REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

samedi 31 juillet 2021

LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL (3)

 LA NOMENCLATURE DES DIVERS RÉGIMES POLITIQUES suite du précédent article 

LES PREMIERS TEMPS ET LA NAISSANCE DE LA MONARCHIE

Dans les premiers temps, selon Machiavel,  les êtres humains qui vivaient jusqu’alors dispersés, vont choisir comme chef le plus fort , c’est-à-dire celui qui est susceptible de les protéger et de bien gouverner. Cela permit aux hommes de discerner la voie  entre ce qu’il convient de faire et ce qui doit être prohibé. C’est alors qu’on vit naître le concept de justice :  

« On s’avisa d’opposer à ces maux la barrière des lois, et d’infliger des punitions à ceux qui tenteraient d’y contrevenir » (ibid) 

Puisque l’instauration de la justice devint le critère fondamental de la gouvernance, les êtres humains décidèrent alors de choisir « le plus sage, et surtout le plus juste » (ibid) pour organiser l’Etat : ainsi, se créa une MONARCHIE. 

DE LA MONARCHIE À LA TYRANNIE

La MONARCHIE vertueuse du fondateur ne sera  cependant qu’éphémère, elle ne dure le plus souvent  que pendant la vie de l’instaurateur du régime.  Machiavel constate généralement que ce Prince a, en effet, malgré sa sagesse, instauré un système héréditaire de succession, léguant à ses descendants son titre et ses fonctions ; on passa alors de la MONARCHIE à la TYRANNIE : 

« Le prince venant ensuite à régner par droit de succession et non par le suffrage du peuple, les héritiers dégénérèrent bientôt de leurs ancêtres ; négligeant tout acte de vertu, ils se persuadèrent qu’ils n’avaient autre chose à faire qu’à surpasser leurs semblables en luxe, en mollesse et en tout genre de voluptés. » (ibid)

Il en résulte des troubles et des séditions : 

« Le prince commença dès lors à exciter la haine ; la haine l’environna de terreur ; mais, passant promptement de la crainte à l’offense, la TYRANNIE ne tarda pas à naître ».(ibid). 

Cette évolution amène alors à la chute du régime : en effet, plus le tyran organise la répression, plus le nombre de ses ennemis augmente : 

« Alors, s’ourdirent contre eux les conjurations, les complots, non plus d’hommes faibles ou timides, mais où l’on vit entrer surtout ceux qui surpassaient les autres en générosité, en grandeur d’âme, en richesse, en naissance, et qui ne pouvaient supporter la vie criminelle d’un tel prince. » (ibid).

Les mouvements révolutionnaires s’organisent et se structurent recueillant l’adhésion du plus grand nombre, inéluctablement ils conduisent à la chute du Prince et de ses séides. 

DE LA TYRANNIE À L’ARISTOCRATIE

Alors apparaît la troisième étape de l’évolution historique : le régime dit de l’ARISTOCRATIE. Selon Machiavel, ce sont ceux « qui surpassaient les autres en générosité, en grandeur d’âme, en richesse, en naissance » qui prennent la direction de l’Etat

« La multitude, entraînée par l’exemple des grands, s’armait contre le souverain, et après son châtiment elle leur obéissait comme à ses libérateurs. Ces derniers, haïssant jusqu’au nom de prince, organisaient entre eux un gouvernement, et, dans les commencements, retenus par l’exemple de la précédente tyrannie, ils conformaient leur conduite aux lois qu’ils avaient données : préférant le bien public à leur propre avantage, ils gouvernaient avec justice et veillaient avec le même soin à la conservation des intérêts communs et particuliers. » (ibid

A suivre 


samedi 17 juillet 2021

LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL (1)

 LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL

    PROLOGUE 

Nicolas Machiavel (1469-1527) occupa plusieurs postes administratifs dans la chancellerie de Florence de 1498 à 1512 à l’époque des gouvernements de  Pierre 2 de Médicis (1492-1503) puis de Piero Soderini (1503-1521). 

Dans le cadre de ses diverses fonctions, il conduisit plusieurs missions officieuses dans le but de sonder les dirigeants des divers états italiens qui, à cette époque troublée des guerres d’Italie, passaient fréquemment d’une alliance à une autre, c’est ainsi qu’il rencontra Cesar Borgia dont il admira le sens politique et le Pape Jules 2. Il fut aussi à l’origine du remplacement dans l’armée de Florence du mercenariat par la conscription. 

En 1512, lors d’une nouvelle guerre, Piero Soderini fut vaincu et exilé, les Médicis reprennent le pouvoir à Florence. Ce fut le frère de Pierre II, Jean de Médicis, qui prend le pouvoir, mais en 1513, quand Jean fut élu pape sous le nom de Léon X, il délégua son autorité à son autre frère Julien (dirigeant de Florence de 1512 à 1516) mais se considéra toujours comme le véritable seigneur de Florence, ne laissant à Julien qu’un pouvoir quasiment nominal. 

Machiavel subit les conséquences de la chute de  Soderini :  Il fut d’abord chassé de son poste à la chancellerie puis emprisonné entre 1512 et 1513  et  exilé. 

C’est pendant la période qui suivit que Machiavel écrivit les deux œuvres politiques majeures que je me propose de décrire : 

. Le « DISCOURS A PROPOS DE LA PREMIÈRE DÉCADE DE TITE-LIVE» écrit entre 1512 et 1520). 

     . Le « PRINCE »  écrit en 1513-1516 dédié à Laurent 2 de Médicis, fils de Pierre 2 et duc d’Urbin, dont le but est d’énumérer divers conseils que l’on peut donner à un chef d’Etat, eu égard aux mentalités et comportements de son temps, 

Je décomposerai mon propos en 4 parties

     1 la nomenclature chronologique des divers régimes politiques répertoriés par Machiavel.    

  2 l’étroite corrélation entre les régimes politiques et les comportements humains qui leur correspondent.

    3 le meilleur régime politique

    4 les conseils donnés par Machiavel à un prince pour se maintenir au pouvoir 

Mon but final étant ensuite de se poser la question de savoir si les théories de cet ouvrage du 16e siècle peuvent encore être d’actualité aujourd’hui. 

mercredi 14 juillet 2021

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (28) : PEUT-ON TRANSPOSER LE RESSENTI DES TRIPTYQUES DE JÉRÔME BOSCH À NOTRE ÉPOQUE ?

 LE RETENTISSEMENT SUR LES COMPORTEMENTS HUMAINS 

A l’époque de Jérôme Bosch, j’ai observé qu’il existait deux comportements humains : tandis que la majorité des gens essayaient de se repentir pour que cessent leurs divers maux, d’autres ont profité à outrance des plaisirs de la vie en s’affranchissant de toutes les règles. 

Ces deux types d’attitude existent-elles aujourd’hui ? Apparemment, c’est le cas mais selon un schéma différent : tandis que la plupart par peur ou par respect des lois appliquent à la lettre les consignes des autorités, d’autres s’en affranchissent au nom de leur liberté individuelle.

En ce qui concerne la deuxième alternative, les médias stigmatisent en bloc les « jeunes » ils nous informent que, tous les jours ou presque, se tiennent des fêtes clandestines organisées par l’intermédiaire des réseaux sociaux pendant laquelle ni le port du masque, ni le respect des règles de distanciation ni même le couvre-feu ne sont respectés. Selon ces médias, les « jeunes » dans leur ensemble ont un comportement semblable à ceux des individus de la nef des fous  ; ils imaginent qu’ils proclament haut et clair des idées telles que : « on nous vole notre jeunesse, on veut en profiter tant qu’on peut car pour nous l’avenir sera sombre, on a toutes les chances, malgré nos diplômes de subir la crise économique et de rester chômeur.. »

Est-ce la réalité ? Évidemment pas, j’ai consulté divers sites sur internet et y ai trouvé de nombreux témoignages ( sur un article de la libre-Belgique et sur un forum de France-inter) et ai la sensation que la plupart de ces jeunes sont beaucoup responsables que beaucoup d’adultes.

     . Le sentiment d’angoisse de presque tous est patent, ils ont l’impression que l’on ne va pas s’en sortir et que l’avenir est, pour eux, encore plus problématique que pour les autres générations. S’ils ont peur de la Covid, c’est certes pour eux, mais beaucoup plus pour leurs proches car ils les savent plus vulnérables.

     . Le manque de rapport direct et réel avec les autres est aussi une caractéristique générale dans les témoignages des jeunes ; certes, ils essaient d’y pallier grâce aux réseaux sociaux, en particulier en  constituant des groupes d’amis pour se retrouver malgré le confinement. À cet égard, certains jeunes qui bravent le couvre-feu ne le font pas tous par provocation, ainsi l’un d’entre-eux écrit : « Au début, je condamnais ceux qui ne respectaient pas le couvre-feu. Aujourd'hui, c'est ma planche de salut. Quand on habite seul et qu'on travaille la journée, c'est le seul moyen de voir ses amis. Je ne vois pas d'autre astuce pour ne pas craquer ou sombrer dans la déprime. » un autre exprime ainsi sa détresse « Le bénéfice sur ma santé mentale est bien plus grand que le risque de finir en garde-à-vue. » 

En ce qui concerne les rapports avec la famille, ils varient selon les cas : 

     . Certains se sont rapprochés de leur famille : le chômage et le télé-travail ont crée de nouveaux liens familiaux en permettant aux familles d’être rassemblée et solidaire : « Ma mère travaille habituellement de 9 h à 19 h ; nous on part très tôt le matin pour aller à l’école ou au travail… On se disait bonjour le matin et on mangeait ensemble le soir, et voilà… Mais là, c’est hyper étrange, on se retrouve à faire des trucs hyper bizarres, par exemple à faire des baccalauréats en zoom avec toute la famille... Auparavant, on n’aurait jamais pensé à ça, avec notre rythme hyper intensif. Cette pause très violente nous a finalement conduits à dépenser notre temps autre part. »

 

     . D’autres se coupent de plus en plus avec leur famille et avec les adultes, se réfugiant dans leurs chambres pour se retrouver entre amis sur internet « Les adultes ? J’évite de parler de mes souffrances avec eux, j’élude un peu, j’édulcore parce que de toute façon, avec leur « expérience » et leur « maturité », ils te disent tout le temps : c’est normal à ton âge de réagir comme ça, tu va voir ça va passer, tout le monde vit ça en ce moment. ». Certains s’évadent de la réalité, se réfugient dans le rêve et imaginent un monde meilleur

 

     . Les jeunes ressentent aussi durement dans leur rapport avec les adultes, l’impression d’être jugé en bloc comme immatures et irresponsables : « quand on est un jeune de notre âge, on nous met tous dans le même sac marqué « ado » et on nous considère pas comme une personne unique avec ses propres souffrances, on se sent banalisés et ça c’est la pire chose. ». 

 

     . Cet état d’esprit ne possède cependant pas que des aspects négatifs, la plupart des «jeunes » se semblent plus responsabilisés et autonomes, ils ont aussi l’impression de former une classe d’âge soudée qui souffre des errements de la société et espèrent bâtir un monde meilleur : « J'espère que la folie humaine a atteint son paroxysme et que le vieux monde se meurt. J'espère que cette pandémie aura pu être un déclic pour tous, une prise de conscience. J'espère que face aux excès de notre système économique, face aux inégalités qui se confirment, nous aurons la force et le courage d'imaginer un autre monde. Il est grand temps de changer. » « quoiqu’il arrive, l’avenir reposera sur nous les jeunes » « Si la jeunesse perd espoir, à qui va-t-il en rester ? », 


     . Certains jeunes  décident aussi, sans attendre, de s’engager au service des autres : l’un d’entre eux, habitant d’une banlieue difficile, écrit «  À Pantin, on a créé un collectif, qui réunit des associations et des militants de la ville … pour soutenir les habitants de Pantin face à la crise. On sait que ce sont les classes populaires qui sont touchées, que ce sont les miens qui vont être touchés. Il y a un côté instinctif qui ressort très vite. C’était naturel pour certains d’aider, parce que ça touchait ceux avec qui on a grandi…., c’est de se dire qu’on est dans un même bateau et qu’il est en train de couler ; ça fait trente ans qu’il chavire, et là, il coule. On partage ce sentiment-là, celui de se dire qu’on va tout faire pour ne pas qu’il coule, et c’est maintenant qu’il faut agir. …On a vu que la résilience s’est surtout faite en dehors des institutions : les associations auto-organisées ont été plus réactives que les pouvoirs publics. La lenteur administrative a été très forte et au bout d’un moment, devant la réussite et l’ampleur de nos actions, les élus ont été davantage présents, mais plus pour nous contrôler, pour récupérer ce que l’on faisait. Je n’ai pas l’impression qu’on réussira à renverser la vapeur, mais il y a eu des avancées. On a tenu certains de nos maîtres en respect, des élus, des institutions. Notre mentalité, c’est de se dire que l’on y va par nous-mêmes : même si ça doit passer par le système D, même si ça doit passer par de la galère, on y va, on avance. »


Il existe néanmoins parmi les « jeunes » des brebis galeuses, mais je suis convaincu que l’immense majorité ressemble à ceux dont je viens de relater quelques réactions significatives. Dans ces conditions, qui sont alors tous ceux qui, dans notre société, ressemblent aux convives de la « nef des fous » ? Je les trouverais plutôt dans les gens des classes huppées qui organisent des repas clandestins dans les arrière-salles des restaurants de luxe et dans tous ceux qui ne respectent pas les règles au nom de leur liberté, qui ressentent l'obligation de se faire vacciner comme une atteinte à leur dignité et même, nient la maladie.

dimanche 11 juillet 2021

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (27) : PEUT-ON TRANSPOSER LE RESSENTI DES TRIPTYQUES DE JÉRÔME BOSCH À NOTRE ÉPOQUE ?

 L’INFLUENCE DE LA COVID DANS L’ART 

Selon moi, les œuvres artistiques ont, d’une manière générale, une quadruple finalité : 

      . Célébrer et magnifier la beauté et l’harmonie de la création dans toutes ses composantes, nature, éléments, corps humain …en occultant ses imperfections  ( exemple : le David de Michel-Ange).

      . Instruire les spectateurs en leur montrant d’une manière attractive et spectaculaire des événements historiques ou mythiques qu’ils ne connaissent pas (exemple : le tableau de David sur le sacre de Napoléon). 

     . Émouvoir les gens en leur faisant prendre connaissance d’événements dramatiques afin de les amener à réagir face à l’injustice, à la mort d’innocents, à la dégradation des conditions sociales des plus pauvres ou au désespoir des gens vaincus par l’oppression… (exemple, le tableau de Delacroix : la Grèce expirant sur les ruines de Missolonghi) 

     . Exorciser les peurs et les angoisses en montrant leurs éphémères inanités afin de permettre de les transcender pour espérer un avenir meilleur (exemple : la mise au tombeau de Ligier-Richier)

Les triptyques de Jérôme Bosch ressortent de la quatrième finalité : en peignant les démons en action afin de susciter l’horreur du péché et en dénonçant l’attirance des êtres humains vers le mal,  il veut  amener les gens à réagir et à emprunter enfin la voie du salut. 

Peut-on trouver des œuvres d’art équivalentes à celles de Jérôme Bosch  dans l’art de notre époque malgré la profonde déculturation de notre société ? 

En regardant sur Internet, je n’en ai pas trouvé, dans les expressions artistiques  traditionnelles ; pourtant, ces œuvres existent et s’expriment dans plusieurs formes artistiques originales : bandes dessinées, affiches et peintures du STREET ART : en voici plusieurs exemples : 


Le premier dessin se veut effrayant : on y voit la terre attaquée par trois coronavirus, ceux-ci l’enserrent de leurs spicules représentées comme des ventouses qui s’y accrochent à la manière de pieuvres. La terre s’est certes protégée grâce à un masque pourtant, elle est effrayée et impuissante. 

Dans ce dessin, on retrouve la même inspiration que dans les peintures de Jérôme Bosch : coronavirus et démons se ressemblent par leur aspect hideux, terrifiant et repoussant. 



Le deuxième dessin tiré d’un journal du Guatemala est également conforme aux concepts de Jérôme Bosch, même si la manière de figurer la menace du virus est totalement différente :

Il montre le virus couronné par la mort, ses spicules ressemblent à une auréole, il regarde d’un air courroucé la terre qui s’enfuit pour échapper à la menace. 

 

Ainsi, on retrouve de grandes similitudes entre ces deux dessins modernes et ceux de Jérôme Bosch : ils ont pour but de susciter la peur et l’angoisse face à l’inéluctable progression de la maladie que l’on ne fera même pas régresser en portant le masque. 

La quatrième peinture émane du Street-Art, elle est assez différente des représentations de Jérôme Bosch puisqu’elle se veut optimiste : elle montre une infirmière masquée en tenue de travail travail détruisant le coronavirus au moyen d’une batte de base-ball. Le message est clair : la science sera capable de vaincre et d’éradiquer le virus, 




Jérôme Bosch ne représente  jamais des scènes de rédemption dans ses triptyques : les démons semblent si puissants que la damnation est inéluctable. 

mercredi 7 juillet 2021

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (26) : PEUT-ON TRANSPOSER LE RESSENTI DES TRIPTYQUES DE JÉRÔME BOSCH À NOTRE ÉPOQUE ?

 UNE SIMILITUDE CONJONCTURELLE 

 Les quatre triptyques décrits de Jérôme Bosch témoignent, comme j’ai tenté de le montrer, de son sens aigu de la morbidité et, surtout, de cette attirance de certains vers le péché et le mal, au nom du principe : « puisqu’on est voué à une mort prochaine, autant en profiter ! », tandis que d’autres tentent de se repentir pour mériter le salut. 

 Notre époque a subi et subit encore de multiples maux évoquant l’ambiance des 15e et 16e siècles : la pandémie due au coronavirus, l’insécurité ambiante, le chômage et la crise économique annoncée, la montée des extrémismes, les guerres et le terrorisme, la destruction progressive des ressources naturelles de la planète, le réchauffement climatique, les catastrophes naturelles, la disparition des civilisations et de la morale traditionnelle, le racisme et la haine de l’autre, l’inculture croissante, le mauvais fonctionnement de la démocratie … tout cela crée une atmosphère  ressemblant à celle de l’époque de Jérôme Bosch. En outre ces maux sont colportés et amplifiés par les médias d’information qui créent et amplifie un climat  d’inquiétude et de catastrophisme et contribue au pessimisme ambiant. 

 Dans des conditions, il peut paraître intéressant de comparer les comportements des contemporains avec ceux des gens de l’époque de Jérôme Bosch, d’abord en ce qui concerne les causes de nos maux, ensuite, en montrant comment cette angoisse permanente rejaillit dans l’art et dans la vie quotidienne et enfin, en recherchant s’il existe à notre époque des comportements ressemblant à ceux des passagers de la « nef des fous ».

 LA MANIÈRE DONT NOTRE ÉPOQUE ANALYSE LES CAUSES DE NOS MAUX.

 Pour le 15e siècle, tout était simple : Dieu a abandonné les hommes du fait de leurs péchés et livré l’humanité au Diable et à la mort. Cette explication n’est plus de mise à notre époque du double fait que règne dans l’Occident européen, une déchristianisation patente  et que l’église privilégie la bonté et la mansuétude de Dieu au détriment de son implacable justice. 

 Nos contemporains ont substitué l’explication d’une origine divine de nos maux à une interprétation laïque que l’on qualifie généralement de conspirationnisme.

 Le conspirationnisme part de l’idée simple, souvent paranoïaque, que rien n’arrive par accident, tout est planifié de manière occulte par une camarilla secrète, capable d’influer de manière larvée sur les événements dans le sens qui leur est favorable tant politique, économique que religieux. 

 Le but des complotistes est de déceler tous les faits vrais ou supposés ou même imaginaires, leur  semblant  si étranges et inhabituels qu’ils ne peuvent provenir que de  ce groupe de puissants étendant ses tentacules sur toute la surface du globe. Ensuite, ils relient ces faits entre eux de manière artificielle afin de leur donner une apparence logique et élaborent une théorie globale qu’ils colportent en assurant que leur théorie est intangible et vraie.

 Ainsi, à propos de la Covid-19, ils relient deux faits tous les deux contestables et même improuvés :

     . Le coronavirus est né d’une fuite en laboratoire.

     . Les entreprises pharmaceutiques se sont indûment enrichies.

Corréler ces deux informations peut sous-entendre que l’on a crée artificiellement ce virus pour enrichir les laboratoires pharmaceutiques. 

 Une fois leurs théories fumeuses élaborées sous un semblant de démarche raisonnée, les complotistes vont tenter de convaincre le plus grand nombre de gens possibles, le plus souvent par l’intermédiaire des réseaux sociaux : Ils relèvent tous les faits qui pourraient corroborer leurs spéculations et leur donnant raison puis ils s’en servent pour influencer les autres. 

Ainsi, lorsqu’ils ont appris que certaines personnes, pourtant vaccinées, sont mortes de la Covid, ils triomphent immédiatement et disent à ceux qui veulent les entendre : « Vous voyez, j’avais raison, les vaccins ne protègent pas de la maladie, leur but n’est uniquement que d’enrichir les firmes pharmaceutiques, inutile donc de se faire vacciner ! ». Nombre de gens se laissent convaincre par ces allégations et se disent « ces preuves semblent pertinentes, si ça se trouve, ils ont raison ! »

 Le conspirationnisme ne sévit pas seulement à propos de la covid. On trouve, dans les médias à leur botte, des idées aussi saugrenue du type : le réchauffement climatique n’existe pas, les élections sont systématiquement truquées, les vaccins introduisent subrepticement des puces électroniques dans le cerveau humain pour amener les hommes à devenir des robots, le confinement est utilisé par le gouvernement pour restreindre les libertés…

 Apparemment, il ne semble y avoir aucun rapport entre les forces démoniaques représentées par Jérôme Bosch et la camarilla de puissants supposés voulant asservir le monde.

Pourtant, il existe de larges similitudes entre elles : 

     . Toutes les deux sont des forces occultes que l’on ne discerne pas clairement mais qui, pourtant, seraient présentes partout propageant en tout lieu leurs agissements malfaisants.

     . Leur but n’est pas seulement de provoquer directement les catastrophes mais aussi d’influencer les individus à amplifier les incitations qui leur sont suggérées pour les conduire à de nouvelles calamités : les démons amènent les gens à commettre des péchés pour les damner, les forces occultes en niant, par exemple, le réchauffement climatique, espèrent amplifier les comportements destructifs qui aboutiront inéluctablement au cataclysme planétaire et à leur domination sur le monde. 

    . La société, tant contemporaine que médiévale, est attirée immanquablement par les forces diaboliques et, à notre époque par les théories conspirationnistes, 

 Il existe cependant une différence fondamentale entre les triptyques de Jérôme Bosch et la propagande complotiste : alors que Jérôme Bosch tente, par les outrances de ses dessins, à faire réagir les gens face à leur attirance vers le mal, les thèses conspirationnistes ont plutôt pour but de nier l’évidence scientifique en incitant ceux qui croient à leurs élucubrations à agir comme bon leur semble sans réflexion morale ou logique à ce propos.

 

vendredi 2 juillet 2021

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (25)

LE TRIPTYQUE DU VAGABOND, DE LA MORT DE L’AVARE ET DE LA NEF DES FOUS (5)



La PARTIE BASSE DU PANNEAU DE DROITE, conservée à la galerie du musée de l’université de Yale, permet de compléter la description de la partie haute. Il comporte trois scènes différentes :

     . (S) Un gros homme ventripotent, à califourchon sur un tonneau empli de vin appelle ceux qui veulent boire en soufflant dans une  longue trompette à bout recourbé. Le tonneau flotte sur une étendue d’eau assez peu profonde laissant voir la végétation qui couvre le sol, un homme est en train de se servir, il a placé une écuelle pour recueillir le liquide sortant du tonneau Trois autres individus se trouvent derrière le tonneau et attendent probablement d’en profiter aussi. 

     . (T) Sous une tente, et autour d’une table, un homme portant une coupe de vin à la main s’approche du visage d’une femme afin de l’embrasser.

     . (U) Un homme est à demi immergé dans l’eau et dans les hautes herbes qui tapissent le sol. On peut imaginer que les habits se trouvant au premier plan, soit posés par terre, soit suspendus  aux  branches d’un arbre, lui appartiennent.

CONCLUSION

Les parties subsistant actuellement du triptyque présentent une grande unité en décrivant trois péchés mortels, la gourmandise, la luxure et l’avarice et peut-être aussi l’orgueil. Le triptyque dans son ensemble représente une humanité qui choisit délibérément le mal pour profiter de la vie en sachant qu’ils risquent la damnation. Certes le vagabond du triptyque fermé est figuré  fuyant le mal mais c’est, selon moi, contraint et forcé puisque l’on a chassé de l’auberge. 

 Ce dualisme et cette attirance vers le mal  est une caractéristique fondamentale de l’œuvre de Jérôme Bosch, elle correspond à l’ambiance de son époque marquée, comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises, par les épidémies, les guerres, les famines et les pillages qui ont fait penser que Dieu avait abandonné l’humanité à cause de ses péchés et l’avait livrée au diable et à son acolyte, la Mort.

 A suivre…