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jeudi 25 novembre 2021

La politique coloniale de la MONARCHIE DE JUILLET en ALGÉRIE (5)

   LES PREMIERES ANNEES DE 1830 À 1834 (3)

COMMENT LES FRANÇAIS METROPOLITAINS REAGIRENT-ILS FACE AUX VIOLENCES DE L’ARMEE EN ALGERIE ?

 

Répondre à cette question, au vu des documents que j’ai trouvés, peut s’effectuer à deux niveaux :

     . En utilisant quelques courriers significatifs échangés entre le gouvernement et l’autorité militaire

     . En tentant de mesurer l’état d’esprit de l’opinion publique par le biais des articles de presse qui pouvait l’influencer.

 

 LES TENTATIVES DU GOUVERNEMENT DE MORALISATION DES PRATIQUES DE L’ARMÉE D’ALGÉRIE.

L’exécutif se rendait bien compte que l’armée en Algérie, profitant de l’interrègne et de la faiblesse du gouvernement de Louis Philippe, agissait en toute indépendance et appliquait ses propres principes usant de la force sans tenir compte des règles élémentaires de justice et d’équité devant la loi régissant la société métropolitaine. La plupart du temps, il était mis devant le fait accompli, ne disposant pratiquement d’aucune marge de manœuvre.

A chaque fois qu’il était informé des agissements des militaires, il n’avait d’autre choix que d’y répondre par un envoi de lettres de reproches voilés aux militaires concernés. Cet échange de lettres  est révélateur du fossé séparant la position entre d’une part, les autorités parisiennes, soucieuses de préserver l’Etat de droit et, d’autre part, le commandement de l’armée d’Afrique

Ainsi, le président du Conseil, Casimir Perrier  écrivit au duc de Rovigo, commandant en chef des armées en Algérie en décembre 1831, « Quant aux populations d’Alger, le principe (…) doit être, après leur avoir fait sentir notre force, de ne rien négliger pour nous les concilier par la justice et par les sentiments de leur propre intérêt. » 

Plus tard, le ministre de la guerre et président du conseil, le maréchal Soult écrivit le 14 janvier 1832   à Savary, duc de Rovigo commandant en chef de l’armée d’Afrique, pour lui faire part de sa préoccupation concernant l’inobservance de la loi par les tribunaux militaires :

« C’est avec peine, que je remarque fréquemment des erreurs qui sembleraient liées à l’ignorance de la loi et de la jurisprudence des tribunaux militaires… Je tiens beaucoup à l’exact accomplissement des devoirs qui sont imposés par la législation militaire. » 

Dans une lettre 21 janvier 1832 adressée à nouveau au duc de Rovigo, le maréchal Soult spécifie précisément ce que doit être la politique de la France dans la Régence : 

« Quant aux Arabes et aux Turcs, faîtes en sorte d’entretenir avec eux de bons rapports en conservant néanmoins un langage ferme pour leur en imposer et en agissant à leur égard suivant les règles de la plus stricte équité et jamais d’une manière contraire aux lois ni à ce qu’une bonne politique peut avouer. »

Le 27 mars 1932,  le duc de Rovigo répond ainsi au ministre de la guerre

L’établissement d’un pouvoir civil est un projet bien conçu dans l’intérêt des progrès de la civilisation, mais l’expérience que l’on fait journellement de l’application de ce principe prouve que le pouvoir civil lui-même doit être subordonné à l’action militaire qui le protège, autrement, on ira toujours de collision en collision et la confiance que l’on voudrait prendre dans la consolidation de notre puissance sur ce pays-ci ne s’établira pas. » 

Le 18 octobre 1932, le duc de Rovigo réitère ses observations  au ministre de la guerre :

« Mon opinion, est que les Maures ont déjà assez d’avantages sur nous dans l’état présent des choses, sans leur offrir encore la garantie de nos lois… Accorder aux Maures la faveur des formes protectrices de nos lois, en harmonie avec la civilisation de la France, ce serait leur mettre dans les mains une arme qu’ils ne manqueraient pas de tourner contre nous. » 

Lorsque Savary fait exécuter en février 1833 deux cheiks qu’il avait invités pour négocier avec eux en garantissant leur sécurité, le maréchal exprime clairement sa colère :

« Il n’y a pas ici d’exécution sans jugement mais ce qui a précédé la traduction devant le conseil de guerre peut certainement être considéré comme la violation d’un sauf-conduit … (de tels moyens) tendraient à détruire dans le pays toute la confiance dans nos promesses et le gouvernement ne pourrait approuver un tel usage de votre pouvoir discrétionnaire »

 Ces admonestations ne serviront à rien, la violence et les massacres ne cesseront pas et s’amplifieront même sous l’égide de Bugeaud

On aurait pu penser que le gouvernement ne se serait pas contenté de ces simples réprimandes face à la politique de violence et de représailles initiés par le commandement militaire et aurait agi pour les faire cesser ; ce ne fut pas le cas à une exception toutefois : le 1er décembre 1831, Casimir-Perier créa deux pouvoirs indépendants, celui de l’intendant civil relevant du président du conseil en charge des territoires pacifiés  et celui du commandant de l’armée sous l’obédience du ministre de la guerre. Ce système  fut  abandonné au bout de quatre mois, tant les positions entre l’intendant civil et le commandant militaire étaient antagonistes : l’intendant civil se plaignait que les règles de l’état de droit étaient sans cesse bafouées tandis que les autorités militaires reprochaient à l’intendant civil d’entraver leurs actions. Le poste d’intendant civil fut certes maintenu mais il fut subordonné au pouvoir militaire.

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