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vendredi 1 avril 2016

LA LIBERTÉ, FRUIT DE LA CONNAISSANCE DE SOI (19)


LA CONSTITUTION DES VALEURS DE L'ÊTRE EN SOI (suite)

CHOIX DES VALEURS DE L'ÊTRE ET CIRCONSTANCES.

Dans la perspective que je viens de définir dans les articles précédents, si la liberté en soi de l'homme est totale et qu'il nait sans aucun a-priori (ce que pensent aussi les théoriciens chrétiens), il convient de se poser la question de la méthode par laquelle le choix et le tri des valeurs s'opère.

Pour moi,  ce choix s'opère toute la vie en fonction des circonstances et de l'impact des événements sur "l'être en soi"  Pour employer une métaphore, le cours de la vie ressemble au cheminement sur un long d'une route semée d'une multitude de bifurcations ; que l'on prenne à ces bifurcations une route ou une autre relève de la liberté de l'être et du libre choix en sachant au bout du compte que ces routes ne mènent nulle part sinon à la mort.

La plupart du temps, prendre une route plutôt qu'une autre peut s'effectuer sans dommages particuliers ni conséquence sur "l'être en soi" car il ne remet pas en cause les valeurs qu'il a choisi comme règle de vie. Cependant il existe des bifurcations qui bouleversent complètement l’ordre de se valeurs et je voudrais en donner trois exemples :

Le premier exemple, la TEMPETE SOUS UN CRÂNE est littéraire et provient des "Misérables" de Victor Hugo " première  partie, VII, 3) :  Jean Valjean, ancien forçat évadé est devenu monsieur Madeleine, maire de Montreuil-sur-Mer, un homme respectable et apprécié de tous. Il apprend que le policier Javert vient d'arrêter un certain Champmathieu  qu'il prend pour Jean Valjean. Le véritable Jean Valjean se trouve face à une dramatique remise en cause de l'ordre de ses valeurs que Victor Hugo décrit en ces termes :

" Ce Javert qui me trouble depuis si longtemps, ce redoutable instinct qui semblait m'avoir deviné, qui m'avait deviné, pardieu ! et qui me suivait partout, cet affreux chien de chasse toujours en arrêt sur moi, le voilà dérouté, occupé ailleurs, absolument dépisté  ! Il est satisfait désormais, il me laissera tranquille, il tient son Jean Valjean !

 Et tout cela s'est fait sans moi ! Et je n'y suis pour rien ! Ah çà, mais ! qu'est-ce qu'il y a de malheureux dans ceci ? ...C'est la providence qui a tout fait! ... Ai-je le droit de déranger ce qu'elle arrange ?..  De quoi est-ce que je vais me mêler ? Cela ne me regarde pas.

Comment ! Je ne suis pas content ! Mais qu'est-ce qu'il me faut donc ? Le but auquel j'aspire depuis tant d'années, le songe de mes nuits, l'objet de mes prières au ciel, la sécurité, je l'atteins ! C'est Dieu qui le veut. Je n'ai rien à faire contre la volonté de Dieu. Et pourquoi Dieu le veut-il ? Pour que je continue ce que j'ai commencé, pour que je fasse le bien,... C'est décidé, laissons aller les choses ! Laissons faire le bon Dieu ! ... Il se parlait ainsi dans les profondeurs de sa conscience, penché sur ce qu'on pourrait appeler son propre abîme. – Allons, dit-il, n'y pensons plus. Voilà une résolution prise ! – Mais il ne sentit aucune joie.

… Au bout de peu d'instants, il eut beau faire, il reprit ce sombre dialogue dans lequel c'était lui qui parlait et lui qui écoutait, disant ce qu'il eût voulu taire, écoutant ce qu'il n'eût pas voulu entendre, cédant à cette puissance mystérieuse qui lui disait : pense !

Il se confessa à lui-même que tout ce qu'il venait d'arranger dans son esprit était monstrueux, que "laisser aller les choses, laisser faire le bon Dieu", c'était tout simplement horrible... c'était un crime bas, lâche, sournois, abject, hideux !

... Être un juste ! est-ce que ce n'était... ce qu'il avait toujours voulu, Fermer la porte à son passé ? Mais il ne la fermait pas, grand Dieu ! il la rouvrait en faisant une action infâme ! Mais il redevenait un voleur, et le plus odieux des voleurs ! il volait à un autre son existence, sa vie, sa paix, sa place au soleil ! il devenait un assassin ! il tuait, il tuait moralement un misérable homme, il lui infligeait cette affreuse mort vivante, cette mort à ciel ouvert, qu'on appelle le bagne !

... Il fallait donc aller à Arras, délivrer le faux Jean Valjean, dénoncer le véritable ! Hélas ! C’était là. le plus grand des sacrifices, la plus poignante des victoires, le dernier pas à franchir mais il le fallait. Douloureuse destinée ! il n'entrerait dans la sainteté aux yeux de Dieu que s'il rentrait dans l'infamie aux yeux des hommes !

– Eh bien, dit-il, prenons ce parti ! Faisons notre devoir ! Sauvons cet homme !
Il prononça ces paroles à haute voix, sans s'apercevoir qu'il parlait tout haut."

Dans ce cas de conscience, deux chemins possibles se présentent devant Jean Valjean :
     - celui de l'injustice et de l'égoïsme qui consiste à ne rien faire en laissant condamner un innocent.
     - celui de la justice qui sacrifie tout à la vérité avec tous les risques que cela comporte.
Jean Valjean choisira la seconde solution.

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