LA CONSTITUTION
DES VALEURS DE L'ÊTRE EN SOI (suite)
CHOIX DES
VALEURS DE L'ÊTRE ET CIRCONSTANCES.
Dans la
perspective que je viens de définir dans les articles précédents, si la liberté en soi de l'homme est totale
et qu'il nait sans aucun a-priori (ce que pensent aussi les théoriciens chrétiens),
il convient de se poser la question de la méthode par laquelle le choix et le
tri des valeurs s'opère.
Pour moi, ce
choix s'opère toute la vie en fonction des circonstances et de l'impact des
événements sur "l'être en soi"
Pour employer une métaphore, le cours de la vie ressemble au cheminement
sur un long d'une route semée d'une multitude de bifurcations ; que l'on prenne
à ces bifurcations une route ou une autre relève de la liberté de l'être et du
libre choix en sachant au bout du compte que ces routes ne mènent nulle part
sinon à la mort.
La plupart du
temps, prendre une route plutôt qu'une autre peut s'effectuer sans dommages
particuliers ni conséquence sur "l'être en soi" car il ne remet pas
en cause les valeurs qu'il a choisi comme règle de vie. Cependant il existe des
bifurcations qui bouleversent complètement l’ordre de se valeurs et je voudrais
en donner trois exemples :
Le premier
exemple, la TEMPETE SOUS UN CRÂNE est littéraire et provient des
"Misérables" de Victor Hugo " première partie, VII, 3)
: Jean Valjean, ancien forçat évadé est
devenu monsieur Madeleine, maire de Montreuil-sur-Mer, un homme respectable et
apprécié de tous. Il apprend que le policier Javert vient d'arrêter un certain
Champmathieu qu'il prend pour Jean
Valjean. Le véritable Jean Valjean se trouve face à une dramatique remise en cause de l'ordre de ses valeurs que
Victor Hugo décrit en ces termes :
" Ce
Javert qui me trouble depuis si longtemps, ce redoutable instinct qui semblait
m'avoir deviné, qui m'avait deviné, pardieu ! et qui me suivait partout, cet
affreux chien de chasse toujours en arrêt sur moi, le voilà dérouté, occupé
ailleurs, absolument dépisté ! Il est
satisfait désormais, il me laissera tranquille, il tient son Jean Valjean !
Et tout cela s'est fait sans moi ! Et je n'y
suis pour rien ! Ah çà, mais ! qu'est-ce qu'il y a de malheureux dans ceci ?
...C'est la providence qui a tout fait! ... Ai-je le droit de déranger ce
qu'elle arrange ?.. De quoi est-ce que
je vais me mêler ? Cela ne me regarde pas.
Comment ! Je
ne suis pas content ! Mais qu'est-ce qu'il me faut donc ? Le but auquel
j'aspire depuis tant d'années, le songe de mes nuits, l'objet de mes prières au
ciel, la sécurité, je l'atteins ! C'est Dieu qui le veut. Je n'ai rien à faire
contre la volonté de Dieu. Et pourquoi Dieu le veut-il ? Pour que je continue
ce que j'ai commencé, pour que je fasse le bien,... C'est décidé, laissons aller
les choses ! Laissons faire le bon Dieu ! ... Il se parlait ainsi dans les
profondeurs de sa conscience, penché sur ce qu'on pourrait appeler son propre
abîme. – Allons, dit-il, n'y pensons plus. Voilà une résolution prise ! – Mais
il ne sentit aucune joie.
… Au bout de
peu d'instants, il eut beau faire, il reprit ce sombre dialogue dans lequel
c'était lui qui parlait et lui qui écoutait, disant ce qu'il eût voulu taire,
écoutant ce qu'il n'eût pas voulu entendre, cédant à cette puissance mystérieuse
qui lui disait : pense !
Il se confessa
à lui-même que tout ce qu'il venait d'arranger dans son esprit était
monstrueux, que "laisser aller les choses, laisser faire le bon
Dieu", c'était tout simplement horrible... c'était un crime bas, lâche,
sournois, abject, hideux !
... Être un
juste ! est-ce que ce n'était... ce qu'il avait toujours voulu, Fermer la porte
à son passé ? Mais il ne la fermait pas, grand Dieu ! il la rouvrait en faisant
une action infâme ! Mais il redevenait un voleur, et le plus odieux des voleurs
! il volait à un autre son existence, sa vie, sa paix, sa place au soleil ! il
devenait un assassin ! il tuait, il tuait moralement un misérable homme, il lui
infligeait cette affreuse mort vivante, cette mort à ciel ouvert, qu'on appelle
le bagne !
... Il fallait
donc aller à Arras, délivrer le faux Jean Valjean, dénoncer le véritable !
Hélas ! C’était là. le plus grand des sacrifices, la plus poignante des
victoires, le dernier pas à franchir mais il le fallait. Douloureuse destinée !
il n'entrerait dans la sainteté aux yeux de Dieu que s'il rentrait dans
l'infamie aux yeux des hommes !
– Eh bien,
dit-il, prenons ce parti ! Faisons notre devoir ! Sauvons cet homme !
Il prononça
ces paroles à haute voix, sans s'apercevoir qu'il parlait tout haut."
Dans ce cas de
conscience, deux chemins possibles se présentent devant Jean Valjean :
- celui de l'injustice et de l'égoïsme qui
consiste à ne rien faire en laissant condamner un innocent.
- celui de la justice qui sacrifie tout à
la vérité avec tous les risques que cela comporte.
Jean Valjean
choisira la seconde solution.
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