s'accélère : Les racines aériennes s'assemblent jusqu'à former un pseudo-tronc et recouvrir plus ou moins la plante-hôte.

Quand l'arbre-hôte meurt de cet étouffement et disparaît par décomposition, il ne reste qu'un immense creux au sein du figuier étrangleur.

Cet arbre a partiellement recouvert de ses racines les restes d'une construction : on a l'impression que peu à peu,il va "digérer" cette construction en la faisant disparaître : sa vue m'a rendu mal à l'aise et m'a fait ressentir à la fois la puissance quasi-maléfique de la nature et la fragilité des constructions humaines que l'arbre semble détruire sans peine. Pour peu, j'aurais pu croire à un dessein démoniaque de l'arbre à l'égard de l'homme.

Cette seconde photo d'un des temples d'Angkor est encore plus effrayante : un des plus beaux spécimens de l'art humain se recouvre des racines d'un banian, ces racines évoquent un nid de serpents ondulant, étendant leurs rets au dessus de la galerie du temple, s'insinuant partout pour détruire la quintessence de l'esprit humain afin de s'installer à sa place.

A ces images que je ressens comme monstrueuses, j'associe certains mythes mythologiques comme celle de Méduse, la Gorgone à la chevelure de serpents qui pétrifiait tous ceux qui la regarde, de la luxure dans l'art roman représentée par une femme dont des serpents sucent les seins... pourtant la correspondance la plus nette et la plus étrange entre ces figuiers étrangleurs et l'être humain me fut donné par les illustrations effectuées par Gustave Doré pour le chant 13 de la DIVINE COMEDIE de Dante (l'enfer)


 Dans ce chant 13, Dante guidé par le poète latin Virgile,se trouve dans une épaisse forêt qui correspond au deuxième degré de l'enfer.


Déjà, de tous côtés, l'air de plaintes résonne.
J'écoutais, je cherchais, et ne voyais personne,
Et ce bruit me faisait m'arrêter, interdit.

Il crut que je croyais que ces cris ineffables
Retentissaient, poussés par des ombres coupables
Qui se cachaient de nous dans le branchage épais.

Et, dans cette croyance, il me dit : "Si tu cueilles
Un rameau seulement au milieu de ces feuilles,
Tu verras tes pensées étrangement trompés."

Moi, la main étendue en avant, je me penche,
Et détache d'un arbre une petite branche ;
Le tronc crie aussitôt : "Ah ! pourquoi m'arracher ?"

Tandis que d'un sang noir l'écorce se colore,
"Pourquoi me déchirer ?" répète-t-il encore ;
"O cruel, et ton coeur est-il donc de rocher ?

Nous fûmes autrefois des hommes, tes semblables." 

Il apparaît entre ce figuier étrangleur et les damnés changés en arbre une étrange osmose et un terrible dessein : Les figuiers étrangleurs ne pourraient-ils pas être ces damnés tout droit sortis de l'enfer pour étouffer les œuvres humaines afin de se venger de leur damnation !

Ce continuum n'existe pas et n'est heureusement que pure licence poétique !

lundi 30 décembre 2013

De la nature. 4

La nature est-elle capable de se venger des outrages commis par les hommes ? Tout dépend du contexte de civilisations  dans lequel on se trouve : à cet égard, on peut déterminer trois types de modes de pensée.

LA NATURE AU SENS MATÉRIALISTE DU TERME
Selon cette conception, la nature n'est dotée ni d'une âme ni d'un esprit : elle EXISTE mais elle n'EST pas, au sens philosophique du terme puisqu'elle n'a pas conscience d'exister.

On peut en donner deux exemples :

L' évolution de la végétation n'est pas linéaire comme peut l'être notre conception de la vie : elle se produit, pour une grande partie d'entre elle, automatiquement et de manière cyclique selon un processus immuable, germination, éclosion, fructification, dessèchement et production de graines, germination.... Ce processus se produit hors de toute considération d'espace et de temps ; une fois la vie installée quelque part, elle se perpétue tant que les conditions qui lui ont donné naissance existent. Les aléas climatiques n'ont même pas de prise sur elle puisque la sélection naturelle la fait évoluer, il suffit pour s'en rendre compte de parcourir une zone désertique après une pluie et de constater que ce désert sans vie s'est couvert en quelques heures d'un tapis de plantes, seules les plantes qui n'étaient pas capables de s'adapter ont disparu.

Il en est de même pour tous les phénomènes naturels : on apprend par exemple que les rivières recherchent leur " profil d'équilibre" : c'est une absurdité : la rivière creuse une gorge parce que le courant d'eau est rapide et que mécaniquement il arrache la roche ; de même, lorsque la rivière accède dans une plaine, elle dépose ses alluvions et exhausse son lit simplement parce que le courant se ralentit et qu'il n'a plus la force de trainer les sédiments arrachés en amont. La rivière ne se place en aucun cas dans une perspective d'avenir, elle ne vise pas à se créer un lit douillet où elle pourra se reposer !

Dans cette conception donc, l'évolution de la nature n'est que la résultante du jeu des simples forces mécaniques ou biologiques ; ces forces agissent indépendamment de nous. La nature n'a aucun dessein ni dans le futur ni à notre encontre : c'est nous qui ressentons cette puissance lorsqu'on constate à quel point nos œuvres, même les plus grandioses, ne sont que dérisoires prétentions ; pourtant ce n'est pas la nature qui se venge puisqu'elle n'a pas conscience du mal qu'on lui fait.

L'ANIMISME DE LA NATURE
La plupart des civilisations pensent que l'être humain est totalement partie prenante dans la Nature et ne s'en différencie pas ; les mêmes règles et cycles naturels s'appliquent autant à l'homme qu'à tout ce qui l'entoure, c'est le cas par exemple pour les aborigènes déjà évoqués qui disent que la terre n'appartient pas à l'homme mais que l'homme appartient à la terre.

Pour une grande majorité des civilisations animistes, il existe un créateur, une force vitale cosmique qui, une fois la création effectuée, se désintéresse de celle-ci. Cependant chaque élément de la nature possède en lui une parcelle du divin sous forme d'un esprit : les arbres, les animaux, les hommes, les objets inanimés (feu, terre, eau, rocher..) ou cosmique (lune, soleil, ciel...). Il en est de même des ancêtres mythiques ou réels des hommes. Troubler cette parcelle divine qui est en chaque chose, revient à perturber l'ordre cosmique, ce qui n'est pas sans conséquences graves pour l'être humain.

L'homme se doit donc, pour se préserver et permettre sa survie, connaître ces esprits et entrer en communication avec eux. Une description intéressante de ceux-ci nous est donnée par David Kopenawa, un chaman Yanomani, une tribu amazonienne menacée de disparition par l'avancée de nos modes de vie dans la forêt.

" Certains vivent dans le ciel, d’autres sous la terre, d’autres dans les montagnes couvertes de forêts et de fleurs. Certains vivent dans les rivières, dans la mer, dans les étoiles ou dans la lune ou le soleil. Omame (le créateur) les a choisis parce qu’ils sont bons pour le travail, pas le travail dans les jardins mais le travail du chamanisme, de la guérison des maladies des gens. Ils sont beaux mais très difficiles à voir. Les shapiri veillent sur tout, les shapiri veillent sur le monde."

Pour entrer en communication avec ces esprits, on doit insuffler dans le nez du chaman une drogue hallucinogène, la Parika au moyen d'une longue tige creuse.

"Nous apprenons à les connaître, à les voir, à les écouter. Seuls ceux qui connaissent les shapiri peuvent les voir parce qu’ils sont très petits et brillent comme des lumières. Il y en a beaucoup...  des milliers comme des étoiles. Ils sont beaux, décorés avec des plumes de perroquet, peints avec du roucou. D’autres ont des pendants d’oreille et sont peints en noir. Ils dansent très bien et chantent différents chants"

Le chaman va alors demander aux esprits tout ce qui est nécessaire à la survie de l'homme en particulier :
   . Quel rite doit-on accomplir pour que l'esprit de la terre donne une bonne récolte de manioc ?
   . Comment remédier au fait que l'esprit de l'arbre pourrait se venger si on lui coupe une branche ?
   . Quel interdit à été violé par la tribu pour que telle ou telle catastrophe se soit produite ?

Dans cette conception, la nature est capable de se venger si on lui fait du mal. Elle peut donc démolir une construction humaine qui la gêne.

LA NATURE DANS LA CONCEPTION BIBLIQUE.
Mieux que de longues dissertations mieux vaut citer le livre 1 de la Genèse.
" 1.26 : Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.
1.27 :Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme.
1.28 : Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.
1.29 : Et Dieu dit: Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture."


Dans cette conception, la Nature appartient à l'homme, elle lui a été donnée par Dieu et l'homme peut prélever ce qu'il veut, défricher la forêt pour y planter ce qu'il veut, tuer les animaux qu'il veut pour sa subsistance.

Cette liberté ne possède que deux limites :
   . Il est nécessaire que l'homme préserve cet héritage lui venant de Dieu : pour cela, il lui faut éviter d'exploiter sans vergogne la nature car sinon l'oeuvre divine sera saccagée et l'avenir compromis,
  . Si l'homme devient trop orgueilleux, se voulant à l'image de Dieu et ne respectant pas son oeuvre, Dieu se vengera de l'homme et détruira ce qu'il a indûment accompli (déluge, tour de Babel...)

Dans la conception biblique qui est celle du monde méditerranéen et occidental, la Nature ne peut accomplir de vengeance vis à vis de l'homme puisque, par essence, tout ce qui vit lui appartient.

Choisir entre ces trois conceptions ressort plus de la croyance que de la mise en pratique d'un raisonnement construit.

Pourtant, dans ma quête des rapports de l'homme et de la nature, mes convictions plutôt matérialistes furent ébranlées devant l'oeuvre du figuier étrangleur...

dimanche 29 décembre 2013

De la nature. 3

La nature outragée, la Nature martyrisée mais la Nature libérée, libérée par elle-même : cette paraphrase du discours du Général de Gaulle à Paris le 25 août 1944 pourrait sembler s'appliquer parfaitement à la nature et à la vision que l'homme peut en avoir aujourd'hui.

LA NATURE OUTRAGÉE 

Sacs plastiques, boîtes de conserve, paquets de cigarettes ou de gâteaux, canettes de bière broyées, bouteilles de plastique jetés des vitres des voitures qui passent...  s'accumulent dans le caniveau du bord de route, créant des dépotoirs spontanés que personne ne prendra la peine ni le temps de nettoyer. Quand les caniveaux seront emplis de ces détritus, l'eau d'écoulement débordera et inondera les riverains.

Certes ces outrages seront bientôt recouverts de feuilles sèches et d'herbes qui les enfouiront, pourtant ils resteront là, témoins des ravages accomplis par l'homme et fruits de leur inconscience.

Un peu plus loin, dans un ancien verger laissé à l'abandon et devenu un taillis désordonné, s'amoncellent les ordures : seau de plastique, éléments de réfrigérateur cassés, chaise de salon de jardin, tout s'accumule ici alors que la collectivité locale a aménagé une décheterie à quelques pas de là.

Comment peut-on agir ainsi ?

Ce qui est surprenant, c'est que dans ce dépotoir, né de l'infamie et de l'irresponsabilité de ceux qui l'ont constitué, les arbres fruitiers continuent à dispenser leur manne à qui voudrait la récolter. Encore faut-il avoir de bonne chaussures pour accéder à ces arbres car on risque de se blesser sur les débris coupants qui parsèment le sol.

LA NATURE LIBÉRÉE PAR ELLE-MÊME.
cette construction humaine que son concepteur voulait sans doute éternelle, disparaît lentement et sûrement ; le sol recèle tout ce qu'il faut pour que la végétation se régénère d'elle-même. Les graines enfouies dans la terre formeront partout de jeunes pousses puis des arbustes, les racines se faufileront dans les interstices des murs, soulèveront le béton du sol et bientôt casseront tout ce qui avait fait un instant l'orgueil et la fierté d'un homme.

Au bord d'une rue du bourg se trouve cet enclos entouré de murs ruiniformes et devenu un dépotoir sauvage envahi par les orties. Sur un des murs est encore apposé un panneau à moitié délavé par le temps indiquant qu'il s'agit d'une propriété privée. Dérisoire prétention que la Nature effacera bientôt ! 

Cette image de la Nature qui se libère en détruisant les œuvres humaines peut sembler n'être qu'une métaphore, pourtant.... !

samedi 28 décembre 2013

De la nature. 2

Lorsque je me remémore la scène décrite précédemment et que je l'analyse raisonnablement, je me dis que le ressenti qui m'avait étreint alors ne devait être qu'un effet de mon imagination et qu'à la manière des pré-romantiques, j'avais prêté à la nature une beauté et une harmonie qu'elle ne possède peut-être pas.

Il me suffit pour m'en convaincre de me livrer à quelques recherches sur la MÉCANISME DE LA VISION HUMAINE : l'oeil humain est un merveilleux outil dont le mécanisme de fonctionnement est d'une perfection si aboutie qu'elle ne peut pas être, selon moi, seulement le fruit de la sélection naturelle.


Ce mécanisme, si j'en crois les découvertes scientifiques,  est basé sur quelques principes :
   . L'oeil possède un système automatique de correction de la lumière émise qui pénètre dans l’œil en passant par l’ouverture réglable de l’iris. Alors, le cristallin en se déformant va assurer la mise au point de façon à ce que l’image de la scène ou de l’objet observés soit projetée avec netteté sur la surface de la rétine.
    . La rétine est composée :
          . de 120 millions de bâtonnets dont la grande  sensibilité à la lumière permet la vision nocturne au moyen de toutes les nuances de gris,
          . De 5 à 6 millions de cônes qui permettent la vision diurne et celle des couleurs. Les trois types de cônes (S, ondes courtes du bleu-violet, M, onde moyenne du jaune-vert et L, onde courte du rouge) permettent de créer un nombre quasi infini de nuances de couleurs ; l'ensemble est transmis sous forme d'impulsions au cerveau par le moyen des nerfs optiques.
   . Le cerveau va alors traiter les informations reçues, il reconstruit l'image transmise par les deux rétines qui agissent comme une lunette binoculaire, et crée une image  tridimensionnelle.

Ce mécanisme permet alors de comprendre que la fleur décrite dans l'article précédent procède de :
     . La perception des photons de lumière que peuvent  capter les cônes rétiniens,
     . La reconstruction de notre cerveau qui organise les informations transmises et crée l'image en 3D.
     . La mise en œuvre par le cerveau des sentiments du type beauté, harmonie, éternité, fugacité qui accompagnent  la reconstruction visuelle effectuée.

À cet égard, il parait évident, que chaque être vivant pourvu du sens de la vision aura une vision propre de son environnement à la fois parce que le champ d'ondes capté par sa rétine est différent de celui de l'homme et que la reconstruction effectuée par le cerveau est également différente : ainsi la fleur tant admirée est perçue de mille manières par tous les êtres à qui il est donné de la regarder.

cette caractéristique biologique de la diversité des visions d'un même objet selon chaque espèce pose un problème philosophique considérable : PEUT-ON DÉPASSER LA PERCEPTION SUBJECTIVE POUR ACCÉDER À L'ASPECT  DES CHOSES EN SOI ? ( telles qu'elles sont dans leur réalité) en d'autres mots quelle est la réalité de la fleur par delà l'aspect subjectif que construit notre cerveau.

Ce problème a été posé de tout temps mais une des réponses les plus appropriées me semble avoir été fournie par le   philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804)

Kant se pose en introduction de la "Critique de la raison pure" cette question de base : pouvons-nous atteindre la vérité au delà des apparences ? Le monde est-il comme nous le voyons ?

Pour ce philosophe, notre conception du monde se fonde sur :
   . L'entendement qui analyse les données des expériences effectuées
   . La Raison qui utilise les fruits de l'expérience pour en tirer des lois.

Cependant, pour Kant, la Raison humaine ne fonctionne pas dans l'absolu, tel un tableau vide, elle utilise un certain nombre de concepts dit " à priori" non fondés sur l'expérimentation,  ressentis comme nécessaires et universels,  mais qui ne sont que des constructions de l'esprit humain : l'espace-temps, le principe de causalité...

 En conséquence, nous ne voyons pas la réalité (le NOUMENAL selon Kant) mais l'apparence spatio-temporalisées de cette réalité (le PHÉNOMÉNAL)  : la chose " en soi" nous est à jamais inaccessible.

Nous ne connaissons donc le monde qu'à travers le prisme de notre structure mentale sans pouvoir dépasser cette apparence

En CONCLUSION de cet article, je me remémore à nouveau la fleur admirée dans le matin glacé et j'en tire deux sentiments
   . Le pessimisme de savoir que je ne verrai jamais la fleur telle qu'elle est et que je n'en aurai que l'illusion,
   . L'optimisme de savoir que mon cerveau est capable de concevoir la beauté et l'harmonie au travers de cette illusion.

C'est bien entendu le sentiment d'optimisme qui l'emporte en moi.

vendredi 27 décembre 2013

De la Nature. 1

" La nature est si belle quand on prend le temps de la regarder" : j'avais été frappé par cette phrase entendue de la bouche d'une vieille personne qui circulait en fauteuil roulant dans les allées d'un parc couvert de fleurs et m'en suis souvenu avec une étrange acuité, l'autre jour pendant une de mes promenades effectuée lors d'un matin glacé quand je suis tombé en arrêt devant l'harmonieuse beauté d'une humble fleur des champs.

 Cette fleur, engourdie par le froid et recroquevillée sur elle-même, avait été couverte par le givre d'une épaisse parure de diamants. Elle était immobile dans sa rigidité comme si, devenue un joyau, elle avait peur de voir tomber ses somptueux atours. Pour l'instant, les pâles rayons du soleil de l'aube la faisait étinceler de mille feux. Même le vent s'était calmé afin de ne pas perturber l'harmonie de cet instant glacé.

 J'eus l'impression que le temps s'était arrêté : rien ne bougeait, le ciel était d'un bleu pale immaculé, le silence était absolu, tout semblait figé, rien que pour moi. Je ressentis alors, fugacement, un curieux sentiment d'éternité, Certes cette impression n'était que subjective : c'est pourquoi, en prenant cette photo j'ai voulu conserver de manière quelque peu dérisoire, le sublime de cet instant.

 En effet, cette splendeur ne sera qu'éphémère : il suffira d'un peu de chaleur pour que la beauté éclatante de la fleur perde peu de son éclat puis disparaisse, la laissant à nu en proie à son hibernation hivernale.

 Face à ce moment d'ineffable sérénité, je remémorai un court paragraphe de "René" de Chateaubriand :

    " J'entrai avec ravissement dans le mois des tempêtes... j’aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes..... Le jour, je m’égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts. Qu’il fallait peu de chose à ma rêverie ! une feuille séchée que le vent chassait devant moi, une cabane dont la fumée s’élevait dans la cime dépouillée des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du Nord sur le tronc d’un chêne, une roche écartée, un étang désert où le jonc flétri murmurait ! .... souvent j’ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent ; j’aurais voulu être sur leurs ailes. 
   Un secret instinct me tourmentait : je sentais que je n’étais moi-même qu’un voyageur, mais une voix du ciel semblait me dire : « Homme, la saison de ta migration n’est pas encore venue ; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton cœur demande. »
    « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! » Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie, ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon cœur."

Je ressentis, en me souvenant de ce texte, qu'il existait un dualisme étonnant entre le mouvement désordonné de la tempête dans laquelle se complait René et la profonde quiétude du bref instant que je venais de vivre, entre l'envie d'autres horizons et la recherche de l'éternité : ces deux composantes existent en moi comme en tout être humain même si j'ai l'impression que l'homme moderne ne prend plus le temps de s'arrêter et de profiter du moment , il ne cesse de courir après des chimères entre un passé à jamais révolu et un avenir imprévisible sans ressentir le présent.

jeudi 26 décembre 2013

Ce qu'il ne faut pas dire !

Cette caricature dessinée par Emmanuel Poiré dit Caran d'Ache est parue dans le Figaro du 14 février 1889, elle comporte la légende suivante :
       . "Ne parlons surtout pas de l'affaire Dreyfus" pour le premier dessin,
       . "Ils en ont parlé !" pour le deuxième.

 Et si on transposait ces dessins à notre époque ? De quoi faut-il ne pas parler ?
J'ai relevé au cours de nombreux repas de famille ou de société, quelques allégations qui peuvent mettre le feu aux poudres.

      - en premier lieu, il ne faut jamais demander à quelqu'un quel est son salaire : c'est un sujet tabou, cela permet aux uns d'imaginer que les voisins de table gagnent plus que lui et de les envier : ( qu'est-ce qu'ils doivent gagner avec le train de vie qu'ils ont ! ) et aux autres de se vanter en faisant étalage de leur luxe...

   - quand on est retraité, il ne faut pas faire état de la manière dont on vit (loisirs, vacances, projets), vous allez entendre immédiatement des réparties envieuses et  désobligeantes du type : " heureusement qu'on travaille pour vous payer vos retraites! " ou " nous on n'aura pas votre chance, on travaillera jusqu'a l'âge de .. pour avoir une retraite minable"      

- autre sujet tabou, le poids des convives, il est inconvenant d'évoquer les problemes d'obésité et de surpoids, ils ne doivent pas être dévoilés dans leur brutalité clinique pendant un repas, car ils traumatisent ceux qui en sont atteints et leur coupera l'appétit ! Par contre, il parait normal que chacun décrive avec emphase le dernier régime alimentaire qu'il a accompli et de combien de kilogrammes il a maigri ! ( "mais depuis, j'ai repris...")

      - il ne faut pas non plus évoquer le gouvernement : immédiatement, l'assistance se divisera en deux camps. Les laudateurs du régime précédent ( du temps de ...) , les déçus du régime actuel ( j'avais voté pour lui , si j'avais su ! ) ; quelques-uns se tairont, ce sont ceux qui sont d'accord avec la politique actuelle et qui ont avantage à se taire car, sinon on leur tombera dessus. br />      

- on ne parle pas non plus des immigrés, immédiatement, le ton montera : les uns clameront qu'ils sont responsables de tous les maux, chômage, insécurité..., les autres diront qu'heureusement qu'ils sont là pour faire tous les sales travaux dont personne ne veut : la bagarre est assurée.

     - Il n'est pas de bon ton non plus de parler des résultats scolaires si les enfants des convives sont en échec, d'ailleurs à quoi bon le faire puisqu'on s'attirera la même réponse : "mon enfant est intelligent, c'est la maîtresse qui est incapable...."

      - Ne pas dire non plus " vous dites que que vous n'avez jamais le temps, vous êtes pourtant soumis au régime des 35 heures" on vous regardera d'un air courroucé et on vous répondra qu'on travaille beaucoup plus que 35 heures chaque semaine. que seuls les fonctionnaires... ( on connaît la chanson qui suit ! )

     -Il ne faut pas parler des musées visités, ni d'art, ni de culture, vous serez l'objet d'une opprobre généralisée : dans un repas de fête, on n'a pas besoin d'"intello"

 De quoi faut-il alors parler ? De tout le reste : les programmes de la télévision, les derniers achats effectués, les résultats de l'équipe de France...

lundi 23 décembre 2013

Rentrer sain et sauf !

Je m'étais juré dans mes articles quotidiens de rester hors des errements quotidiens de l'actualité.

Pourtant je me sens obligé de réagir à cette phrase entendue et concernant le ministre de l'intérieur de retour d'Algérie rentré " sain et sauf ... ce qui est déjà beaucoup ! " 

 Cette soi-disant " blague" est pour moi révélatrice des arrière-pensées qui nous animent et manifeste :
    - Un dédain de tout ce qui ne ressort pas de notre civilisation au nom de la pseudo-supériorité de celle-ci : le monde extérieur ne peut être que désordre et violence !
   - Un regret inconscient de l'époque de la colonisation pendant laquelle l'Algérie était, selon ce qui se disait, sécurisée par les autorités françaises,
   - Un oubli de ces milliers d'algériens qui ont participé au retour de la sécurité dans ce pays lors de la Libération de la France et qui, pour beaucoup, ont, pour cela, donné leur vie.

 Curieusement, sous l'article dénonçant les propos cités ci-dessus, se trouve l'information suivante : " Un homme et une femme ont été tués au cours d'une fusillade à Paris, dans un bar du XIVe arrondissement... par un homme qui leur a tiré dessus à bout portant avant de prendre la fuite"  :

 Je n'oublie pas à cet égard, qu'ayant parcouru une bonne partie du monde, y compris l'Algérie, nous n'avons été agressés qu'une seule fois avec tentative de vol de sac à mains et c'était à Paris ! C'est nous qui ce jour là aurions pu dire : nous sommes rentrés " sain et sauf .. ce qui est déjà beaucoup ! "

 Nous ferions bien  de respecter cette parabole de l' Évangile selon saint Matthieu chapitre 7, versets 3 à 5 : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère : Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. »

 Réglons nos propres problèmes de sécurité avant de dénoncer ceux des autres !

samedi 21 décembre 2013

Quel gâchis !

La plupart de nos contemporains ne cessent de geindre en dénonçant la dégradation de leurs conditions de vie, ils gémissent sur leur pouvoir d'achat qui, selon eux décline de manière vertigineuse à cause de l'augmentation des impôts, de la hausse des prix et de la non-augmentation de leur salaire.

 Pourtant, il existe partout un gâchis qui confine à l'absurde comme en témoigne cette photo.

 Au pied de ce pommier, les pommes tombées se sont accumulées, elles vont pourrir sur place car le propriétaire du terrain ne les ramassera pas, il a enclos sa parcelle, sans doute pour que personne ne les lui vole.

 Pourquoi ne pas ouvrir sa grille et proposer à ceux qui le voudraient de se servir ?

Cette tendance au gâchis de nourriture est générale, il suffit de voir dans les déchèteries les fruits et légumes encore sains que l'on jette dans les bennes, de même à la fin du repas, beaucoup mettent à la poubelle tout ce qui reste dans les plats alors que ces restes pourraient être accommodés pour le lendemain.

 Face à cette profusion, je me remémore ces textes qui décrivent les famines en Lorraine des années 1635-40 à l'époque de la guerre de Trente Ans :

 « Les charognes, les animaux morts d'eux-mêmes, dont, dans d'autres temps, on a horreur, étaient recherchés avec avidité, et regardés comme un grand régal. L'on a trouvé plusieurs corps morts par les champs auxquels l'on avait arraché tout le gras pour manger.  Les fruits sauvages, les racines champêtres, les glands se vendaient communément dans le marché pour la nourriture de l'homme » 

 « La famine fut si extrême, que les hommes se mangeaient l'un l'autre ; le fils mangeait son père, le père son enfant, la mère sa fille ; le voyageur ne dormait pas en sûreté auprès de son compagnon de voyage, craignant qu'il ne l'égorgeât pendant la nuit, pour le manger »  

 Que ces malheureux, nos lointains ancêtres auraient été heureux s'ils avaient pu manger une de ces pommes tombées qui pourrissent ! Que les 14 % d'êtres humains qui souffrent aujourd'hui des disettes périodiques dans le monde le seraient aussi !

Les braves gens. 3


Madame R est ressentie dans le bourg comme une grande bourgeoise hautaine et prétentieuse. Beaucoup furent surpris de la voir au supermarché local ramasser de la nourriture pour les "resto du cœur" : à ceux qui s'étonnèrent,  elle expliqua que, non seulement elle participait aux quêtes, mais aussi qu'elle servait les pauvres dans le local de l'association et que c'était normal de donner de son temps et de s'entraider.

Le jeune S a 11 ans, il rêve d'être jeune pompier volontaire, ses frères et son père y ont été et il lui semble naturel de faire  comme eux. : " Ce que je veux, dit-il, c'est porter secours aux autres, la première fois que je verrai un mort dans un accident de la route, je sais que ce sera dur pour moi, mais je tiendrai le coup, il faudra bien que j'assume". Je le félicitai de son courage. Je viens de le revoir en photo sur le calendrier annuel des pompiers, il avait accompli son rêve.

Madame T a une voisine âgée avec qui elle avait sympathisé, chacun se rendant de menus services. Cette voisine, en vieillissant, devint de plus en plus exigeante, il fallut l'emmener chez le médecin, l'attendre, aller lui chercher les médicaments, lui faire ses courses... cela était pesant et assez difficile à gérer, pourtant Madame T continua jusqu'au bout à assumer ces divers services avec le sourire.

Madame U a accepté de prendre bénévolement  la comptabilité d'une association gérant une structure privée. Au début, ce ne fut que quelques heures par semaine, puis Madame U s'aperçut que cela ne suffisait pas, elle passa tous les jours au siège de l'association, puis amena du travail à la maison. Plus elle en faisait, plus il y en avait à faire, plus aussi les critiques pleuvaient à l'encontre de sa gestion pourtant bénévole : " vous n'avez pas réglé ce problème", " pourquoi prendre cette décision ? On n'est pas d'accord.. " . Quand madame U démissionna, las de toutes ces contrariétés, personne ne la remercia. Je fus très étonné qu'elle ne manifeste aucun ressentiment à l'encontre de ceux qui l'avaient souvent poussée à bout.

Le bon curé V respirait la bonté par tous les pores de sa peau. Il portait une soutane si élimée que ses paroissiens décidèrent de se cotiser pour lui en offrir une nouvelle, ils lui portèrent l'argent, le curé V s'empressa de distribuer cet argent aux indigents et il continua à porter sa vieille soutane. Quelques années plus tard, las de voir leur curé porter secours et réconfort à vélo, qu'il neige ou qu'il vente, les mêmes paroissiens organisèrent une kermesse pour rassembler l'argent nécessaire à l'achat d'une 2cv d'occasion, le curé V ne s'en servit que rarement car la voiture était toujours prêtée à qui en avait besoin, il continua donc de circuler à vélo. Tout ce qu'il accomplissait n'était pas de la simple charité évangélique, c'était  plutôt la manifestation d'une bonté naturelle et spontanée.

Lorsqu'il faut vendre les "brioches de l'amitié", on sollicite toujours monsieur W pour faire du porte à porte car on sait qu'il est est connu dans le bourg et qu'il risque, moins que les autres, de se faire mal recevoir. Il déteste cela, pourtant il accomplit cette tâche de grand cœur car il faut bien que quelqu'un se dévoue pour le faire.

Depuis la mort de sa mère, Monsieur X, passe tous les jours en sortant de son travail chez son père à la fois pour égayer sa solitude et lui faire oublier un instant son chagrin, il lui fait aussi ses courses et accomplit les menues tâches que son père ne peut plus effectuer, il ne rentre chez lui qu'à la nuit tombée et n'a plus guère de loisirs. Il en sera ainsi tant que son père sera en vie.

Le jeune Y, collégien de 6eme fait partie d'un club de solidarité envers les pays pauvres. Le club fait paraître un journal qu'il vend par l'intermédiaire des commerçants de la ville et organise une exposition annuelle afin de sensibiliser les habitants du lieu aux problèmes du Tiers-monde. Le club a gagné assez d'argent pour acheter trois lampes solaires afin d'équiper une école primaire au Mali, de permettre de créer de nouveaux cours en soirée et donc d'éduquer plus d'enfants.

La maison de Monsieur et Madame Z est devenue la  "maison du Bon Dieu" lorsqu'elle accueillit une grande partie de leur famille rapatriée d'Algérie , Monsieur et Madame Z cédèrent même leur chambre pour l' héberger : Madame Z couchait sur un lit pliant à la salle à manger, monsieur Z dormait sur un lit de camping à la cuisine ; quant aux enfants, ils se partageaient les lits qui restaient. Cette situation dura pendant une longue période mais la famille Z ne s'en plaignît jamais même si cette promiscuité leur sembla souvent difficilement supportable.

Tous ces cas sont réels et proviennent de mon entourage immédiat. Ils me permettent de ressentir nettement le dualisme de la nature ontologique  de l'homme dans la société actuelle avec, d'une part une attitude de compassion et de solidarité envers les autres et d'autre part, un individualisme égoïste orienté vers l'instinct de possession. 

Deux possibilités  peuvent alors expliquer ce dualisme : 
  . Soit il existe des différences naturelles entre le "bon"  d'une part, "la brute et le truand"  d'autre part, 
  . Soit qu'il existe en chacun de nous les deux sentiments qui se manifestent selon les circonstances avec une nette différenciation entre l'être humain réel et l'être humain social. 

Je penche évidemment pour la seconde possibilité  et suis convaincu que l'antagonisme "Ange-Démon" provient un peu de la nature réelle de l'homme et beaucoup d'une société qui  possède une propre logique d'évolution s'effectuant  indépendamment et au détriment de la quasi-totalité des êtres humains dans leur quotidienneté. 

Il reste à le montrer ... 

vendredi 20 décembre 2013

..Les braves gens. 2

Madame I se rend une fois par semaine à la maison de retraite afin de rompre la solitude des personnes âgées, seules et impotentes, La plupart du temps, elles est bien accueillie : beaucoup de vieillards attendent sa visite car ils savent bien que c'est la seule, venue de l'extérieur, qu'ils auront. Par contre, certains atteints de maladies dégénératives du cerveau lui crachent des insultes et des insanités ; elle ressort bouleversée de leur chambre. Pourtant, la semaine prochaine, elle reviendra et leur rendra visite. Certes, c'est dur pour elle, mais c'est sa conception de la solidarité.

 Monsieur J est le sauveur des dames seules du quartier, l'une lui demande de cueillir les fruits mûrs de ses arbres, une autre de couper une branche, une troisième de réparer tel ou tel objet, de rechercher ce qui ne va pas dans son installation électrique... Monsieur J est souvent dérangé par des appels téléphoniques de demande d'aide qui se produisent généralement quand il est occupé à un travail nécessitant un suivi, il maugrée parfois mais il se rend toujours en souriant chez la personne qui a besoin de lui, c'est comme ça !

 À la Toussaint dernière, je vis M K, un de mes cousins, sur la tombe de mes parents, je le trouvai vieilli, ayant du mal à se mouvoir, en déposant son pot de chrysanthèmes, il me dit : " je viendrai sur la tombe tant que je pourrai car je voue une grande reconnaissance à tes parents, rappelle-toi, quand j'ai eu de graves problèmes, tout le monde m'a laissé tombé, seuls tes parents m'ont aidé à m'en sortir, je n'oublierai jamais ces gestes de bonté qu'ils m'ont manifestés" comme cette reconnaissance, même au delà de la mort, est rare !

 Madame L est professeur de sciences naturelles, elle pourrait effectuer son enseignement, comme ses collègues, en contentant de ses cours sans en faire plus. Pourtant, elle a d'autres ambitions pour ses élèves : tant que ce fut légalement possible, elle a organisé tous les ans des classes transplantées en bord de mer afin de permettre à ses élèves la découverte du milieu marin in-situ. C'est pour elle un investissement conséquent avec des heures de travail à accomplir ; elle sait que tous ses efforts ne seront pas rétribués et même qu'elle sera critiquée par ses collègues et son administration car elle dérange leurs habitudes, mais elle estime que c'est son devoir et que rien ne la détournera d'effectuer celui-ci. De nombreux enseignants pensent comme elle et pratiquent de même.

 Monsieur M à longtemps côtoyé ma mère dans le cadre des associations caritatives dont ils étaient membres tous les deux, lorsque ma mère partit en maison de repos suite à un accident, il se proposa spontanément d'entretenir sa maison, il vint tous les matins et tous les soirs ouvrir et fermer les volets, balayer la cour si nécessaire et réparer ce qui devait l'être. Quand ma mère prit la décision d'aller en maison de retraite, il continua ce service pendant de longues années. Il habitait à plus de 500 m de la maison et il faisait le trajet tous les jours sans se lasser : il me disait que ça l'obligeait marcher et que, au bout du compte, c'est lui qui devait me remercier !

 Monsieur N eut l'autre jour un accident de moto dans la rue, il tomba sur la chaussée et s'évanouit, quand il se réveilla, il était allongé à même le sol et était entouré d'un groupe compact de gens qui s'étaient spontanément assemblés pour lui porter secours. En un instant, tout s'organisa, les uns firent la circulation pour éviter tout nouvel accident, d'autres allèrent chercher des couvertures car le motard accidenté grelottait, un autre téléphona aux pompiers, une chaîne de solidarité s'établit autour de cet inconnu qu'il fallait aider : ce type de comportement est d'ailleurs habituel en cas d'accident.

 C'est décidé, Madame O ne fera pas Noël chez elle, l'association caritative dont elle s'occupe organise un repas et une veillée de Noël pour tous les démunis de la ville et pour ceux qui sont seuls. Elle préparera le repas tandis que son mari, qu'elle a convaincu de venir avec elle, servira à table... Quelques temps plus tard, je rencontrai Madame O qui me dit que ce fut le plus beau Noël de toute sa vie.

Monsieur P fut, pendant vingt ans, président d'une association. Quand, la lassitude venant, il décida de démissionner, il fut très surpris qu'ensuite, aucun membre de l'association pour qui il s'était dévoué sans compter, ne lui donne de nouvelles. Il éprouva quelques ressentiments à leur égard, puis il comprit que, n'ayant agit ni par intérêt, ni pour obtenir de la reconnaissance, il était normal que l'association ait tourné la page de sa présence. Depuis cette prise de conscience, il n'a pas oublié sa colère mais a pardonné à ceux qui se sont ainsi détournés de lui.

Madame Q a des enfants qui grandissent si vite que les habits, à peine portés, sont déjà trop étriqués, elle pourrait les vendre lors des nombreux vide-greniers organisés dans la région, elle préfère donner ces habits aux "amis d'Emmaüs" cela peut aider les plus nécessiteux à la fois en donnant une occupation à certains et en permettant aux indigents d'acheter à bas-prix des habits pour leurs enfants.

jeudi 19 décembre 2013

.. Les braves gens.1

Dans ce monde où, pour reprendre la phrase de Plaute, "l'homme est un loup pour l'homme", il ne semble y avoir que violence, agressivité et volonté de puissance ; n'existe-t'il pas des "braves gens" au sens le plus noble du terme, des gens qui vivent simplement et qui sont prêts, par esprit de fraternité, de charité et de compassion, à donner aux autres, gratuitement, sans rien attendre en retour, sans même rechercher la satisfaction d'avoir été utile en faisant le bien ?

Il est évident que ces braves gens sont très nombreux et constituent même la grande majorité des humains ; cependant, ce n'est pas eux que l'on remarque : ils dispensent le bien sans le dire, sans s'en vanter, sans en faire état ni dans la rue, ni dans leur famille parce que, pour eux, aider ceux qui sont dans le besoin est si naturel qu'il n'est pas utile d'en parler.

Il ne m'a pas fallu longtemps pour trouver 26 cas pour lesquels  j'ai appliqué, en guise de pseudonymes, les lettres de l'alphabet.

En évoquant tous les braves gens que j'ai côtoyés, de multiples souvenirs me reviennent et parler d'eux est une manière de  leur rendre hommage..

Monsieur A est pompier volontaire, il effectuait un entraînement sportif dans un club, soudain, il entendit un Bip qui l'informa d'une alarme, il s'arrêta net, se rhabilla en quelques secondes et partit comme une fusée. Plus tard, je lui demandai ce qui était arrivé, il me raconta qu'il y avait eu un grave accident ;  je lui demandai si porter ainsi secours aux gens n'était pas dangereux, il me répondit que c'était souvent le cas et me cita l'exemple d'un camarade mort lors d'un incendie de forêt : Pour  Monsieur A, risquer sa vie quand on est pompier, même volontaire, est fréquent mais cela fait partie de son engagement et de son devoir envers les autres.

Madame B rencontre une personne dans la rue que tout le monde fuit car elle expose toutes ses maladies, réelles ou imaginaires. Madame B sait très bien qu'elle risque d'en avoir pour longtemps si elle se prend à prononcer la phrase fatidique : " comment ça va ? " . Pourtant, Madame B prendra le temps de le faire, elle écoutera patiemment la litanie des maladies de cet atrabilaire. Si elle le fait, c'est parce qu'elle sait que cela fait du bien à son interlocutrice et que l'écouter parler, c'est aussi l'aider à assumer ses maux.

Madame C travaille à la Poste, les files d'attente sont souvent importantes et les clients s'impatientent parfois. Pourtant, madame C prend la peine d'écouter ceux-ci : des dialogues de ce type s'instaurent constamment :
  - J'envoie ce colis à mes petits enfants, c'est pour Noël et ils sont loin.
  - combien avez-vous de petits enfants ?
  - trois, je ne les vois pas souvent mais je n'oublie jamais ni leur anniversaire ni leur fête...
Pour Madame C, les gens viennent aussi à la poste pour couper leurs longs moments de solitude et c'est normal qu'on s'intéresse à eux.

Madame D, quand elle fut veuve se mît peu à peu à vouer sa vie aux autres, elle faisait partie de toute sorte d'associations dont le point commun était la solidarité envers les autres et tout particulièrement envers les démunis, les enfants et les personnes âgées ; elle le faisait quasiment de manière anonyme en tentant toujours de ne pas se faire remarquer. À chaque fois qu'elle apprenait qu'une de ses connaissances était souffrante, elle s'empressait d'aller la voir afin de passer quelques heures avec elle en lui apportant le réconfort de son doux sourire. Elle n'était jamais si contente que quand quelqu'un lui souriait pour exprimer ce bonheur qu'elle savait donner. Elle faisait sienne le très beau poème de Raoul Follereau qui commence par ces deux vers d'une extraordinaire humanité :
"Un sourire ne coûte rien et produit beaucoup,
Il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne,"

Monsieur E, très étonné et inquiet de voir les volets de son voisin fermés un matin et ayant les clés de sa maison, alla voir ce qui se passait ;  il trouva son voisin mort au pied de son lit entouré d'excréments, il prit soin de tout nettoyer avant d'appeler les enfants du défunt afin qu'ils ne voient pas leur père dans l'état où il l'avait trouvé. Cet acte sublime fut accompli sans arrière-pensées par respect pour le mort et sans rien en attendre.

Madame F, ancienne institutrice, s'était occupée d'un enfant ayant des problèmes scolaires lorsqu'elle était en exercice, l'enfant fut attristé de la voir partir en retraite, Madame F lui proposa de venir la voir chez elle à chaque fois qu'il avait des difficultés. Quand la mère de cet enfant indiqua à madame F qu'elle ne pourrait pas la payer, cette dernière répondit que cela ne lui était même pas venu à l'idée et que cette proposition d'aide était spontanée sans contrepartie. Beaucoup d'enseignants en retraite participent aux associations d'aide aux devoirs...

Monsieur G est le voisin d'une personne âgée, veuf et seul chez lui, que la caducité a rendu peu à peu handicapé : marchant avec peine et, étant tombé plusieurs fois dans la rue, il n'ose plus sortir,  il subit en outre des pertes importantes de mémoire et ressent de plus en plus douloureusement sa solitude. Monsieur G, à chaque fois qu'il passe devant sa maison, regarde si ses volets sont ouverts, sonne à la porte, demande à son voisin s'il a besoin de pain, c'est l'occasion de parler quelques instants, quand il ramène le pain, monsieur G.. discute à nouveau avec lui, lui racontant les quelques potins qu'il a glanés ici et là, interrompant ainsi sa solitude.

Madame H aime son travail et aime travailler, elle accomplit sa tâche dans un esprit d'efficacité et d'innovation afin de l'adapter aux évolutions techniques et sociétales, elle est rapide et soucieuse de perfection. On pourrait penser qu'elle est particulièrement appréciée de tous, ce n'est pas le cas : installés dans leur conformisme dolent, ses collègues lui reprochent d'en faire trop ;  son supérieur hiérarchique, étonné et ennuyé de ne rien avoir à redire à ses productions, s'estime floué dans son rôle censorial, l'accuse de ne pas le reconnaitre en tant que chef et suppute qu'elle aurait sans doute des visées sur ses propres fonctions : madame H continue, malgré cet environnement antipathique, à faire son travail comme si de rien n'était.

mercredi 18 décembre 2013

..Le TAKA-YAKA .3

Si on prenait une nouvelle fois le temps d'en rire !

 Un YAKA dans la rue ne ressemble t'il pas à ce coq pérorant au milieu des braves gens qu'il subjugue par ses pseudo-analyses ?


mardi 17 décembre 2013

..Le TAKA-YAKA.2

Le YAKA est un TAKA dans sa composante universelle, à cet égard le terme de YAKA est synonyme de celui d'IFAUKE.

 Le YAKA est capable se distribuer ses conseils à tous et à tout moment, il a des solutions pour régler tous les problèmes à tous les niveaux, il délivre ses oracles à ceux qu'il rencontre, il sait ce que devraient faire ses voisins, le maire de la commune, le responsable local de la gendarmerie ou de la police, le président du conseil général tout comme le préfet, les ministres, le président de la République, le secrétaire des Nations-unies et même sans doute Dieu afin de régler les problèmes locaux, nationaux et même ceux de l'humanité toute entière.

 Le problème du YAKA est que sa fatuité est à l'égal de son ignorance, de son incapacité à comprendre les problèmes de son temps et de sa bêtise. Le YAKA va donc construire ses préconisations, non sur une analyse raisonnée des situations, mais à partir de ce qu'il aura glané et compris au vu des débats et journaux de la télévision ou à la lecture superficielle des journaux et autres médias.

 Cela l'amène à formuler des oukases simplistes dont on peut donner ici quelques exemples : .
     - Pour résoudre le chômage, YAKA mettre à la porte les étrangers,
     - Pour supprimer les problèmes d'insécurité et la criminalité, YAKA rétablir la peine de mort, YAKA aussi renvoyer dans leurs pays tous ceux qui troublent la quiétude des citoyens nés dans le pays..
     - YAKA faire payer les riches. .
     - YAKA punir les jeunes dans les écoles quand ils font des bêtises, au moins ils apprendraient le respect.
     - YAKA changer le gouvernement car ils sont tous incapables et ne songent qu'à s'en mettre plein les poches...

 Pour faire taire le YAKA, il y a diverses solutions :
    - s'écarter de lui sous prétexte que l'on a une course urgente à faire. C'est ce que je fais dès qu'un propos raciste est proféré devant moi.
    - lui dire que ce qu'il annonce est faux en assortissant cette affirmation de la phrase suivante : " ce n'est pas moi qui le dit, je n'aurait pas cette prétention, mais j'ai eu l'occasion de lire récemment le livre de XXX (nom d'un auteur) qui a pour titre ZZZ : comme vous, il a analysé la situation dont vous me parlez et est arrivé à une conclusion opposée à la votre", comme on peut être pratiquement sûr que le YAKA n'a pas lu le livre, on peut ainsi lui clouer le bec.
    - pour un YAKA qui vous donne des conseils pratiques que vous ne lui demandez pas, il existe une réponse imparable : " je ne saurai jamais faire ce que vous me dites, si vous en êtes d'accord, vous pourriez passer chez moi et me montrer vos techniques en les pratiquant devant moi, je vous préviens seulement que je suis très maladroit et que j'ai du mal à comprendre mais en vous regardant faire, je pourrai apprendre ... " comme le YAKA est plus doué en parole qu'en acte, il n'insistera plus.
    - autre méthode imparable, dire au YAKA : " vous avez plein d'idée, pourquoi ne vous présentez-vous pas aux élections ?" Il vous répondra qu'il n'a pas le temps, qu'il n'est pas capable...
    - vous pouvez aussi répondre : "savez-vous ce que Platon attribue à Socrate, un des plus grands philosophes grec : tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien, vous devriez méditer cet aphorisme"

 Toutes ces méthodes feront que le YAKA se détournera de vous, tant mieux,

Le YAKA DANS LA LITTÉRATURE
 Dans les caractères de THEOPHRASTE, grec mort en 287 av Jésus-Christ, on trouve cette description : " Le phraseur est du genre à dire à la personne qu'il rencontre -- et peu importe ce que celle-ci lui dit -- : "ça, ça ne signifie rien; mais moi, je sais tout, et si tu m'écoutes, tu vas en apprendre !"... il enchaîne : "tout de même, comme c'est utile, de bavarder !" et "tu as vite compris l'affaire, en tout cas !" et "voilà tout un temps que je t'observais pour voir si tu arriverais à la même conclusion que moi !". Et d'imaginer d'autres formules de ce genre, au point de ne pas laisser souffler celui qu'il rencontre"

Le YAKA, comme le TAKA sont bien de tous les temps !

lundi 16 décembre 2013

.. Le TAKA-YAKA.1

Une grande partie de la société humaine se compose de TAKA-YAKA. Bien que je n'en ai pas le talent, j'utiliserai pour le décrire la manière de Montesquieu dans les lettres persanes.

Le TAKA-YAKA dans sa composante TAKA,

C'est une personne proche, un membre du cercle d'amis ou de la famille, il sait tout mieux que les autres, a réponse à tout et dispense ses conseils à tous, même si on ne lui demande rien.

Il est convaincu que son avis est le meilleur et  surtout que ceux qui l'entourent sont ignorants de tout, n'ont aucune expérience et croupissent dans une médiocrité sans se rendre compte de leur infériorité et de leur quasi-stupidité.

Quelques exemples suffiront à démontrer le mécanisme mental qui anime le TAKA. Face à lui, vous essayez de vous faire tout petit car vous êtes las de sa fatuité. Pour l'instant il gesticule au milieu de sa basse-cour qui lui sert de faire-valoir.  Soudain, il vous aperçoit, vous toise de haut en bas, remarque le détail qui semble insoutenable à ses yeux et entame son habituelle péroraison du type : " tu as encore remis cette cravate qui date de Mathusalem, Ce n'est plus la mode, on dirait un vieux ! TAKA aller chez Xxx, ils ont des cravates en solde, je l'assure que tu sera mieux habillé .."

Si on réplique en disant, par exemple, "si je mets cette cravate, c'est qu'elle me va bien, que l'on me l'a offerte et que la personne qui me l'a rapporté d'un de ses voyages est décédée" ou que "la tyrannie de la mode est incompatible avec la liberté de pensée," le TAKA vous lancera un regard empreint tout à la fois de mépris, de colère et de commisération : quelqu'un qui ne suit pas les bienveillantes injonctions du TAKA ne peut être qu'un handicapé de la vie quotidienne !

Le TAKA, dans son omniscience est capable de tout, y compris de réparer une panne par téléphone (TAKA changer l'alimentation du moteur), de soigner par internet (TAKA faire comme moi, va sur le site Xxx, ils ont le médicament qu'il te faut), en un mot de se faire valoir dans une société où le paraitre tient lieu de vérité.

POUR FINIR SUR LE TAKA, UNE CITATION DES LETTRES PERSANES DE MONTESQUIEU (lettre 50)

" Je vois de tous côtés des gens qui parlent sans cesse d'eux-mêmes: leurs conversations sont un miroir qui présente toujours leur impertinente figure; ils vous parleront des moindres choses qui leur sont arrivées, et ils veulent que l'intérêt qu'ils y prennent les grossisse à vos yeux; ils ont tout fait, tout vu, tout dit, tout pensé: ils sont un modèle universel, un sujet de comparaison inépuisable, une source d'exemples qui ne tarit jamais. " 

Finalement, le TAKA est de tous les temps !
Demain je décrirai LE TAYA-YAKA dans sa composante YAKA

dimanche 15 décembre 2013

Vu et entendu dans la rue. 3

SCÈNE 3 : TOUJOURS SUR LE TROTTOIR
Mon trottoir est couvert de feuilles mortes que la pluie rend glissant ! Je le sais bien mais il est hors de question que je  nettoie, ils n'ont qu'à le faire, on paie assez d'impôts pour cela.. 

Vous dites que c'est aux riverains à balayer la partie de trottoir qui se trouve devant chez soi ? C'est hors de question ! Je ne vais quand même pas ramasser les feuilles des arbres des voisins que le vent accumule devant ma maison. 

Si les autres râlent parce que mon trottoir est dangereux, ils n'ont qu'à passer ailleurs.

SCÈNE 4 : ENCORE SUR LE TROTTOIR
Vous me dites que le caniveau qui se trouve devant chez vous est bouché par les feuilles mortes, par la saleté qui s'y accumule et par l'herbe folle qui en profite pour pousser sur ces immondices ? 

On en est bien conscient mais on est débordé de travail, nous les agents communaux ; en plus,  nous n'avons pas d'outillage, il faut que l'on fasse tout avec la pioche et le balai.. 

Si vous n'êtes pas content, vous n'avez qu'à balayer vous-même. Allez-voir le maire afin qu'il embauche plus de personnel ou qu'il nous achète des machines.

NB : débordé de travail ? J'en doute vu ce que j'ai pu observer : beaucoup de parlottes et de récriminations à l'encontre de la municipalité, la paume de la main sur le balai et un minimum de nettoiement effectif.

SCÈNE 5 : DIALOGUE DEVANT LE SUPERMARCHÉ

- Pardon Monsieur, c'est bien vous qui êtes le gérant de ce magasin ?
- je ne suis pas le gérant, je suis le propriétaire, c'est à moi tout ça : le supermarché, le parking, la station service...
- puis-je vous poser une question : j'ai égaré mon porte-monnaie dans votre magasin, savez-vous si on vous l'a rapporté ?
- comment voulez-vous que je sache, on ne m'informe de ce genre de détails, allez vous mes caissières, c'est elles qui s'occupent de ce genre de choses.

Mieux fallait ne pas répondre ! Si je l'avais fait je lui aurais répliqué en deux phrases :
- pauvre fol présomptueux, tu ne possèdes ton supermarché qu'en viager : dans ton cercueil, tu n'emporteras rien de ce qui fait ton orgueil actuel !
- pauvre ignorant sans vocabulaire, apprends donc que les mots "gérant et propriétaire" sont des concepts différents qui ne veulent pas dire la même chose
.

samedi 14 décembre 2013

Vu et entendu dans la rue. 2

PRENONS LE PARTI D'EN RIRE !


Le maire a planté des fleurs dans les platebandes, elles ont l'air de bien pousser ! La terre doit être bonne : arrête-toi un instant, descend la vitre de la voiture, je vais jetter mon paquet  vide parmi les fleurs, il va peut-être prendre racine et me donner ma ration quotidienne de cigarettes !

Je fais le concours du plus beau pissenlit sauvage de trottoir. Je ne sais pas si je gagnerai car presque tous les habitants participent à ce concours et la concurrence est rude, j'ai trouvé un allié de choix dans le vent qui pousse les feuilles sous le poteau électrique

Vu et entendu dans la rue !

Voici quelques dialogues entendus et  quelques scènes vues dans la rue d'une petite ville presque tranquille ! 
SCENE 1 : DEVANT LA BOULANGERIE
 

    - vous êtes arrêté en plein milieu du passage pour piétons
    - je le sais bien, je n'en ai que pour une minute, le temps d'acheter mon pain
    - vous avez un parking à vingt mètres d'ici !
    - vous m'agacez ! Je vous répète que je n'ai pas le temps d'aller ailleurs, je travaille moi, je ne suis pas comme les retraités qui profitent de la vie.
   - le fait de travailler ne vous donne pas le droit de ne pas respecter les piétons : c'est de l'incivilité
   - incivilité ? Je suis sur que vous en faites bien d'autres ! 

NB : considérer les retraités comme des parasites est habituel.  Et si cette personne était non pas débordée mais tout bonnement paresseuse ?



SCÈNE 2 : SUR LE TROTTOIR



"C'est mon trottoir devant ma maison, c'est ma voiture. Je suis chez moi, je fais ce que je veux, tant pis pour les autres s'ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à passer ailleurs. Je n'ai de compte à endre à personne et je n'ai pas à me justifier devant quiconque" 


vendredi 13 décembre 2013

..De la nature de l'homme contemporain

Ce nouveau volet de mes réflexions sur la nature ontologique de l'homme me conduira aujourd'hui à aborder une étude socio-psychologique de notre société puis à la comparer avec la vision de la société aborigène décrite précédemment.. Selon ce que j'ai pu observer, notre société met en avant trois grands principes de base.

1/ LES TROIS GRANDS PRINCIPES.

LA REVENDICATION EXACERBÉE DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE.
L'être humain actuel estime que tout lui est permis : " je suis libre, je fais ce que je veux"  est une allégation que l'on entend sans cesse. Elle se manifeste de multiples manières :

En premier, on estime assouvir chez soi sa pulsion de liberté sans aucune entrave : on peut faire du bruit si on en a envie, ne pas nettoyer les branches de sa haie qui tombent chez le voisin, empuantir le voisinage par les odeurs nauséabondes de son barbecue jamais nettoyé.... Tout est permis puisqu'on est chez soi, peu importe les autres.

Au nom de sa liberté, on se réserve le droit de n'appliquer que les lois qui nous plaisent ; par contre, on trouve impensable que les autres n'appliquent pas la loi à la lettre : on estime avoir le droit de garer sa voiture n'importe comment, par contre on est prêt à appeler la police et à remuer ciel et terre si on constate qu'une voiture est garée indûment devant chez soi ; on trouve normal que l'on fasse déféquer son chien sur les trottoirs des autres, par contre c'est un scandale et une honte de trouver un excrément de chien devant sa maison. Les exemples de ces comportements libertaires sont innombrables, tout le monde peut  en citer des centaines.

Au titre de la liberté et de la revendication de " je fais ce que je veux", on ne se soucie absolument pas ni de son entourage ni de son environnement : cela se manifeste partout, la nature sert de poubelle, plus rien n'est respecté en particulier ce qui appartient à la collectivité , les tags envahissent l'univers quotidien, les trottoirs ne sont jamais nettoyés même quand ils deviennent dangereux, la vitesse excessive des automobiles dans les agglomérations rend dangereuse toute traversée de la route même sur les passages pour piétons...

A cet égard, l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme : "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi" est devenue obsolète dans les esprits contemporains.  Le seul frein à cette règle du "je fais ce que je veux" est d'être pris en flagrant délit ; même  en ce cas, on estime, avec une totale mauvaise foi, que c'est le gendarme qui a tort et non l'individu pris la main dans le sac.

L'INDIVIDUALISME ÉGOCENTRIQUE
C'est une autre caractéristique de la société humaine actuelle. Au nom de cette revendication individualiste et égoïste, tout le monde se veut "le plus beau, le plus intelligent, le meilleur". À cet égard, il est intéressant d'écouter parler un individu qui a quitté une fonction, la plupart affirmeront haut et clair : " Heureusement que j'étais là pour reprendre les choses en main car mon prédécesseur, en parfait imbécile qu'il était, avait tout laissé aller à vau-l'eau ; maintenant, depuis que je suis parti, la situation s'est à nouveau dégradée car mon successeur est un incapable".

Dans ce cadre, très peu de gens sont capables d'avouer spontanément qu'ils se sont trompés et qu'ils ont tort. Cette humilité n'est pas de mise, il est tellement plus simple de faire retomber sur les autres les fautes que l'on a commises : " on ne m'a pas informé de tous les aspects du problème" : telle est la défense de celui qui, prétendant tout savoir, ne peut commettre d'erreurs puisque, par essence, il est le meilleur : si rien ne va, c'est la faute des autres.

Ce type de réaction s'applique aux relations individuelles mais aussi aux comportements collectifs : si le pays va mal. C'est la faute de l'immigration, de l'Europe, de la Chine, de la Lune... On entend jamais dire : " si rien ne va, c'est de notre faute et il est stupide de s'en prendre aux autres" !

Cet égocentrisme, qui rappelle la volonté de puissance chère à Nietzche, existe aussi, selon celui-ci, quand on éprouve de la compassion pour un autre ou quand on accomplit un acte de charité pour l'autre : si on effectue ce geste, ce n'est pas pour les autres mais pour son propre contentement et la valorisation de son ÉGO.

L'INSTINCT DE POSSESSION
Cette troisième caractéristique est sans doute la plus visible, il faut absolument acquérir  tout ce qu'il est possible de posséder  pour accroître sa richesse et pouvoir, par vanité et fatuité, exposer aux autres tous ses biens.

Rien n'est plus étonnant que d'observer comment celui qui se fait construire une maison individuelle va faire évoluer la parcelle qui entoure sa maison neuve : il grillage d'abord son terrain, marquant ainsi la limite de ses biens afin que l'on sache exactement ce qu'il possède, il achète une cabane de jardin qui prend souvent la forme d'un petit chalet présomptueux, il installe pour ses enfants une balançoire, un poteau de basket et même parfois une petite cabane de jeux, il nivelle le terrain devant sa façade pour stationner sa voiture tant le garage est empli de tous les outils  et placards de rangement qu'il a achetés, puis cédant au démon de la possession, il se fait construire une piscine en plein air qu'il couvre ensuite afin de la chauffer... Finalement, il ne lui reste plus aucune place pour quelques fleurs ou de la pelouse.

Le même instinct de possession s'applique aussi à son épouse qui acquiert des robots ménagers pourvus de tant de fonctions qu'elle n'en utilise qu'une infime partie ; par contre le robot devient un objet de vantardise face à celles qui ne le possèdent pas.

Cet instinct de possession se traduit en général par un sentiment de fierté et  par un " c'est à moi tout ça" triomphal qui écrase dans sa fange le minable qui n'en possède pas tant.

2/ LES DÉVIANCES DE CES GRANDS PRINCIPES COMPORTEMENTAUX

En premier lieu,  la REVENDICATION EXACERBEE DE LA LIBERTÉ devient souvent liberticide : prenons le cas du fumeur ou de l'alcoolique qui proclame : "  je suis libre, donc je fume ou je bois comme j'en ai envie" ;  quelque temps plus tard, le fumeur devient totalement dépendant de la nicotine et l'alcoolique ne peut subsister sans boire : ils sont désormais esclaves de leur addiction et perdent ainsi cette liberté qu'ils revendiquaient avec furie.

Dans ce cas, la revendication de sa liberté est mise au service non de la raison mais à celle des pulsions ; cette idée est source d'une grande partie des maux qui empoisonnent la société : les bagarres, les crimes,  les attaques à mains armées, l'esprit de vendetta, l'obésité...  ressortent en partie de la mise en œuvre de ses pulsions au nom de sa liberté.

L'ÉGOCENTRISME rend superficiel ou même inexistant les relations humaines : deux exemples à ce niveau peuvent être cités :
   - si vous affirmez que vous avez effectué un voyage, votre interlocuteur vous écoute quelques instants puis il vous coupe la parole et vous raconte son propre voyage qu'il a effectué plus loin, plus longtemps et au cours duquel il a vu plus de choses que vous ; après avoir écouté quelques minutes un récit pour vous sans intérêt, vous coupez cours à la conversation.
   - si vous vous plaignez de tels ou tels maux, votre interlocuteur va immédiatement vous rétorquer qu'il est plus malade que vous et vous explique dans le détail tout ce qu'il vient de subir au niveau de sa santé...

Ne parlons pas de tous ceux qui, du haut de leur superbe, vous prodiguent leurs conseils, proclament des oracles, affirment comme intangible tout ce qu'ils énoncent ou qui deviennent agressifs quand on ose les contredire.

L'INSTINCT DE POSSESSION rend les gens malheureux :
     .  si on ressent en soi l'envie irraisonnée d'acheter un objet dont on prétend avoir besoin, et si on ne peut se l'acheter faute de moyens, on développe un sentiment d'insatisfaction et on se met à en vouloir à la terre entière : " c'est la faute des patrons qui ne paient pas assez les ouvriers,  des riches, du gouvernement qui nous assomme avec les impôts...".  Les gens deviennent agressifs et hargneux, critiquant tout ce qui semble faire leur malheur.
     . Si, à l'inverse, on peut acquérir l'objet, on éprouve un certain plaisir pendant quelques temps,  puis on constate que cet objet n'est peut-être pas si nécessaire que cela, on retrouve alors un autre objet à acheter et le cycle ENVIE IRRAISONNÉE,  PLAISIR ÉPHÉMÈRE- ENVIE IRRAISONNÉE  reprendra jusqu'au moment où faute de moyens ou de crédits à la consommation, l'insatisfaction apparaîtra.

À l'inverse, si on indique à tous ceux qui se lamentent sur leur sort qu'on est heureux parce qu'on se contente de ce que l'on a et que l'on éprouve aucune envie, on passe généralement pour un imbécile !

Quel contraste entre la société actuelle et celle des aborigènes !  :
   . L'aborigène n'éprouve pas l'instinct de possession, il prend dans la nature ce dont il a besoin, l'être humain actuel est si assoiffé de possession qu'il s'en rend malheureux.
   . La société aborigène établit une égalité et une complémentarité entre les êtres, l'être humain actuel ne songe qu'à dominer l'autre et à le mépriser par sa suffisance et son appétit de possession.
   . L'aborigène jouit de la liberté dans le cadre de ses croyances, l'être humain actuel revendique tant sa liberté qu'il en devient esclave de ses pulsions.
   . L'aborigène s'insère dans son monde en n'étant qu'une partie de celui-ci, l'EGO de l'homme moderne est si surestimé par lui que plus rien d'autre ne compte que l'affirmation de son moi.

Ces quatre allégations montrent à quel point le monde actuel a perverti l'essence de l'homme.  il conviendra de comprendre comment cela s'est produit et pourquoi.

lundi 9 décembre 2013

..Le temps qu'il fait...

C'est la préoccupation principale de la plupart de nos contemporains, l'objet des innombrables jérémiades et gémissements de la quasi-totalité d'entre-eux  : il fait trop froid, il pleut encore, il neige, il va falloir pelleter pour sortir de chez soi, il fait lourd, il va y avoir des orages, il fait trop chaud... Pour ces gens, il faudrait une température constante de 25°, un ciel bleu sans nuage et surtout pas de pluies !  Chaque fois que le temps n'est pas conforme à cet idéal, l'humeur s'en ressent et l'agressivité accompagne la contrariété.

J'étonne tout le monde en répondant que le temps n'a aucune prise sur moi et que j'aime chaque saison pour ce qu'elle est et pour ce qu'elle apporte. Je  tentais bien autrefois  d'expliquer à ceux qui geignent que le temps qu'ils souhaitent serait une catastrophe puisque sans eau, rien ne pourrait pousser mais cet argument ne convainc personne, seule compte pour les gens cette attitude égocentrique de la recherche exclusive de leur plaisir.

Si le temps n'a aucune prise sur moi, c'est pour deux raisons principales.

En premier lieu, comme le disaient les stoïciens, on ne peut prendre en considération que ce sur quoi on peut agir. Or on ne peut pas agir sur le temps ni sur les phénomènes naturels qui en sont la cause : dans ces conditions à quoi bon se plaindre !  L'homme voudrait dominer le temps comme il essaie de dominer la nature : folle présomption et orgueil démesuré d'un primate qui se voudrait à l'égal d'un démiurge.

Surtout, vouloir un temps toujours égal, ce serait se priver des extraordinaires spectacles qui émanent à chaque moment de la nature et que nos sens sont capables de percevoir :  splendeur du givre qui entoure tout de diamants de glace, sérénité de la nature quand la neige couvre toutes les turpitudes du monde d'un manteau immaculé, exacerbation des couleurs un soir d'orage, spectacle et ambiance apaisante de la pluie qui tombe et emplit le silence, brume cotonneuse du brouillard qui enrobe et masque le pitoyable spectacle des activités humaines, immensité infinie d'un ciel étoilé par une nuit glaciale où tout se fige..

Face aux multiples splendeurs que prodigue la nature, on se sent à la fois immense et minuscule : immense parce qu'on a l'impression d'être à l'égal de ce monde qui nous entoure puisqu'on est capable d'en ressentir la beauté, minuscule car on se sent désarmé et humble devant cette majestueuse splendeur.

Finalement, je plains ces homoncules gémissants qui refusent l'évidence de leur insignifiance.