REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 6 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (2)

NICOLAS DEVIENT ÉVÊQUE DE MYRE

La désignation puis l'ordination épiscopale de Nicolas sont représentées à la fois à la cathédrale de Chartres (5 panneaux du vitrail 14) et sur le retable de Tallinn (deux panneaux peints). Entre les deux figurations, il apparaît quelques différences qui sont dues à la chronologie de leurs élaborations : en effet, le vitrail de Chartres date d’une époque antérieure à la rédaction de la légende dorée, il a été inspiré par un texte plus ancien, écrit par Honorius d’Autun (1080-1151)

Les deux sources diffèrent légèrement au niveau de la désignation de Nicolas, par contre elles semblable à celui de son ordination

LES PANNEAUX DU VITRAIL DE CHARTRES


Selon moi, ces quatre panneaux possèdent non seulement  une signification religieuse mais aussi une connotation politique : celle de la manière dont sont désignés les évêques : les textes canoniques prévoient que le choix d’un évêque doit s’effectuer selon   l’ « electio cleri et populi », par le peuple et par les clercs (en fait par les chanoines de la cathédrale) ;  il ne doit jamais être  nommé par une quelconque autorité ecclésiastique ou laïque. La désignation des évêques par les princes et les empereurs sera l’objet de nombreuses querelles entre le pape et le pouvoir temporel dont la plus célèbre est la querelle des investitures qui opposa l’empereur Henri IV et le pape Grégoire VII entre 1075 et 1122 et qui se termina par la victoire de la papauté.

Sur le vitrail de Chartres, est réaffirmé le principe du choix de l’évêque par les clercs sans interférence de la puissance temporelle. Le miracle n’est signalé que par le fait que c’est la « main de Dieu » qui désigne Nicolas comme évêque. Ce type de pratique existait dans des cas exceptionnel où l’un des participants se déclarait inspiré par Dieu pour le choix du nouvel évêque.

LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE ET LE PREMIER PANNEAU DU RETABLE DE TALLINN
La correspondance entre le récit de la légende dorée et la représentation du retable de Tallinn est par contre beaucoup plus évidente :

L'évêque de Myre vint à mourir sur ces entrefaites ; les évêques s'assemblèrent pour pourvoir à cette église. Parmi eux se trouvait un évêque de grande autorité, et l’élection dépendait de lui ...cette nuit-là même il entendit une voix qui lui disait de rester le matin en observation à la porte; celui qu'il verrait entrer le premier, dans l’église, et qui s'appellerait Nicolas, serait l’évêque qu'il devait sacrer. Il communiqua cette révélation à ses autres collègues, et leur recommanda de prier, tandis que lui veillerait à la porte.

 O prodige! à l’heure de matines, comme s'il était conduit par la main de Dieu, le premier qui se présente à l’église, c'est Nicolas. L'évêque l’arrêtant : « Comment t'appelles-tu, lui dit-il? » Et lui; qui avait la simplicité d'une colombe, le salue et lui dit : « Nicolas, le serviteur de votre sainteté. » On le conduit dans l’église, et malgré toutes ses résistances, on le place sur le siège épiscopal.

L’ORDINATION DE NICOLAS
Les deux scènes sont semblables : Nicolas est figuré  de face, assis sur la cathèdre épiscopale. Il est entouré d’évêques ( dont un cardinal) comme le veulent les canons ecclésiastiques qui prescrivent que l’ordination doit s’effectuer en présence des évêques de la région.

Sur le retable, les deux prélats le coiffe de la mitre.

Sur le vitrail, Nicolas porte la mitre et le pallium ; un des deux évêques le bénit avant de lui remettre la crosse qui symbolise son pouvoir spirituel.

dimanche 4 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (1)

Établir une comparaison entre les œuvres littéraires et les représentations artistiques est d’un grand intérêt dans la perspective de comprendre quelle correspondance il existe entre ces deux moyens d’expression ; c’est ce que je me propose de faire à propos de saint Nicolas dont on célèbre la fête le 6 décembre en Lorraine, en Alsace,  dans le Nord de la France, mais aussi en Belgique, en Allemagne et plus généralement dans toute l’aire de civilisation germanique et slave.

Pour le faire, j’utiliserai diverses sources :
     . La légende dorée (1298) de Jacques de Voragine, dont je me bornerai à citer quelques extraits de la vie de Saint Nicolas,  un sermon attribué à saint Bonaventure (1217-1274) et des extraits d’un poème de Robert Wace.
     . Pour l’iconographie, le retable de l’église saint Nicolas de Tallinn ( élaboré de 1478 à 1481 à Lübeck dans l’atelier d’Hermen Rhode), trois vitraux consacrés à saint Nicolas de la cathédrale de Chartres (début du 13e siècle),  la prédelle d'un grand triptyque que Fra Angelico exécuta en 1437 pour la Chapelle de Saint Nicolas  de l'église Saint Dominique à Pérouse. (1), un vitrail de l’église de Vézelise ( Meurthe et Moselle) et une sculpture de la basilique de saint Nicolas de Port.

SAINT NICOLAS VIENT EN AIDE À TROIS JEUNES FILLES PAUVRES 

Texte de Jacques de Voragine
Après la mort (des parents de Nicolas), il commença à penser quel emploi il ferait de ses grandes richesses, pour procurer la gloire de Dieu, sans avoir en vue la louange qu'il en retirerait de la part des hommes. Un de ses voisins avait trois filles vierges, et que son indigence, malgré sa noblesse, força à prostituer, afin que ce commerce infâme lui procurât de quoi vivre. Dès que le saint eut découvert ce crime, il l’eut en horreur, mit dans un linge une somme d'or qu'il jeta, en cachette, la nuit par une fenêtre dans la maison du voisin et se retira. Cet homme à son lever trouva cet or, remercia Dieu et maria son aînée. Quelque temps après, ce serviteur de Dieu en fit encore autant. Le voisin, qui trouvait toujours de l’or, était extasié du fait; alors il prit le parti de veiller pour découvrir quel était celui qui venait ainsi à son aide. Peu de jours après, Nicolas doubla la somme d'or et la jeta chez son voisin. Le bruit fait lever celui-ci, et poursuivre Nicolas qui s'enfuyait : alors il lui cria : « Arrêtez, ne vous dérobez pas à mes regards. » Et en courant le plus vite possible, il reconnut Nicolas; de suite il se jette à terre, veut embrasser ses pieds. Nicolas l’en empêche et exige de lui qu'il taira son action tant qu'il vivrait.
                
   les scènes représentées ci contre ; 


Nicolas jetant l'argent par la fenêtre : 
   - vitrail 14 de Chartres à gauche,
   - prédelle de Fra Angelico     

le pere remercie Nicolas :       
   - vitrail 14 de Chartres à droite     
   - retable de Tallinn                             
Il va de soi que la légende ne pouvait être intégralement représentée picturalement, vitraux et peintures ont choisi de figurer les deux moments les plus significatifs, l’acte de charité que représente le  don anonyme de l’argent et celui d’humilité au moment où Nicolas essaie de ne pas de faire reconnaître et refuse tout remerciement.





.1 :  deux panneaux se trouvent au musée du Vatican, Les autres parties du retable, démembré au XIXe siècle, sont conservés à la Galleria Nazionale dell'Umbria de Pérouse.

samedi 3 décembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (80) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LA FIN D’ANGKOR

Angkor Thom représente la dernière grande réalisation de la civilisation angkorienne avant son inéluctable déclin. Postérieurement au règne de Jayavarman VII commence en effet la sclérose progressive et irréversible du système que l’on nomme la « cité hydraulique ».  Les causes en sont variées.

Il y a d’abord la limitation due aux rivières elles-mêmes qui ne peuvent pas fournir plus d’eau que celle de leur cours ;  trois rivières ont été successivement utilisées pour alimenter les Baray, le Strung Roulos pour le baray de la ville de Hariharalaya, le  Strung Siem Rep pour le Baray occidental puis pour le Jayatataka, le  Strung Puok pour le Baray oriental. Ensuite, il n’y eut plus de rivières disponibles, les autres  Baray furent alimentés par les eaux de la mousson ou par les nappes phréatiques.

Parallèlement, le besoin en eau augmentait sans cesse tant pour permettre l’irrigation des zones irriguées qui  s’étendaient de plus en plus  que pour alimenter les villes dont la population croissait.

A cela s’ajoutait la détérioration des installations ; les Baray s’envasent peu à peu ce qui nécessitait soit de  les curer, soit de les surhausser au moyen de digues ce qui rompait les pentes naturelles des canaux et créerait des problèmes de différences de pression. La détérioration des installations s’accentuait lors des invasions étrangères, celles des Chams et surtout celle des Siamois aux 14e et 15e siècles du fait que, pendant ces périodes, il était impossible d’effectuer les travaux d’entretien nécessaires.

Enfin, la surexploitation agricole par l’irrigation conduisit au lessivage des sols et les rendit peu à peu inexploitable ;  de large zones durent être abandonnées.

Ainsi se conjuguèrent les deux facteurs du déclin : la quantité moindre d’eau d’irrigation et  l’infertilité croissante des sols : la production de riz diminue, l’appauvrissement de la population se produit, les moyens affectés aux réparations du système deviennent de plus en plus réduits, ce qui diminue  encore les possibilités d’irrigation. Néanmoins, le  roi continue à habiter Angkor-Thom dans une ville peu à peu désertée qui demeure capitale du  royaume. En 1434, les siamois s’emparent d’Angkor et mettent à sac la cité.

Peu à peu, les Khmers quittent la zone du Tonle-Sap et font de la région des quatre bras (confluent du Mékong et du Tonle Sap  et début du delta du Mekong), région jusqu'alors marginale du royaume, le centre de leur domination, c’est à ce confluent que se trouve Phnom Penh, la capitale actuelle du Cambodge.

NOTE : LES TECHNIQUES DE CULTURES SELON LE DIPLOMATE CHOU-JA-KAN

Dans ce pays, il y a de la pluie pendant la moitié l’année ; et, pendant l’autre moitié , il n’y en a pas du tout.... Après le solstice d’été, (de mai jusqu’en octobre), il tombe tant de pluie, que tous les fleuves débordent, et que les eaux s’élèvent jusqu’à sept ou huit tchang (24,4m)  et recouvrent la cime des plus grands arbres ; tous les habitants des bords des rivières se retirent dans les montagnes ; ensuite...(de novembre jusqu’en avril) la pluie cesse absolument, les fleuves permettent à peine le passage aux plus petites barques, et les endroits les plus profonds n’ont pas plus de trois à cinq tchhi (1,5m) ; alors les habitants  reviennent pour les travaux de la terre, dont l’époque se trouve ainsi fixée : quand les grains sont mûrs, c’est l’époque de l’inondation ; l’espace où elle s’étend est celui que l’on cultive et où on fait les semailles. Dans les opérations d’agriculture, on n’emploie pas de bœufs, ni de charrue, ni de herse, ni de faucille, ni de houe, ni d’autres instruments semblables. Quoique les grains qu’on sème ressemblent à ceux de la Chine, il y a des différences dans la manière de les cultiver. Les Cambodgiens en ont une espèce qui vient dans les terrains bas sans qu’on la sème. Quand l’eau s’élève à dix pieds, l’épi la suit et se tient toujours à la même hauteur qu’elle. Ils ne font pas usage de fumier pour leurs grains ni pour leurs herbes potagères ; cela leur paraît  malpropre et impur.

jeudi 1 décembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (79) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM


LA DESCRIPTION DE LA VILLE SELON LE RÉCIT DU DIPLOMATE CHINOIS CHOU-JA-KAN ( Zhou Daguan)

Ce qui subsiste de la cité d’Angkor Thom témoigne,  malgré les dégradations du site, de la magnificence d’une somptueuse capitale ; pourtant on regrette de ne pas disposer de plus de renseignements  sur la vie quotidienne que ceux que nous fournissent les reliefs ; heureusement, il existe le témoignage de Chou-Ja-Kan,  officier chinois, qui eut, vers la fin du treizième siècle, une mission diplomatique à remplir dans le royaume de Tchin-la (et que les gens du pays nomment eux-mêmes  Kan-phou-tchi.)

Pour terminer cette description de la cité d’Angkor-Thom, je me bornerai à citer quelques extraits des descriptions de la capitale faite par le diplomate chinois.

LE PALAIS
J’ai déjà cité dans l’article n°72 quelques extraits de la vie du palais, en voici quelques compléments :

" Le roi a cinq épouses ; l’une qui est la principale, et les quatre autres d’un rang inférieur. Quant aux concubines, j’ai entendu dire qu’il y en avait de trois à cinq mille, qui sont encore distribuées en plusieurs classes ; elles ne sortent jamais.

Quand un particulier a de belles filles, on les fait entrer dans le palais ; celles d’entre elles qui vont et viennent sont employées au service ; elles sont appelées Tchin-kia-lan, et leur nombre n’est pas moindre d’un à deux mille, il y en a parmi elles qui ont leurs maris, et qui habitent confondues avec les autres personnes de la ville ; elles ne se distinguent que parce qu’elles se rasent les cheveux aux deux côtés des joues, et se peignent avec du cinabre les joues ainsi que les tempes ; c’est là le signe distinctif des Tchin-kia-lan. Il n’y a que ces femmes qui aient le droit d’entrer dans le palais ; les autres n’y sont pas admises "

Cette description évoque la cité interdite des empereurs de Chine, elle doit correspondre à la situation du palais du roi khmer de l’époque, cependant,  il se peut aussi que Chou-Ja-Kan ait transposé dans ce texte  ce qu'il connaissait en Chine.

LES MAISONS
" Après le palais, les maisons des princes de la famille royale et des grands officiers ont les dimensions et une hauteur plus considérables que celles des particuliers ; du reste, toutes sont couvertes en chaume ; il n’y a que les temples dont la façade et les constructions de derrière peuvent êtres recouvertes en tuiles. Les maisons des magistrats ont aussi des dimensions particulières, réglées d’après le rang des possesseurs ; celles des moins considérables sont, comme celles des simples particuliers, recouvertes en chaume ; car ceux-ci n’oseraient faire usage de tuiles. Les maisons des bourgeois varient de grandeur suivant la richesse ou la pauvreté des propriétaires ; mais les plus riches ne se hasarderaient pas à construire une maison semblable à celle des officiers de l’état."

LA HIÉRARCHIE DES DIGNITAIRES
" Il y a dans ce pays des ministres, des généraux, des présidents chargés d’observer le ciel, et d’autres grands officiers qui ont sous eux des adjoints, des juges et d’autres employés ; seulement leurs titres ne sont pas les mêmes qu’en Chine : la plupart sont pris parmi les membres de la famille royale ; et, quand on n’en trouve pas, on choisit jusqu’à des femmes qui exercent des emplois ; leurs revenus et leurs honneurs sont réglés d’après leur rang ; au premier rang sont ceux qui ont le droit de se servir de chaises-à-porteurs ou de palanquins d’or, et de quatre parasols à manche d’or ; puis ceux qui ont la chaise d’or et deux parasols ; les troisièmes ont la chaise d’or avec un seul parasol ; ceux du quatrième ordre n’ont que le parasol à manche d’or ; ceux du cinquième ordre ont un parasol à manche d’argent"

Cette description est corroborée par les reliefs des temples décrivant des batailles : ils montrent en effet de nombreux parasols sculptés au-dessus des combattants. Chou-Ja-Kan indique que cette  hiérarchie est très différente de celle de la Chine où les dignités s’obtiennent non par la faveur du roi mais par les résultats des candidats aux concours impériaux.

L’HABILLEMENT
"Depuis le roi jusqu’au dernier des habitants, les hommes comme les femmes nouent leurs cheveux au haut de leur tête ; ils vont les bras nus, et les reins ceints seulement d’une ceinture de toile ; quand ils sortent, ils ajoutent un grand morceau de toile par-dessus le petit ; ces morceaux de toile varient suivant les conditions ; celui que porte le roi a des ornements d’or fin, pesant trois ou quatre onces, et qui sont d’une beauté admirable.

Hommes et femmes vont nus, la poitrine découverte, les cheveux noués sur la tête, les pieds nus ; la reine elle-même ne va pas autrement"

LES TROIS SORTES DE PRÊTRES
" Ceux qui sont de la secte des lettrés s’appellent Pan-ki ; les prêtres de Bouddha se nomment Tchou-kou, les Tao-sse, Pa-sse.

     . Il n’y a que les Pan-ki dont le fondateur n’est pas connu ; ils n’ont rien de ce qu’on appelle collège ou salle d’études, et il serait fort difficile de dire quels sont les livres qu’ils étudient. Ils sont vêtus de toile comme les gens du commun, excepté qu’ils portent sur le front un ruban blanc , qui est la seule marque distinctive à laquelle on reconnaisse qu’ils sont lettrés. Ceux des Pan-ki, qui entrent dans les charges, deviennent de grands personnages, et le ruban blanc qu’ils portent au cou ne les quitte jamais pendant toute leur vie.

     . Les Tchou-kou se rasent les cheveux ; ils portent des habits jaunes et ont le bras droit nu. La plupart de leurs temples sont couverts en tuiles, et il n’y a dans l’intérieur qu’une seule statue, qui représente Chakia Bouddha ;  elle est vêtue de rouge et faite d’argile peinte avec du vermillon et de la couleur bleue. ... Ils n’ont ni cloches, ni tambours, ni cymbales, ni drapeaux, ni dais précieux. Tous les prêtres mangent du poisson et de la viande ; seulement ils s’abstiennent de boire du vin, mais ils se servent de viande et de poisson dans leurs cérémonies à l’honneur de Bouddha. Ils n’ont dans leurs temples ni cuisine ni foyers. Les livres sacrés qu’ils récitent sont en grand nombre, et tous écrits sur des feuilles de palmier qu’on place l’une sur l’autre bien régulièrement ; on écrit dessus avec des lettres noires, sans se servir ni de pinceau ni d’encre, mais avec je ne sais quelle matière qui m’est inconnue.

     . Les Pa-sse sont vêtus comme les gens du peuple, excepté qu’ils portent sur leur tête une toile rouge Ou blanche, comme la coiffure des femmes tartares, mais plus basse. Ils ont aussi des édifices et des tours, ainsi que des couvents et des temples, mais qui ne peuvent se comparer, pour la magnificence, aux monastères des Bouddhistes dont la religion est aussi bien plus florissante. Dans leurs temples il n’y a point de représentations particulières, mais seulement un amas de pierres, comme celui qui sert à la Chine pour les sacrifices au ciel et à la terre"

Grâce à ces extraits, on peut se faire une idée assez précise de la vie quotidienne à Angkor-Thom  avec une foule  bigarrée de gens circulant au milieu des chaises à porteurs des dignitaires surmontées des parasols qui témoignent de leur place dans la hiérarchie.

mardi 29 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (78) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite et fin)

LA TERRASSE DU ROI LÉPREUX jouxte le perron nord de la terrasse des éléphants et constitue un ensemble séparé de cette dernière. Comme elle, elle est construite en avancée sur l’esplanade des parades. Comme le perron nord, elle comporte deux murs emboîtés, le  premier n’ayant pas été jugé assez solide pour contenir le remblai qui se trouve derrière. De même aussi que  le perron Nord, la partie enterrée avait été sculptée, ce qui a permis de retrouver ces reliefs en bon état.

Les décors des faces extérieures et intérieures sont quasiment identiques avec des registres superposés qui doivent représenter les sept mondes de l’hindouisme. Comme on le voit sur la photo ci-dessous, il ne subsiste plus que six frises sur le mur extérieur, la septième ayant pratiquement disparue.


Sur la terrasse elle-même, a été découverte une statue in-situ Cette sculpture a donné son nom à la terrasse car on y a cru voir  la représentation d’un roi atteint de cette maladie du fait de traces verdâtres de lichen sur son corps. En réalité, il doit s’agir  Çiva ou plus sûrement de YAMA, le dieu du monde des morts ; cette hypothèse a fait imaginer que la terrasse pouvait servir de lieu de crémation pour la dépouille royale.


Les motifs sculptés qui apparaissent sur les frises subsistantes présentent une grande homogénéité avec diverses représentations du panthéon hindouiste ; on y trouve en effet  principalement :
     . Des représentations de serpents nagas à sept ou neuf têtes  sur le registre inférieur, elles sont sculptées soit au centre de ce registre,  soit dans les angles externes des redents, formant transition entre les deux faces.(photo de gauche)
     . Des dieux assis, porteurs de glaives ou de bâton, ayant une figure menaçante, ils sont entourés de deux personnages féminins portant des éventails,(photo du centre)
    . Des alignements de déesses assises,
    . Des apsaras.(photo de droite)

Cette terrasse daterait du règne de Javavarman VII, on peut s’en étonner puisqu’elle ne comporte aucune mention du bouddhisme dont le roi était un fervent dévot.

dimanche 27 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (77) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite et fin)

Le perron terminal nord est le plus complexe du fait que les archéologues ont retrouvé trois états successifs de construction : les murs de la terrasse des éléphants représentent en effet les parements du soubassement de terre qui porte le palais. Un premier mur fut construit (en rouge sur le plan) ) mais il menaça de s'écrouler sous la poussée du remblai, alors fut construit un second mur (en bleu sur le plan) puis un troisième (en vert sur le plan) qui comporte les deux escaliers frontaux. Une fois ce dernier mur construit, les intervalles entre les anciens murs furent comblés afin de consolider l’ensemble.

Cette situation est d’un grand intérêt archéologique car les anciens murs commençaient à être recouverts de parements sculptés ; ceux-ci ont été abandonnés lors de l’érection des nouveaux murs  en sorte que les archéologues ont pu les découvrir dans un bon état de conservation lorsqu’ils dégagèrent la gangue de remblai qui les recouvrait.

La décoration de ce perron nord ne possède pas la rigueur symétrique des reliefs du reste de la terrasse ; sur le plan ci-dessus, sont indiqués les diverses types de sculptures qui le décorent.  Elles semblent vouloir représenter une sorte de synthèse maladroite des éléments décoratifs du reste de la terrasse .
     . On y trouve d’abord des éléphants en relief dans les deux formes définies à propos du perron sud et des perrons latéraux : une tête d’éléphants semblant émerger du podium au niveau de chaque angle et trois têtes d’éléphants au centre et en avant de la façade principale du perron,
     . Entre ces têtes, on ne trouve pas une frise d’éléphants comme sur le perron sud mais des atlantes aux bras levés ; en outre, au-dessus de ces atlantes se trouve une frise d’apsaras, personnifiant le monde céleste ; de telles représentations ont été trouvées parmi les reliefs du Baphuon.
    . Enfin, sur une partie du mur de chaque côté du perron sont sculptées des frises représentant, semble-t-il, des scènes de combats.

Ce mélange des motifs sculptés fait penser à une reconstruction postérieure à l’élaboration du reste de la terrasse, à une période où l’on semble avoir perdu le sens de l’harmonie qui caractérisait les édifices de l’époque de Jayavarman VII.


La partie la plus intéressante  du perron nord est, selon moi, celle qui a été cachée lors de la double  réfection des murs de soutènement. On y trouve en particulier un cheval à cinq têtes mitrées entouré  de deux rangées de personnages.  Ceux de la partie haute semblent danser sur des fleurs de lotus. Ceux de la partie basse figurent des guerriers en position de combat. Ils sont également debout sur des fleurs de lotus et arborent un casque à cimier dont on ne trouve pas d’autres traces dans les reliefs d’Angkor.

Parmi les hypothèses qui pourrait permettre d’authentifier ce cheval à cinq têtes, on peut penser à Bahala, cheval volant du bouddhisme, au char de Surya, le dieu hindouiste du soleil,  tiré par sept chevaux ou par un cheval à sept têtes ou à celui d'Arjuna, le héros du Mahabarata, tiré par cinq chevaux ou par un cheval à cinq têtes. La présence de guerriers de part et d’autre du cheval semble étayer cette dernière  hypothèse et pourrait permettre de penser que la scène représenterait la bataille de Kurukshetra.

Je n’ai trouvé aucune indication dans les ouvrages que j’ai consultés sur la datation de ce relief dont l'iconographie suggère une époque antérieure à celle de Jayavarman VII.

vendredi 25 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (76) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite)

Le deuxième type de sculptures décorant le podium est celui représentant les atlantes ayant l’aspect d’humains ; leurs corps sont tous semblables : les jambes sont écartées et arc-boutées sur la corniche inférieure, les bras levés semblent supporter la corniche supérieure.


On peut discerner deux types d’atlantes (photo de gauche) :
   . Les uns sont des oiseaux reconnaissables à leur bec crochu et leurs ailes, dissimulées sous les bras, on retrouve ce même type d’atlantes sur le mur d’enceinte du Ta Prohm. Il doit s’agir de Garuda, la monture de Vichnou.
   . Les autres représentent un animal pourvu d’une large gueule qui doit être celle d’un lion. On peut penser qu’il s’agit de Narasimba, un des avatars de Vichnou mais aussi du lion qui est la monture une des shakti de Civa personnifiée sous le nom de Durga..  Si cette dernière hypothèse est la bonne, on se trouverait face à une remarquable cohérence idéologique puisque le podium représenterait la monture d’Indra, celle de Vichnou et celle de Durga, trois dieux hindouistes qui évoquent à la fois la guerre du bien contre le mal mais aussi la préservation du monde. Encore une fois, il convient de noter à propos de  cette terrasse,  le syncrétisme qui rassemblait bouddhisme et brahmanisme.

Il n'existe pas de reliefs spécifiques au niveau des coins en saillie comme il en apparaissait  sur la partie du podium ayant les éléphants pour thème, les atlantes occupent les angles (photo de droite) ;  la moitié de leur corps se trouve d’un côté et l’autre moitié sur le côté qui lui est perpendiculaire.


Au niveau des balustrades, les sculptures sont beaucoup moins originales que sur le podium puisqu’on en trouve de semblables dans tous les temples d’Angkor depuis la fondation de la ville d’Hariharalaya : les lions établis de part et d’autre des escaliers et les balustrades composées de Nagas aux sept têtes relevées en éventail.

Le perron central et sa frise d'atlantes.
A l’arrière, on aperçoit le gopura d’entrée du palais proprement dit. .

mardi 22 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (75) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite)

A l’exception du perron nord, la terrasse des éléphants présente une grande cohérence décorative avec deux formes principales au niveau du podium et deux autres sur le bord de la terrasse.


Les deux formes principales associent des éléphants et des atlantes selon une répartition symétrique qui l’on peut suivre du perron sud jusqu’au perron nord non inclus. Ce dernier, en effet, n’obéit  pas au plan d’ensemble du fait qu’il a subi  plusieurs reconstructions successives.

Les sculptures représentant des éléphants comportent à leur tour deux formes dérivées selon que les animaux sont figurés en frise ou en relief.


La photo de gauche montre un détail d'une longue frise d’éléphants vus de profil. Ils ne sont pas représentés en cortège faisant pendant aux défilés qui devaient se produire sur l’esplanade ; on y trouve  plutôt des scènes de combats ressemblant beaucoup à ceux qui sont figurés sur les reliefs d’Angkor Vat et du Bayon. Les éléphants s’avancent pour prendre part à la bataille, les uns sont déjà au contact de l’ennemi ; ils portent sur leur dos, outre leur cornac, des archers, lançant des flèches sur l’ennemi. Dans cette perspective, la frise des éléphants est une manifestation  de la puissance du roi et aussi de l’invincibilité dont il témoigne lors des combats contre les ennemis du royaume assimilés au mal.

Les deux photos de droite, montrent des éléphants en relief. Ils sont tous représentés de la même manière : on en voit la tête, les défenses et la trompe, les oreilles sont à peine esquissées comme si on voulait figurer un éléphant émergeant du mur du podium. L’extrémité de leurs trompes n’est pas apparente car elle est enfouie dans les herbes qu’elles saisissent. Leurs  têtes sont surmontées généralement d'une tiare.

On trouve deux types de représentations de ces éléphants en relief :
     . Des têtes isolées sont sculptées en avant des angles saillants des redents qui organisent le perron,
     . Des groupes de trois têtes encadrent les escaliers d’accès à la terrasse. De telles représentations se trouvent aussi au niveau des portes de l’enceinte d’Angkor Thom ainsi qu’aux portes du Ta Prohm.

Ces  éléphants en relief peuvent avoir une double signification : On peut penser d’abord qu’il s’agit simplement de renforcer encore l’impression de puissance de l’armée khmère mais il se peut aussi qu’ils possèdent une signification religieuse par référence à Aivarata, la monture d’Indra, roi védique des Dieux, Dieu du ciel et de la guerre dont les armes sont la foudre et l’arc ( figuré par l’arc en ciel). Dans cette deuxième hypothèse, La présence d’Aivarata sur le podium du palais où se trouve le roi établirait une étroite corrélation entre les combats du roi et ceux d’Indra.

Un dessin de Louis Delaporte du perron sud montre la manière dont sont repartis les éléphants sculptés  sur le podium.