LE SIÈGE D'ARCHIS (14 février-13 mai 1099) : LES ÉVÉNEMENTS DIPLOMATIQUES
Pendant que semblait s'éterniser le siège d'Archis, se produisirent deux événements diplomatiques dont l'un compliqua encore les relations entre les chefs croisés.
Les princes virent d'abord venir une nouvelle ambassade venue d'Égypte. Le Vizir Al-Afdal leur offrait son alliance militaire ; elle était assortie de l'engagement d'autoriser la liberté des pèlerinages aux lieux saints et en particulier au Saint-Sépulcre. De même, les croisés aurait l'autorisation d'entrer dans Jérusalem par groupes de 200 à 300.
Cet engagement était-il une ruse du Vizir ? Probablement pas, en fait il proposait un retour au statut-quo du traité de 1027 qui avait autorisé les pèlerinages et concédé aux chrétiens un quart de la ville de Jérusalem.
Les chefs croisés refusèrent ces propositions, leur but n'était plus seulement la liberté des pèlerinages mais aussi la délivrance de Jérusalem et sa conquête.
Le deuxième événement diplomatique fut la venue d'une ambassade de l'empereur Alexis 1er. : " Les princes avaient reçu aussi des députés de l'empereur de Constantinople, chargés de leur porter plainte contre le seigneur Bohémond qui, disaient-ils, osait retenir (pour lui) la ville d'Antioche malgré le texte des traités et le serment de fidélité qu'il avait prononcé. Ils dirent, en outre, en présence des princes, que tous ceux qui avaient passé à Constantinople s'étaient engagés ...par serment, la main sur les Saints Évangiles, à ne...retenir pour eux... aucune des villes qui auraient fait auparavant partie de l'Empire, et à les restituer au contraire à l'empereur, s'ils parvenaient à s'en rendre maîtres.. " (1)
Les chefs croisés usèrent vis à vis des députés impériaux des récriminations habituelles : ils rappelèrent que l'empereur s'était engagé " à suivre lui-même l'expédition des Chrétiens, à la tête de nombreuses troupes" et fourni l'assurance " qu'il prêterait secours aux princes dans toutes les choses dont ils auraient besoin.. il avait en outre promis d'entretenir de continuelles relations avec eux par mer et par ses vaisseaux, et de leur faire fournir en abondance, sur toute la route, toutes les denrées dont ils pourraient avoir besoin ; cependant il avait négligé frauduleusement d'accomplir ses promesses quand il lui eût été extrêmement, facile de les faire exécuter. En conséquence.. à Antioche... (Les princes) étaient complètement dans leur droit, .. et que celui (Bohémond) auquel ils avaient, librement et d'un commun accord, fait la concession de cette ville, en demeurât en possession, pour en jouir lui et ses héritiers à perpétuité. (1)
" Les députés de l'Empereur insistèrent cependant pour engager les princes à attendre avec leur armée l'arrivée de leur maître, faisant tous ses efforts pour leur persuader qu'il ne manquerait pas d'arriver au commencement de juillet, (1)
Cette dernière proposition fut suivie d'une réunion houleuse du conseil des chefs croisés : en effet, le comte de Toulouse fut d'avis d'attendre les troupes envoyées par l'empereur., contrairement à tous les autres qui voulaient partir immédiatement pour Jérusalem,
Les raisons du comte de Toulouse étaient évidentes :
. Le siège d'Archis s'éternisait, les assauts des croisés n'arrivaient pas à s'en emparer de la ville ; le comte espère donc que la venue de renforts permettra enfin de la conquérir.
. Cet avis d'attendre les armées impériales n'était pas dépourvu d'arrière-pensées : pour le comte de Toulouse, la conquête d'Archis était, selon moi, le prélude à un projet personnel de conquête plus vaste, celle du petit état de Tripoli dont la richesse était grande. C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'il avait incité à l'abandon du siège de Gibel : manifestement, à Archis, Raymond combattait pour lui et non pour la croisade.
. A cela s'ajoutait une autre considération : les députés de l'empereur ne se plaignaient que de l'attitude de Bohemond, Alexis 1er avait pour but de récupérer les terres qui appartenaient à l'empire byzantin antérieurement à la bataille de Manzikert de 1071 ; dans cette perspective, Raymond de Toulouse estimait que Tripoli n'était pas concerné par le traité juré entre les croisés et le Basileus. En outre, il va de soi que Raymond ne serait sans doute pas mécontent de se débarrasser d'un rival assez redoutable.
Ainsi le comte de Toulouse avait tout avantage à attendre les armées byzantines et l'empereur : il pourrait s'emparer d'Archis, se constituer une principauté autour de Tripoli, devenir un allié d'Alexis contre Bohemond.
A l'inverse, La majorité des chefs croisés déclarèrent vouloir " poursuivre leur route et marcher sans retard à l'accomplissement des vœux pour lesquels ils avaient déjà supporté tant de fatigues. Il leur paraissait surtout convenable d'éviter... les artifices de l'Empereur, dont ils avaient eu si souvent à se plaindre, (de se laisser) envelopper ... dans le labyrinthe de sa politique tortueuse, et d'avoir ensuite grand-peine à s'en débarrasser." (1)
Les querelles s'enveniment à tel point que l'émir de Tripoli qui avait offert beaucoup d'argent pour que les croisés lèvent le siège d'Archis crut qu'il lui serait possible de les vaincre militairement : il tenta d'attaquer mais fut facilement vaincu.
Pendant cette période, l'aura du comte de Toulouse avait singulièrement pâli :
. D'abord à cause de ce trop long siège et des assauts contre Archis qui tous échouaient ; "les Chrétiens se consumaient en vains efforts ; toutes leurs fatigues, toutes leurs attaques demeuraient sans résultat-, en sorte qu'il devint évident que la faveur divine s'était retirée, en cette circonstance, de l'armée des assiégeants" (1). beaucoup se demandaient pour quelle raison, il fallait effectuer ce siège.
. Ensuite, il y eut la trahison supposée de Raymond qui avait amené à l'abandon du siège de Gibel.
. Enfin, s'ajouta le problème de la sainte Lance que Raymond possédait et dont ils se servait pour se prétendre l'inspirateur de la croisade et son guide...
(1) Guillaume de Tyr
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