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mercredi 18 août 2021

LA PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL (6)

 

LE RÉGIME POLITIQUE DES ÉTATS EST LE REFLET DE LA NATURE DE L’HOMME A SON EPOQUE. 

LE COMPORTEMENT DES ETRES HUMAINS A L’ÉPOQUE ROMAINE

 Machiavel utilise, pour le décrire, les informations qu’il a acquises après avoir étudié avec une grande érudition les œuvres de Tite-Live et des historiens romains et grecs. Certes, comme il l’écrit lui-même, il se peut que ces ouvrages aient tendance à magnifier l’époque romaine par le fait que les historiens antiques, ayant écrit l’histoire après-coup, n’ont utilisé que les informations souvent sélectives  qui leur ont été transmises.

 Armé de ses connaissances de l’antiquité romaine et de ses observations sur le système politique de son temps, Machiavel nous livre cet aphorisme particulièrement percutant :

« Dans les temps passés, les peuples étaient libres, et aujourd’hui ils vivent dans l’esclavage » (discours  livre 3 chapitre 2)

 L’auteur va ensuite en tirer de surprenantes conséquences, eu égard à son époque, en différenciant les deux styles politiques qui correspondent à l’affirmation donnée ci-dessus :

     . La liberté est associée à la République et aux démocraties antiques qui appliquent le postulat de la loi du plus grand nombre,

     . A l’inverse, l’esclavage est la conséquence du régime des principautés et de la loi d’un seul.

Cette double allégation est dans la droite ligne de ce que j’ai relevé de la pensée de Machiavel lors de mon étude des systèmes politiques et de mes hypothèses concernant la nature de l’homme.

 Dans le premier style, celui des républiques antiques, l’idéal de liberté est prôné par les peuples eux-mêmes car il est associé à leur prospérité et à la grandeur de l’Etat :

  « On  sent aisément d’où naît chez les peuples l’amour de la liberté, parce que l’expérience nous prouve que les cités ont accru leur puissance et leurs richesses » ; ainsi,  « ce qui est… admirable.., c’est la hauteur à laquelle parvint la république romaine, dès qu’elle se fut délivrée de ses rois. » (discours.. livre 2 chapitre 2)

 Une fois établit le lien entre prospérité, liberté et république, Machiavel montre ce que ce système politique et social permet, lorsqu’il se met au service du plus grand nombre :

 « Chacun cherche avec empressement à augmenter et à posséder les biens dont il croit pouvoir jouir après les avoir acquis. Il en résulte que les citoyens se livrent à l’envie à tout ce qui peut tourner à l’avantage de chacun en particulier et de tous en général, et que la prospérité publique s’accroît de jour en jour d’une manière merveilleuse…. » (ibid)

 On comprend alors que, dans ces conditions, les peuples antiques ne puissent supporter longtemps l’avènement d’un état tyrannique ; ils saisissent la première occasion pour se révolter et chasser le tyran : Ainsi écrit Machiavel :

 « Quand Hiéronyme, petit-fils d’Hiéron, mourut à Syracuse, la nouvelle de son trépas ne se fut pas plutôt répandue parmi les troupes qui se trouvaient dans les environs de la ville, que l’armée commença à se soulever et à prendre les armes contre les meurtriers ; mais, lorsqu’elle entendit tout Syracuse retentir du cri de liberté, fléchie par ce nom seul, elle s’apaisa, étouffa le courroux qu’elle nourrissait contre les tyrannicides, et ne songea qu’à créer dans la ville un gouvernement libre. » (ibid)

 Au vu de ce qui précède, Machiavel se pose alors la question de savoir pourquoi cette conquête de la liberté des peuples antiques et cette mise en avant du bien commun ont disparu à son époque ; selon lui, c’est la religion chrétienne qui porte une grande part de responsabilité dans cette évolution. En effet, la religion chrétienne a complètement obéré l’héritage antique et ses critères fondamentaux d’organisation sociale et politique qui se caractérisaient par la quête de la liberté, le refus de l’asservissement et la reconnaissance des mérites et des vertus de chacun :

 « Notre religion  ne sanctifie que les humbles et les hommes livrés à la contemplation plutôt qu’à une vie active ; elle a, de plus, placé le souverain bien dans l’humilité, dans le mépris des choses de ce monde, dans l’abjection même ; tandis que les païens le faisaient consister dans la grandeur d’âme, dans la force du corps, et dans tout ce qui pouvait contribuer à rendre les hommes courageux et robustes.

 «  En effet, notre religion, nous ayant montré la vérité et l’unique chemin du salut, a diminué à nos yeux le prix des honneurs de ce monde. (Ibid)

 «  Si notre religion exige que nous ayons de la force, c’est plutôt celle qui fait supporter les maux, que celle qui porte aux grandes actions. » (Discours.. livre 2 chapitre 2)

 C’est un fait évident que l’enseignement évangélique prône l’humilité et le renoncement aux biens de ce monde pour mériter le salut ; une des phrases les plus significatives de cet état d’esprit est contenue dans l’Évangile de Mathieu (19-21) : « si tu veux être parfait, vend tout ce que tu possèdes, donne le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel, puis viens et suis moi »

 Il en résulte des conséquences funestes pour les contemporains de Machiavel. En effet, si la majorité des êtres humains tente de suivre les préceptes évangéliques, il existe cependant des mécréants qui profitent de cette situation pour asservir les autres et leur imposer leur perversité et leur tyrannie. C’est ce que précise Machiavel dans la phrase suivante :

 « Il semble que cette morale nouvelle a rendu les hommes plus faibles, et a livré le monde aux scélérats audacieux. Ils ont senti qu’ils pouvaient sans crainte exercer leur tyrannie, en voyant l’universalité des hommes disposés, dans l’espoir du paradis, à souffrir tous leurs outrages plutôt qu’à s’en venger. » (Livre 2 chapitre 2)

Cet état d’esprit né de l’enseignement christologique a, pour conséquence, une transformation radicale des rapports humains : les contemporains de Machiavel « vivent dans l’esclavage » en subissant passivement les dictatures au nom de leur foi  sans se rebeller contre ceux qui s’imposent indûment à eux.

 Si on suit le raisonnement de Machiavel contenu dans le livre 2, la prégnance de la religion chrétienne n’explique cependant pas tout : la transformation de l’homme antique, épris de liberté et prêt à la défendre, en un pleutre asservi aux tyrans est due aussi « à la lâcheté des hommes qui ont interprété la religion selon la paresse et non selon la vertu » (livre 2, chapitre 2)

 Cette idée est pour moi tout à fait pertinente : les hommes ont préféré écouter ceux qui prêchaient l’humilité et le respect de l’ordre établi afin de gagner un trésor au ciel plutôt que ceux, comme le demandaient les prédicateurs des croisades, qui prêchaient que de se sacrifier au nom de Dieu conduisait directement au paradis. La première alternative n’imposait aucun effort sinon celui d’obéir, ce n’était pas le cas de la seconde.

 Ainsi, l’époque de Machiavel, à la différence de l'époque de la République romaine,  se caractérise par une conjugaison de l’humilité chrétienne et de la lâcheté et de la paresse des hommes qui permet à des crapules sans scrupules de s’emparer du pouvoir en usant de la loi du plus fort, d’étaler au grand jour leurs instincts pervers, de leur permettre de donner libre cours  à toutes les outrances et d’exploiter en toute impunité ceux qu’ils dominent.

 Ces textes montrent  clairement que, pour Machiavel, les comportements de l’homme fluctuent selon  les époques et sont le fruit de l’évolution des régimes politiques.

 Dans cette perspective, on peut se poser la question de savoir s’il est possible de transposer ses conceptions aux modes de vie de notre époque.

A suivre

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