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dimanche 22 décembre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (32)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX. 

LES PRÉPARATIFS DE LA BATAILLE. 

ISTE NUNTIAT HAROLDUM REGE DE EXERCITU WILELMI DUCIS (celui-ci renseigne le roi Harold sur l’armée du duc Guillaume)

Comme Guillaume, Harold a besoin de connaître la position de l’armée normande pour préparer sa stratégie. C’est pourquoi, lui aussi, envoie des éclaireurs qui, sur cette scène, viennent lui rendre compte de leur mission. Harold (2) tend la main vers son messager, indiquant, par ce geste, qu’il le questionne. L’un des deux éclaireurs (A)  tend le bras vers l’arrière montrant la direction par laquelle l’armée normande s’avance ; l’autre (B), observe l’horizon afin de renseigner le roi le plus précisément possible sur les mouvements d’approche des normands.  Les deux hommes sont situés sur une butte comme le montre les formes sinueuses représentant le sol.

La technique de découpage des scènes est bien visible ici, chacune d'entre elles est individualisée par le dessin d'arbres stylisés (E).


La scène suivante montre la harangue de Guillaume à ses troupes avant le combat alors que les deux armées sont, à ce moment, face à face.

 HIC WILLELM DUX ALLOQVITUR SUIS MILITIBUS UT PREPARARENT SE VI RILITER ET SAPIENTER AD PRELIUM CONTRA ANGLORUM EXERCITU (ici, le duc Guillaume exhorte ses soldats à se préparer courageusement et sagement au combat contre l’armée anglaise)

Cette scène est, à première vue, assez curieuse puisqu’elle représente Guillaume (4) semblant parler dans le vide alors que les cavaliers (C) lui tournent le dos et s’apprêtent à avancer. Un seul d'entre eux (D) tourne son regard vers le duc. En fait, le dessin ne montre pas Guillaume effectuant son discours mais plutôt la fin de celui-ci : le duc lève la main, semblant dire : c’est le moment d’attaquer ! Guillaume porte un casque et une cotte de mailles mais ne possède pas d’armes offensives, à l’exception de son bâton de commandement qui peut, d'ailleurs aussi, servir de moyen de défense. 

Pour connaître la teneur du discours de Guillaume, il faut se référer à la chronique de Guillaume de Poitiers  qui n’en cite toutefois que la partie qui lui fut rapportée : 

«  C'est maintenant, leur dit-il, que vos bras doivent prouver de quelle force vous êtes doués, quel courage vous anime. Il ne s'agit plus seulement de vivre en maîtres, mais d'échapper vivants d'un péril imminent. Si vous combattez comme des hommes, vous obtiendrez la victoire, de l'honneur et des richesses. Autrement vous serez égorgés promptement, ou captifs, vous servirez de jouets aux plus cruels ennemis. 

De plus, vous serez couverts d'une ignominie éternelle. Aucun chemin ne s'ouvre à la retraite; d'un côté, des armes et un pays ennemi et inconnu ferment le passage ; de l'autre, la mer et des armes encore s'opposent à la fuite. 

Il ne convient pas à des hommes de se laisser effrayer par le grand nombre. Les Anglais ont souvent succombé sous le fer ennemi; souvent vaincus, ils sont tombés sous le joug étranger, et jamais ils ne se sont illustrés par de glorieux faits d'armes. Le courage d'un petit nombre de guerriers peut facilement abattre un grand nombre d'hommes inhabiles dans les combats, surtout lorsque la cause de la justice est protégée par le secours du Ciel. Osez seulement, que rien ne puisse vous faire reculer, et bientôt le triomphe réjouira vos cœurs.»

Ce discours s’articule selon quatre grandes idées : 
   .  En premier lieu, Guillaume montre que, pour ses hommes, le choix est simple ou vaincre ou être tués ou captifs. 
   . Selon lui, il n’y a aucune autre échappatoire, l’armée normande est établie en pays ennemi et est environnée de deux dangers, tous les deux aussi périlleux l’un que l’autre : d’un côté, l’armée anglaise et de l’autre côté, la mer et la flotte d’Harold. 
   . Pourtant, proclame-t-il, la victoire est probable à la fois à cause de la supposée faiblesse militaire des anglais et, surtout, par le fait que Dieu bénit leur combat. 
   . Enfin, le duc promet à ses hommes, s’ils sont vainqueurs,  de grandes richesses puisqu’ils se partageront le pays. 

Selon moi, ce texte montre clairement que l’expédition normande en Angleterre fut essentiellement une guerre de conquête sous le prétexte avoué de la revendication du droit de Guillaume à régner sur le pays. 

Prochains articles : LA BATAILLE D’HASTINGS

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