REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

lundi 29 février 2016

LA GUADELOUPE D’ALI TUR (12) L'église de Morne à l'Eau

L’EGLISE SAINT ANDRÉ DE MORNE À L’EAU (suite)

La structure interne de l'église de Morne à l’Eau est parfaitement lisible de l’extérieur comme le montre la photo ci-dessous qui représente la façade latérale et sur laquelle sont notées les composantes de l’élévation.


A l'arrière, s’élève le clocher dont l’architecture est organisée à partir des mêmes formes parallélépipèdes que celles observées au niveau de l’hôtel de ville de Grand Bourg avec une haute tour ornée des motifs habituels en croix de saint André, surmontée d’un petit kiosque enserrant les cloches et enfin de petits auvents portant la croix.

La façade occidentale, précédée d’un haut escalier, est particulièrement visible de loin. Pour la concevoir, Ali Tur dût tenir compte de la différence de hauteur entre la nef et les bas-côtés. Ce qui le conduisit à l'organiser selon trois niveaux :
   . Le niveau supérieur est celui qui correspond à la nef. Il est surmonté d’un fronton correspondant à la pente du toit. Ce  mur de façade, même orné de deux  rangées de claustras qui dispensent de la lumière à la nef est, selon moi,  trop massif, ce qui le rend disharmonieux.
   . En dessous, un niveau de claustras correspond aux bas-côtés et à la tribune de la nef.
   . Enfin, au niveau de la dernière volée d’escaliers, est construit un portique en avant des trois  portes d’entrée

En ce qui me concerne, je trouve que cette église est beaucoup plus belle vue de l’intérieur que de l’extérieur ce qui était d’ailleurs le cas dans la plupart des églises et en particulier dans les églises médiévales.

dimanche 28 février 2016

LA GUADELOUPE D’ALI TUR (11) L'église de Morne à l'Eau

L’EGLISE SAINT ANDRÉ DE MORNE À L’EAU

L'église saint André de Morne à l’eau est un des premiers édifices construits par Ali Tur en Guadeloupe. Elle présente une organisation assez différente de celle de Baie Mahault. Pour en comprendre l’architecture, il est nécessaire de considérer d’abord la structure intérieure qui est la plus significative car elle explique les formes extérieures.

L’ossature de la nef comporte de hautes colonnes circulaires qui s’élèvent d’un seul jet du sol jusqu'à un haut caisson de faîte pourvu de fenêtres rectangulaires dispensant la  lumière et permettant la ventilation de l’église. Ce haut caisson porte le plafond dans lequel sont ciselés deux longues bandes de croix de saint André et deux motifs centraux.

Entre ces colonnes se trouvent des murs pleins pourvus de fenêtres hautes. Autrefois, ces intervalles comportaient de grandes fenêtres de vitrail.

Au tiers de la hauteur des colonnes se trouve une grosse poutre horizontale de béton servant à la fois à relier les colonnes afin de renforcer la structure et de porter le plafond dallé du bas-côté.

Ainsi apparaît nettement la structure interne de l’église qui comporte un assemblage de colonnes verticales et de poutres de liaison horizontales portant, pour l’une le bas-côté et pour l’autre le plafond.

Dans cette église existe un contraste surprenant entre la hauteur de la nef et celle, beaucoup plus basse, du bas-côté ; cette dissymétrie aura de l’importance au niveau de l'élévation de la façade occidentale.

A la différence de l’église de Baie Mahault qui ne comporte qu’un chevet plat, l’église Saint André se termine à l’est par une abside pentagonale ;  cette abside est composée selon le même schéma que la nef avec des colonnes rondes moins hautes que celles de la nef se terminant par un plafond orné de motifs colorés.

Comme dans l’église de Baie Mahault, l’assemblage géométrique de poutrelles de béton pourrait être ressenti comme austère si les murs séparant les colonnes de l’abside n’étaient pas colorés, cela fait que les regards se tournent en priorité vers l’autel.

A suivre...

samedi 20 février 2016

LA GUADELOUPE D’ALI TUR (10) : l'église de Baie Mahault

L’EGLISE SAINT JEAN BAPTISTE DE BAIE MAHAULT (suite)

La façade latérale reproduit exactement l’architecture de la façade principale :
     . Le mur extérieur du bas-côté comporte de hautes et étroites baies  pourvues de persiennes rouges,
     . Au dessus, dans l’alignement des hautes persiennes rouges, le mur de la nef est percé de fenêtres à claustras.

Les deux niveaux sont surmontés d’une corniche qui souligne les formes.

Sur cette façade, on peut voir aussi la dissymétrie dans l'élévation des étages comme il en existe dans les autres constructions d’Ali Tur ; elle sert ici à la différenciation entre la nef et les bas-côtés.

L’intérieur de l’église montre, quasiment à nu, l’ossature de poutrelles de béton armé.


La nef est surmontée de poutres de béton imitant le bois et portant la toiture. De part et d’autre, la partie supérieure des murs comporte les claustras déjà mentionnées  lors de la description de la façade latérale. Ce mur est porté par de gros piliers carrés qui constituent les travées.

Les bas-côtés sont structurés par une arcature de béton en forme de Π (Pi grec) prenant appui sur les piliers de la nef et sur ceux accolés au mur interne du bas-côté.



Cette structure géométrique et un peu rigide se conjugue avec la recherche de parties colorées qui humanisent et équilibrent  les formes :
   . On retrouve les grandes baies à persiennes rouges qui encadrent des bas-reliefs représentant les étapes du chemin de croix,
   . Le mur plat du chevet est couvert d’un panneau rouge sur lequel se trouve un ensemble décoratif à redents qui rappelle la structure de la façade.
   . Enfin, les croix de saint André des hautes claustras de la nef laissent passer la lumière, ce qui illumine les murs blancs de taches lumineuses changeantes au gré de l’heure.

Grâce à ces touches de couleurs et de lumière, on ressent à la visite de l’église une étrange impression de bien-être propice à la ferveur religieuse.

vendredi 19 février 2016

LA GUADELOUPE D’ALI TUR (9) L´église de Baie Mahault

L’EGLISE SAINT JEAN BAPTISTE DE BAIE MAHAULT

Selon ce que j’ai pu constater en visitant la Guadeloupe, ce sont dans les églises qu’Ali Tur effectue ses œuvres d’art majeures : à la différence de ce qu’il concevait pour les bâtiments publics dont la structure lui était plus ou moins imposée, la reconstruction des églises lui permit de donner libre cours à son imagination, au foisonnement de sa pensée esthétique ainsi qu’à sa créativité dans la recherche de conceptions architecturales nouvelles ; c’est dans ces églises que se révèle véritablement son génie.

Les  églises  construites par Ali-Tur sont toutes différentes et toutes originales ; cependant, elles possèdent toutes des caractéristiques communes qui font que l’on reconnaît au premier coup d’oeil le « style » de l’architecte lorsqu’on visite les bourgs de la Guadeloupe. Ces caractéristiques sont certes semblables à celles que l’on peut observer dans les édifices civils,  ossature de béton, formes épurées quasiment géométriques, fenêtres à claustras, colonnes et piliers simples, maîtrise des flux d’air... mais elles sont utilisées de manière différente dans les églises afin de les adapter aux fins cultuelles de l’édifice ;  ainsi les colonnades qui caractérisent les façades extérieures des bâtiments publics seront utilisées dans l’intérieur des églises  pour séparer la nef et les bas-côtés.

A cela, il convient d’ajouter une caractéristique particulière de ce type d’édifice  : la rigueur de la composition qui fait, par exemple, correspondre exactement la forme de la façade et celle la structure intérieure,  n’empêche pas une recherche de tout ce qui peut conduire les fidèles à se sentir bien dans ces églises et à ressentir en soi un profond sentiment religieux qui mène à Dieu ; autant l’extérieur est sobre et traité avec rigueur, autant l’intérieur est chaleureusement humain.

L’église Saint Jean Baptiste de BAIE MAHAULT est un exemple significatif de l’art d’Ali Tur dans le domaine religieux.

La façade occidentale montre une grande rigueur et une parfaite lisibilité, elle est basée sur une juxtaposition de formes rectangulaires soulignées par des corniches ; ces formes qui se retrouvent exactement dans la structure intérieure, sont établies en escalier :
    . Les deux plus basses correspondent aux bas-côtés, elles ne comportent chacune qu’une seule porte ornementée par une double moulure orange qui se suit à la base de  toute la façade.
    . Au dessus, s’élèvent deux pans de murs dont on ne voit que la partie haute sans aucune décoration.
    . Les deux derniers niveaux constituent un clocher à redents.

La partie centrale de la façade est la seule qui soit décorée : de bas en haut, se trouvent :
   . La porte donnant sur la nef encadrée de deux claustras à motifs cruciformes destinées autant à l’aération de l’église qu’à sa décoration.
   . Au dessus de la porte, un auvent est surmonté par un pseudo fronton constitué par la terminaison des claustras du clocher.
   . La partie haute en avancée se décompose en trois piliers qui portent les niches soutenant  les cloches. Chacun de ces piliers comporte en son centre une baie à claustra haute et étroite ornée de croix de saint André.

La façade occidentale de l’église de Baie Mahault aurait semblé déséquilibrée au niveau de sa décoration si Ali Tur n’avait pas construit de part et d’autre de la partie centrale deux tours circulaires qui forment transition entre la partie centrale et les murs latéraux à peine décorés. Ces deux tours qui soulignent et encadrent la partie centrale en équilibrant la composition, n’ont cependant pas qu'une fonction décorative, en effet, elles correspondent aux escaliers en colimaçon qui donnent accès à la tribune.

A suivre...

jeudi 18 février 2016

LA GUADELOUPE D’ALI TUR (8) L'hôtel de ville de Grand Bourg

QUATRE EXEMPLES D’HÔTELS DE VILLE (suite)
GRAND BOURG (Marie Galante)


On retrouve sur partie centrale de la façade de l’hôtel de ville de GRAND BOURG une organisation semblable à celle de Sainte Rose avec :
   . La même différenciation qu’à Sainte Rose  entre les deux niveaux : le premier niveau comporte un mur plein ouvert par trois portes cintrées entre lesquelles se trouvent de petites baies hautes et étroites, le second niveau, légèrement moins haut, est formé d’une galerie précédée d’un portique à colonnes et surmontée de l’habituel entablement à corniches.
   . Une même structuration des lignes horizontales (bande grise à la base, ligne des balcons à la base du portique, entablement et corniche de faîte) et  verticales  (la petite fenêtre qui se trouve entre les portes cintrées est  à l’alignement de l’entre-colonnement du portique, les balcons sont dans l’alignement des portes cintrées et des espaces entre les colonnes doubles)
   . Enfin, la structure ternaire est représentée ici par la présence de  deux tours latérales qui ressemblent à des clochers. Ces tours sont formées par un parallélépipède terminé par une galerie et surmonté d’un kiosque ajouré. Ce type de tours est également utilisé par Ali Tur lors de la reconstruction des clochers d’église.

Le « style Ali-Tur » transparaît dans les deux hôtels de ville décrits précédemment ; cependant,  il convient de remarquer que l’architecte a su aussi utiliser les éléments caractéristiques de l’architecture coloniale avec des façades précédées d’élévations à  double portique. Ce sera, par exemple le cas pour les mairies de Pointe Noire (à droite) et d’Anse Bertrand (à gauche)


mercredi 17 février 2016

LA GUADELOUPE D’ALI TUR (7) l’hôtel de ville de Sainte Rose

QUATRE EXEMPLES D’HÔTELS DE VILLE :
SAINTE ROSE


La façade de l’hôtel de ville de Sainte Rose présente à première vue  un contraste frappant entre le premier et le second niveau : autant le rez-de-chaussée paraît massif, ne comportant qu’une porte centrale encadrée par quatre fenêtres cintrées, autant le premier étage s’organise en formes plus élaborées  et structurées : portique à double colonnes rouges surmonté d’un fin entablement également de couleur rouge.

Cette première impression n’est qu’une simple apparence : en réalité la structure de cette mairie est organisée selon les principes chers à Ali Tur :

Il apparait d’abord la dissymétrie entre les étages, le premier niveau est beaucoup plus haut que le second, cette différence réelle est encore accentuée par l’effet de perspective.

Ensuite, sur cette façade est conservé le rythme ternaire habituel aux édifices construits par Ali Tur :
   . La partie centrale comporte au niveau du rez-de-chaussée une légère avancée encadrant la porte ; au-dessus, en arrière de la galerie,  se trouve une large ouverture à trois baies. Cette partie centrale correspond au hall d’entrée comportant l’escalier et au palier de l’étage ; une telle organisation se retrouve dans nombre de maisons coloniales.
  . De part et d’autre, se trouvent les deux corps latéraux correspondant aux salles qui s’ouvrent sur le hall du rez-de-chaussée et sur le palier. Ces salles sont surmontées d’un étage bas  supplémentaire et comporte les petites fenêtres permettant l’aération, cet étage est souligné par la corniche rouge qui le domine ; au dessus se trouve la terrasse.

Enfin, il apparait une stricte symétrie dans cette construction :
   . Horizontalement, La façade est rythmée successivement par l’entablement rouge puis par la balustrade reposant sur une moulure  et enfin par une bande peinte en rouge au niveau de la base.
   . Verticalement, apparait un alignement entre les colonnes doubles de l’étage et les pilastres qui se trouvent au niveau du rez-de-chaussée. De même, les fenêtres des deux niveaux sont alignées même s’il n’y parait pas du fait de l’illusion d’optique.

Une organisation semblable à l’architecture de l’Hôtel de ville de Sainte Rose  sera retrouvée au LAMENTIN que je traiterai à part car, dans ce bourg, Ali-Tur fit non seulement oeuvre d’architecte mais aussi d’urbaniste.

A suivre..

lundi 15 février 2016

LA GUADELOUPE D'ALI TUR (6) , Basse Terre

LE PALAIS DE JUSTICE suite

Le plan d’ensemble du palais de justice, dessiné à partir de  la photo aérienne, montre la composition qui fut réalisée par Ali Tur :


Au centre (1) se trouve un corps de bâtiment de forme carrée qui s’incurve face au croisement de la rue pour constituer l’entrée principale, celle-ci consiste en un portique courbe qui comporte une triple  colonnade (extérieure, intermédiaire et intérieure donnant sur un  patio).  Au niveau de ces colonnades, on retrouve les habituelles formes architecturales utilisées par Ali-Tur : colonnes rondes sans base ni chapiteaux, entablement entouré de deux corniches qui le mettent en valeur.

Ce vaste péristyle à colonnes  ne donne pas sur un  hall mais sur un charmant patio à colonnes (2)  qui sert de salle des pas perdus et aussi d’accès aux deux tribunaux. Ce patio tranche singulièrement par sa beauté et son harmonie avec les salles des pas perdus sombres et inquiétantes des tribunaux métropolitains. Au centre du patio, se trouve un massif floral pourvu  de fontaines rafraîchissantes.

En avant de cette entrée centrale  se trouve un assemblage de terrasses dénivelées, d’escaliers de liaison et de petits espaces verts  (3) qui donnent  à la colonnade la monumentalité souhaitée.

 De part et d’autre de la structure centrale, se trouvent deux bâtiments en équerre l’un par rapport à l’autre imbriqués dans la forme carrée centrale. chacun est organisé de la même manière avec une grande salle d’audience (4) et des bureaux. (5) ce qui juxtapose deux formes emboîtées comme on peut l’apercevoir sur la reproduction ci-contre.

La salle d’audience comporte de bas en haut :
     . un soubassement qui correspond à la forme  de l'escalier et de ses paliers,
     . Le niveau principal, celui de la salle d’audience proprement dit, se décompose en deux parties :
          . Un niveau pourvu d’un portique de colonnes rondes qui se raccorde à la colonnade centrale  et est surmonté d’une terrasse formant auvent.
          . Une partie supérieure comportant des baies ajourées qui permettent de recevoir dans la salle d’audience un éclairage et une aération zénithale.

Les deux bâtiments dans lesquels sont enchâssées les salles d’audience sont de facture beaucoup plus simple avec deux niveaux.

Sur les deux vues de cette façade principale, on peut mesurer à quel point les différents éléments que je viens de décrire séparément se conjuguent parfaitement les uns avec les autres pour constituer un ensemble fonctionnel  et harmonieux répondant avec originalité  à toutes les contraintes qui furent imposées à l’architecte.

On pourrait penser que le soin apporté par Ali Tur  à ces trois bâtiments de prestige que sont le palais du gouverneur, le conseil général et le palais de justice sont spécifiques à la capitale administrative de la Guadeloupe. Il n’en n'est  rien comme le montrent tous les édifices construits par l’architecte dans le reste de l’ile et dont je décrirai quelques exemples.

dimanche 14 février 2016

LA GUADELOUPE D'ALI TUR (5) Basse Terre

LE PALAIS DE JUSTICE

Le palais de justice se trouve situé en face du conseil général, de l’autre côté de l’avenue Felix Eboué qui représente la terminaison de la route provenant de saint Claude. A la différence du conseil général, situé au sommet d’un morne, le palais de justice est construit en contrebas, au niveau du croisement entre l’avenue Felix Eboué et la rue de la République.

La façade du côté du croisement des rues montre à quel point Ali-Tur réussit à juxtaposer harmonieusement les formes longilignes et courbes grâce à l’ossature de béton armé en se jouant des multiples contraintes qui lui sont imposées tant au niveau de l’implantation du bâtiment à construire qu’à celle de la forme de la parcelle et de sa situation mais aussi de l’utilisation qui en sera faite.

En ce qui concerne le palais de justice, l’architecte disposait d’une parcelle rectangulaire sur un des côtés de l'intersection de deux rues établie sur un site de faible dénivellation par rapport à la rue. Le bâtiment devait accueillir les tribunaux d’instance et d’appel, des bureaux y afférent ainsi qu’une salle des pas perdus.

A cela s’ajoutaient aussi deux nécessités que l’architecte s’imposait à lui-même :
     . Construire une façade principale qui posséderait  la monumentalité digne de la fonction régalienne de l’édifice,
     . Utiliser une composition ternaire comportant une symétrie axiale.

Ali Tur sut dépasser toutes ces contingences pour réaliser un ensemble cohérent et harmonieux correspondant au cahier des charges qui lui était imposé.

A suivre..

samedi 13 février 2016

LA GUADELOUPE D'ALI TUR (4) , Basse Terre

LA PRÉFECTURE (suite)



La deuxième différence entre les bâtiments de la préfecture et du  conseil général réside dans le fait que la préfecture comporte un étage avec du bas en haut :
   . Le portique du rez-de-chaussée précédant la galerie construite en avant de la façade proprement dite,
   .  Une double corniche en avancée encadrant un entablement ajouré et permettant le passage de l’air. Cet entablement s’interrompt au surplomb des colonnes avec un mur plein qui rappelle les colonnettes de l’architecture classique et organise verticalement l’espace.
   . Une balustrade comportant une alternance de piédestaux construits dans le  prolongement des colonnes du portique et de  balustres aux murs pleins dans lesquels se trouvent enchâssés des bacs à fleurs.
   . En net retrait, se trouve la colonnade de l'étage formant galerie, elle est surmontée d’un toit à terrasse en avancée.

Cette élévation de la façade présente une caractéristique que l’on retrouve dans beaucoup de bâtiments construits par Ali Tur :  la dissymétrie de hauteur des étages, le rez-de-chaussée étant plus élevé que l’étage. Cette particularité est intentionnelle puisqu’elle se trouve dans nombre d’autres bâtiments, elle est encore beaucoup plus accentuée sur la façade de la préfecture à cause du fait qu'il se produit une double illusion d’optique : d’abord, cette façade n’est vue globalement qu’en contrebas, ensuite, la colonnade de l’étage est nettement plus en retrait que celle du rez-de chaussée.  Cela accentue encore la dissymétrie effective.

Le bâtiment courbe qui forme liaison entre la façade côté cour et la façade côté jardin s’intègre harmonieusement dans l’ensemble ; on en retrouve les caractéristiques générales du style d’Ali-Tur avec une haute balustrade, des colonnes surmontées des avancées de toit...


jeudi 11 février 2016

LA GUADELOUPE D'ALI TUR (3) , Basse Terre

LA PRÉFECTURE

La vue aérienne montre que, comme le conseil général,  la préfecture de Guadeloupe est construite sur un morne qui descend en pente en direçtion de la mer. Cette caractéristique fut utilisée avec bonheur  par  Ali-Tur lorsqu’il reconstruisit l’édifice.
     - Sur la pente, il aménagea un parc à l’anglaise descendant vers la rue de Lardenoy ; la partie supérieure de ce parc comporte un bassin demi-circulaire encadré par les escaliers qui mènent à la façade côté jardin.
     - Cette façade trône magnifiquement au sommet du morne, ce qui renforce la monumentalité du bâtiment en créant une magnifique perspective en particulier vue du contrebas.
     - La façade du côté de la cour est beaucoup plus conventionnelle, elle comporte un bâtiment en forme de U avec un corps central en avancée.

La façade côté jardin, de loin la plus intéressante, est construite selon les mêmes formes de base que le conseil général : portique composé de colonnes rondes, terrasse en avancée surplombant  le portique et formant auvent, structuration par les poutrelles de béton, mince entablement...

Au delà de ces  similitudes, il existe entre le bâtiment du conseil général et la préfecture deux différences importantes à la fois au niveau de l’élévation qu’à celui de l’organisation spatiale de la façade, ce qui témoigne de la faculté de renouvellement de l’architecte.

Au niveau de l’organisation spatiale de la façade, on retrouve la symétrie axiale existant dans le bâtiment du conseil général mais ici, elle est  décomposée  en cinq corps de bâtiments :
     - Le corps central est composé d’une rotonde donnant sur un vaste hall d’accueil circulaire. Il est entouré d’un portique courbe. Ce portique est particulièrement bien mis en valeur par deux faits :  il surmonte le bassin et l’escalier monumental du parc et il comporte deux colonnes accolées au lieu d’une comme dans tout le reste de l’édifice.
     - De part et d’autre de cette rotonde,  se trouvent deux corps latéraux comportant des galeries à une seule colonne.
     - Ces deux corps latéraux se terminent par deux pavillons courbes qui servent d’entrée vers la cour et forment transition avec les façades latérales.

C’est dans cette alternance des formes courbes et longilignes que se trouve l’originalité de l’organisation spatiale voulue par Ali Tur pour le palais du gouverneur devenu préfecture.

A suivre...


mercredi 10 février 2016

LA GUADELOUPE D'ALI TUR (2) , Basse Terre

LES CONSTRUCTIONS D'ALI TUR À BASSE TERRE.

Trois d'entre elles sont de grand intérêt et montrent les principaux thèmes architecturaux d'Ali-Tur : le conseil général, le palais de justice et la préfecture

Le CONSEIL GÉNÉRAL


La vue générale le montre bien, le conseil général est construit sur un morne précédé d'une assez forte pente, cette disposition augmente la monumentalité de la facade du côté jardin.  En avant de celle-ci est construit un escalier ainsi qu'un bassin pourvu d'un jet d'eau.

L'étude de la façade du conseil général permet de dégager deux caractéristiques principales que l'on retrouve dans la plupart des bâtiments construits par Ali-Tur :

D'abord au niveau de l'organisation de la façade :
 - l'architecture est ternaire avec un corps central monumental en avancée,  deux corps intermédiaires servant de transition avec deux corps latéraux en retrait et plus bas. Les corps intermédiaires mettent en valeur de manière spectaculaire le corps central. ils comportent des niches dans lesquelles sont installées deux statues de guadeloupéennes.
   - la construction à base de poutrelles de béton et de terrasses crée, dans cet édifice, des formes géométriques parallélépipédiques qui semblent s'emboîter les unes dans les autres.

Ensuite au niveau de son élévation ; en effet, la façade comporte :
      - De hautes colonnes de béton sans chapiteaux, formant portique en avant du mur de l'édifice ; derrière la colonnade se trouve une galerie ouverte sur de grandes baies protégées par des brises-lumière en béton formant des lames,  tamisant la lumière et apportant un peu de fraîcheur. Au niveau du corps central, les colonnes sont renforcées par de gros piliers.
     - Des terrasses en avancée au dessus du portique, elles forment une sorte d'auvent protégeant à la fois de la pluie et du soleil
      - Des entablements surmontent ces avancées, ils sont assez étroits de manière à ne pas rompre la monumentalité de l'édifice.

On retrouve ici  une architecture de style classique très épurée avec de grandes colonnades. Seul, un détail de cette construction tempère un peu sa sécheresse symétrique :  l'aile de droite se termine en effet par une marquise circulaire en béton qui donne un peu de fantaisie à l'ensemble.

Le corps central donne sur un grand hall qui donne sur la salle de réunion  dont on aperçoit sur la photo la surélévation et sur des bureaux de part et d'autre.

mardi 9 février 2016

LA GUADELOUPE D'ALI TUR (1)

En 1928, un cyclone ravage la Guadeloupe occasionnant de grandes destructions et nécessitant une reconstruction de nombre d'édifices publics. Pour cela, le ministère des colonies dont dépendait la Guadeloupe y envoya l'architecte Ali Tur (1889-1977),

Celui-ci réalisa un ensemble d'édifices dont l'architecture est profondément originale : il utilisa le style art-déco dominant à cette époque en  l'épurant et surtout en l'adaptant aux conditions climatiques. Ainsi écrivait-il « J'ai toujours pris soin d'orienter tous mes bâtiments de manière à ce qu'ils puissent être traversés de part en part par la brise. J'ai pris soin de remplacer les portes, les vitres et même certaines cloisons intérieures par des lames de persiennes orientables. Je construisis autant que le permirent les crédits disponibles, des galeries couvertes ou des auvents pour abriter les façades des rayons du soleil. »

Il en résultat une synthèse architecturale particulièrement harmonieuse que l'on va retrouver dans nombre de villes et bourgades de l'île. Ali Tur et son équipe d'artistes ne se borneront pas à reconstruire des bâtiments publics (préfecture, palais de justice, mairies, marchés, écoles..) ils y ajoutèrent des édifices religieux (églises et presbytère). Il en reste actuellement plus d’une centaine..

Sitôt arrivé en Guadeloupe, Ali Tur parcourut l'île afin d'évaluer les dégâts consécutifs au passage du cyclone puis s'attela à évaluer la quantité de matériaux nécessaires à la reconstruction qu'il remit au gouverneur de la Guadeloupe. Tout était prévu et évalué le plus exactement possible, du ciment aux canalisations, des menuiseries aux appareils sanitaires, des produits d'étanchéité des terrasses au carrelage. Cette méthode un peu curieuse de fonctionner avait pour cause le fait que toutes ces dépenses devaient être financées par les réparations payées par l'Allemagne au titre des dommages de guerre et consécutivement au traité de Versailles de 1919.  En conséquence, la plus grande partie du matériel ayant servi à reconstruire la Guadeloupe provint d'Allemagne.

Le cyclone avait détruit inégalement la Guadeloupe ; dans certains bourgs un ou deux édifices seulement avaient été endommagés, là, les bâtiments reconstruits par Ali Tur sont isolés dans un environnement de maisons coloniales ; par contre, là où les destructions avaient pris une grande ampleur, l'architecte fit œuvre non seulement d'architecte mais aussi d'urbaniste avec recomposition des centres villes autour d'une grande place.

Chaque édifice reconstruit possède sa spécificité, cependant tous ressortent du même style qui résulte de la technique utilisée qui consistait à créer une ossature de béton armé puis  à remplir les intervalles au moyen de parpaings. L'ossature de béton armé se remarque dans toutes les reconstructions et sert de base à l'élévation des murs comme des terrasses. Pour montrer à quel point l'architecture d'Ali-Tur est harmonieusement belle et variée, je prendrai quelques exemples particulièrement significatifs qui me permettront de faire découvrir toutes les facettes de cet artiste prolifique. 

dimanche 7 février 2016

Les WAYANAS (21), amérindiens de Guyane.

L'ÉVOLUTION DU MODE DE VIE DES WAYANAS. (Suite et fin)

Dans les conditions que j'ai décrites dans les articles précédents sur les menaces qui pèsent sur les Wayanas, qu'est-il possible de faire ?

Permettre aux indiens de se défendre par la scolarisation ? Cela a déjà été accompli mais, selon M Hurault, le remède est aussi grave que le mal :
     . D'abord, se pose la question de savoir en quelle langue il faut enseigner, les Wayanas utilisent principalement deux langues uniquement orales, une qui leur est propre, une autre qui est un jargon de diverses origines utilisé dans leur contact avec les Noirs Réfugiés et les créoles. Or l'enseignement est effectué en français, langue qui est basée sur la causalité ; en conséquence, les Wayanas peuvent apprendre du vocabulaire mais ils seront en grande partie incapables de l'utiliser dans une construction mentale de phrases.
   . Il y a si peu d'écoles que la scolarisation implique l'internat, or être interne, c'est se couper de son village et surtout de l'enseignement pratique que les parents dispensent à leurs enfants : á leur retour, les jeunes Wayanas seront coupés de leurs racines, inadaptés à la vie de la forêt, sans rien avoir appris d'utile pour la défense de leur civilisation.

Une autre solution serait de créer une zone protégée à la manière de ce qui s'est produit en Australie qui effectua la rétrocession aux Aborigènes d'une importante partie de leurs terres ancestrales. Pour cela, il faudrait :
    - interdire toute remontée des canots apportant les influences occidentales en particulier de celle des trafiquants, missionnaires et touristes et en ne l'autoriser que pour les équipes médicales itinérantes et la gendarmerie. Il suffirait pour cela d'établir des postes militaires le long des fleuves puisque les fleuves sont le seul moyen de pénétrer dans la région et de surveiller le trafic aérien. Par une telle mesure, on pourrait permettre aux indiens de retrouver leurs racines et d'oublier l'imprégnation restée superficielle des idées occidentales
    - interdire tout exploitation légale et clandestine d'orpaillage afin de permettre à l'écosystème de se régénérer.

Cette politique est cependant plus facile à écrire qu'à accomplir pour au moins trois raisons :
    . D'abord parce que le Litani et le Maroni formant frontière entre la Guyane française et le Surinam, il suffit de passer d'une rive á l'autre pour échapper à tout contrôle que voudrait imposer l'un ou l'autre des deux pays.
    . Ensuite, la forêt est très difficile à surveiller : la lutte contre les orpailleurs clandestins nécessite une surveillance constante et des moyens tels que ce n'est pas envisageable actuellement sauf si les deux pays s'accordent pour mutualiser leurs équipements, ce qui n'est pas le cas.
   . Enfin, il ne faut pas oublier l'impact économique de l'exploitation de l'or aux mains des sociétés multinationales : de 2001 à 2010, 14,2 tonnes d'or ont été extraites en Guyanes ; à cela s'ajoutent les produits de l'orpaillage sauvage.

Dans de telles conditions, il est probable que l'on abandonnera les Wayanas à leur triste sort !

En conclusion, je terminerai par deux citations concernant les blancs et émanant du livre de M Kopenawa

A propos de la pensée des blancs : "leur mémoire est ingénieuse, mais entremêlée de paroles fumeuses et obscures, le chemin de leur pensee est souvent tordu et plein d'épines. Il contemplent longuement des peaux de papier où ils ont dessiné leurs propres paroles, sans suivre leur tracé , leur pensée s'égare, elle demeure pleine d'oubli et ils deviennent alors très ignorants" .

L'image d'OMANA a dit à nos anciens chamans, " vous vivrez dans cette forêt que j'ai créée, mangez les fruits de ses arbres et chassez son gibier, ouvrez vos jardins pour planter des bananiers, de la canne à sucre et du manioc..."  Il ne leur a pas dit "abandonnez la forêt et donnez-là aux blancs pour qu'ils le défriche, creusent son sol et salissent les rivières" 

samedi 6 février 2016

Les WAYANAS (20), amérindiens de Guyane.

L'ÉVOLUTION DU MODE DE VIE DES WAYANAS. (Suite de l'article précédent) 

La destructuration sociale fait que les petits groupes sont désormais beaucoup plus isolés et donc beaucoup plus facilement vulnérables et influençables ; ils subissent alors de plein fouet les influences destructrices de notre civilisation.

Paradoxalement, selon M Hurault, la pratique du salariat au moyen de contrats temporaires de travail est beaucoup moins dangereuse pour la survie de la civilisation indienne que les méfaits des trafiquants pour deux raisons :
     . Ils permettent aux indiens de continuer à exploiter leurs terres et donc de leur permettre de pouvoir encore vivre en autarcie alimentaire.
     . Du fait de leur impulsivité du moment qui induit à des désirs irrépressibles, ils utilisent leur salaire pour acheter le premier objet qui leur fait envie sans avoir pour autant le culte de la possession.

En ce qui concerne l'introduction des modes de vie occidentales que l'on plaque artificiellement sur leur culture, elle est, d'une manière générale, un échec :
     . Les missions implantées en milieu indien ont tenté d'évangéliser leurs populations en essayant de les influencer et de les impressionner mais ils ne réussirent pas à convaincre ; tant qu'elles sont présentes, les indiens acceptent passivement leur enseignement mais sans y croire, ils restent fidèles aux chamans qu'ils redoutent beaucoup plus que les missionnaires.
     . Quant aux tentatives pour faire appliquer les principes républicains aux indiens, il suffit pour y échapper de quitter la rive guyanaise pour gagner le Surinam, ce fut le cas pour le village que j'ai visité qui avait quitté la Guyane française pour se soustraire à la communalisation.

Le danger le plus grave pour la survie des indiens Wayanas est celui de l'orpaillage. En 1990, j'avais pu apercevoir quelques unes des barges qui servaient aux orpailleurs. Il m'avait été expliqué le fonctionnement de la collecte de l'or, un homme équipé d'un scaphandre manie un tuyau relié à un compresseur qui racle le sol au fond de la rivière afin de recueillir le sable et de le remonter sur la barge, . Le sable recueilli est trié, mélangé avec du mercure, l'or se dissout dans le mercure et s'amalgame. Le mélange obtenu est ensuite chauffé, le mercure s'évapore et on peut recueillir l'or pur.

Les deux photos ci-dessus montrent à quel point les orpailleurs vivent dans des conditions très difficiles ; il fallait qu'ils soient bien pauvres chez eux pour accepter de tels conditions de survie !

De plus en plus, les orpailleurs clandestins mais aussi les chantiers d'orpaillage autorisés (qui n'ont cependant plus le droit d'utiliser le mercure depuis 2006) descendent vers le sud en envahissent le territoire Wayana, Ils installent des chantiers sur les rivières et à leurs abords en abattant les arbres pour créer des clairières  et en détournant l'eau des rivières pour exploiter leur lit.

L'écosystème subit une double pollution :
   - dans les boues rejetées lors du triage, et par le fait de la déforestation due aux chantiers établis sur les berges érodant les sols, le mercure naturellement présent dans ces sols est rejeté dans la rivière avec une plus grande concentration (eaux troubles)
   - les vapeurs de mercure polluent l'air et, par le biais des pluies, l'eau et la faune : en effet, le mercure volatile s'oxyde au contact de l'air et devient soluble dans l'eau. Par un système de bio amplification, la teneur en mercure s'accroît tout au long de la chaine alimentaire ( poissons herbivores mangés par les carnassiers)

Les conséquences en sont dramatiques : " une étude menée par l’INVS et l’INSERM3 présente les résultats de l’imprégnation mercurielle chez une population amérindienne. Dans plus de 50 % des cas, les indiens présentent une concentration en mercure supérieure à la valeur recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé, qui est de 10 µg/g dans les cheveux ; leur concentration moyenne de mercure étant égale à 11,4 µg/g (InVS, 1994). Cette imprégnation mercurielle semble résulter de la contamination de la chaîne alimentaire. Les indiens consommant de grandes quantités de poissons et le mercure étant souvent rejeté dans les rivières lors des opérations de pressage,  tout porte à croire que cette pratique est à l’origine de la contamination directe des poissons (bioaccumulation) et indirecte des populations" (source études caribéenne) 

" Le mercure élémentaire et le méthyle mercure sont toxiques pour les systèmes nerveux central et périphérique. L’inhalation de vapeurs de mercure peut avoir des effets nocifs sur les systèmes nerveux, digestif et immunitaire, et sur les poumons et les reins, et peut être fatale. Les sels de mercure inorganique sont corrosifs pour la peau, les yeux et le tractus gastro-intestinal, et peuvent être toxiques pour les reins en cas d’ingestion.

Des troubles neurologiques et comportementaux peuvent être observés après exposition aux différents composés de mercure par inhalation, ingestion ou contact dermique. Les symptômes sont notamment les suivants: tremblements, insomnies, pertes de mémoire, effets neuromusculaires, maux de tête et dysfonctionnements moteurs et cognitifs. On a signalé des répercussions sur les reins, allant de l’augmentation du taux de protéines dans l’urine jusqu’à l’insuffisance rénale. (source OMS)

Ainsi, de ce qui précède, découlent des conséquences dramatiques : les indiens sont menacés non seulement au niveau de leur civilisation mais aussi à celui de leur survie en tant qu'être biologique.

vendredi 5 février 2016

Les WAYANAS (19), amérindiens de Guyane.

L'ÉVOLUTION DU MODE DE VIE DES WAYANAS. Suite

Face à la situation décrite  dans l'article précédent , deux éléments de leur mentalité vont desservir les indiens : l'impulsivité du moment qui les conduit à vouloir assouvir immédiatement leurs désirs ressentis comme irrépressibles et l'absence dans leur esprit du phénomène de causalité.

Ces caractéristiques vont produire des conséquences  catastrophiques lorsque les indiens découvrirent les pratiques occidentales sous la double forme des touristes et des trafiquants :
     . les premiers portent souvent un regard de commisération sur les indiens, achetant à bas prix leurs productions artisanales, leur donnant divers objets qui ont pour conséquence de les habituer à quémander et à dépendre des autres.
     . Les trafiquants sont beaucoup plus dangereux, ils se livrent à un troc éhonté échangeant des produits d'artisanat qu'ils iront vendre ensuite à Cayenne contre de la pacotille et en particulier contre des perles qui, pour les indiens, sont aussi précieuses que l'or chez nous mais surtout contre de l'alcool.

Cette situation devint dramatique pour les indiens qui décidèrent de rapprocher leurs villages  de la manne occidentale. Ils tombèrent rapidement à la merci de l'exploitation des trafiquants ; le troc, alcool contre objets artisanaux, fit que les indiens sombrèrent peu à peu dans la dépendance du tafiat, ils perdirent toute dignité, se mirent à mendier pour assouvir leur addiction  à l'alcool, devinrent apathiques, incapables de réagir du fait de l'absence chez eux de principes de causalité.

Les indiens Wayanas restés dans les villages éloignés ont mieux préservé leur authenticité. Pourtant, ils subissent également l'influence des touristes quand les agences de voyages incluent la visite de leur village dans leurs périples et des  trafiquants (même si ceux-ci n'ont jamais jamais obtenu que les indiens fabriquent des objets en série qui seraient pour eux plus rentables.)

Il s'en suit dans ces villages des influences pernicieuses et néfastes  qui aboutissent à la destructuration de ce qui constituait l'ossature  de la société wayana, l'organisation du principe de parenté :
   . Il se produit d'abord une plus grande mobilité des groupes, le moindre différent dans le village aboutit au départ d'une partie de celui-ci pour aller s'installer ailleurs. Désormais, les villages ne comportent plus, selon M Hurault, qu'une vingtaine de personnes autour de deux générations au mieux.
   . Dans de telles conditions, les mariages endogames deviennent impossibles, on voit se développer les mariages exogames qui alimentent encore plus la disparition de la cohésion des liens de parenté.

A suivre...

mercredi 3 février 2016

Les WAYANAS (18), amérindiens de Guyane.

L'ÉVOLUTION DU MODE DE VIE DES INDIENS WAYANA.

Depuis la seconde moitié du 20e siècle, on remarque un déclin progressif des modes de pensée des indiens Wayanas. Comme je l'ai écrit dans un article précédent, entre les territoires Wayana et la civilisation des créoles et occidentaux, il existait un écran, celui des Noirs réfugiés, eux-mêmes fermés du fait de leur origine, à toutes les influences occidentales. Cet écran se manifestait de deux manières :
   . Les Noirs Réfugiés se réservaient le canotage sur le Maroni, ce qui fait que c'était par leur intermédiaire qu'étaient assurés les échanges entre les indiens du Litani et les occidentaux.
   . En conséquence, les Noirs Réfugiés et les indiens Wayana avaient établi un système commercial basé sur le troc : les indiens échangeaient leurs productions (flèches, vannerie, hamac, chiens dressés pour la chasse...) contre des produits d'importation que les Noirs réfugiés allaient chercher chez les occidentaux (outils en fer, cuvette et vaisselle en fer blanc, canots et perles). Le système fonctionnait par le biais d'associations formées entre un indien et un Noir réfugié, généralement Boni, entre qui s'effectuait le troc. Il n'y avait aucune  tentative de subordination d'un associé sur l'autre, les échanges se produisant dans un respect mutuel des deux partenaires.

Dans de telles conditions, les Wayanas avaient pu conserver intactes leurs coutumes et leurs modes de vie tout en possédant des objets provenant de nos civilisations.

Cette économie de troc existe toujours mais elle s'est beaucoup étiolée du fait de cinq circonstances :
    . La présence d'or dans le haut bassin du Maroni (en particulier à Benzdorp au Surinam) qui a attiré un grand nombre d'orpailleurs venus tenter leur chance dans cette région.
    . La création de MARIPASOULA ; conçue comme un élément d'occidentalisation des populations locales, elle amena ces deux plaies que constituent les touristes et les trafiquants,
  . Le développement des hors-bords qui ont amené les indiens à se déplacer sur le Maroni et de commercer directement avec les marchands créoles en se faisant exploiter par eux avec, en conséquence, disparition progressive du troc avec les Noirs Réfugiés.
   . L'apparition des contrats de travail temporaires contre salaire qui introduit le circuit de l'argent dans cette civilisation qui en était dépourvu avec le risque de voir se développer l'inégalité sociale.
   . Les tentatives pour plaquer artificiellement sur le pays indien les éléments de notre civilisation : évangélisation par des missions implantées sur place et mise en place de la communalisation  par les autorités françaises au nom de l'unicité de la république.

A suivre...

lundi 1 février 2016

Les WAYANAS (17), amérindiens de Guyane.

Le CHAMAN possède par rapport aux indiens ordinaires deux particularités :

     . le chaman possède le pouvoir de voir les YOLOK, d'accéder à leur monde et pour cela de faire sortir son Akwali de son corps et surtout de faire en sorte que les YOLOK deviennent ses auxiliaires.  Cette caractéristique est le fruit de l'enseignement qu'il reçoit du chaman qui lui servit de maître : celui-ci lui retire sur les yeux l'opercule spirituel qui empêche à l'homme ordinaire de voir les esprits, et fixe à son nombril un fil spirituel qui lui permet de rejoindre le premier ciel et de se constituer une " cour" de YOLOK qu'il pourra invoquer quand ce sera nécessaire.

     - l'Akwalinpe du chaman, á la différence de celui des indiens ordinaires, conserve sa conscience, il rejoint le monde des YOLOK est est capable comme eux de nuire aux vivants, c'est ce qui le rend si redoutable. Lorsque le chaman vivant invoque les esprits, il peut s'adresser indifféremment aux YOLOK et á l'AKWALINPE des chamans défunts.

Le rôle du chaman comporte au moins trois facettes principales :
     . Il est capable d'envoyer des maléfices à distance que lui commande un indien voulant se venger d'un autre ; selon les indiens, les meilleurs chamans sont capables de tuer à distance. Pour cela, ils utilisent deux procédés :
            - envoyer un de leurs esprits associés s'installer dans le corps de leur victime,
            - attirer l'akwali de leur victime pour le transpercer de flèches.
Dans les deux cas, l'ennemi est censé mourir subitement. Dans cette perspective, la plupart des décès sont attribués à l'action d'un chaman.
   . Il peut aussi envoyer des contre-maléfices afin de rendre le mal par le mal.
   . Il peut également utiliser les YOLOK qui lui sont associés pour guérir un malade : par des incantations et des gestes sur le corps du malade il tente d'extirper l'esprit qui a causé le mal.

Le chaman effectue ses rites au cours de séances publiques de nuit dans une case spéciale qui est construite pour cela. Il commence par fumer un mélange de tabac et de feuilles qui correspond aux esprits dont il veut la collaboration ; il chante des invocations à ces esprits mais n'utilise pas de poudre hallucinatoire pour entrer en transe ; des bruits de coups de plus en plus faibles signalent que l'akwali du chaman vient de quitter son corps, les spectateurs lancent de petits cris pour garder le contact avec l'akwali du chaman et éviter que, lors de sa descente, il  ne trouve plus son corps. Les yoloks arrivent un à un dans la case, parfois une lutte terrible s'engage avec le yolok responsable du maléfice, parfois aussi, les yoloks associés déclarent ne pas voir quel esprit est entré dans le corps du malade ou refusent le combat.

Tout cela fait que le chaman est un être un peu à part que l'on craint.