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lundi 25 octobre 2021

LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL (16) le Prince

  LE PRINCE (8)

ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES 

LES DÉFAUTS QUE LE PRINCE DOIT IMPÉRATIVEMENT ÉVITER

S’il veut conserver son trône et son pouvoir, le Prince doit impérativement éviter trois  défauts majeurs : être rapace, être méprisé et établir des lois qu’il est le premier à violer. 

ÊTRE RAPACE

La pratique de la rapacité et de son corollaire, la vindicte gratuite, est suffisamment importante pour qu’elle soit mentionnée à plusieurs reprises :

Le Prince « doit se garder d’attenter soit au biens de ses sujets, soit à l’honneur de leurs femmes. Pourvu que ces deux choses, c’est-à-dire les biens et l’honneur, soient respectées,  le commun des hommes est content, et l’on n’a plus à lutter que contre l’ambition d’un petit nombre d’individus, qu’il est aisé et qu’on a mille moyens de réprimer.» (le Prince chapitre 11)  

Machiavel va ensuite commenter chacune des atteintes effectuées par le Prince du fait de sa rapacité 

« On (peut être) outragé dans ses biens, dans sa personne, dans son honneur » (discours livre 3 chapitre 6) 

Au niveau des personnes, l’auteur estime que si le Prince a outragé une personne par une menace inique, il ne peut s’en préserver qu’en la condamnant à mort afin qu’elle ne puisse pas se venger : en effet, par peur ou par bassesse, ses proches pourront toujours déclarer que l’outrage ne  concerne que cette personne elle-même et non son entourage.

« Si l’outrage atteint la personne, la menace en est plus dangereuse que l’effet : car la menace seule offre de grands périls ; l’effet n’en présente aucun. Celui que l’on tue ne songe plus à se venger, et le plus souvent ceux qui lui survivent en laissent la pensée à celui qui n’est plus » (ibid)

Ensuite Machiavel aborde les outrages faits aux biens de ses sujets, ce sont, pour lui, les plus graves que l’on puisse faire aux hommes puisque l’une des manifestations de leur perversité est l’appât au gain et la volonté de posséder toujours plus : si le Prince s’empare des richesses d’un individu, celui-ci n’aura plus qu’une idée en tête, se venger ; selon l’auteur, dépouiller un être humain de ses biens est  encore plus irrémissible que de tuer un de ses parents même proche :

« les hommes oublient plutôt la mort d’un père même que la perte de leur patrimoine, et que d’ailleurs il en aura des occasions plus fréquentes. Le prince qui s’est une fois livré à la rapine trouve toujours, pour s’emparer du bien de ses sujets, des raisons et des moyens qu’il n’a que plus rarement pour répandre leur sang » (Le Prince chapitre 17) 

Dans le Discours, il écrit : le Prince «  ne peut tellement dépouiller un homme de ses biens, qu’il ne lui reste un poignard pour se venger. » (livre 3 chapitre 6). 

Enfin, dépouiller un homme de son honneur par exemple  en séduisant sa femme conduira celui-ci à faire n’importe quel acte, y compris en mettant en péril sa propre vie pour se venger. 

Le Prince  « ne peut tellement le déshonorer, qu’il ne lui reste une âme acharnée à la vengeance. De toutes les manières de flétrir l’honneur d’un homme, la plus sensible est d’abord l’outrage fait à sa femme, et ensuite le mépris qu’on a pour lui-même » (discours livre 6 chapitre 3)

Est-ce à dire que le Prince ne puisse pas attenter aux biens de ses sujets ou leur enlever leurs femmes ? Ce serait exagéré de le prétendre, le Prince, comme toujours, doit se maintenir dans un juste milieu, il lui faut « tout à la fois être craint et n’être pas haï » (le Prince 17) : il peut, parce qu’il est craint, voler les biens de quelques-uns  de ses sujets sans que les autres réagissent, mais si ce goût de le rapine s’amplifie, la crainte se changera en haine et le peuple se révoltera. 

« Un prince doit donc éviter ce fardeau de la haine ; s’il parvient donc à s’en garantir, il sera moins exposé aux coups d’un sujet offensé : d’abord, parce qu’il est rare qu’un homme ressente assez profondément une injure pour s’exposer à un péril si manifeste dans la seule vue de se venger ; et ensuite, parce que s’il s’en rencontrait un qui eût le pouvoir et le courage d’exécuter son dessein, il serait retenu par cette affection générale dont il verrait que le prince est l’objet. (Ibid) 

ÊTRE MEPRISABLE

Le deuxième défaut que le Prince doit se garder est de se faire mépriser en se départissent de  son rôle et, ainsi, de ne « jamais compromettre .. la majesté de son rang, majesté qui ne doit l’abandonner dans aucune circonstance » (Le prince chapitre 21) 

Il sera honni s’il paraît « inconstant, léger, efféminé, pusillanime, irrésolu, toutes choses dont le prince doit se tenir loin comme d’un écueil » (ibid) 

Le Prince doit, comme je l’ai écrit, apprendre à dissimuler sa vraie nature pour que rien ne transparaisse de sa véritable personnalité, en « faisant en sorte que dans toutes ses actions on trouve de la grandeur, du courage, de la gravité, de la fermeté ; que l’on soit convaincu, quant aux affaires particulières de ses sujets, que ses décisions sont irrévocables, et que cette conviction s’établisse de telle manière dans leur esprit, que personne n’ose penser ni à le tromper ni à le circonvenir. (Ibid)

NE PAS RESPECTER LES LOIS QU’ON A ÉDICTÉES 

Le troisième défaut est d’imposer des lois à ses sujets et de ne pas en tenir compte pour soi-même. 

C’est ce qu’écrit Machiavel dans cet aphorisme : « le plus funeste exemple qu’on puisse, à mon avis, donner dans un État, c’est de créer une loi et de ne point l’observer » (discours livre 1 chapitre 45) 

Pour le montrer, l’auteur prend l’exemple de la situation de la Romagne avant le règne du pape Alexandre 6, à une époque où cette contrée était dominée par des seigneurs qui donnaient cours à leurs instincts pervers et où le « brigandage et l’assassinat était monnaie courante : 

« Ces désordres avaient leur source dans la méchanceté des princes, et non dans la corruption des peuples …  parce que ces princes, quoique pauvres, voulaient vivre dans le faste ; et, contraints de se livrer à de nombreuses exactions, ils les multipliaient sous toutes les formes. 

Une de leurs pratiques les plus perfides consistait à faire des lois pour prohiber certaines actions ; ensuite, ils étaient les premiers à fournir des facilités pour les enfreindre et laissaient les coupables dans l’impunité, jusqu’à ce qu’ils eussent vu leur nombre se multiplier : alors ils prenaient le parti de venger l’outrage fait aux lois, non par zèle pour la justice, mais dans l’espoir d’assouvir leur cupidité en s’enrichissant par des amendes.

De là une foule de désordres : les peuples s’appauvrissaient sans se corriger, et ceux qui se trouvaient ainsi appauvris cherchaient à s’en dédommager aux dépens des peuples moins puissants qu’eux ; de là tous ces crimes dont nous avons parlé, et qu’on ne peut attribuer qu’à la conduite du prince. » (Livre 3 chapitre 29) 

Cet exemple permet à Machiavel de formuler une conclusion générale à propos des défauts à péremptoirement éviter pour un Prince afin de s’assurer un long règne : 

« Il est donc nécessaire ou de n’offenser personne, ou de satisfaire à la fois tous ses ressentiments, puis de rassurer les citoyens, et de leur rendre la confiance et la tranquillité. » Discours 1 45

Ainsi, selon Machiavel, le Prince doit donc être un personnage à part à qui il faut apprendre à gouverner en lui montrant qu’il devra respecter quatre critères s’il veut se maintenir au pouvoir : 

   . Dissimuler sa vraie nature en montrant à ses sujets des qualités qu’il ne possède pas nécessairement. Savoir dissimuler, par une éducation adéquate, sa nature foncièrement perverse.

   . Mettre en œuvre les qualités de paraître qui lui permettent de faire illusion afin de durer mais avoir recours si nécessaire à des méthodes qui sont normalement à proscrire chez le commun des mortels pour réussir à gouverner.

   . Connaître avec acuité les ressorts psychologiques qui animent les peuples de manière à ce que sa majorité accepte son autorité et cautionne sa manière de gouverner.

   . Ne jamais hésiter à agir dès qu’une décision est prise et infléchir sa politique selon les circonstances.    . 

Ces quatre affirmations sont-elles de tous les temps ? S’appliquent-elles au chef d’Etat actuels ? C’est à ces questions que je me propose de répondre dans ce qui suit. 

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