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mercredi 6 novembre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (25)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA TRAVERSÉE DE LA MANCHE DE L’EXPÉDITION NORMANDE. 

Les vignettes suivantes de la tapisserie de Bayeux montrent Guillaume (4) et son escorte arrivant en vue des  navires déjà prêts au départ. La quasi-totalité des combattants ont déjà embarqué et sont accompagnés de leurs chevaux (A). Des boucliers (B) ont été posés entre les bateaux afin d’éviter que les coques des navires ne s’entrechoquent. 

Les broderies suivantes représentent les bateaux en pleine mer et permettent, une nouvelle fois, d’observer les techniques de navigation : le personnage principal est le barreur (C) ; d’une main,  il tient la rame servant de gouvernail (D) et de l’autre, il agrippe l’extrémité de la voile (E) afin de la guider pour lui permettre de bénéficier au maximum du vent arrière. Il dispose de plusieurs aides : l’un (F) tient le mat de la main gauche et, de la main droite,  présente la voile au barreur. D’autres (G)  s’assurent de la solidité des cordages ; des marins se tiennent à la proue et surveillent la mer afin de signaler au barreur tout obstacle éventuel (H). Perché à la poupe d’un de ces navires, un marin sonne du cor, sans doute pour transmettre l’ordre de départ (J). On peut penser que ce navire est le bateau amiral du fait qu’il porte au sommet de son mât, un oriflamme représentant  une croix et symbolisant la caution donnée par le pape à l’expédition (K).

Le texte qui surmonte la scène de l’embarquement et de la navigation semble montrer une navigation sans difficultés : HIC WILLELM DUX IN MAGNO NAVIGIO MARE TRANSIVIT ET VENIT AD PEVENSAE  (ici, le duc Guillaume traversa la mer sur un grand navire et arriva à Pevensey) ; en fait, la traversée de la Manche fut plus ardue que ce que semble indiquer la tapisserie de Bayeux, c’est ce que mentionne clairement Guillaume de Poitiers. 

La traversée s’effectua en deux étapes : dans un premier temps, la flotte fut assemblée à l’embouchure de la Dive (1 de la carte) mais les vents étaient défavorables en sorte que la flotte dériva jusque Saint Valéry en Caux, s’écartant donc de la route prévue. 

«  Déjà toute la flotte soigneusement préparée avait été poussée par le souffle du vent de l'embouchure de la Dive et des ports voisins, où elle avait longtemps attendu un vent favorable pour la traversée, vers le port de Saint-Valéry. Ce prince … s'abandonna à la protection céleste en lui adressant des vœux, des dons et des prières. Combattant l'adversité par la prudence, il cacha autant qu'il put la mort de ceux qui avaient péri dans les flots, en les faisant ensevelir secrètement, et soulagea l'indigence en augmentant chaque jour les vivres… Par différentes exhortations, il rappela ceux qui étaient épouvantés, et ranima les moins hardis. S'armant de saintes supplications pour obtenir que des vents contraires fissent place aux vents favorables, il fit porter hors de la basilique le corps du confesseur Valéry, très-aimé de Dieu. Tous ceux qui devaient l'accompagner assistèrent à cet acte pieux d'humilité chrétienne. Enfin souffla le vent si longtemps attendu. » 

Cette première partie de la description de la traversée prend déjà une tournure épique, montrant le duc se muant quasiment en intercesseur entre l’expédition normande et Dieu, il pria au nom de ses soldats, leur redonna courage et les assura qu’il obtiendrait de Dieu les vents favorables permettant la traversée. Selon Guillaume de Poitiers, Dieu exhaussa enfin les prières du duc, montrant bien à tous ceux qui doutaient qu’il cautionnait et bénissait l’expédition. 

«  Tous rendirent grâce au Ciel de la voix et des mains; et tous en tumulte s'excitant les uns les autres, on quitte la terre avec la plus grande rapidité, et on commence avec la plus vive ardeur le périlleux voyage. Il règne parmi eux un tel mouvement, que l'un appelle un homme d'armes, l'autre son compagnon, et que la plupart … ne pensent qu'à ne pas être laissés à terre et à se hâter de partir. L'ardent empressement du duc réprimande et presse de monter sur les vaisseaux ceux qu'il voit apporter le moindre retard »

Lorsque la nuit survint, le duc fit arrêter les navires afin d’attendre le jour afin de permettre de choisir le lieu du débarquement. 

«  Mais de peur qu'atteignant avant le jour le rivage vers lequel ils voguent, ils ne courent le risque d'aborder à un port ennemi ou peu connu, il ordonne par la voix du héraut que lorsque tous les vaisseaux auront gagné la haute mer, ils s'arrêtent un peu dans la nuit, et jettent l'ancre non loin de lui, jusqu'à ce qu'ils aperçoivent une lampe au haut de son mât, et qu'aussitôt alors le son de la trompette donne le signal du départ »

Le matin, comme convenu, les navires levèrent l’ancre, c’est à ce moment que l’épique cède la place à l’hagiographie : le bateau ducal prit de l’avance comme s’il était porté par le souffle divin, il se trouva alors seul face aux côtes anglaises. Masquant sans doute son inquiétude afin d’éviter la panique,  Guillaume entreprit de dîner comme si de rien était et comme s’il était sûr de la protection divine. C’est alors que le reste de la flotte montrant que Guillaume avait asservi les flots à son autorité ! 

Le bateau qui « portait le duc, voguant avec plus d'ardeur vers la victoire, eut bientôt, par son extrême agilité, laissé derrière lui les autres, obéissant par la promptitude de sa course à la volonté de son chef. Le matin un rameur, ayant reçu ordre de regarder du haut du mât s'il apercevait des navires venir à la suite, annonça qu'il ne s'offrait à sa vue rien autre chose que la mer et les cieux. Aussitôt le duc fit jeter l'ancre, et de peur que ceux qui l'accompagnaient ne se laissassent troubler par la crainte et la tristesse, plein de courage, il prit, avec une mémorable gaité et, comme dans une salle de sa maison, un repas abondant où ne manquait point le vin parfumé, assurant qu'on verrait bientôt arriver tous les autres, conduits par la main de Dieu, sous la protection de qui il s'était mis. 

. Le rameur ayant regardé une seconde fois, s'écria qu'il voyait venir quatre vaisseaux, et à la troisième fois il en parut un si grand nombre que la quantité innombrable de mâts, serrés les uns près des autres, leur donnait l'apparence d'une forêt. Nous laissons à deviner à chacun en quelle joie se changea l'espérance du duc, et combien il glorifia du fond du cœur la miséricorde divine. Poussé par un vent favorable, il entra librement avec sa flotte, et sans avoir à combattre aucun obstacle, dans le port de Pévensey. »

Même si Guillaume de Poitiers donne un aspect épique à cette traversée,  on peut considérer que ce récit doit être le reflet de la réalité historique. Il est en conséquence possible de tracer sur la carte le trajet suivi par la flotte normande. 

Prochain article : LE DÉBARQUEMENT 

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