Ainsi, selon
Kant, il existe deux domaines distincts qui vont largement influer sur notre
liberté :
- Celui qui émane
de la raison et mène au raisonnement scientifique ; dans ce domaine,
on ne dispose que d'une marge étroite de liberté, encore que les sciences sont
souvent composées de faits avérés, démontrés et indéniables ( par exemple, la
terre tourne autour du soleil), d'hypothèses invérifiables ou en cours de
vérification (par exemple, le big-bang), de conceptions qui dépassent
l'intellect humain (la notion d'expansion infinie de l'univers ), de constats
inexpliqués, de controverses ... Ces trois dernières caractéristiques peuvent
permettre à l'homme de prendre position en toute liberté, c’est ainsi le cas en ce qui
concerne le réchauffement climatique : pour les uns, il s'agit d'un
phénomène naturel pour lequel l'homme a peu de part, pour les autres, il a une
cause en grande partie humaine. Ainsi, la liberté de choix ne s'applique que dans les
secteurs hypothétiques quasiment métaphysiques dans laquelle la raison s'égare
sans fondements réels.
- A l'inverse,
au niveau du domaine de la croyance, on jouit d'une liberté totale avec un choix qui
s'effectue à partir du niveau des acquis dont on a conservé le souvenir.
certains vont inclure in-extenso ces acquis dans les valeurs à laquelle on
adhère ; les uns affirment par exemple la conception suivante : " je suis chrétien parce que mes parents
m'ont donné une éducation chrétienne, j'ai suivi les cours de catéchisme et
allais à la messe tous les dimanches, je crois en Dieu et en Jésus Christ en
tant que fils de Dieu," ; d'autres diront de la même manière : " je suis musulman parce que mes
parents m'ont donné une éducation musulmane, j'ai suivi les cours de l'école
coranique, je vais à la mosquée tous les vendredis, je crois qu'il n'y a qu'un
seul Dieu et que Mahomet est son prophète"
D’autres
encore vont également tenter d'appliquer à leurs acquis la méthodologie de la
raison même si, selon Kant, ils ne reposent pas sur des fondements solides, Ainsi
apparaissent diverses interprétations souvent antinomiques qui correspondent à
la liberté de chacun. En voici quelques exemples :
. "Dieu existe au nom du principe de
causalité : tout effet ayant une cause, il faut bien qu'il y ait à un
moment donné un démiurge qui a créé le monde, (1)
. " Je ne crois pas en Dieu parce que
le principe de causalité tout comme celui de finitude sont des concepts humains
et non des postulats applicables à l'univers. Je crois que l'univers est régi
par d'autres règles que l'homme ne peut pas appréhender dans le monde clos qui
est le sien. D'ailleurs comme l'écrit Schopenhauer, le principe de causalité
conduit à un non-sens d'abord parce que l'on ne pourra jamais accéder à la
cause primitive, ensuite, parce si on trouve une cause première, on remet en
cause le principe même de causalité,
. Je suis émerveillé par la beauté et
l'harmonie de l'univers, il ne peut y avoir qu'un Dieu pour avoir créé une
telle splendeur,
. Nous ressentons la beauté du monde sans
être sûr que cette beauté existe en soi, nous ne disposons que des moyens de
nos sens pour en juger, notre vue est limitée par le fait que nous ne percevons
que trois couleurs fondamentales, notre perception des sons est également
limitée. Notre émerveillement face au monde n'est que le fait de nos propres
limitations et n'a rien à voir avec une création faite pour nous et à notre
mesure par un Dieu.
. Ce monde que certains ressentent comme
merveilleux n'est que le fruit de la sélection naturelle et de la loi du plus
fort"
De toutes ces
assertions contradictoires qu'il est impossible de vérifier puisque dépassant
toute rationalité objective, chacun choisit celles qui lui semblent le plus
adapté à son " ego", sa
conscience qui pense. C'est en ce sens que l'homme jouit de la totale liberté
quand il décide de privilégier telle ou telle croyance convenant le mieux à la
constitution de son « casier de l'être ».
A suivre…
(1) c'est en
particulier le cas par exemple de Voltaire qui justifie son déisme par l'emploi
de sa raison seule
" Quand
je vois une montre dont l’aiguille marque les heures, je conclus qu’un être
intelligent a arrangé les ressorts de cette machine, afin que l’aiguille
marquât les heures. Ainsi, quand je vois les ressorts du corps humain, je
conclus qu’un être intelligent a arrangé ces organes pour être reçus et nourris
neuf mois dans la matrice; que les yeux sont donnés pour voir, les mains pour
prendre, etc. Mais de ce seul argument je ne peux conclure autre chose, sinon
qu’il est probable qu’un être intelligent et supérieur a préparé et façonné la
matière avec habileté; mais je ne peux conclure de cela seul que cet être ait
fait la matière avec rien, et qu’il soit infini en tous sens. J’ai beau
chercher dans mon esprit la connexion de ces idées: « Il est probable que je
suis l’ouvrage d’un être plus puissant que moi, donc cet être existe de toute
éternité, donc il a créé tout, donc il est infini, etc. » Je ne vois pas la
chaîne qui mène droit à cette conclusion; je vois seulement qu’il y a quelque
chose de plus puissant que moi, et rien de plus."
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