REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

dimanche 31 janvier 2016

Les WAYANAS (16), amérindiens de Guyane.

L'AKWALI ET L'AKWALINPE.

L'action du chaman s'effectue selon un système de pensée complexe qui a trait aux conceptions  des Wayana sur les principes spirituels qui régissent les hommes appelés AKWALI et AKWALINPE.

Les indiens Wayana pensent que l'homme vivant possède en lui un principe spirituel, l'AKWALI, qui est le siège de sa conscience et de son savoir. Si l'AKWALI quitte le corps, l'homme meurt ou devient fou et privé de tous les concepts qui caractérisent les hommes.

Les indiens pensent aussi que l'AKWALI se forme dès la conception d'un enfant ; cependant, jusque l'âge de 4 ou 5 ans, il n'est pas encore bien fixé à son corps, ce qui oblige les parents à prendre de grandes précautions, en particulier de ne pas manger un certain nombre d'animaux de peur que l'esprit qui est en ceux-ci se substitue à l'Akwali de l'enfant.

Lors de la mort, l'akwali quitte le corps, remonte vers le ciel, rejoint le monde d'où il est venu et perd toute relation avec l'univers des hommes, cette montée est périlleuse surtout quand l'akwali du mort accède au monde des YOLOK car ceux-ci se délectent de l'Akwali des humains.

On pourrait penser que l'akwali est l'équivalent de l'âme chrétienne ou du culte des ancêtres, ce n'est pas tout à fait le cas, pour deux raisons :
   . d'abord, on ne rend aucun culte à l'akwali des défunts ou des ancêtres puisque celui-ci ne fournit aucune protection à ses descendants.
   . Ensuite, à la différence de l'âme chrétienne, il n'existe pas d'idée de récompense ou de châtiment selon la vie menée.

Le deuxième principe spirituel est celui de l'AKWALIMPE, c'est ce qui reste de l'homme après que l'Akwali a rejoint le ciel.

L'Akwalinpe de l'indien ordinaire est totalement dépourvu de conscience, généralement, il ne nuit pas aux hommes tant que le village est habité et s'il ne fait, c'est de façon arbitraire sans égard ni pour ses parents ni pour ses amis. Il mène une vie élémentaire autour de sa tombe et on ne lui fait aucune offrande ; quand le village est abandonné, l'Akwalinpe devient beaucoup plus dangereux et on ne se rend dans ces anciens villages qu'en prenant de grandes précautions.

Prochain article : le CHAMAN.

samedi 30 janvier 2016

Les WAYANAS (15), amérindiens de Guyane.

L'ANIMISME (suite)

LA NAISSANCE DES ESPRITS est racontée de manière très précise par M Kopenawa :
"Plus tard, OMANA se mit en colère contre son frère Yoasi car ce dernier avait fait surgir dans la forêt les êtres maléfiques des maladies .. ainsi que ceux de l'épidémie xarawa qui sont également des mangeurs de chair humaine... OMANA voulait que les hommes soient immortels... mais il était trop tard... Yoasi ... avait introduit la mort.. dans notre esprit et notre souffle...

C'est pourquoi OMANA a finalement créé les XAPIRI pour que nous puissions nous venger de la mort dont son mauvais frère nous avait affligés, il a créé les esprits de la forêt, les esprits des eaux et les esprits animaux....les esprits mettront en fuite les êtres maléfiques. Ils leur arracheront l'image des malades et la ramèneront dans leur corps"

OMANA enseigna à son fils la manière d'appeler les Xapiri, il prépara la poudre yakoana, son pouvoir révèlant la voie des xapiri, puis il souffla la yakoana dans ses narines avec un tube de palmier. OMANA appela alors les XAPIRI pour la première fois et dit à son fils : " c'est à toi de les faire descendre... Ils viendront à toi pour faire leur danse de présentation et demeureront à tes côtés. .. Notre nuit est leur jour, ils s'amusent et dansent dans la forêt, ils sont très nombreux car ils ne meurent jamais. Ils ressemblent aux êtres humains, ils sont minuscules comme des poussières lumineuses. Seuls les chamans peuvent vraiment les voir. Si on se comporte mal avec eux, ils peuvent se montrer très agressifs et nous tuer. Ils sont valeureux, ils possèdent de lourds massues et des épées avec lesquels ils combattent les esprits maléfiques"

Ce texte témoigne parfaitement de la création des esprits :
     . YOASI crée les esprits maléfiques qui infligent les maladies aux hommes,
     . OMANA, pour défendre les hommes,  créé les XAPIRI et donne aux chamans  la possibilité de les voir et de les appeler.

Chez les Wayanas, existent aussi les mêmes caractéristiques d'ensemble avec :
     . Un monde des esprits appelés du nom générique de YOLOK ; il comprend les esprits de la forêt, les esprits vivant dans le ciel et les esprits des eaux (IPO)
     . Les chamans sont les seuls à être capable d'entrer en contact avec les esprits.

Pourtant, on peut discerner une notable différence entre le monde des esprits des Yanomani et celui des Wayanas : les YOLOK sont tous hostiles aux hommes. Les Wayanas ressentent sans cesse leur présence autour d'eux et les craignent, ils croient les entendre ou les voir dans la forêt ; ils prennent indifféremment l'apparence humaine ou animale, ils peuvent avoir l'aspect d'indiens vivant dans des villages, d'êtres immatériels et d'animaux ainsi que des monstres comme ceux qui sont représentés au sommet du TUKUSIPAN du village que j'ai décrit précédemment. Nul n'est à l'abri de la méchanceté des YOLOK, leurs actions sont totalement arbitraires sans lien avec le comportement des hommes. Dans cette perspective, le rôle du chaman est fondamental puisqu'il est le seul à pouvoir utiliser les YOLOK á son profit.

vendredi 29 janvier 2016

Les WAYANAS (14), amérindiens de Guyane.

L'animisme (suite)

Le MYTHE DE LA CRÉATION DES HOMMES
Selon le récit de M Kopenawa, les Yanomani furent conçus de la manière suivante : " au début, aucun être humain n'habitait encore (dans la forêt). OMANA et son frère YOASI y vivaient seuls. Ils n'avaient pas encore de femmes", les deux frères n'ont connu la première femme... que bien plus tard lorsque OMANA a pêché la fille de Teperesiki dans une grande rivière. .... c'était un être poisson qui s'est laissé capturer sous l'apparence d'une femme," les Yanomami en descendent.

Pour les wayanas plusieurs mythes apparaissent selon les personnes interrogées par M Hurault :
     . Pour les uns, le corps de KOUYOULI se couvrit de plaies en sorte que sa femme le quitta pour rejoindre les hommes, seule sa belle-mère resta auprès de lui, quand le démiurge guérit, il se vengea des hommes et de sa femme et envoya des eaux qui couvrirent la terre, il ne resta qu'un seul survivant qui s'était accroché à un tronc d'arbre, il lui pardonna et créa d'autres hommes (ou ressuscita les noyés), il créa les poissons, les oiseaux, il jeta des plants d'arbres et donna le feu aux hommes,
    . Un autre mythe raconte que les wayanas, n'ayant pas de femmes s'accouplèrent avec des femelles d'animaux, on en trouve mention dans une légende qui raconte que, dans un village, un homme partit à la chasse, quand il revint, il trouva le village désert. Il n'y restait qu'une femelle de tapir apprivoisée ;  tous les autres habitants avaient été entraînés dans les eaux par les esprits IPO. il prit pour femme la femelle du tapir, la rendit enceinte, eut une fille, tua la femelle tapir pour nourrir cette fille. Quand celle-ci fut pubère, il l'a rendit enceinte... Ainsi sont nés les wayanas

Ces mythes wayanas sont assez différents de ceux des Yanomani, pourtant, on y trouve au moins deux convergences : la création d'un monde antérieur à celui des indiens, la naissance des hommes par le démiurge avec accouplement de ceux-ci et d'animaux.

A suivre...

mercredi 27 janvier 2016

Les WAYANAS (13), amérindiens de Guyane.

L'ANIMISME

Il peut être étudié partiellement à partir des écrits de M Hurault, c'est pourquoi il me semble utile de compléter les informations concernant l'animisme des Wayanas avec celui d'un peuple d'Amazonie, les Yanomani, que l'on peut bien connaître grâce aux écrits de M Davi Kopenawa ("l'esprit de feu"  dont on peut trouver de langres extraits sur le site Google Books)

Les Wayanas tout comme les Yanomani fondent leur animisme sur une cosmogonie qui fait apparaître trois mondes successifs, celui des hommes, celui des esprits et enfin celui du démiurge.

Pour les Wayanas, il existe deux ciels superposés :
    . Le plus bas, celui des nuages, est le monde des esprits, les YOLOK, c'est là où ils se reposent.
    . Au-dessus, se trouve un ciel qui comporte le démiurge, KOUYOULI, le soleil et les étoiles.
Quant à la terre elle est considérée comme une île flottant sur un océan dans lequel se trouvent d'autres esprits, les IPO.

On retrouve une organisation cosmologique semblable chez les Yanomani avec les trois mêmes  strates :
    . Un démiurge appelé OMANA accompagné de son frère, YOASI,
    . Un monde dualiste d'esprits, les esprits protecteurs les XAPIRI et les esprits maléfiques,
    . Le monde des hommes.

En ce qui concerne, le MYTHE DE LA CRÉATION DU MONDE, nous disposons de renseignements plus coordonnés sur les croyances des Yanomani grâce au livre de M Kopenawa que sur celles des Wayana pour lesquels il faut, selon M Hurault, se contenter de transmissions orales parfois divergentes.

Les mythes Yanomani tels que les décrit M Kopenawa sont très précis à ce propos, OMANA et son frère YOASI sont venus à l'existence seuls, ils n'ont ni père ni mère,  " avant eux, aux premiers temps seuls existaient les gens que nous appelons Yarori, ces ancêtres étaient des êtres humains dotés de noms d'animaux et qui ne cessaient de se métamorphoser. Ils sont ainsi peu à peu devenus le gibier de la forêt... Ce fut ensuite le tour d'OMANA d'advenir à l'existence et de recréer la forêt car celle-ci était fragile, elle ne cessait de devenir autre jusqu'à ce que finalement le ciel s'effondre sur elle... C'est pourquoi, OMANA a  dû créer une nouvelle forêt plus solide, c'est aussi celui du ciel ancien qui est tombé autrefois. OMANA a fixé l'image de cette nouvelle terre et l'a étendue peu à peu avec soin comme on étale la glaise pour fabriquer une platine de terre cuite. Puis, afin qu'elle ne s'effondre pas, il a planté dans ses profondeurs d'immenses pièces de métal avec lesquelles il a .. fixé les pieds du ciel... Enfin, il a posé les montagnes à la surface de la terre afin qu'elle ne tremble pas sous les vents de la tempête... Il a aussi créé le soleil ainsi que les  nuages et la pluie. "

OMANA a créé aussi les arbres et les plantes en semant sur le sol les noyaux de leurs fruits."  Il a aussi fait jaillir l'eau qui coulait jusqu'alors sous la terre."

Le récit de la création est beaucoup moins bien conservé  dans la mémoire collective des Wayanas ; selon les témoignages recueillis par M Hurault, il exista aussi  un démiurge qui créa les hommes ainsi que leur environnement qu'ils appellent  KOUYOULI dont on ne sait pas s'il est incréé ou non. C'est tout ce qu'il semble rester du mythe créateur. Une fois le monde créé, le démiurge monta au ciel et perdit tout contact avec les hommes en sorte que les Wayanas ne lui rendent aucun culte, seuls comptent pour eux, les relations qui se produisent avec les esprits intermédiaires.

A suivre,,,,

mardi 26 janvier 2016

Les WAYANAS (12), amérindiens de Guyane.

LES MODES DE PENSEE TRADITIONNELLES DES INDIENS WAYANAS suite.

La deuxième  caractéristique est l'absence dans leurs civilisations de nos conceptions morales : M Hurault en donne de nombreux exemples :
     - l'adultère est répandu : si une femme est sollicitée par un soupirant, elle dira oui contre quelques cadeaux et profitera de l'absence de son mari pour céder à son prétendant ; le mari, s'il surprend sa femme avec un amant, entrera dans une violente colère mais généralement, il préfère ne rien savoir.
     - le divorce ne donne pas lieu à des querelles, si l'homme désire se séparer de sa femme, il ira dormir dans une autre case et vice-versa, c'est tout.
     - l'avortement est courant : si la femme est enceinte de son amant, si les jeunes filles ont des aventures avant le mariage, si la femme se juge trop faible pour avoir des enfants...
     - le respect des vieillards, le culte des ancêtres n'existent pas dans leur mode de pensée.

WAYANAS ET OCCIDENTAUX : DES COMPORTEMENTS ANTINOMIQUES

Ainsi, les comportements sociaux tout comme les modes de pensée des Wayanas sont aux antipodes de celles des civilisations occidentales :

    . Le problème du temps ne se pose pas chez les indiens, seul compte pour eux l'instant présent. À l'inverse, pour les occidentaux, le présent n'est ressenti que comme une résultante du passé et comme prémices du futur.

   . Le syndrome de l'heure, si prégnant pour notre civilisation, ne compte pas non plus pour les Wayanas. Nous passons notre vie la montre rivée au poignet, courant sans cesse comme pour conjurer l'implacable et inexorable avance des aiguilles du temps. Cette course contre la montre est doublement frustrante : d'abord, parce que l'on arrive jamais à faire tout ce qu'on voudrait, ensuite,  parce qu'elle brime l'impulsivité qui est en chacun de nous. Rien de tel ne se produit chez les Wayanas, ils se contentent de vivre au rythme de la journée avec un soleil qui se lève et se couche presque toujours à la même heure, avec un temps journalier chaud et moite et toujours semblable.

   . Le phénomène de causalité est pratiquement vide de sens pour les Wayanas alors que c'est un des moteurs de nos modes de pensée ; tout événement possède une cause dans le passé et aura des conséquences dans l'avenir ; les Wayanas ne peuvent appliquer cette contrainte puisque leur passé tout comme leur futur sont absents dans leur mentalité.

   . Le fait d'agir selon l'impulsivité du moment est, selon moi, commun aux Wayanas et aux occidentaux ; il suffit par exemple d'observer ces derniers pendant leurs vacances : ils passent d'une chose à l'autre selon un cheminement sans logique apparente, combien de fois entend-on des réflexions du type : pendant les vacances, je ne me donne aucune contrainte, je me lève quand je veux, je mange quand je veux... Ce comportement ressemble à celui des Wayanas qui agissent aussi selon l'impulsion du moment ; cependant, dans les sociétés occidentales, il ne peut se produire qu'à de rares moments de détente.

   . La notion de la satisfaction du désir et du refus de toute contrainte semble commun aux Wayanas comme aux occidentaux ( surtout depuis la perte de toute valeur morale depuis le milieu du 20e siècle) ; pourtant, cette ressemblance n'est qu'apparence, les Wayanas peuvent agir selon leurs impulsions du moment puisqu'ils n'ont pas d'autres obligations que la satisfaction de leurs besoins physiologiques ; par contre, chez les occidentaux, le désir d'agir selon les impulsions du moment est sans cesse bridé par les multiples contingences de leur vie quotidienne. Le syndrome de l'heure et son corollaire l'obligation d'efficacité à tout prix, la course contre le temps, l'envie de posséder sont, entre autre, les impérieuses obligations qui limitent tout désir de sortir du moule dans lequel on enferme l'être humain de nos pays dit civilisés.

   . Le refus de toute contrainte au nom de son individualisme et le besoin d'assouvir ses désirs sont également communs aux Wayanas et aux occidentaux ; pourtant la mise en application de ces mentalités communes est foncièrement différente de l'un à l'autre.
          - pour les occidentaux, la satisfaction immédiate de leurs désirs est effectué en général au détriment des autres selon un aphorisme du type : " je suis libre de faire ce que je veux, peu n'importe que mes désirs soient réalisés au détriment de la liberté des autres", cette mentalité conduit à une volonté de puissance et de domination qui est un des moteurs de notre civilisation,
          - pour les Wayanas l'aphorisme devient : " je suis libre, je fais ce que je veux mais il ne faut pas que la satisfaction de mes désirs me conduisent à susciter la vindicte des autres qui créera un rapport de force qui me sera très désagréable"

Ainsi, l'analyse effectuée par M Hurault permet de trouver des caractéristiques mentales bien spécifiques des comportements humains antérieures à l'éclosion de nos civilisations industrialisées :
     . Absence de perspectives temporelles tout comme de projection dans l'avenir,
     . Représentation vague des phénomènes de causalité,
     . Détestation de toute contrainte et de tout conflit,
     . Équilibre entre l'impulsivité du désir et les déboires qui pourraient en résulter.

Peut-on alors penser que les wayanas peuvent représenter une illustration du " bon sauvage"  libre et heureux tel que l'avait défini Jean Jacques Rousseau ? Pas tout à fait car cette société, sans loi sociale et sans contraintes, ayant dès rapport sociaux pacifiques et vivant dans un parfaite égalité de fait, n'est pas exempte de règles ; elles émanent de leurs coutumes et de leurs conceptions du monde et vont induire de très nombreux "tabous", eux-mêmes conséquences de l'animisme et du chamanisme qui seront l'objet des prochains chapitres.

lundi 25 janvier 2016

Les WAYANAS (11), amérindiens de Guyane.

LES MODES DE PENSEE TRADITIONNELLES DES INDIENS WAYANAS

La simple visite, même pendant quelques jours, d'un village Wayana ne suffit évidemment pas á comprendre les modes de pensée des Wayanas même si certains traits de ceux-ci transparaissent encore dans la vie quotidienne. J'ai donc utilisé comme source, un très intéressant livre de M Jean Hurault sur les indiens Wayanas afin de trouver une référence à ce que j'ai pu visuellement constater. Selon cet auteur qui écrit dans le dernier tiers du 20eme siècle, les Wayanas, bien qu'ils aient modifié en partie leurs modes de vie sous des influences extérieures, ont conservé la plupart des traits marquants de leurs mentalités.

Parmi les traits marquants de celles-ci, on peut en citer deux  :
     . L'absence de référence à une projection dans le temps ce qui induit un comportement essentiellement subjectif marqué par l'immédiateté et par une vie essentiellement rythmée par les impulsions du moment,
      . L'amoralité au sens d'absence de nos conceptions morales.
 
L'absence de projection dans le temps se marque par divers comportements notés par M Hurault : il n'existe pas de sentiments d'engagement durable : " l'indien promet et s'engage en toute bonne foi, ensuite d'autres impressions le sollicitent et il oublie plus ou moins complètement ou du moins ne retrouve plus le sentiment qui l'avait poussé ; personne ou presque ne fait de projets à plus de 24 heures... " . Comme le disait un explorateur du 19ème siècle, " ils ne piquent d'être l'esclave de personne, pas même de leur parole",

En conséquence de cette absence de vision de l'avenir, l'indien Wayana vit dans l'immédiateté : " un homme, á moins d'être poussé par des nécessités impérieuses, fait rarement deux jours de suite le même travail, dans la même journée, il en entreprend volontiers deux ou trois délaissant l'un reprenant l'autre... Un homme va travailler dans son abattis, prend sa hache, se dirige vers le chemin, puis, arrivé aux limites du village s'arrête revient s'étendre dans son hamac et se met à jouer un air de flûte qui trottait dans sa tête."

Cette vie au jour le jour rythmée par l'impulsivité se remarque dans la vie de tous les jours du village, il suffit d'observer les Wayanas, ils sont assis dans leur hamac, profitant de l'instant présent, vivant placidement, comme au ralenti.

Elle se remarque surtout  dans les manières d'être : M Hurault en donne de nombreux exemples :
     . Les wayanas suivent leurs impulsions sans considérer ce à quoi cette impulsion pourra conduire faute d'esprit critique, de projection dans l'avenir et de référence au passé, ils ignorent le doute et le remords et n'admettre jamais avoir tort, En outre, par le fait qu'ils n'ont pas de vision dans le temps, ils n'établissent pas de relations de cause à effet dans leurs comportements et dans ce qui en résulte. Ils ne tirent donc aucune expérience du passé.

     . Ils n'admettent aucune contrainte, ce qui implique un comportement foncièrement individualiste se refusant à toute règle morale qui pourrait avoir une valeur contraignante ; tout désir doit être satisfait immédiatement.

     . De ce qui précède, on pourrait penser qu'entre les indiens règne "la loi du plus fort" ce n'est pas le cas : de même qu'ils n'admettent aucune contrainte, les Wayanas évitent toutes émotions désagréables, ils ne veulent pas s'attirer d'ennui ni avec les hommes ni avec les esprits de peur des conséquences désagréables qui pourraient en résulter. En conséquence, ils évitent tout conflit et tout ce qui pourrait en provoquer s'ils infligeaient des contraintes aux autres.

   . Ils règlent les conflits par la fuite : si lors de la mort d'un chef, il s'élève une contestation pour sa succession, le groupe qui n'a pas obtenu satisfaction préfère quitter le village et part s'installer ailleurs : Paradoxalement, l'individualisme se conjugue avec des comportements sociaux généralement pacifiques. De même, on ne porte pas de jugement sur les autres, sauf si on s'estime personnellement lésé, par contre, les indiens sont volontiers cancaniers, colportant et amplifiant tous bruit qui court pour en rire.

     . Enfin, cette instaneité á sa contrepartie : " l'émotion, libérée de la revendication... et de toute forme de contrainte connaît un grand épanouissement, chaque geste, chaque parole traduit une intense joie de vivre. Dans le cercle de leur vie familiale, ils témoignent d'une gaité pleine de finesse et d'une affectivité délicate et discrète. Ils savent apprécier la beauté des paysages et de recevoir du contact intime et permanent de la forêt des émotions intenses et colorées."

A suivre,,,

dimanche 24 janvier 2016

Les WAYANAS (10), amérindiens de Guyane.

L'ORGANISATION SOCIALE DU VILLAGE

Le régime matrilocal se conjugue au niveau social par la prééminence des hommes : le père détient l'autorité sur sa famille et participe à l'éducation de ses enfants.

Il existe un  chef du village mais sa fonction n'est plus qu'une survivance du passé guerrier des Wayanas. Il donne son avis, suggère des solutions mais ne les impose pas, d'ailleurs, les indiens Wayanas n'accepteraient qu'on les commande.

Dans cette société, Il n'y a pas d'appropriation des terres tant au niveau du village lui-même qu'à celui du particulier, cela est dû d'abord à la faible densité de la population qui permet de déplacer le village sans que l'on se heurte à un voisin ; de même, les indiens ne sont pas attachés à la terre, elle ne leur sert qu'à se pourvoir en nourriture. La seule appropriation individuelle existante découle du principe que celui qui a défriché une terre la conserve tant qu'il décide de la cultiver. Il arrive que les indiens se groupent en particulier au niveau de la constitution des abattis ; cependant, il ne s'agit pas d'un travail communautaire mais beaucoup plus d'un système du prêté-rendu, il faut que l'autre rende les journées de travail qu'on lui a fournies.

Au niveau de la vie matérielle, la femme est dépendante de son mari, sans qu'existe vraiment de lien de subordination : c'est le mari qui effectue les ventes des objets fabriqués (vannerie par exemple) et qui achète ce dont sa femme a besoin ; hommes et femmes travaillent ensemble à planter l'abattis, mais c'est la femme qui se rend seule à l'abattis pour récolter le manioc.
.
Cette société traditionnelle possédait donc des caractéristiques qui étaient aux antipodes de nos organisations sociales :
     . Des familles élargies organisées par génération alors que nous privilégions la structure familiale au sens étroit du terme.
     . Une famille constituée surtout par référence à l'aïeule commune alors que notre société établit la prédominance de la filiation par l'homme,
     . Une appropriation des terres effectuée temporairement et uniquement pour assurer sa subsistance alors que notre système  implique l'accumulation des richesses.
     . une grande égalité entre les indiens qui découle de l'absence de propriété privée alors que notre société implique l'inégalité de fait au nom de la libre-entreprise.
     . Un lien étroit des indiens à leur environnement qu'ils respectent au nom de leurs croyances animistes tandis que nos civilisations veulent asservir la nature à nos besoins sans souci de sa préservation.

Est-ce alors cette société ante-industrielle que je recherchais pour témoigner de la nature de l'homme ? Pour mieux le mesurer, il peut être intéressant d'étudier les modes de pensée des Wayanas.

samedi 23 janvier 2016

Les WAYANAS (9), amérindiens de Guyane.

Suite de l'article précédent. 

La situation est exactement semblable au niveau d'une fille appelée X dans le tableau : au niveau de la génération N sont utilisés les qualificatifs suivants :
     - FRERES, garçons  issus des mères de la génération précédente,
     - SOEURS, les filles issues des mères de la génération précédente
     - BELLE SOEUR, les filles issues des beaux-pères de la génération précédente,
    - ÉPOUX, les garçons issus des beaux-pères de la génération précédente avec qui elle pourra se marier.

Ce système de matrilignage se conjugue avec un système de patrilignage exactement parrallele avec une organisation semblable pour X, cela donne :
     - N-2 : GRANDS PÈRES
     - N-1 : PÈRES  ET BELLES-MÈRES
     - N : ÉPOUX, BELLES-SŒURS, FRÈRES , SOEURS

L'adjonction de ces deux systèmes conduit à un système mixte complexe basé sur trois idées principales :
     - le matrilignage associé au patrilignage qui se caractérisent par des appellations qualifiant chacun l'un par rapport aux autres,
     - la création de niveaux générationnels sans toutefois que se définissent des classes d'âge spécifiques,
     - des règles strictes concernant le mariage endogame  qui n'est effectué qu'avec ceux ou celles que l'individu appelle époux ou épouse, et qui conduisent à ce que les membres du village vivent en vase-clos.

Pour qu'un tel système fonctionne, il faut que le village comporte au minimum 40 à 60 personnes. Comme ce n'est pas généralement le cas, il est nécessaire de pratiquer le mariage exogame, ce qui a vu l'apparition de  principes dérivés  :
     - Les filles restent dans le village de leur mère,
     - les garçons s'installent dans le village de leurs femmes et aident leurs beaux-pères dans son travail en guise de compensation.

A suivre...

vendredi 22 janvier 2016

Les WAYANAS (8), amérindiens de Guyane.

Suite de l'article précédent

LES LIENS DE PARENTÉ

Le village était traditionnellement structuré autour d'un système de parenté complexe qui était basé sur un double système
     - le matrilignage en tant que groupe de base fondé sur une aïeule commune avec transmission par les femmes. Cependant, il existe parallèlement un patrilignage basé sur l'ancêtre masculin.
     - l'endogamie, le mariage à  l'intérieur de la parenté limité à ce que chacun appelle époux ou épouse
Á la différence de ce que l'on trouve en Afrique noire, aucun culte n'est rendu à l'ancêtre commun qui n'est pas considéré comme le protecteur de sa lignée.

Ce système traditionnel se révèle en particulier dans le qualificatif employé dans la dénomination des membres du lignage.

Voici d'abord l'exemple d'un homme appelé Y dans le cadre du matrilignage :

   . Á la génération N-2, Y appelle toutes les femmes de cette génération GRAND-MÈRE, qu'il s'agisse de sa grand-mère effective ou de sa grand mère classificatoire qui n'est donc pas sa grand-mère véritable au sens où nous l'entendons.

   . Á la génération N-1, Y utilise deux termes pour qualifier les gens de cette génération, enfants des grands mères :
           - les femmes sont toutes qualifiées de MÈRE ,
           - les hommes sont appelés BEAU PÈRE , dont une partie est l'équivalent de nos oncles maternels

   . Á la génération N, apparaissent quatre qualificatifs : Y appellera :
           - SOEURS,  toutes les filles issues des mères de la génération précédente.
           - FRÈRES, Tous les garçons issus des mères de la génération précédente.
           - BEAUX-FRERES, tous les garçons issus des beaux-pères de la génération précédente.
           - ÉPOUSES, toutes les filles issues des beaux-pères de la génération précédente. C'est parmi elles que Y devra choisir une épouse.

A suivre...

jeudi 21 janvier 2016

Les WAYANAS (7), amérindiens de Guyane.

Suite de l'article précédent

LES CULTURES

Á l'inverse des Noirs Réfugiés qui n'hésitent pas à installer leurs abattis loin du village et s'y rendent en pirogue, les indiens Wayanas établissent leurs cultures aux abords immédiats du village en sorte qu'une simple marche de quelques minutes suffit pour les apercevoir.

Pour cultiver le manioc, il est nécessaire de défricher un coin de forêt,  les indiens, tout comme les Noirs Réfugiés commencent à mettre le feu dans ce qu'on appelle l'abattis. Cette pratique sur brûlis est indispensable :  le sol étant délavé, il est pratiquement infertile, il convient donc de l'enrichir grâce à la cendre. Les Wayanas plantent alors le manioc, il suffit de mettre une branche dans le sol pour qu'elle repousse ; de même, comme on le voit sur la photo, sont plantés des arbres fruitiers et des bananiers. Les abattis sont de petite taille, environ 400 m2 par famille.

Au bout de quelques temps, l'abattis devient un fouillis végétal car les arbres repoussent en même temps que le manioc si bien que l'on a du mal à reconnaître le champ cultivé. Après plusieurs années, il est nécessaire de changer d'abattis soit du fait que la terre est devenue infertile,  soit à cause de l'apparition des fourmis manioc ; très vite, la végétation naturelle reprend le dessus et il s'établit une forêt secondaire au sous-bois très abondant dominé par quelques arbres plus grands.

Plus loin encore, la grande forêt se développe avec ses caractéristiques habituelles : grands arbres sempiternels aux feuillages se rejoignant d'un arbre à l'autre, formant une canopée sous laquelle règne une pénombre chaude et moite ; lianes de toutes sortes utilisant l'arbre comme support, soit en s'enroulant autour du tronc, soit en s'agrippant sur le tronc pour s'élever vers la lumière ; plantes épiphytes accrochées aux hautes branches dont les racines pendent presque jusqu'au sol ; sous-bois abondant constitué en particulier par la pousse des fruits des grands arbres tombés au sol ; sol spongieux parcouru par les insectes...

Partout se produit une compétition pour accéder à la lumière, les jeunes arbres tentent de s'élever le plus haut possible. Ils sont le vivier du renouvellement de la forêt ; en effet, lorsqu'un grand arbre meurt, il entraîne dans sa chute d'autres arbres tant leurs branches sont entremêlées, cela constitue une clairière de lumière permettant aux jeunes arbres de se développer.. C'est d'ailleurs dans ces clairières que les Wayanas cultivaient autrefois, à l'époque où ils n'étaient pas établis au bord de l'eau.

Dans ces conditions, la vitalité de la végétation empêche toute construction de routes, seuls des chemins permettent de s'enfoncer dans la forêt ; si on ajoute à ce fait que le fleuve n'est accessible qu'aux canots, on peut mesurer à quel point, les Wayanas sont largement coupés du monde.

Ce milieu de vie, bien que difficile, n'est cependant pas hostile à l'homme du moins si il sait s'adapter à lui sans vouloir singer les modes européennes ; à cet égard, remplacer les toits de palmes par des toits de tôle est une aberration :  alors que les toits anciens formaient écran à la chaleur, les toits de tôle la laissent passer et même surchauffent l'intérieur de la maison.

A suivre...

mardi 19 janvier 2016

Les WAYANAS (6) amérindiens de Guyane.

Suite de l'article précédent

La dernière case est le TUKUSIPAN, la grande case servant aux fêtes et aux cérémonies. Sur le faite intérieur de cette case se trouvent deux objets de grande importance : le disque maluana du plafond et les cages servant au maraké.

Le disque central comporte dès représentations de trois esprits des eaux (ipo) dont il faut se méfier car ils sont particulièrement redoutables :
   . Molokot : un monstre aquatique ayant simultanément des pattes et des nageoires,
  . Kuluwayak : monstre à deux têtes qui autrefois dévorait les indiens,
  . Esprits Tamok : des nains vivant dans la rivière venant de nuit dans les villages s'attaquer aux enfants.

Le second type d'objet qui est conservé dans le TUKUSIPAN sont les cages à MARAKE (Kunana) qui servent à l'épreuve des guêpes et des fourmis. C'est un rite essentiel pour les wayanas qui se produit sur chacun à partir de l'âge de 11-12 ans et qui se renouvelle périodiquement dans la vie (théoriquement jusqu'à huit fois, en réalité quatre au grand maximum). Cette épreuve ne possède pas de caractère obligatoire, subir le MARAKE est, pour l'indien, une grande fierté qui prouve son courage.

Sitôt que dans un village, on décide d'un MARAKE, chaque candidat se fait connaître. L'ensemble des rites dure trois mois ponctués de cérémonies de danses rituelles alternant avec des périodes de réclusion des candidats. L'épreuve proprement dite se déroule à la fin des trois mois. Les cages sont emplies de fourmis et de guêpes et on les applique sur le dos ou la poitrine. L'épreuve dure quelques minutes, c'est assez pour infliger de grandes souffrances qu'il faut supporter sans sourciller.

Le costume des aspirants au Maraké

Le DEGRAD
il est l'objet d'un intense lieu de vie, les canots y sont amarrés, on y vient aussi pour se laver, faire la vaisselle, laver le linge.. Les enfants s'amusent à pêcher à l'arc, c'est là aussi où accostent les habitants des villages invités lors des fêtes...


Sur la photo, on peut se faire une idée de l'environnement des wayanas, une rivière large aux berges couvertes de forêts denses à perte de vue.



A suivre...

dimanche 17 janvier 2016

Les WAYANAS (5) amérindiens de Guyane.

Suite de l'article précédent

La troisième sorte de case est celle qui permet la préparation du manioc, base de la nourriture des Wayanas. Dans cette case se trouvent les ustensiles qui permettent son traitement.



Le manioc est d'abord râpé, pour cela, on utilise actuellement une boîte de conserve que l'on aplatit et dans laquelle on perce des trous. La pâte obtenue est ensuite mélangée à de l'eau puis mise dans une couleuvre, un grand sac tressé comme celui qui est posé sur une traverse sur la photo ci-dessus, la couleuvre est suspendue verticalement à un arbre de manière à permettre au jus toxique du manioc de s'écouler.

Il en résulte de gros boudins de  manioc blanc que l'on dépose ici dans un ancien canot hors d'usage.

Le manioc est ensuite cuit sur une grande plaque de cuisson posée sur trois pierres et mangé en galettes. (Cassave)

On peut aussi faire fermenter le manioc pour en faire une boisson appelée CACHIRI qui servira lors des grandes fêtes et pendant les MARAKE (rite d'initiation). Autrefois, selon ce que j'ai appris dans ce village, le cachiri était fabriqué par les femmes qui mâchaient le manioc et le recrachaient pour que se produise la fermentation

Hormis les galettes de manioc, les wayanas se nourrissent essentiellement de poissons qu'ils pêchent à l'arc et aussi à l'hameçon en particulier sur les bancs rocheux des sauts. C'est pour eux le principal apport de protéines et de lipides.

Ils mangent très peu de viande, et cela pour trois raisons :
     . Le gibier est rare dans la grande forêt,
     . Il existe de nombreux tabous que l'on ne doit pas transgresser à propos de ces animaux
     . Les animaux d'élevage ne sont pas mangés, les wayanas les considèrent comme impurs puisqu'ils ont été nourri avec des déchets, ils élèvent simplement quelques poulets et des chiens pour la vente.

Par ailleurs, leur nourriture comporte les produits de leurs jardins, (bananes, ignames, canne à sucre, ananas...) et de cueillette (œufs de tortues, larves, insectes...)

A suivre...

samedi 16 janvier 2016

Les WAYANAS (4) amérindiens de Guyane.

Suite de l'article précédent

La case de jour est un simple abri couvert d'un toit de palmes avec simplement une paroi en rondins du côté où se trouve le foyer. Celui-ci ne comporte que trois bûches disposées à 120° l'une par rapport à l'autre que l'on enflamme et que l'on entretient pour former de la braise. Tout autour se trouvent de petits bancs taillés dans un seul tronc où l'on s'assied pour manger. De part et d'autre de la case sont construites, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, des étagères et des sortes de tables sur lesquelles est posée la vaisselle.

Cette photo montre aussi que les Wayanas possèdent de nombreux ustensiles provenant de notre civilisation : bouteilles, boîtes et seaux en plastique ainsi que des cuvettes en fer blanc décorées de motifs colorés ; de même à l'arrière de la case-cuisine de cette photo se trouve une case de nuit en planches et toit de tôles. On trouve même dans le village des transistors !

Cette intrusion de produits européens dans ce village perdu est une des nombreuses surprises dont on peut s'étonner lors de la visite ; en fait, les Wayanas sont depuis longtemps au contact du monde extérieur :
     . Ce fut, en premier lieu, par le fait des Noirs Réfugiés avec qui s'effectuait un commerce de troc : les wayanas échangeaient leurs produits (chiens, vannerie) contre la fourniture par les Noirs Réfugiés de perles et d'objets du quotidien provenant des colonisateurs.
     . Depuis qu'ils disposent de hors-bords, les wayanas purent remonter le cours du Maroni et effectuer eux-mêmes l'achat des produits nécessaires, beaucoup, en effet, pratiquent le travail temporaire (contrats de courte durée ou effectué à la tâche) et disposent d'argent.
     . Enfin la venue des touristes créé des envies là où il n'en existait pas auparavant : quand nous sommes arrivés dans le village, celui qui nous accueillit arborait un tee-shirt publicitaire dont il semblait très fier !

Cette influence serait dommageable au niveau de la civilisation Wayana si elle influait sur leur structure mentale ainsi que sur leurs modes de vie. Á l'époque de ma visite du village, cela ne semblait pas trop ressortir, au moins dans la vie quotidienne.

A suivre...

vendredi 15 janvier 2016

Les WAYANAS (3) amérindiens de Guyane.

Suite de l'article précédent

J'ai visité un village Wayana á la fin du 20eme siècle et en ai rapporté ces quelques photos témoignant à la fois de la civilisation passée et de quelques apports occidentaux.

Le village est toujours organisé de la même manière :
     . Au centre, le TUKUSIPAN utilisé lors des fêtes et des réunions,
     . Tout autour, un large espace servant aux évolutions lors des danses rituelles,
     . Puis se trouvent les maisons d'habitation,
     . Sur le pourtour du village proprement dit, sont plantés des arbres immédiatement utiles à la vie quotidienne, arbres à flèches, roucouyers, calebassiers...
     . Une importance toute particulière est accordée au degrad ( zone d'accostage des canots),
     . Enfin, au delà, dispersées dans la forêt proche, se trouvent les plantations de manioc.

Les cases sont de trois sortes :
     - des cases de jour servant de cuisine,
     - des cases de nuit,
     - des cases servant à préparer le manioc.

La case de nuit est construite sur pilotis, elle est surmontée d'un toit à quatre pans fait de palmes et ne possède, au niveau de ce toit, qu'une petite ouverture triangulaire sous le pignon.

La case de nuit est accessible par une échelle et ne comporte en façade qu'une seule porte et pas de fenêtres. Les murs sont construits en rondins accolés. Á l'intérieur se trouvent des hamacs ainsi que des bidons qui servent à conserver à la fois les affaires personnelles et l'essence pour le moteur hors-bord.

Comme on le voit sur cette photo, le sol est très propre, il est en effet balayé tous les jours. Derrière les cases se trouve une rangée d'arbres cultivés dont ici des palmiers.

A suivre...

jeudi 14 janvier 2016

Les WAYANAS (2) amérindiens de Guyane.

LE CADRE DE VIE

Le Maroni en amont de Maripasoula 
Á l'origine, les wayanas se déplaçaient à pieds le long des chemins tracés dans la forêt, ils apprirent des Noirs Réfugiés l'art du canotage, ce qui fait que leurs villages sont désormais tous situés le long du fleuve.

Le choix de ces villages s'effectue selon plusieurs conditions :
   . Il faut que l'on se trouve à proximité des lieux de pêche et en particulier des sauts où la pêche à l'arc est possible.
   . Il faut rechercher des terres établies sur les anciennes terrasses alluviales pour y cultiver. Mais aussi des endroits où l'on peut accoster avec les canots.
   . Enfin, il faut trouver un endroit où ne sévissent pas les fourmis manioc.

Les villages correspondaient autrefois à une famille élargie descendant d'ancêtres communs comportant de 15 à 60 individus, le système de parenté était complexe comme je le mentionnerai dans de prochains articles. Il s'est actuellement largement transformé

Les villages se déplacent tous les 5-6 ans en moyenne tout en restant le long du fleuve. Les causes de déménagement étaient autrefois triple :
   . Le fait que plusieurs personnes soient malades et meurent dans un court laps de temps fait que l'on ressent des influences maléfiques,
   . L'épuisement des terres et surtout l'apparition des fourmis manioc qui ravagent les cultures.
   . Des mésententes familiales qui font qu'une partie de la parenté quitte le village pour s'installer ailleurs. Ce système a actuellement tendance à s'amplifier parallèlement à la destructuration des liens de parenté.

A suivre...

mercredi 13 janvier 2016

Les WAYANAS (1) amérindiens de Guyane.

Le peuple amérindien des Wayanas est établi de part et d'autre de la frontière entre la Guyane française et le Surinam avec deux lieux principaux de localisation : le Litani qui avec le Tampok constitue le Maroni à partir de Maripasoula et la rivière Paloumeu, un affluent du Tapanahoni.

Les Wayanas du Litani, établis en amont de Maripasoula, se trouvent sur la ligne de partage des eaux entre Guyane française et Surinam ; ainsi, ils peuvent passer, selon les circonstances, d'une rive á l'autre pour conserver leur autonomie.

Originaires d'Amazonie, ils ont reflué vers l'est et les Guyanes pour échapper aux peuples enrôlés par les portugais comme chasseurs d'esclaves, ils se trouvent au niveau de l'Oyapok au 18ème siècle puis se fixent dans le haut Maroni en amont du saut rocheux proche de Maripasoula

Ils ont préservé leur mode de vie traditionnel jusque dans les années 50 du 20ème siècle pour trois raisons principales :
   . Ils ont fui les épidémies qui risquaient de les décimer au contact des colonisateurs amenant des maladies contre lesquelles ils n'étaient pas immunisés. Pour cela, ils s'enfoncèrent dans des endroits inoccupés et difficiles d'accès au plus profond de la forêt.
   . Entre eux et les colonisateurs européens se trouve un peuplement intermédiaire, celui des "Noirs Réfugiés", BONI, DJUKA et PARAMAKA qui constituèrent un écran entre leur culture et celle des occidentaux. Ces Noirs Réfugiés sont un peuple composé d'anciens esclaves d'origine africaine, ayant réussi à fuir les plantations du Surinam pour être libre, ils se sont établis sur le cours moyen du Maroni.
   . Le Litani tout comme le Maroni sont difficilement accessibles par bateau, seules des pirogues peuvent en effet passer les sauts, ces bancs rocheux qui barrent périodiquement le cours des rivières  La navigation sur le Maroni est aux mains des Noirs Réfugiés qui sont passés maîtres dans l'art du canotage, cela préserva les Wayanas des contacts directs avec les européens même si sont apparus des orpailleurs sur le fleuve.

Je me suis toujours intéressé aux civilisations que les occidentaux considèrent à tort comme primitives dans ma quête de la nature originelle de l'homme ; pour moi, les Wayanas pouvaient représenter un exemple de ces hommes des origines puisqu'ils n'avaient subi jusqu'aux années 50  pratiquement aucun influence mentale de la colonisation, il en est d'ailleurs de même des Noirs Réfugiés qui avaient gardé intacte leur civilisation vers le milieu du 20ème siècle.

Depuis, la situation a évolué, au moins dans le cas des Wayanas  ; pourtant il est encore possible de retrouver, lors de la visite d'un de leurs villages, les coutumes anciennes qu'ont rapportées les explorateurs et ethnologues en se basant sur des villages très isolés ayant  conservé en totalité leurs traditions.

dimanche 10 janvier 2016

Regard sur... FORT DE FRANCE (10)

Suite de l'article précédent

L'ANCIEN PALAIS DE JUSTICE  (à gauche ) se trouve sur l'emplacement de l'ancien couvent des filles de la Providence, il comporte une structure métallique avec, comme ailleurs, un parement de pierres de taille.

L'ancien HOTEL DE VILLE, (à droite) devenu théâtre après la construction de l'hôtel de ville actuel, fut édifié en 1848 ; détruit par l'incendie de 1990 puis par le cyclone de 1891, il fut reconstruit en 1901, ce bâtiment est de style néoclassique, le porche central en avancée comporte des pilastres séparant les fenêtres en plein cintre de l'étage, il est surmonté d'un fronton précédant le campanile.

Le PAVILLON BOUGEROT ( à gauche) est un autre exemple de l'utilisation de la fonte dans une maison coloniale, la maison est construite au moyen d'une ossature de métal qui n'est plus seulement que fonctionnelle pour devenir  esthétique , les galeries qui entourent trois des façades comportent en particulier des colonnes  à chapiteaux corinthiens bordées de gracieuses volutes et de rinceaux

Il convient enfin de citer le joyau de Fort de France, la BIBLIOTHÈQUE SCHOELCHER (à droite)

Dans son testament, Victor Schoelcher, le libérateur des esclaves, député de la Martinique et de la Guadeloupe de 1848 à 1850, décide de léguer sa vaste collection de  livres au Conseil général de la Martinique. Ce dernier confie à l'architecte Pierre-Henri Picq le soin de concevoir le bâtiment destiné à accueillir cette collection.

 L'architecte éleva de1886 à1887 son bâtiment en France ; il fut présenté aux parisiens dans le jardin des Tuileries, puis il fut démonté et transporté pièces par pièces  jusqu'à Fort de France pour être remonté. Le parement mérite le qualificatif d'éclectique car il associe tous les styles : roman, byzantin, grec et classique.

Dans cette ville dominée par l'architecture métallique, il ne reste que quelques maisons ayant gardé un style colonial ; elles ont certes été reconstruites au fil des temps mais elles l'ont été sur le même emplacement et avec la même forme. C'est le cas dans la rue de Blenac où alternent des maisons qui paraissent anciennes et de petits blocs modernes de forme quadrangulaire.

Ainsi, se définit un étonnant paradoxe : Fort de France, qui a gardé la structure et le plan colonial du 18ème siècle, possède essentiellement des édifices témoignant de la révolution industrielle et du modern style. C'est ce qui en fait le charme.

samedi 9 janvier 2016

Regard sur... FORT DE FRANCE (9)

QUELQUES MONUMENTS SIGNIFICATIFS DE FORT DE FRANCE

L'HÔTEL DU DÉPARTEMENT,  bien qu'inspiré du Petit Trianon de Versailles date de 1923. Il est construit en béton armé et présente un aspect classique : colonnade avec ordres superposés, dorique au rez-de-chaussée, ionique à l'étage et entablement.

L'EGLISE SAINT LOUIS devenue cathédrale a subi de nombreuses vicssitudes : incendie en 1890 qui nécessite le remplacement du toit, cyclone de 1891 qui fit décider d'une reconstruction complète. Cette reconstruction prit la forme d'une structure métallique qui permit de créer une ossature capable de résister aux ouragans et aux tremblements de terre. Dans cette perspective, les murs ne constituent qu'un parement plaqué sur cette structure métallique.

Malgré cela, le clocher fut endommagé par un tremblement de terre en 1953, une réfection d'ensemble s'en suivit et l'église ne rouvrit ses portes qu'en 1979. Dans de telles conditions, il paraît évident qu'il ne reste rien de l'église primitive.
 
La façade de style néogothique montre parfaitement la structure métallique. Elle comporte quatre hautes poutrelles reliées par des barres transversales au niveau de la nef et deux plus petites au niveau des bas-côtés. Cette structure permet de créer de larges ouvertures. Seul le clocher peut paraître plus fragile car moins coordonné à la structure.

L'intérieur de la cathédrale est beaucoup plus imposante que la façade.

Au centre, se trouve une nef d'une grande largeur, ce qui est permis par l'utilisation de grands arcs en berceau portés par des colonnes métalliques ; des barres transversales relient entre elles ces colonnes, l'une est établie à mi-hauteur et porte une tribune au dessus des bas-côtés. Une coupole basse se trouve à la croisée du transept.

L'ensemble est, selon moi, très intéressant par les formes courbes que l'on trouve à tous niveaux pour contrebalancer l'effet un peu austère de l'armature d'ensemble.
A suivre...

vendredi 8 janvier 2016

Regard sur... FORT DE FRANCE (8)

COMPARAISON ENTRE LA VILLE DE 1689 ET LA VILLE ACTUELLE

Il existe, comme on le voit en comparant les plans de la ville du 18ème siècle et ceux du 21ème siècle, une grande concordance :

On retrouve d'abord l'emplacement du canal de ceinture de la ville, il a été comblé et aménagé en une large artère, le boulevard Général de Gaulle. Ce boulevard sert encore de limite entre la ville ancienne et les quartiers nouveaux qui se développent dans la plaine et sur les mornes qui la bordent.

De même, les deux grands axes qui limitaient la ville ancienne (C du plan de 1684) apparaissent encore sur le plan actuel (rues de la Liberté et rue Moreau de Jonnes) ; de même, le dualisme entre les quartiers sud et nord apparait encore clairement :

Au sud de la rue Moreau de Jonnes se trouve la zone lotie, conservant le plan en damier d'origine, il comporte en particulier l'église devenue cathédrale précédée de son parvis.

Au nord de cette rue se trouve la "ville officielle" :
     - le quartier du couvent des capucins (D) et du collège Jésuite (E)  a été remplacé par :
            .  Un vaste ensemble commercial et administratif appelé « espace Perrinon (1) » qui fait disparaître la moitié de la seule rue dérogeant au plan en damier ( actuelle rue Ledru-Rollin),
             . L’ancien Hôtel de Ville (2) devenu théâtre jouxtant l'actuel Hôtel de Ville et le nouveau palais de justice (3),
     - la place Vallières (H et 4) a été lotie,
     - l'ancien couvent des religieuses de la Providence (G et 5), après avoir été caserne, devint l’ancien palais de justice.
     - l'ancien palais du gouverneur (K) est devenu préfecture de région (6)

Á l'emplacement de la place d'armes (L) se trouve la place de la Savane (7), devenue un vaste parc. La seule transformation dans la topographie de cette place est la démolition du bastion protégeant le fort afin de créer une voie littorale reliant le parc au carénage.

Enfin, il convient de remarquer en (8) une zone récupérée sur la mer afin de créer un espace moderne avec, en particulier le centre des affaires de la pointe Simon.

Cette concordance de la topographie pourrait penser que l'on peut découvrir dans la ville une architecture du 18eme siècle colonial.  Ce n'est pas le cas, il suffit de faire le tour de ville pour s'en apercevoir. Les tremblements de terre, les ouragans et les incendies ont détruit la quasi-totalité des bâtiments publics. En conséquence, les édifices principaux, y compris ceux qui ont un aspect ancien, datent tous de la première moitié du 20eme siècle et furent construits afin de résister aux aléas du temps .

J’en donnerai quelques exemples dans les articles qui vont suivre,,,

jeudi 7 janvier 2016

Regard sur... FORT DE FRANCE (7)

Suite de l'article précédent 

FORT ROYAL EN 1784

A la veille de la Révolution, on peut considérer que la structure urbaine est achevée. En conséquence, il est possible de trouver dans le plan présenté ci-dessous les caractéristiques de la ville actuelle.

En premier lieu, le périmètre de la ville a été porté vers le nord au delà du canal projeté en 1698 ; un nouveau canal relie la rivière,  appelée de son nom actuel, Levassor (A), au Carénage ; il sert à la fois de moyen de circulation pour les barques mais aussi de canal de drainage et surtout de collecte des eaux descendues des mornes environnants qui avaient été á l'origine des marécages d'antan. Ce canal comportant trois ponts (B)

Cet agrandissement de la ville fait apparaitre deux quartiers nettement différenciés au sud et au nord de la limite ancienne de la ville marquée, dans le plan, par une ligne en pointillé jaune (actuelles rue Perrinon et de la liberté)

Au sud, le périmètre urbain défini par les concepteurs de la ville en damier (C), est totalement loti. On retrouve en son centre ancien l'église saint Louis précédée d'une place formant parvis.

Au nord de cette ligne, les nouveaux quartiers sont beaucoup  moins densément peuplés, Ils comprennent ce que l'on pourrait appeler aujourd'hui la partie officielle de la ville avec des bâtiments à vocation militaire, religieuse et administrative.

Désormais, le couvent des capucins (D) ne se trouve plus isolé hors de la cité,  il est désormais inclus dans ces nouveaux quartiers. En se dirigeant de ce couvent vers le Carénage, on trouve successivement :
   - (E) le collège des jésuites dont l'emplacement avait été prévu dans le plan de 1698, il est précédé d'une petite place appelée place du collège (F),
   - (G) sur le côté ouest de cette place se trouve un couvent de religieuses,
   - en (H), se trouve une place appelée place Vallières,
   - (I) le palais de justice,
   - (J) l'hôtel des officiers du Génie,
   - (K) le logement du gouverneur,

En (L), La place d'armes (actuelle Savane), autrefois marécageuse, a été drainée pour constituer une vaste esplanade bordée de lignes d'arbres ; elle sert aux parades militaires et devient aussi le centre de la ville reliant le bourg au fort. Les défenses du fort ont été renforcées avec création d'un bastion séparé de la citadelle  par un chenal et comportant en son centre une barbacane (M). Les casernes et magasins du fort (N) sont disséminés dans la ville. On trouve aussi une prison militaire appelée "bagne" (O)

Deux installations restent à l'écart de la zone urbaine, le cimetière (P) et l'hôpital militaire (Q) pour lequel un emplacement avait été réservé à cet endroit sur le plan de 1698.

mardi 5 janvier 2016

Regard sur... FORT DE FRANCE (5)

LES AMÉNAGEMENTS PROJETÉS POUR LES ANNÉES FUTURES MENTIONNÉS SUR LE PLAN DE 1698. 

En premier lieu est prévue l'extension de la ville en damier vers le nord (9).

L'ancien canal de drainage devrait être  remplacé par un nouveau canal (10) reliant la rivière du Cornet au Carénage. Ce nouveau canal sera, dit le commentaire de la carte, bordé de quais et d'une rangée d'arbres. Ce sera à la fois un espace convivial et utilitaire puisque les bateaux pourront y circuler.

Une conduite d'eau (11) sera aménagée pour l'amenée de l'eau potable dans la ville, cette conduite partira de la rivière Cornet jusqu'à un réservoir (12) puis, par un aqueduc, l'eau sera conduite jusqu'au bord du canal où seront aménagés un bassin et une fontaine (13)

un autre canal (14)  sera également creusé au nord de la ville en damier. Celui-ci servira à la fois à drainer la plaine mais aussi à recueillir les eaux des rivières et torrents descendant des mornes environnants.

Le projet d'aménagement de la ville nouvelle réserve aussi des emplacements pour divers bâtiments utilitaires :
   . (15) futur hôpital
   . (16) emplacement du collège projeté par les jésuites, ceux-ci souhaitaient établir leur collège dans la ville,  sur une parcelle se trouvant face à l'église saint Louis, le concepteur du plan d'aménagement préfère allouer aux jésuites un emplacement plus lointain de la ville, au contact de la campagne et loin du bruit.
   . (17) magasins dépendant du fort.

FORT DE FRANCE DEVIENT LE SIEGE DU GOUVERNEMENT GÉNÉRAL

En 1692, le gouverneur et lieutenant général des colonies françaises d'Amérique, le comte de Blenac décide de transférer de Saint Pierre á Fort-Royal le siège du gouvernement général et la résidence du gouverneur   en dépit des risques occasionnés par le site au niveau sanitaire.

Les raisons de ce choix sont explicitées dans un texte écrit en 1700 par le marquis d'Ablimont, lieutenant général des îles d'Amérique
     " ... Le port ou le Cul de Sac du Fort-Royal et ses rades sont seules de l'île où les vaisseaux tant du roi que des marchands puissent être dans la plus grande sécurité tant contre les ouragans que les ennemis en temps de guerre.
       ... Le Fort-Royal est ..la place la plus forte et la mieux située et la plus sûre qui puisse être bâtie dans l'île.
       ... Le Fort-Royal étant la place la plus forte de l'île ...il est nécessaire que tous les magasins du roi y soient rassemblés en temps de guerre comme de paix. .. Le Fort-Royal étant le lieu où viennent mouiller tous les vaisseaux du roi dont les équipages doivent être mis à l'hôpital lorsqu'ils en ont besoin..
      ... Le Fort-Royal...est le plus fort de tous, soit en nombre d'habitants, de sucreries et de bestiaux et, par conséquent, celui où se fera toujours le plus fort commerce et chargement de sucre

Cette dernière allégation est un vœu pieux, à cette époque, Saint-Pierre reste la ville la plus importante, tant au niveau de son activité commerciale que de sa vie urbaine, ses commerçants contrôlent l'essentiel de l'économie de l'île, la ville s'embellit sous leur impulsion et une société calquée sur les modèles européens s'y met en place.

Il se crée donc au 18ème siècle un dualisme qui fait de Fort-Royal le siège du gouvernement et la place forte de l'île et Saint-Pierre qui reste la capitale d'une économie dynamique ainsi que le lieu de résidence de la bonne société.

Regard sur... FORT DE FRANCE (6)

1742 : LE PLAN DIT DU PERE LABAT.

Il montre d'abord les trois éléments caractérisant de prime abord la ville de Fort-Royal : la rade, le fort et le Carénage. Les limites de la ville en damier sont mentionnées mais il apparait que la partie lotie de la ville  ne constitue qu'une partie de l'espace urbain prévu. Au centre des quartiers construits est représentée l'église Saint-Louis. Le couvent des capucins (8) reste toujours largement à l'écart de la zone urbaine.

Ce plan révèle aussi que les aménagements prévus sur le plan de 1698 n'ont pas été réalisés, on ne trouve pas encore mention du canal central qui devait relier la rivière au Carénage et sera réalisé postérieurement comme le montrera le plan de 1784 ; par contre des canaux de drainage ont été creusés dans la plaine marécageuse afin de la rendre moins malsaine à  l'homme.

Le plan dit du Père Labat, comme le plan de 1698, montre aussi les perspectives d'avenir de la ville avec le projet de construire une fortification pourvue de bastions autour de l'espace à urbaniser (18) ; en 1742, une partie de l'enceinte parait construite le long de la rade dessinée au moyen d'un trait plein et non de pointillés.

Enfin est représenté sur le morne une redoute (19) dite des capucins qui domine le carénage et permet de protéger celui-ci de concert avec les batteries installées sur le fort.

dimanche 3 janvier 2016

Regard sur... FORT DE FRANCE (4)

1673 : LA FONDATION DE LA VILLE

C'est un an après la construction du fort qu'est décidée la construction d'une ville dans la vaste zone marécageuse qui borde la rade et en dépit du caractère malsain du site qui génère la malaria. La compagnie des Indes Occidentales fut chargée d'établir le plan de la nouvelle ville et de répartir entre les colons les parcelles constructibles.

Le plan ci-dessus a été établi en 1698, c'est un projet d'extension de la ville qui présente à la fois la situation de la zone construite à l'époque et l'expansion projetée ( cf. l'article suivant).

D'abord, on retrouve les trois ensembles mentionnés dans le plan précédent : le fort (1), le carénage (2), la rade (3). En (4), limitée par un trait rouge, se trouve l'espace urbain. Il comporte un plan en damier comme il sied à toute ville coloniale. Cependant, les zones loties n'occupent qu'une faible partie de cet espace qui reste encore à peupler ( le plan du Père Labat de 1742 permettra de le constater). C'est seulement aux abords de la rade que se trouve un alignement continu de maisons. Le commentaire qui accompagne le plan indique que la situation de ces maisons est très exposée,  il suffirait de quelques coups de canons pour les détruire. La limite de la ville à l'Est est la rivière appelée De Cornet.

La ville possède une église consacrée à saint Louis et dont les capucins, établis extra-muros (8), possèdent la cure. La présence des ordres mendiants, et en particulier des capucins, sur les îles antillaises s'explique aisément, on se trouve en effet dans des terres vierges de toute implantation chrétienne : plutôt que de créer immédiatement une hiérarchie séculière, les colonisateurs préfèrent s'accompagner de moines franciscains et dominicains dont l'ordre est structuré et dont la vocation est le prêche auquel s'ajoute l'évangélisation.

Pour drainer la zone marécageuse, un canal a été creusé (6 en bleu) mais le commentaire accompagnant le plan indique que ce canal n'est pas bien adapté puisqu'il ne s'intègre pas à l'organisation en damier de la ville.

Enfin, il convient de noter qu'entre la ville et le fort se trouve un vaste espace non occupé, á cet endroit se trouve l'actuelle parc de la Savane (7)

Tel est l'aspect de la cité appelée Fort-Royal en 1698.

samedi 2 janvier 2016

Regard sur... FORT DE FRANCE (3)

1672 LA FONDATION DU FORT ROYAL

En 1672, alors que la Martinique est encore sous le contrôle de la Compagnie des Indes occidentales, Louis XIV ordonne la fondation sur une éminence de la baie appelée alors "cul de sac royal" d'un fort (le futur Fort de France)

A cette époque, le roi est en guerre avec les Provinces-Unies. Cette guerre se déroule non seulement en Europe mais aussi aux Antilles. La Martinique ne possédait qu'une fortification importante, celle de Saint-Pierre qui était mal située le long d'un littoral sans mouillage et exposé aux attaques.
Á l'inverse, la situation du fort projeté était bien supérieure à la fois grâce à son site mais aussi à la possibilité de disposer d'un mouillage particulièrement sûr.

L'extrait du plan ci-dessus montre la situation du site en 1680 : le fort (1) occupe le promontoire qui s'avance dans les eaux du Cul de Sac Royal et délimite d'un côté la rade (2) (appelée aujourd'hui rade des Flamands) et de l'autre, le Carénage (3) qui offre un site particulièrement bien protégé des vents marins par la langue de terre qui porte le fort.

La coupe, à droite du plan, montre que le promontoire du fort est dissymétrique, son côté le plus escarpé étant situé à l'est, formant un front continu vers la pleine mer, par où les navires ennemis peuvent arriver ; du côté du carénage, les fortifications s'étagent sur le côté le moins escarpé, ce qui rend possible la création de lignes de défense étagées.

L'environnement immédiat du fort est particulièrement médiocre car il comporte une plaine marécageuse (4) bordée de basses montagnes appelées Morne. En dépit de ces conditions incommodes, quelques maisons (5)  se sont installées en bordure de la rade.

Il convient également de noter sur ce plan la présence d'un chemin qui s'insinue entre les mornes et conduit vers le nord ainsi que d'une rivière (7) qui formera plus tard la limite de la ville.

La construction du fort se poursuivra jusque vers 1680, mais dès 1674, il est capable de repousser une flotte hollandaise menée par l'amiral Ruyter.