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lundi 15 novembre 2021

La politique coloniale de la MONARCHIE DE JUILLET en ALGÉRIE (4)

  LES PREMIERES ANNEES DE 1830 À 1834 (2)

LA POLITIQUE DE L’ARMÉE EN ALGÉRIE

 LA POURSUITE DE LA CONQUETE

Sans tenir compte de l’opinion publique ni même probablement du gouvernement, les généraux en charge du corps expéditionnaire envoyé en Algérie  étendent la conquête à d’autres villes qu’Alger et s’emparent des principales villes côtières des « échelles du levant » : ORAN en 1831, BONE (ANNABA) en 1932, BOUGIE, ARZEW, MOSTAGANEM en 1833. À cette époque, la conquête française ressemble à celle des presides espagnols, en formant une chaîne discontinue de possessions allant de la frontière tunisienne à la frontière marocaine. De même, ils s’emparent du Sahel d’Alger, une petite région de collines au sol fertile et bien cultivée.

 

LA CONSTITUTION DE L’ARMEE D’AFRIQUE

Afin de tenter une réponse  aux critiques de ceux qui stigmatisent le fait que l’on sacrifie la vie des français pour une conquête ressentie comme inutile et pour des raisons budgétaires, le gouvernement décida de diminuer l’effectif des soldats envoyés en Algérie. Ainsi, alors que l’armée envoyée à Alger lors de la conquête comportait 37.000 hommes, il fut prévu, dans le budget de 1831,  de réduire les effectifs à 9000 hommes.

 Les militaires en poste à Alger firent part de leur préoccupation quant à ce projet : il leur fallait en effet contrôler les zones conquises pour les pacifier, effectuer de nouvelles conquêtes afin de mieux les protéger, subjuguer les tribus de l’arrière-pays pour faire cesser leurs raids. En outre, il fallait aussi tenir compte de la forte mortalité sévissant parmi les soldats à la fois du fait des attaques venues des hauts-plateaux et de la forte mortalité survenue dans les garnisons en poste dans les fortins établis dans les zones malsaines.

Afin de pallier aux doléances de l’armée à propos de la faiblesse des effectifs et pour l’adapter aux conditions climatiques, géographiques et aux méthodes de combats sévissant dans le pays, l’armée d’Afrique se dota très tôt d’auxiliaires autochtones. Ces corps d’auxiliaires furent très utiles à la fois par leur connaissance du pays et de la langue des habitants.

 Le 1er octobre 1830, le général Clauzel (général en chef de la conquête du 2 septembre 1830 au mois de février 1831, il reviendra en Algérie en tant que gouverneur général en juillet 1835 jusque 1837) décide de créer deux bataillons de 100 autochtones. Les premiers volontaires furent des kabyles de la tribu des Zouaoas, ce qui donna son nom aux zouaves. Le nom est resté bien que, très vite, les zouaves ne comprirent que des français. Ils sont appelés aussi les « chasseurs d’Afrique. » La loi de 1831 cautionna cette décision. Des cavaliers zouaves forment la première unité montée de l’armée d’Afrique. Trois régiments zouaves de cavalerie sont organisés en 1832, 

 De même sont incorporés les compagnies turques à la solde du Dey au fur et à mesure de l’extension de la conquête, ils sont qualifiés du terme génériques d’ « arcos ».ils se différencient en tirailleurs et en spahis à cheval. En 1834, les spahis comprennent 218 cavaliers.

 Enfin, le 9 mars 1831, le gouvernement décida de rétablir la légion étrangère qui avait été supprimée deux mois plus tôt avec création de sept bataillons de 895 légionnaires chacun, cela représente  une force de 4965 légionnaires. Au début, les sept bataillons furent composés selon leur nationalité (3 d’allemands et de suisses, un d’espagnols, un d’italiens, un de belges et d'hollandais et un de polonais) mais très vite, on abandonna cette répartition pour mettre en place le principe de la fusion. Les légionnaires seront formés en France mais ils ne pourront pas intervenir en Métropole, le champ d’action étant limité aux théâtres d’opérations extérieures. 

Ainsi, se constitua l’armée d’Afrique avec association de soldats français et d’unités auxiliaires. Ces dernières étant toutes commandées par des officiers français, ce qui évidemment favorisait la cohésion de cette armée.

LES CONDITIONS DIFFICILES DES COMBATS ET L’INSTAURATION DE LA TERREUR

Les combats que livre l’armée d’Afrique, à cette époque, relèvent plus de la nécessité qu’à des tentatives impérialistes du fait de la pression continuelle des tribus qui crée un climat d’insécurité continuelle dans les zones occupées.

Un peu partout et surtout dans la zone occupée d’Alger, les français se heurtent à trois difficultés majeures :

     . La première résulte de la configuration du relief : les plaines littorales
où se trouvent les villes conquises, sont étroites et sans lien réel les unes avec les autres, sauf par la voie maritime ; très vite, en allant vers le sud, les altitudes s’élèvent et rapidement, on se trouve sur des plateaux dominés par des massifs montagneux culminant à plus de 1500m de haut. Cet arrière-pays forme une barrière continue, difficile d’accès, seules les vallées  encaissées des oueds permettent d’y circuler malaisément.

Dans la région d’Alger, la circulation vers le sud pourrait sembler plus aisée du fait de la présence d’une plaine entre le littoral et les crêtes de l’Atlas de Blida ; en réalité, ce n’est pas le cas, car la plaine, appelée MITIDJA, n’est qu’un vaste marécage malsain infesté de moustiques en sorte que si on y installait un fort de protection, la garnison était vite décimée par la pestilence

     . La deuxième difficulté résidait dans la présence sur les hauts plateaux de tribus belliqueuses soucieuses de chasser les étrangers de leur pays à la fois pour des raisons idéologiques et de fierté collective mais aussi et surtout parce qu’elles considèrent que les terres usurpées par les français sont à elles : beaucoup ont dû, en effet, les abandonner pour échapper à la domination des envahisseurs, les privant ainsi d’espaces qui leur étaient utiles (la Mitidja était, par exemple, une zone de pacage d’été).

     . La troisième raison est la différence entre les techniques militaires des français et celles des tribus :

          . Les tribus  combattent au moyen d’une cavalerie légère extrêmement mobile et possédant l’avantage notoire de connaitre parfaitement le terrain. Leurs attaques sur les terres occupées par les français prennent la forme de raids rapides qui surprennent les postes français et les premiers colons installés. Ils pillent et tuent tant qu’ils le peuvent et  se retirent dès que l’adversaire réagit et organise sa défense.

         . Habitués aux combats en Europe,  les expéditions punitives organisées par les français sont composées de colonnes lourdement armées, disposant de pièces d’artillerie et se mouvant lentement dans un pays qu’ils ne connaissent pas : ils sont à la merci d’embuscades, en particulier dans les gorges des vallées encaissées et de raids aussi soudains de meurtriers.

 En conséquence, pour faire cesser ces raids sur les territoires que les français estiment leur appartenir et dompter ces tribus, l’armée pratiqua une politique de terreur, Cette politique relevait plus de la nécessité qu’à des tentatives impérialistes, du fait de la pression continuelle des tribus qui créaient un climat d’insécurité continuelle dans les zones occupées.

 LA TERREUR

Cette politique de terreur est parfaitement illustrée par le massacre de la tribu des Ouffia en 1832 cité dans un livre de Christian Pierre, l’Afrique française paru  en 1848 :

 «  Un cheik, des confins du Sahara et ennemi personnel du bey Hadj-Ahmed (bey de Constantine sous le Dey, ayant fait allégeance à la France, il conserva son poste),   dont il convoitait le pouvoir, envoya, dans le courant de mars, une députation, au duc de Rovigo (Anne Jean Marie René Savary général d’Empire, commandant en chef de l’armée algérienne de 1831 à 1833 pour l'engager à faire une expédition contre Constantine, et lui promettre, le concours des nombreuses tribus rangées sous son autorité. Ces ambassadeurs n'obtinrent du duc de Rovigo qu'une réponse évasive, mais ils partiront comblés de présents. A quelques lieues d'Alger, des maraudeurs les dépouillèrent sur le territoire de la petite tribu d'El-Ouffla, qui campait près de Maison-Carrée, sous notre protection.

Le général en chef, informé de cet accident, ne prit point, la peine d'en rechercher les circonstances, mais, se livra au contraire, à une précipitation de jugement qu'aucune véritable nécessité ne justifiait,... En vertu de ses instructions, un corps de troupe du 1er chasseur d'Afrique et du 2e bataillon de la légion étrangère …, sortit d'Alger pendant la nuit du 6 avril 1832, surprit, au point du jour, la tribu, endormie sous ses tentes, et égorgea tous les malheureux El-Oufflas, sans qu'un seul chercha même à se défendre, Tout ce qui vivait fut voué à la mort; ou ne fit aucune distinction d'âge ni de sexe. Au retour de cette honteuse expédition, nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances, et l'une d'elles servit, dit-on, à un horrible festin. Tout le bétail enlevé sur ce champ de désolation fui vendu au consul de Danemark ; le reste du butin, sanglantes dépouilles d'un  effroyable carnage, fut exposé au marché de la porte Rab-Ayoun , on y voyait avec horreur des bracelets de femme encore attachés à des poignets coupés, et des boucles d'oreilles pendant à des lambeaux de chair, Le produit de cette vente fut partagé entre les égorgeurs.

Un ordre du jour du 8 avril, consacrant une telle infamie, proclama la haute satisfaction du général pour l'ardeur et l'intelligence que les troupes avaient montrées, Le soir, sa police ordonna aux Maures d'Alger d'illuminer leurs boutiques et de les tenir ouvertes plus tard que de coutume.

Pour combler la mesure de ces excès, le cheikh des El-Ouffîas n'échappa aux fureurs de l'extermination que pour (être jugé), il fut traduit devant un conseil de guerre, jugé et exécuté, bien qu'on eut déjà acquis la certitude que ce n'étaient pas les El Ouffias qui avaient dévalisé les prétendus ambassadeurs du désert.

Mais acquitter le chef, c'était déclarer la peuplade innocente, et condamner moralement ceux qui en avaient ordonné le massacre, »

Le même auteur cite le massacre perpétré  à Bône par le capitaine Youssef (pseudonyme donné par ses troupes à Joseph Venturi qui deviendra plus tard général)

« Des Arabes d'une tribu inconnue, vinrent, sous les murs de la ville, s'emparer quelques bœufs. Le capitaine Youssef décida que les maraudeurs appartenaient à la tribu des Kharézas; le même soir, il partit avec les Turcs, (ARCOS soldats du Dey ralliés à la France) s'embusquer de nuit dans les environs de cette tribu, et, lorsque le jour commençait à paraître, il massacra femmes, enfants et vieillards, Une réflexion bien triste suivit cette victoire, lorsqu'on apprit que celte même tribu était la seule qui, depuis notre occupation de Bône , approvisionnait notre marché, et qui, la veille, jouissait encore de la confiance de Youssef lui-même. Le retour des Turcs fit une funeste impression sur les habitants de la ville, lorsqu'on aperçut une tête d'Arabe sur le drapeau français.

   Ainsi, il s’instaure en Algérie un cycle infernal de la violence. Outrés par la férocité des expéditions de représailles françaises, les tribus organisent des coups de main de plus en plus meurtriers et de plus en plus violents. Cela donne lieu à de nouvelles ripostes des français de plus en plus sanglantes : ils brûlent les douars et massacrent les habitants en n’épargnant personne même les innocents, les femmes et les enfants et repartent en ne laissant derrière eux que ruines et désolations.

  De telles horreurs ne pouvaient pas rester impunies : les expéditions punitives de l’armée française étaient suivies de nouvelles razzias des tribus, établissant ainsi une ère de saccages et de férocité ne paraissant pas devoir finir et qui caractérisa presque toute la période de la Monarchie de Juillet

 Bien peu se rendait clairement compte que ce règne de terreur  ne pouvait mener à rien sauf à des massacres réciproques, très peu de tribus firent leur soumission, les autres furent animées d’un esprit de vengeance de plus en plus fort.


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