LE SYSTÈME BUGEAUD, GOUVERNEUR GÉNÉRAL DE L’ALGÉRIE DE 1841 À 1847
LE BILAN CHIFFRÉ DE LA COLONISATION DE L’ALGÉRIE EN 1847
UNE RÉUSSITE APPARENTE
On dispose, à cet égard, d’informations partielles concernant la période antérieure à 1851, date où le premier recensement de la population a été effectué en Algérie. Les chiffres cités ci-dessous sont tirés d’une revue appelée HISTOIRE STATISTIQUE DE LA COLONISATION ET POPULATION DE L’ALGÉRIE écrite par M Bourdin en 1853.
Le premier tableau révèle l’évolution de la population civile européenne en Algérie. Il donne deux informations :
. D’abord, on constate la proportion élevée d’étrangers par rapport aux français. Une autre étude du même auteur montre que beaucoup de ces étrangers proviennent du pourtour de la Méditerranée. Cette caractéristique s’explique, comme je l’ai écrit plus haut, du fait des restrictions apportées par le gouvernement français à l’émigration des français vers l’Algérie alors que la colonisation des étrangers et en particulier, des espagnols (les Mahonnais du nom de Port Mahon de Minorque) s’effectue hors de toute réglementation.
. La population d’origine française manifeste cependant une rapide évolution à partir de 1840, comme le montre la courbe ci-contre. Cette progression est due, selon moi, à trois facteurs : la libéralisation de l’obtention de passeports pour l’Algérie, la propagande vantant la colonisation de l’Algérie et la politique de sécurisation et d’incitation à la colonisation menée par Bugeaud. Pour la première fois depuis 1833, le nombre de colons français dépasse celui des étrangers en 1847.
Par rapport à la population globale de l’Algérie, les colons européens ne sont cependant qu’une infime minorité comme le montre le tableau 2 tiré du recensement de 1851 et cité par M Bourdin.
Les chiffres doivent être relativisés en ce qui concerne les populations des tribus algériennes : autant il était facile d’effectuer un comptage des français et des autochtones vivant en ville, autant il fut difficile de déterminer la population des tribus.
. Là où ce fut possible, en particulier dans les tribus soumises, on put effectuer un comptage nominatif,
. Au niveau des tribus nomades et des douars, on se contenta d’une estimation en comptant le nombre de tentes ou de maisons et on multiplia le nombre obtenu par 5.
. Enfin, on se basa sur des estimations globales à partir des impressions constatées.
Il va de soi que les chiffres de la population des tribus ne sont qu’une approximation relative, cependant leur part en pourcentage doit correspondre à la réalité.
Le chiffre donné concernant les « indigènes des villes » , selon l’appellation utilisée par M Bourdin, correspondent à trois composantes : des musulmans (84329), des « nègres » (3488), des juifs (21048). La population des deux premiers groupes eut tendance à diminuer, seul le nombre de juifs augmenta fortement.
En ce qui concerne la répartition par sexe au 31 décembre 1851 de l’ensemble de la population européenne (tableau 3) , M Bourdin témoigne d’une nette disproportion entre le nombre des hommes et celui des femmes, cette particularité se manifeste dans tous les territoires de peuplement récent par l’immigration ; elle s’explique par le fait que les hommes qui partent de préférence sont ceux n'ayant pas d’attaches particulières les retenant dans leur pays d'origine qui tentent leur chance et espèrent échapper à la misère et même faire fortune en s’expatriant ; par contre, l’Etat encouragea plutôt l’immigration de familles, seul moyen pour lui de voir se fixer une population stable.Pour évaluer la manière dont a été mise en œuvre la politique de colonisation, on peut trouver d’intéressants renseignements statistiques dans le DICTIONNAIRE DE LA LÉGISLATION ALGÉRIENNE (Gallica) collationnés par P de Menerville.
Cet ouvrage cite, en effet, les caractéristiques de tous les villages et villes de colonisation ayant été créés de 1840 à 1847. Les renseignements sont certes parfois incomplets mais, selon moi, ils donnent une image fidèle de la politique de colonisation.
Ces villages et villes de colonisation sont répartis sur le tableau 4 selon les trois provinces que comporte l’Algérie :Sur ces 63 créations, seules 3 avaient été créées avant l’arrivée de Bugeaud, on peut mesurer ainsi l’importance de la politique coloniale menée par le maréchal. 53% de ces colonies sont installées dans la province d’Alger, ce qui est normal étant donné l’ancienneté de la présence des français à Alger.
La superficie mentionnée dans le tableau est cependant minimale car, pour 10 villages ou villes, la superficie concédée n’est pas indiquée. On est, à cet égard, très loin des 12000 ha prévus par Guyot dans le plan initial !
Comme le montre le tableau 5, une écrasante majorité de ces colonies sont à vocation essentiellement agricole (81%) ; à l’inverse, il convient de souligner le faible nombre des colonies militaires et de vétérans alors que leur création était, selon le gouverneur général, un objectif crucial pour la survie de la colonisation. Le projet de colonies militaires se heurta à tant de résistance de la part des députés lors du vote du budget, que Bugeaud se sentît obligé de démissionner en 1847.Alors que, selon M Bourdin, la moyenne des naissances s’établit en métropole à 27 pour 1000, elle est beaucoup plus élevée en Algérie, avec une moyenne de 41 pour 1000 ; cette caractéristique s’explique sans peine : les européens émigrant en Algérie sont des personnes jeunes et en âge de procréer.
C’est ce que montre le tableau 8 : en 18 mois : alors que la natalité sur 1 an est beaucoup plus faible que celle de la population européenne totale vivant en Algérie, (27 pour 1000), la mortalité y est presque trois fois plus forte. (141 pour 1000). À ce déficit de la balance démographique s’ajoute le fait que les départs des villages coloniaux sont plus importants que les arrivées. De ce double mouvement résulte une baisse importante de la population des villages coloniaux qui diminue de plus de 2000 en 18 mois.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire