REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 31 mai 2016

LA LIBERTÉ (35) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES

Suite de l’article précédent 

Le dernier extrait du témoignage de Hoess que je citerai ici est celui qui, selon moi, concrétise de manière évidente le fonctionnement des esprits devenus des “machines à obéir” ; il concerne la mort de presque 900 prisonniers de guerre russe pour laquelle on effectua le premier essai de gazage au moyen du zyclon B dans le crématoire du camp d’Auschwitz. Ce texte mérite d'être cité dans son intégralité tant il est révélateur des mentalités des SS après leur endoctrinement :

Ce n'est qu'au bout de plusieurs  heures qu'on ouvrit  la pièce et qu'on l'aéra.  Je vis alors pour la première fois des corps des gazés en tas. J'éprouvai un sen­timent de malaise et d'horreur. Pourtant je m'étais imaginé que la mort par le gaz serait pire. J'avais pensé que  ce serait  un atroce  étouffement.  Or, les cadavres ne portaient aucune trace de crispation. Les médecins m'expliquèrent que l'acide prussique exerce une influence paralysante sur les poumons si rapide et si puissante, qu'il ne provoque pas de phénomènes d'asphyxie semblables à ceux que produit  le gaz d'éclairage  ou la suppression  totale de l'oxygène.

Je ne m'étais pas livré alors à des réflexions  au sujet  de cette extermination des prisonniers de guerre russes. C'était un ordre et je n'avais qu'à l'exécuter . Mais je  dois dire en toute franchise que ce gazage  produisit sur moi un effet   rassurant,  car  bientôt  nous devions  commencer  l'extermination  des  Juifs et ni moi ni Eichmann nous n'avions aucune idée des méthodes à employer . Cela devait bien se faire avec le gaz, mais comment et avec quel gaz? A ce moment-là nous avions  le gaz et  le mode d'emploi”

Dans ce texte, trois mots-clés apparaissent : “malaise, horreur, rassurant” : on retrouve dans  les deux premiers mots, le cheminement qui fut celui de Kremer et sans doute de la plupart des SS lorsqu’ils furent pour la première fois confronté à ce type de scène. Pourtant ces sentiments sont vite balayés par un autre pour lequel Hoess utilise le mot “rassurant” .

Dans le précédent article, j’ai montré Hoess obnubilé par les multiples charges qui lui étaient dévolues ; parmi celle-ci, il lui fallait trouver un moyen de tuer rapidement et efficacement des convois entiers de juifs : il avait enfin trouvé la solution !

Encore faut-il savoir pour qui cette méthode serait rassurante : la suite du texte nous en fourni l’explication :
J'envisageais toujours avec horreur  les  fusillades massives  surtout celles des femmes et des enfants… nous n'aurions plus à assister à ces « bains de sang »   et l'angoisse pourrait être épargnée aux victimes  jusqu 'au dernier  moment. Or, c'est cela qui m' inquiétait le plus quand je pensais aux descriptions  que m'avait faites Eichmann du massacre des Juifs par  les «Einsatzgruppen»  au moyen de mitrailleuses ou de carabines automatiques . Des scènes épouvantables se déroulaient à cette occasion : des blessés s'enfuyaient, on en achevait  d'autres,  surtout des femmes  et des enfants.

De nombreux soldats du « «Einsatzgruppen» se suicidaient ne pouvant plus supporter de se baigner ainsi dans le sang. Plusieurs d'entre eux étaient devenus fous. La majorité de ces soldats avait recours à l'alcool pour effacer le souvenir de leur effroyable besogne.” 

Ainsi, pour Hoess, le gazage était “rassurant” non pas pour les victimes mais pour les SS qui pratiquait l'extermination par les armes à feu, il n’y aurait plus de sang, plus de carnage, les cadavres ne porteraient plus de traces de violence ! Effectivement, ce serait “rassurant”

Ainsi, la “machine à obéir” était devenue, après un bref instant d’horreur,  une “machine à tuer,  c’est selon moi selon un tel cheminement que l’on “fabrique” des génocidaires.

lundi 30 mai 2016

LA LIBERTÉ (34) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES

Suite de l’article précédent

L’extrait ci-dessous du témoignage de Rudolf Hoess montre de manière frappante la manière dont est appliquée la “machine à obéir” que sont devenus les SS après leur formation. Il relate la manière dont le commandant d’Auschwitz fut amené à créer un camp d’extermination jouxtant le camp de concentration primitif.

“ Conformément à la volonté du Reichsführer SS, Auschwitz devint le plus grand établissement  d’extermination   des   hommes   que   l'histoire   ait   connu.   Lorsque, en été 1941, il me  donna  personnellement  l'ordre  de  préparer  à  Auschwitz  une place  pour  l'extermination  massive  et  me  chargea  moi-même  de  cette  opération ,  je ne pouvais me faire la moindre idée de l'envergure de cette entreprise et de l' effet qu'elle produirait . Bien  que  cet  ordre  fût  quelque  chose  d'extraordinaire ,  quel­que  chose  de  monstrueux ,  l'argumentation  qui  l'accompagnait  me   fit   paraître cette ·action d'extermination  tout  à  fait  juste.  A  l'époque  je  n'y  pensais  pas ;  j'ai reçu l'ordre, je  devais  l’exécuter. Que  cette  extermination  des  Juifs  fût  nécessaire ou non, je ne pouvais pas  me  permettre  d'en juger  ; je  ne pouvais pas voir  si  loin. Du moment où le Führer 109 lui-même avait ordonné  «  la  solution  définitive  du  problème juif » un vieux membre du parti national-socialiste n'avait pas à réfléchir,  surtout  quand   il  était  un  officier  SS.  «   Führer,  ordonne,  nous  suivons  » ce  n'était pour nous en aucun cas une simple formule , un slogan. On l'entendait strictement à la lettre.”

Ce texte montre à l'évidence que Hoess avait perdu à cette époque non seulement son sens critique mais aussi son humanité : il reçoit l’ordre de mettre en œuvre une extermination massive, et obéit sans état d'âme comme il l'écrit à  deux reprises : “j’ai reçu l’ordre, je devais l'exécuter” et “ Führer, ordonne, nous suivons”.  Non seulement, il ne discute pas l’ordre mais en plus Il l’appliquera sans réfléchir, sans le comprendre et, bien entendu, sans le juger : Puisque l’ordre émane de Himmler, il ne peut être que juste même s’il n’y parait pas de prime abord : le Reichführer possède en effet une vision globale du devenir de l’Allemagne que Hoess ne peut comprendre au niveau où il est. Hoess est devenu une “machine à obéir”, il a perdu totalement sa liberté, devenant esclave de ce qu’il considère comme son devoir.

Suite à cet ordre, Hoess s’emploie à obéir servilement à l’ordre en permettant sa mise en œuvre par les travaux d'aménagements du futur camp d’extermination. Son témoignage le montre occupé, par exemple, à chercher où il pourrait trouver assez de fil barbelé pour entourer le camp, à faire obéir ses subordonnés enfermés dans la routine du camp, à demander toujours plus aux déportés pour que tout soit prêt lorsque les premières juifs arriveraient.

“Harcelé éternellement par  le  Reichsführer  SS,  par  les difficultés  que  créait la guerre, par les embarras quotidiens du camp et de tout le domaine, embarras qu'entraînait le flot ininterrompu de nouveaux internés, je  ne  pensais  plus qu'à mon travail... Harcelé  moi-même, je  ne laissais pas respirer mes subordonnés, SS ou civils, tous les services inté­ressés, les entreprises privées  et  les  détenus .  Rien ne comptait  pour moi que de faire avancer le travail… pour exécuter  les ordres qu'on m'avait  donnés”

À suivre...

dimanche 29 mai 2016

LA LIBERTÉ (33) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GENOCIDAIRES.

 suite de l'article précédent

Les mutations de Kremer d’homme possédant la conscience de ses actes en “machine à tuer” posent une question essentielle : pourquoi, aux moments où il a manifesté un sentiment d’horreur n’a-t’il pas fui en refusant de participer à l’œuvre de mort de la solution finale ?

Pour le comprendre, on peut se référer au témoignage de Rudolf Hoess ; commandant SS du camp d’Auschwitz de 1940 à 1943, il fut à l'origine de la mutation du camp de concentration en camp d’extermination et c’est pendant son commandement que l’on expérimenta l’utilisation du ziclon B dans les chambres à gaz. Ce témoignage, établi après coup en 1947, est souvent sujet à caution puisque Hoess l’écrivit en tant que plaidoyer de défense lors de son procès à Cracovie qui le condamna à la peine de mort. Dans cette perspective, Hoess avait intérêt à présenter un profil humain en faisant par exemple état de ses doutes. Je n’ai donc cité ci-dessous que les extraits qui me semblent témoigner de ses conceptions pendant la période où il était en poste à Auschwitz.

« Ce n'est pas en vain que les cours d’entraînement pour les SS nous montraient les Japonais comme un brillant exemple de sacrifice total à l'Etat et à l’Empereur qui était en même temps leur Dieu. Les cours d’instruction des SS n'étaient pas, comme les conférences universitaires, un enseignement qui ne laissait pas de traces. Ils restaient profondément gravés dans leurs esprits et le Reichsführer SS (Himmler) savait très bien ce qu’il pouvait exiger de ses «estafettes de protection ».

Un ordre du Führer, et pour nous également l'ordre du Reichsführer
SS, étaient toujours justes »

Ce premier extrait montre clairement ce qui se passe dans les écoles de formation de la SS. Un principe fondamental y apparait : l’obéissance absolue aux ordres donnés, on montre aux futurs SS que le Führer et par délégation le Reichführer Himmler ont toujours raison dans ce qu’ils exigent des SS, ceux-ci doivent accomplir ce qui leur est demandé même s’ils ne comprennent le sens des ordres qu’on leur donne. Ils n’ont pas à émettre d’objections ni même de doutes, dans l’idéal, on cherche à “court-circuiter” en eux le chemin vers la voie du tiroir de “l’être en soi”, annihiler en eux tout libre-arbitre et même toute pensée pour n’en faire que des “machines à obéir”.

Dans la perspective de cette unique finalité, Hoess ne mentionne pas l’enseignement de l’idéologie du régime, Il n’évoque ni le concept de la race supérieure, ni celui de la résolution du problème juif. Seule compte l’idée de l’obéissance à tous les ordres qu’on leur donne, peu importe qu’ils ne les comprennent pas.

" Le Reichsführer SS était « intouchable ». Les ordres essentiels qu'il donnait au nom du Führer , étaient sacrés . Nous n' avions pas à y réfléchir, à les interpréter, à en rechercher le sens. Nous devions les exécuter jusqu'au bout,  même  en  sacrifiant  sciemment  notre vie, comme  beaucoup d'officiers  SS l'ont fait  pendant  la guerre."

Les SS d’Auschwitz ont-ils conservé, malgré le formatage de leurs esprits, des sentiments humains ? Oui selon Hoess comme en témoigne l’extrait ci-dessous :

« La plupart des participants m'abordaient pendant mes tournées d’inspection sur les lieux d'exécution pour se débarrasser de leurs doutes, me faire part de leurs impressions, espérant que  je  les  rassurerais.  Au  cours  de  nos conversations  confidentielles, ils  me posaient  toujours   la  même  question   :  "  Est-ce  vraiment   nécessaire  ce  que nous sommes obligés de faire ici? Est-il absolument nécessaire d’anéantir  des  centaines de milliers de femmes et d'enfants ? Et moi, qui  m'étais  posé mille fois,  dans mon for  intérieur,  la  même question, j'ai  dû, pour  les consoler, me contenter de vaines paroles en invoquant l'ordre du Führer . J'ai dû leur dire que cette extermination de la juiverie était indispensable pour libérer une fois pour toute l'Allemagne  et  nos descendants  de nos adversaires les plus  acharnés.

Bien qu'il fût évident pour nous que  l'ordre du Führer  ne saurait  être discuté et que c'était aux SS de l’exécuter, nous étions tous rongés par des doutes secrets. Personnellement, je ne pouvais dans aucun cas avouer mes doutes. Pour renforcer la résistance psychique de tous les participants, je devais me montrer inébranlablement
convaincu de la nécessité d'exécuter cet ordre si dur, si atroce. »

Hoess ainsi que ses officiers se présentent comme profondément tourmentés par ce qu’il doit accomplir ; sans nier la véracité de ces faits, il convient de les relativiser eu égard au moment où Hoess  écrivit ses mémoires., juste avant son procès.

A suivre...

samedi 28 mai 2016

LA LIBERTÉ (32) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GENOCIDAIRES.


Suite de l’article précédent

Lorsqu’on considère les abominations commises par les exécutants de génocide dont j’ai donné quelques exemples dans l’article précédent, il se pose la question fondamentale de savoir si ces individus sont libres au moment où ils commettent leurs forfaits avec ce corollaire, ont-ils choisi en toute liberté les valeurs qui les pousse à agir ainsi ?

Tenter de répondre à cette question est difficile d’autant que la plupart de ces assassins n’ont jamais tenté de se justifier sinon par de vagues excuses fournies à posteriori du type :
   . Je me suis contenté d'obéir aux ordres, d’ailleurs, si je ne l’avais pas fait, je risquais d’être fusillé comme traître.
   . Ma patrie (ou ma race ou ma religion selon les cas) était menacée par des êtres malfaisants qui tentaient de détruire tout ce qui faisait notre identité, notre spécificité et notre civilisation ; les éliminer était de notre devoir.

Ces justifications des génocidaires ne sont que des alibis qu’ils veulent bien se donner, ils tentent de rendre admissible après coup les crimes commis aux yeux du monde et surtout à leurs propres yeux. Bien que variées, ces justifications  ressortent toutes de la même approche : je ne suis pas responsable, j’ai été esclave d’une force qui me dépassait et à qui j’ai obéi aveuglement, par contre, elles ne rendent absolument pas compte de ce qui se passe véritablement dans l’esprit des exécutants au moment où ils commettent leurs crimes.

Les sources d’information concernant ce dernier propos  sont difficiles à trouver, néanmoins on peut citer quelques témoignages de ces exécutants et en particulier émanant de SS en poste à Auschwitz.

Le premier est celui d’un des médecins SS du camp appelé Johann Paul Kremer qui écrivit au jour le jour son journal et arrive à Auschwitz le 30 août 1942.  Voici quelques extraits de celui-ci :

2 septembre 1942
J’ai assisté pour la première fois à une action spéciale extérieure (dans les chambres à gaz établies à l’extérieur du camp dans deux maisons appelées bunker) à trois heures du matin, en comparaison, l’enfer de Dante m’apparaît presque que comme une comédie…
3 septembre
Je suis tombé malade pour la première fois, victime des crises de diarrhée qui affectent tout le monde au camp...cela tient très probablement au climat malsain..accompagné de masse de poussière  et de mouches.
5 septembre
Aujourd’hui, à midi, j'étais présent à une action spéciale au camp de  femmes : le comble de l'horreur. Le Hauptscharführer Thilo (médecin de garnison) avait raison de me dire aujourd'hui que nous nous trouvions ici à l’anus mundi (au rectum du monde). Le soir, vers 8 h, j'assiste de nouveau à une action spéciale concernant les gens  en  provenance de  Hollande.   A  cause  de  la ration supplémentaire distribuée à de telles occasions, consistant en 1/ 5 litre d'alcool, 5 cigarettes, 100 g de saucisse et pain, les hommes se bousculent pour participer à de telles actions. Je suis de service aujourd'hui et demain.
6 septembre
Aujourd'huidimanche, excellent déjeuner : soupe aux tomates, 1/2 poulet avec pommes de  terre  et choux rouge (20 g de matière grasse), dessert et magnifique glace à la vanille. Le soir, vers 8 heures, je suis de nouveau présent à une action  spéciale  à  l'extérieur

Il apparaît d’abord chez Kremer un sentiment d’horreur devant cette monstruosité qu’on lui faisait voir et à laquelle il participa. Le choc émotionnel fut tel que le lendemain, il fut malade (bien qu’il n’ait bu, dit-il que de l’eau en bouteilles) deux jours après, à peine rétabli, assiste à une nouvelle “action spéciale” et manifeste le même sentiment d’horreur que la première fois. Pendant ces deux jours, il réagit selon le système de valeurs qu’il avait en lui et, par la même, manifeste qu’il est encore un homme libre.

Cette situation ne dura pas au-delà de ces deux jours, le lendemain de la deuxième action, il ne parle que du bon repas qu’il a fait et assiste le même jour sans manifester un quelconque sentiment à une action spéciale.

A ce moment Kremer avait, selon moi, perdu le chemin de l’introspection menant au casier de l'être et des valeurs qu’il renfermait, on a l’impression qu’il s’est produit en lui une sorte de court-circuit qui l’avait coupé tout contact avec son “être en soi”. Désormais, Il devint totalement insensible et indifférent aux souffrances des autres, réagissant mécaniquement  comme un automate à tout ce qu’on lui demandait de faire (actions spéciales, expériences médicales sur des gens que l’on tuait pour lui…), soucieux seulement de son paraître et de son plaisir (bon repas, achat de vêtements coûteux..) acceptant sans état d’âme tout ce qu’on lui inculquait. Il n'était même pas esclave de l'idéologie nazi, il avait perdu sa conscience et sa dignité d'être humain !

A suivre


vendredi 27 mai 2016

LA LIBERTÉ (31) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GENOCIDAIRES.


Les exemples des grands assassins et des dictateurs sanguinaires m'ont toujours intéressé en ce sens que je voulais comprendre pourquoi et comment ils en étaient arrivés là ; je voulais rechercher plus précisément les "valeurs en soi"  que ces individus mettent en avant pour ainsi promouvoir en eux la violence et la haine.

Pour cela, je disposais des deux outils que j’ai définis dans ce chapitre concernant la liberté :
   . Le cheminement introspectif permettant la distinction entre les valeurs du « paraitre et des alibis » et les valeurs de « l’être »,
   . La classification des valeurs contenues dans le « tiroir de l’être » dans la perspective de se constituer en toute liberté un cadre de référence valable dans tous les actes de la vie quotidienne.

En d’autres termes, je voulais comprendre si les génocidaires disposaient de leur liberté au moment où ils agissent. Pour cela, selon moi, il convient de distinguer deux catégories parmi ces génocidaires : les concepteurs et les exécutants.

LES EXECUTANTS

Pour tenter de comprendre le fonctionnement mental de ces exécutants, je prendrai tout d’abord quelques exemples de leur comportement :  

Le premier est celui des SS nazis chargés de la "solution finale" dans les camps d'extermination du type Treblinka ou Sobibor ou dans des camps comme Auschwitz qui associaient camp de travail et extermination. Selon les rares témoignages que l'on possède, ces nazis rentrent le soir chez eux, la satisfaction du travail accompli, ce sont des pères et des maris attentifs ; pourtant, le lendemain, ils se rendront au camp et tueront des centaines de gens sans aucune hésitation s'aidant seulement de rasades d'alcool pour surmonter le dégoût que leur procure non les massacres qu’ils commettent mais beaucoup plus les conditions dans lesquelles ils les accomplissent.

De même, comment des jeunes gens normaux que l'on envoie pacifier une région de guérilla peuvent-ils devenir des tortionnaires cruels se donnant l'alibi d’extorquer la vérité pour faire souffrir des êtres humains ?

Comment peut-on comprendre les valeurs de ces individus qui entrent armés dans une école et tuent au hasard des enfants qui ne leur ont rien fait ?

Comment aussi peut-on justifier ces gens qui vont tuer sans état d’âme leur voisin parce qu'ils estiment qu'ils ne sont pas de la même race qu'eux comme on l'a vu par exemple au Rwanda ?

A suivre...

mercredi 25 mai 2016

LA LIBERTÉ (30) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL

SYNTHÈSE : LES APPORTS DES SYSTÈMES PHILOSOPHIQUES

Les quatre systèmes de pensée que je viens de décrire me conduisent à énoncer quatre types de conclusions :

1- en premier lieu, comme le pensent Platon, Kant et Nietzsche, et à l'inverse des théories religieuses, il me semble que le "mal en soi" n'existe pas en tant que valeur préexistante, ce n'est qu'une création humaine et un choix de vie.

2- de la même manière, le "bien en soi" n'existe pas non plus, il n'est pas une aptitude naturelle de l'homme, c'est aussi un choix de vie.

3-  si le bien et le mal sont des créations humaines, il convient alors de se demander pour quelle raison elles ont été créées ; selon moi, ces valeurs de « l'être en soi » ne deviennent importantes qu'au niveau de la vie en société, celle-ci ne peut en effet pas exister sans qu'apparaissent des règles qui différencient le mal et le bien qui est alors interprété comme le dualisme " ce qu'il faut faire-ce qu'il ne faut pas faire" il faut bien en effet que la coexistence des êtres humains puissent s'effectuer le plus harmonieusement possible. Il convient cependant de remarquer que ces règles ne sont pas universelles comme le proclame la Déclaration des droits de l'homme, chaque groupe humain élabore son système de valeurs selon ses fondements sociaux et culturel : " vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà" comme l'écrivit Pascal.

4- dans de telles conditions, on peut cautionner le raisonnement de Nietzsche sur les idoles qui n'ont que le fondement que l'on veut bien leur donner tout comme sa méthode  du généalogiste qui vise à rechercher, au-delà des choix conscients, les "idoles" que ces choix sous-tendent. C'est une démarche qui s'inscrit dans la droite ligne du « connais-toi toi-même» et ressemble la méthodologie du tiroir qui fut la mienne lorsque j'ai évoqué la "liberté en soi". De même, il me semble que la présence de multiples valeurs dans le casier de l'être correspond assez bien à la pensée de Nietzsche qui insère toutes les valeurs tant actives et réactives au nom de sa volonté de puissance intérieure ; par contre, je ne crois pas qu’il convient de garder en soi, même maitrisées,  toutes ces valeurs souvent contradictoires auxquelles on est sans cesse confronté, c’est ce qui m’a conduit à émettre l’idée du choix des valeurs dans le casier de "l’être en soi".

En conséquence de ces caractéristiques et au nom de la liberté absolue de choix des valeurs de l'être en soi, il découle deux comportements possibles :

        - si  l'imprégnation des valeurs sociales rejaillit sur la constitution de ses propres valeurs, l'attirance vers le bien devient la valeur dominante même s'il existe la plupart du temps une réaction du mal survenant afin de contrer le bien ( je suis volontaire dans une association humanitaire mais je n'ai pas envie d'y aller, je suis bien mieux chez moi assis dans mon canapé en buvant une bière)

        - A l'inverse, celui qui qui choisit le mal en dépit des règles sociales devra soit ravaler ses valeurs, soit se donner les moyens de les imposer aux autres tyranniquement. Ce fut en particulier le cas de tous ceux qui établirent leur dictature.

prochaine article : le contre-exemple des "génocidaires"


mardi 24 mai 2016

LA LIBERTÉ (29) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL

LES VALEURS DANS LA PHILOSOPHIE DE NIETZCHE(suite de l’article précédent)

Toutes les valeurs n’étant que des idoles inventées par les faibles mais ne reposant sur aucun fondement, Nietzche préfère, dans sa reconstruction, partir du phénomène des forces existantes ; selon lui, il en existe deux types :
          - les forces réactives (les idoles) qui s'expriment par opposition avec d'autres forces : par exemple, une théorie scientifique nouvelle s'établit en réaction contre les théories antérieures, de même, le bien est antinomique du mal,
          - les forces actives comme celle de l'esthétique qui agissent par elle-même sans rien retirer aux autres forces (ainsi l'impressionnisme de Monet n'a pas chassé le réalisme de Courbet).

Le but de l'homme est d'intégrer en lui le maximum de forces (ce que Nietzche appelle volonté de puissance), de les maîtriser et de les harmoniser en soi (théorie du surhomme) : "il faut faire de soi un monument de puissance vitale.. Avoir tous les dons et les désirs induits, même contradictoires.. Mais il faut la maîtrise intérieure ". En ce sens, accepter la victoire des forces réactives, c'est diminuer sa volonté de puissance.

Ces théories débouchent sur une nouvelle conception de la vie humaine :
     - l'être humain doit passer par trois stades : celui du chameau qui obéit sans se poser de questions, celui du lion qui dit non, celui enfin de l'enfant uniquement soucieux de profiter du temps présent et d'en saisir toutes les richesses (l’innocence du devenir) et qui témoigne d'une tranquille affirmation de soi.
     - seul compte le présent, l'instant, le réel et le tissu de forces qui est la vie ;  le passé n'est que source de nostalgie et de regrets, le futur n'est qu'une espérance sans fondement, l'éthique basée sur le libre-arbitre ne fait que culpabiliser ; on ne doit rien chercher ni avoir de but afin d'accéder à la joie véritable qui vient quand on est conquis par le sentiment de l'intensité de la vie (Amor Fati) et que l'on voudrait que ce sentiment, si puissant qu'il semble durer une éternité, reviennent sans cesse (l'éternel retour).
     - le surhomme est celui qui vit dans l'innocence du devenir, dans l'intensité de l'instant et de l"Amor fati" et dans la réconciliation avec le réel.
     - au lieu d'une éthique centrée sur le bien et le mal, Nietzsche prône une morale qu'il appelle le  "grand style" : il faut  « harmoniser toutes les forces réactives de la rationalité et les forces actives de l'esthétique ».

Les idées de Nietzsche que j'ai tenté ici de synthétiser au risque de les schématiser, me permirent à la fois de justifier les intuitions sur la liberté dont j'ai fait part dans les articles précédents et aussi de finaliser ma synthèse des apports des systèmes philosophiques concernant le problème du bien et du mal dans la perspective de la liberté en soi.

dimanche 22 mai 2016

LA LIBERTÉ (28) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL


LES VALEURS DANS LA PHILOSOPHIE DE NIETZCHE

Nietzche va présenter une vision diamétralement opposée à celle des thèses platoniciennes pour qui le bien est préexistant dans l'homme. Selon ce philosophe, toutes les valeurs auxquelles on se réfère y compris ceux du bien et du mal ne sont que des "idoles" qu'il convient de désacraliser.

Dans la pensée aussi complexe et foisonnante de Nietzche, je citerai quelques-unes des thèses de ce philosophe concernant cette dénonciation des valeurs :

     - la démarche de Nietzsche part d'abord d'une idée fondamentale : derrière nos choix conscients se trouvent des arrière-mondes insondables que l'on peut indéfiniment explorer sans jamais trouver la lumière. ,

     - Par peur mais aussi par faiblesse,  les hommes ont inventé des valeurs qu'ils ont établies pour faire écran entre les choix conscients et ces arrière-mondes qui peuvent effrayer..

     - Ces valeurs englobent tous les domaines auxquels l’homme se réfère habituellement : valeurs métaphysiques et morales, préceptes religieux ou philosophiques, passé et avenir, sciences et, bien entendu, notion de bien et de mal : toutes ne servent qu'à masquer la seule chose qui soit avérée, le réel.

     - ces valeurs, qui Nietzche qualifie d’ « idoles » ne sont cependant que des colosses au pied d'argile puisqu'elles sont sans fondement, elles ont été créé par les faibles et les esclaves, incapables de vivre sans références morales mais elles brident l'homme fort et le culpabilisent.

     - il faut déconstruire les idoles derrière lesquels se trouvent des intérêts cachés et souvent inavouables ; sans cela, tout jugement ne peut se cantonner qu'à la surface des choses. Nietzsche utilise pour cela une méthode appelée la "généalogie" : tout jugement n'établit pas une vérité, il n'est qu'un symptôme des idoles qui se dissimulent derrière lui ;  à chaque fois que l'on effectue un acte conscient, il faut rechercher les "idoles" auquel il se réfère.

     - Pour Nietzsche, Le but n'est pas de détruire ces idoles comme pourraient le penser les anarchistes ou les hédonistes, mais beaucoup plus de les maîtriser, de les intégrer en soi et de faire de soi un monument d'harmonie.

Ainsi,  le bien et le mal ne sont que des idoles construites par les hommes afin de brider la force vitale qui se trouve chez tous les êtres humains, il conduit à l'asservissement de l'être et à l'obéissance aveugle à des règles sans fondement.

Dans de telles perspectives où toutes les valeurs sont niées en tant que telles, comment reconstruire  ?

samedi 21 mai 2016

LA LIBERTÉ (27) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL

L'ENSEIGNEMENT SUR LE BIEN ET LE MAL DES RELIGIONS MONOTHÉISTES (suite)

Il convient cependant de relativiser ce côté factice du libre-arbitre en tant que liberté qui n'en serait pas une (1) ; tout dépend en effet de ce que l'on entend par acte positif permettant le salut. On trouve dans les livres saints et chez leurs commentateurs tout une série d'interprétations possibles de ce qui est bien et de ce qui ne l'est pas.

Ainsi, dans le christianisme, on passe d'une conception d'un Dieu vengeur et implacable envers ceux qui désobéissent comme dans l'Ancien Testament au Dieu d'amour et de miséricorde des Evangiles. Voici par exemple deux citations qui éclairent ce dualisme :

" Samuel dit à Saül: «'... Ecoute donc les paroles prononcées par l'Eternel! Voici ce que dit l'Eternel, le maître de l'univers: Je me souviens de ce que les Amalécites ont fait à Israël lorsqu'ils lui ont barré le chemin à sa sortie d'Egypte. Va maintenant frapper les Amalécites. Vouez à la destruction tout ce qui leur appartient. Tu ne les épargneras pas et tu feras mourir hommes et femmes, enfants et bébés, boeufs et brebis, chameaux et ânes.» (1-SAMUEL 15)

"Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. Si quelqu'un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l'autre. Si quelqu'un prend ton manteau, ne l'empêche pas de prendre encore ta tunique. Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas ton bien à celui qui s'en empare.…(LUC 6)

Ces deux exemples montrent que le salut peut être obtenu selon les cas par le bellicisme ou le pacifisme selon le texte auquel on se réfère.

 A cela s'ajoute l'enseignement de l'église avec d'autres antagonismes comme celui utilisé par saint Bernard pour justifier les massacres accomplis par les croisés médiévaux et qui indique que l'homicide est un péché tandis que le malicide (tuer le mal qui est en un homme) ne l'est pas ! De tels enseignements conduisirent aux excès des croisades et plus tard des tribunaux de l'inquisition !

Il en est de même dans l'Islam concernant le DJIHÂD selon les commentateurs musulmans : dans la Sunna, la tradition musulmane, les docteurs en droit musulmans distinguent trois sortes de Djihad :
     . le 'Djihad' le plus grand ('Djihad' al-akbar), celui contre l'ennemi intérieur et contre le mal qui détourne du bien,
     . Le 'Djihad' al-asghar (Djihad le plus petit), celui contre l'ennemi extérieur pour défendre la religion dans une perspective uniquement défensive.
     .  le 'Djihad' le plus noble ('Djihad' al-afdal) qui signifie « dire la vérité devant un oppresseur en ne reniant pas sa foi en Dieu » (2)

Dans ces conditions, tout dépend quel Djihad sera mis en avant, ce qui permet à chacun d’établir une interprétation qui lui soit propre.  

De ce qui précède, j'en conclue que les notions de bien et de mal sont, dans les religions monothéistes dérivées du judaïsme, des valeurs relatives et non absolues, elles dépendent des interprétations que l'on peut en faire. Si je reprends ma métaphore du tiroir, chaque croyant peut trier les valeurs que lui proposent les religions par l'emploi de sa raison de ses croyances ou de sa foi  et les classer en toute liberté.

(1) voir l’article précédent

(2) Un internaute anonyme d'un forum musulman écrit cette phrase : "Chaque individu peut lire le Coran et la Sunna, mais quiconque ne peut les interpréter, car chacun projette ses états d'âmes dans son interprétation. Les gens englués dans l'ignorance et l'obscurantisme sont gouvernés par les pulsions de leur ego, et par conséquent vivent dans l'époque de l'ignorance, même si l'on est au vingt et unième siècle. Leur interprétation des textes sacrés, de la Bible, des Evangiles et du Coran correspond au niveau ... matérialiste de leur compréhension et de leur imagination. L'on ne peut pas accuser le texte, si son interprétation est erronée. "


vendredi 20 mai 2016

LA LIBERTÉ (26) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL

L'ENSEIGNEMENT SUR LE BIEN ET LE MAL DES RELIGIONS MONOTHÉISTES

Dans les religions monothéistes héritées du judaïsme, le mal  tout comme le bien sont des valeurs préexistantes à l'homme. Le mal possède une existence propre personnifiée les anges déchus que sont Satan et sa cohorte de démons. En conséquence, il existe un antagonisme entre le bien voulu par Dieu et les incitations au mal émanant du diable qui sert de toile de fond à toute l'existence des croyants.

Les religions monothéistes, à l'exception toutefois du protestantisme, ajoute à ce dualisme Dieu/diable une autre idée fondamentale, celle du libre-arbitre.

Le libre-arbitre établit en théorie la liberté de l'homme, il n'est à l'origine prédisposé ni par le bien ni par le mal, c'est lui qui choisit quel sens il va donner à son existence : respectera-t-il les valeurs éthiques contenues dans les livres émanant de Dieu ou se laissera-t-il tenter par les multiples sollicitations du diable pour accomplir le mal ?

Théoriquement, ce libre-arbitre ne constitue pourtant chez les croyants des religions monothéistes qu'une liberté factice puisque se laisser aller au mal pendant sa courte vie terrestre, conduira à une damnation qui,elle, sera éternelle ; à l'inverse, faire le bien et respecter les commandements de Dieu permet d'être sauvé pour l'éternité . Le croyant est donc conditionné par l'alternative salut/damnation qui correspond au dualisme bien/mal. Chaque acte est accompli non au nom d'une liberté totale de choix, mais en fonction de ce qu'il adviendra lors de la pesée du bien et du mal au moment du jugement dernier. 

A suivre...


jeudi 19 mai 2016

LA LIBERTÉ (25) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL

Suite de l’article précédent

Les thèses socratiques ont servi de base à une grande partie de la philosophie occidentale jusqu'au 19ème au moins. Pendant longtemps, la prééminence du bien n'a pas été contestée au moins dans les thèses philosophiques en vogue. Le philosophe qui  théorisa le mieux ces idées est Emmanuel Kant dans " la religion dans les limites de la simple raison"

L'idée fondamentale de Kant est, comme je l'ai écrit précédemment,  que la raison, l'outil par excellence de la connaissance, ne peut s'appliquer qu'au monde sensible des sciences expérimentales ; tout ce qui dépasse le monde sensible pour accéder à la métaphysique ne peut être que spéculation puisque sans fondement. Comme l'indique le titre de son ouvrage, "la religion dans les limites de la simple raison", Kant va tenter de trouver les valeurs qui fondent le bien et le mal par la raison et non pas par une recherche transcendantale. En ce sens, Kant va "déthéologiser" la religion en passant de la croyance à la connaissance au moyen de l'outil-raison.

En premier lieu, Kant tout comme Platon indique que le mal absolu n'existe pas en tant que valeur préexistante à l'homme car un mal immanent rendrait subjective et imparfaite l'universalité de la raison.  De même Kant constate que le mal n'existe pas dans la nature, plantes et animaux ne manifestent aucune tendance au mal car, pour cela, il faudrait que la nature dispose d'une liberté de choix. C'est seulement chez les hommes que cette tendance existe et résulte de la liberté de choix qu'il possède.

Même chez les hommes, il n'existe pas d'autonomie du mal, le mal n'apparaît qu'en tant que valeur antagoniste par rapport du bien quand l'homme s'en détourne. Il réside dans le fait que l'homme, délibérément, choisit de privilégier ses désirs sur les valeurs morales.

Pour Kant, l'origine du mal est inhérent à l'homme mais sans que l'on sache comment une telle valeur s'y trouve. Cependant, cette valeur n'est pas la réalité la plus profondément ancrée dans l'homme, l'homme naturellement est porté au bien mais cette prééminence  naturelle vers le bien est sans cesse confrontée à la tendance au mal qui résulte de la volonté de satisfaire ses désirs égoïstes et ses plaisirs : lorsque l'homme choisit de faire le bien, il se produit immédiatement un penchant à résister. Il existe en l'homme une prédisposition au bien et un penchant pour le mal.

La tentation de faire le mal provient de la conscience même de l'être humain, lorsqu'on choisit le mal, on le fait délibérément car c'est un acte de liberté individuelle : en se voulant sourd à la loi morale et au devoir, on construit délibérément le mal en nous.

Pour Kant enfin, la loi morale doit être universelle, il retrouve dans les valeurs morales du christianisme les prescriptions éthiques que chacun est capable de retrouver en laissant agir sa propre raison.

Ainsi, Platon et Kant ont en commun une idée essentielle, la prééminence du bien sur le mal :
     - pour Platon, des exercices intellectuels permettent d'accéder à la connaissance de soi et suffisent pour éliminer le mal et trouver le bien qui préexiste dans l'âme,
     - pour Kant, le bien est la valeur la plus profondément ancrée dans l'esprit humain, le mal n'étant qu'un penchant auquel on succombe en toute liberté en privilégiant ses plaisirs à l'observance de la loi morale découlant du bien.

D'autres philosophes ont également mentionné une préexistence chez l'homme de tendances vers le bien ou le mal ; ainsi,  Rousseau indique que, par essence, l'homme à l'état de nature est naturellement bon et que c'est la société qui le  pervertit tandis que Hume  part du postulat que l'homme est un loup pour l'homme et que seule la société peut canaliser sa violence et son appétit de puissance.

L'ensemble de ces thèses part du postulat qu'il existe une préexistence de valeurs chez l'homme qui sont, en quelque sorte innées. Or il me semble que, quand par l'introspection on veut aller jusqu'au bout de la connaissance de soi, on se trouve essentiellement face à des acquis et non à des valeurs ex-nihilo , cela explique que chacun est différent de son voisin : il s'effectue en chaque être humain un dosage différent de valeurs qui constituent sa personnalité et son individualité.

lundi 16 mai 2016

LA LIBERTÉ (24) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL

Après la description de la liberté par la connaissance de soi et du dualisme liberté-croyance, il s’agit pour moi de tenter de montrer dans un troisième volet sur le sujet de la liberté comment celle-ci peut aboutir tout autant au le choix du bien comme à celui du mal.

Les chapitres précédents consacré à la liberté de l'être m'avait conduit en effet à poser le problème du choix des valeurs constitutives de l’être.  C’est de ce choix, effectué en toute liberté pour tous ceux qui dépassent le casier du paraître et  des alibis, que découle la manière d'être de l’homme qui peut tout à la fois devenir un saint mais aussi un monstre assoiffé de sang.

Devant de telles disparités, il convient de savoir comment s'opère le choix des valeurs que chacun va privilégier, cela pose la question du bien et du mal.

Pour répondre à cette question, on peut se placer à trois niveaux avant de tenter une synthèse :
     - les théories traditionnelles de la philosophie,
     - les enseignements de la religion,
     - les théories de Nietzsche.

LES THÉORIES TRADITIONNELLES DE LA PHILOSOPHIE DE PLATON A KANT

Il s’agit d’un courant de la philosophie qui dérive des thèses socratiques exprimées par Platon dont l'idée fondamentale est que le mal résulte uniquement de la méconnaissance de soi, le mal en soi n'existant pas.

Ce postulat platonicien dérive de la théorie des "Idées pures" l'âme, naturellement parfaite, se dégrade en quittant le monde des Idées pour le monde sensible et ne devient plus qu'un pâle reflet de ce qu'elle était ; néanmoins, sa perfection d'origine reste enfouie au plus profond de la nature humaine.

Platon pense que l'être humain possède en lui tout ce qu'il faut pour retrouver les idées pures que son âme possédait ex-nihilo, il lui suffit par la maïeutique de se débarrasser de ses fausses croyances qui ne conduisent qu'au mal pour se connaître soi-même en retrouvant sa perfection d'origine  et au bien primordial qui était en elle.

Platon en tire trois conclusions :
     - d'abord, la connaissance de soi et la prise de conscience de la perfection primitive de son âme ne peut conduire qu'au bien, le mal résultant de la non connaissance du bien ; se connaître soi-même, c'est  donc aller nécessairement vers le bien,
     - le bien est inné alors que le mal résulte des hommes,
     - le bien qui résulte de la connaissance de soi est le même chez tous les hommes, En conséquence, il se constitue en notion à vocation universelle.

Ces conséquences peuvent, selon les conclusions auxquelles je suis parvenu, être réfutées à trois points de vue :
          . L'inné est négligeable au profit de l'acquis et ne se cantonne qu'aux instincts primaires : il n’existe donc pas de bien en soi préexistant,
          . La réalité introspective est plus complexe que ce qu'en dit Platon puisque le tiroir de l'être recèle de multiples valeurs allant tout autant vers le bien que le mal,
         . Enfin, selon moi, le tiroir de l'être recèle si une grande variété de valeurs, qu'il n'existe pas de vérité universelle.

A suivre...