REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

jeudi 14 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (67) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

Les forteresses protégeant la plaine d'Akkar et de la Boquée 

Au niveau de la plaine d'Akkar et de la Boquée, les francs ont construit deux lignes de forteresses établis sur les promontoires dominant la plaine. Ces deux lignes épousent les lignes du relief en figurant une forme approximativement  triangulaire.

La ligne nord est adossée aux pentes du Djebel Ansarieh entre la plaine et le territoire des Ismaéliens qui occupent la partie sud du même djebel : de ces forteresses, les plus importantes sont aux mains des ordres militaires : CHASTEL BLANC  et ARIMA ressortent des templiers à l'époque de Hattin, le KRACK DES CHEVALIERS est possession des chevaliers de saint Jean de Jérusalem .
     . ARIMA (1) et CHASTEL BLANC (2) possèdent la même histoire : les templiers les ont récupérés ruinés par deux incursions de Nour-Al-Din en 1167 et 1171 avec, entre temps, un tremblement de terre en 1170. C'est après cette période, que le comte  de Tripoli, jusqu'alors propriétaire des lieux céda ses châteaux aux templiers à charge de les reconstruire. Ces deux forteresses sont chargées à la fois de surveiller la plaine et les territoires ismaéliens, elles sont complétées par des tours de surveillance et châteaux de moindre importance.
     . Le KRACK DES CHEVALIERS, (3) possession des Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem  depuis 1142 est la pièce maîtresse de la défense de la ligne nord de protection de la plaine d'Akkar et de la Boquée, il est situé sur un promontoire dominant la Boquée et contrôle toute la région environnante. Aux fonctions des deux autres forteresses, surveiller la plaine et les territoires des ismaéliens, s'ajoute le contrôle de la haute vallée du Nash-el-Khebir qui permet de rejoindre le fossé d'effondrement (plaine du GHAB) vers RAFANEE. Cette haute vallée comportait de nombreux points fortifiés et en particulier le château de TOUBAN (4) remis aux hospitaliers en 1180.

La ligne sud, moins exposée aux incursions venues de l'est, possède une ligne, semble-t'il, moins dense de fortifications. Les plus importantes sont aux mains des Hospitaliers de saint Jean de Jerusalem .
      . La ligne comporte à l'ouest, deux châteaux de plaine construits sur de légères buttes, GOLIATH (5)  (remis aux hospitaliers en 1127 qui ne sert que de refuge et de base de départ et d'approvisionnement des chevaliers)  et  FELICIUM. (6) ( remis aux hospitaliers en 1142 en même temps que le KRACK DES CHEVALIERS)
      . Le long de la Boquée se trouve la forteresse principale de GIBELACAR, (8) elle constitue le pendant du krack des chevaliers formant la partie sud de la tenaille qui protège l'accès à la plaine , elle domine aussi la plaine de la Beqa. GIBELACAR fut remis aux hospitaliers en 1170.
      . Le long de la Boquée se trouvent enfin plusieurs châteaux étroitement liés au système défensif de GIBELACAR, dont MELECHIN ( 7), possession des hospitaliers à partir de 1181.

Les forteresses contrôlant un col sur une voie de passage ouest-est
Parmi ces forteresses, on peu citer la forteresse de MOINETRE (9) établie sur la voie menant de Gibelet à Baalbeck.

Les forteresses destinées à la colonisation et au contrôle des plaines du fossé d'effondrement et en particulier de la plaine de la Beqa.
Il va de soi que les riches cultures des fossés d'effondrement furent l'objet de la convoitise des comtes de Tripoli. Pour les francs, une des places les plus importantes était la ville de RAFANEE  ; son contrôle avait une quadruple importance :
     . Il permettait de commander une voie importante de communication entre Homs et la plaine d'Akkar via la Boquée.
     . Il donnait le contrôle des riches terres agricoles qui l'entourent et devait permettre de coloniser la région.
     . Il donnait aux francs une base  pour des conquêtes ultérieures.
     . Il permettait d'organiser des razzias dans la Beqa.

La première croisade était passée par RAFANEE en 1099 et Raymond de Saint Gilles décida d'entamer sa conquête après la prise de Jérusalem  Pour cela, comme il l'avait pratiqué à Tripoli, il enteprit de construire à peu de distance de la ville une forteresse appelée MONTFERRAND.(9);  à peine construite, la forteresse est prise par l'Atabeg de Damas Toghtekin et démantelée, ce qui amène à une nouvelle tentative de reconquête par les francs. Celle-ci se termine par un traité conclu entre le comté de Tripoli et l'atabeg en 1109. Trois dispositions sont importantes :
     . Les francs acceptent de ne plus razzier la Beqa, en échange, ils recevront un tiers des récoltes.
     . Les châteaux de la MOINETRE et de GIBELACAR sont laissés aux francs.
     . En échange, les chateaux de Masyaf, TOUBAN et le HOSN AT ABRAD (le futur KRACK DES CHEVALIERS) seront garantis de toute attaque et devront en outre payer tribut au comte.

Cet accord ne fut pas respecté par les francs qui s'emparent du Hosn at Abrad et de Rafanée en 1112. Rafanée changea plusieurs fois de mains jusque 1137, date où Zengi, atabeg de Mossoul reprit définitivement RAFANEE et MONTFERRAND.

Cette reconquête nécessita la recomposition de la défense  du comté de Tripoli : le point clé de cette défense fut reporté de RAFANEE- MONTFERRAND  situés au débouché de la route passant par la haute vallée du Nash-el-Khebir au HOSN AT ABRAD situé plus en aval et commandant la route de la moyenne vallée du Nash-el-Khebir. Il fallait faire de ce  fortin un lieu inexpugnable ; comme les comtes de Tripoli n'avaient pas les moyens de la reconstruction, il fut décidé de remettre le fortin a l'ordre de l'hôpital qui en firent le KRACK DES CHEVALIERS.

mardi 12 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (66) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

LA FORTERESSE TEMPLIERE DE TORTOSE

Afin de montrer l'organisation spatiale d'une forteresse de Terre Sainte, on peut prendre l'exemple de celle de Tortose ; elle est particulièrement intéressante, à la fois parce qu'il en reste de nombreux ruines enchâssées dans les quartiers de la ville et parce que ces restes permettent de définir un plan architectural assez précis que l'on retrouve un peu partout dans l'architecture militaire de Terre Sainte.

Les relevés sur le terrain ne donnent guère d'indices de datation, cela fait que la description que j'effectuerai dépasse sans doute le cadre chronologique que je m'étais fixé, antérieur à 1187. Néanmoins, elle permettra de montrer l'inexpugnabilité du système défensif d'une citadelle et de montrer les progrès accomplis au niveau de l'architecture militaire.

La forteresse est construite dans le coin Nord-ouest de la ville au bord de la mer.

Elle comporte en premier lieu, un puissant donjon (1) élevé en bordure de rivage et entouré d'un fossé inondable (2) en cas d'attaque. Une porte sur la mer permettait de recevoir des approvisionnements en cas de siège terrestre prolongé. Ce type de tour pourrait représenter le premier état du château ; en effet, de telles tours de surveillance et de guet  avait été construites un peu partout sur les lieux stratégiques de Terre Sainte.

Tout autour de cette tour, les templiers ont construit deux enceintes sans doute successives pourvues de tours (3 et 5 du plan), chacune étant précédée d'un fossé. (4 et 6) également inondable.

Comme le montre la coupe, chacun de ces remparts est pourvu de chemin de ronde et est adossé à une structure massive :
    . Le  rempart extérieur est adossé au rocher qui a été dégagé lors du creusement du fossé,
    . En arrière du rempart intérieur  a été construit un ensemble de casemates (7) servant de magasins qui en épaule la base à l'est et au sud.

Selon moi, un tel système permettait de se prémunir contre les attaques effectuées au moyen d'armes de jets puisque les projectiles que l'on envoyait, décrivant une courbe elliptique, venaient se fracasser contre la base des remparts  que l'on avait, pour cette raison, protégée par les structures massives.   Ces caractéristiques permettent de penser que le rempart intérieur était antérieur au rempart extérieur.

Dans ces deux remparts étaient creusées deux portes successives, toutes les deux situées sur le rempart nord, le seul donnant sur la campagne. Pour accéder au château, il fallait :
      . Monter une rampe (8) établie dans le fossé  puis passer la tour-porte (9) ; cette première partie du trajet était périlleuse pour les assaillants sur qui les défenseurs du château pouvait tirer des deux remparts de la forteresse
      . Une fois la porte prise par les assaillants, ils se trouvaient dans le fossé intérieur qui menait à la porte intérieure (10) sous les tirs des défenseurs établis sur le chemin de ronde du rempart intérieur,
      . Il fallait enfin emporter la porte intérieure qui était défendue par deux tours.

Ce système d'accès en chicane est d'une grande efficacité, les assaillants cheminent entre des remparts qui forment une sorte de gorge sans cesse à la merci des tirs des défenseurs ;  pourtant, à Tortose, le système n'a pas été mené totalement à son terme comme au Krak des chevaliers où il est nécessaire de d'accomplir le tour complet de la gorge entre les remparts pour passer de la première porte à la seconde.

Le double rempart et le trajet en chicane caractérisent la plupart des grandes forteresses de Terre Sainte.

Passée la porte intérieure, on se trouve dans la cour. Adossés au rempart Nord se trouvent les bâtiments conventuels habituels aux fortifications templières : chapelle (11), grande salle capitulaire (12) qui servit aussi de salle de réception et d'apparat et devait être surmonté d'un dortoir. Il devait exister aussi un réfectoire et des cuisines... Ce qui est frappant dans les forteresses appartenant aux ordres de moines-soldats, c'est qu'après avoir franchi les remparts et moyens de défense , on se trouve finalement dans un monastère !

lundi 11 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (65) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs


LES FORTERESSES DU COMTÉ DE TRIPOLI

Au niveau de son littoral, le Comté de Tripoli commence au sud de MARGAT et se termine un peu au nord de Beyrouth ; quant à son arrière-pays,  comme pour la principauté d'Antioche, il est fluctuant : il ne comporte que des points isolés sur le littoral à l'époque de Raymond de Saint-Gilles, puis forme une ligne littorale continue avant de se développer jusqu'à la plaine de la Beqa, ensuite il régresse pour se cantonner aux rebords orientaux du Djebel Ansarieh et du mont Liban ; ces deux limites naturelles sont assez sûres d'autant qu'elles sont surveillées par un réseau efficace de forteresses.

Le comté est essentiellement centré sur la plaine d'Akkar qui s'épanouit sur le littoral entre Tortose et Tripoli, puis se développe en un sillon parallèle à la Beqa appelé la Boquée, et ensuite se rétrécit vers Homs en triangle ; c'est la trouée la plus méridionale de la partie nord du littoral. Appelée actuellement la trouée d'Homs, elle ouvre le passage vers la riche et fertile plaine de la Beqa. Celle-ci étant, bien entendu  l'objet de la convoitise des croisés qui tentèrent de la conquérir.

Comme dans la principauté d'Antioche, on peut classer les forteresses en quatre grandes catégories :
     . Les forteresses littorales,
     . Les forteresses établies à mi-hauteur des versants surveillant et contrôlant  la trouée d'Homs,
     . Les forteresses adossées aux pentes dominant la Beqa et contrôlant un col,
     . Les forteresses de colonisation établies dans la plaine de la Beqa et perdues en 1187

Les templiers possèdent trois de ces forteresses : TORTOSE, ARIMA et CHASTEL BLANC,

Comme pour la principauté d'Antioche, mon but n'est pas d'effectuer une description exhaustive des forteresses franques maïs beaucoup plus de déterminer la signification d'ensemble de leur localisation.

Les forteresses littorales 
Du nord au sud, on trouve successivement :
   - TORTOSE, la ville avait été prise par un détachement envoyé par Raymond de Toulouse lors du siège d'Archas. Sitôt le siège d'Archas levé, l'émir de Tripoli avait repris la cité ; après la conquête de Jerusalem, le comte de Toulouse, désireux de se créer une principauté autour de Tripoli dont il avait constaté la richesse, revint dans la région et réussit à s'emparer de Tortose dont il fit le point de départ de ses expéditions ultérieures. La place fut ensuite remise aux templiers, peu après une attaque de Nur-Al-Din survenue en 1152 qui s'employèrent à la renforcer pour la rendre inexpugnable. Face à Tortose se trouve un îlot, Rouad, qui fut également fortifié.
   - entre Tortose et Tripoli, sur le rivage de la plaine d'Akkar, on ne trouve pas de forteresses car il n'y a pas de promontoires littoraux pour en construire.
   - vers le sud, on trouve Tripoli que Raymond de saint Gilles s'était résigné à ne pas conquérir lors de la première croisade. Apres la prise de Tortose, il jeta son dévolu sur Tripoli et, pour s'en emparer, il construisit un château à quelques distances de la cité alors centrée autour de son port, CHÂTEAU PÈLERIN, à partir duquel il lança les attaques sur Tripoli. C'est dans de château qu'il mourut en 1105. La place de Tripoli ne sera conquise qu'en 1109.
   - au sud de Tripoli, la côte redevient rocheuse ce qui permit la construction de forteresses  surveillant la route littorale :   CALAMON (1) puis NEPHRIN (2) établi sur un cap rocheux de 400 mètres  de long, puis LE PUY DU CONNÉTABLE (3) qui surveille un étroit défilé entre versant et rivage, ne laissant place qu'à la route, BOUTRON, enfin GIBELET, l'antique Byblos au débouché d'un route difficile qui mène à Baalbeck.

dimanche 10 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (64) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Suite de l'article précédent

LES AUTRES FORTERESSES FRANQUES DE LA PRINCIPAUTÉ D'ANTIOCHE

Il est hors de mon propos de donner ici une description détaillée des forteresses franques, mais beaucoup plus de déterminer les conceptions qui présidèrent à leur localisation. A cet égard, les quatre types de forteresses définies précédemment permettent une classification assez simple :

En premier lieu se trouvent les forteresses littorales, la plus imposante est celle de MARGAT qui domine le port de Banias, et contrôle la route littorale.  GIBEL possède aussi une forteresse établie dans un théâtre antique

Les plus importantes forteresses surveillent les passages entre le littoral et le fossé d'effondrement qui porte au sud du pont de fer le nom de GHAB.
     . Le pont de fer (DJISR EL HADID) (5) était lui-même fortifié par deux tours qui furent prises par les francs vers 1161. Il etait contrôlé par le château d'HARRENC qui l'objet de luttes entre francs et turcs : il fut pris par les francs en 1098, repris par les armées de Nur EL Din de 1149 à 1158, récupéré par les francs puis reconquis par Nur  en 1164, au moment de Hattin, la forteresse est aux mains des turcs.
     . La route qui relie Lattaquie au pont du moyen Oronte (le DJISR EL SHROG) (7)  était surveillé  par un ensemble cohérent de grandes forteresses : EL-AIDO établi sur une croupe escarpée dominant le confluent de deux cours d'eau qui constituent le Nahr Khebir. SAONE établi sur un promontoire et surveillant a la fois la route de Lattaquié à l'Oronte mais aussi un col du littoral à l'Oronte situé plus au sud.

Une troisième catégorie comporte quelques forteresses qui sont établies sur les dernières pentes de la montagne à la fois pour surveiller le fossé d'effondrement et pour contrôler les cols traversant la chaîne du Djebel Ansarieh, c'est le cas par exemple du château de BOURZEY qui domine le Gharb.

Enfin, quelques forteresses ont été construites après la première croisade pour créer des centres de fiefs de colonisation : ces forteresses, au moment de la bataille de Hattin, ont  été reprises par les turcs, ce fut le cas de MAARAT (9) qui subit un siège de cinq semaines au moment de la première croisade et où fut construit le château franc  de La Marre et qui fut ensuite repris par les turcs et d'APAMEE.(8)

Enfin, se trouvent deux particularités qu'il convient de signaler :
     - les deux châteaux de LAYCAS et de MALAVANS (11 de la carte) qui furent conquis par les ismaéliens, connus sous le nom de secte des Assassins. Cette conquête fit que la frontière entre la principauté et le comté se réduisit à une étroite frange de terrain.
      - le château de CURSAT appartenant au patriarche d'Antioche qui en fit son refuge.




samedi 9 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (63) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

LES FORTERESSES DE LA PRINCIPAUTÉ D'ANTIOCHE.

La principauté d'Antioche s'étend au niveau de son littoral du golfe d'Alexandrette (2) à Banyas  (VALENIE pour les francs) avec un arrière-pays qui se limite un peu avant 1187 au niveau des crêtes dominant l'Oronte et le fossé d'effondrement. Les conquêtes effectuées au delà ayant été perdues.

Elles comporte deux trouées importantes, celle d'Antioche (4) entre DJEBEL AMANUS ET DJEBEL AKRA et celle de Lattaquié entre le DJEBEL AKRA et le DJEBEL ANSARIEH.

ces deux trouées débouchent chacune sur un pont établi sur l'Oronte dont le contrôle ouvre les accès vers l'Est  :
     .  le pont de fer (DJISR EL HADID) (5)  au niveau de la trouée d'Antioche qui contrôle la route menant à Alep.
     .  le pont établi sur le moyen Oronte (DJISR EL SHOGHR) (7), que l'on rejoint à partir de Lattaquié en remontant le cours du NHAL KHEBIR et qui mène également à Alep mais aussi à Apamée et au moyen-Euphrate.

La principauté comporte une plaine littorale étroite mais pourvue de nombreux ports : Arzouz (3) (PORT BONNEL), PORT SAINT SIMÉON (6) , exutoire d'Antioche, Lattaquié (ancienne LAODICÉE), GIBEL et VALENIE ( Banyas)

La localisation des forteresses franques dépend de ces contingences géographiques :
   - surveillance des trouées et des cols au moyen de forteresses établies sur les pentes montagneuses qui bordent ces trouées et sur les pentes dominant le fossé d'effondrement.
   - protection et garde des ports et du littoral.

LES FORTERESSES DES TEMPLIERS DANS LA PRINCIPAUTÉ D'ANTIOCHE

Les spécialistes en mentionnent quatre, citées par divers textes mais dont la localisation reste incertaine pour deux au moins.

La première, ROCHE DE ROISSEL, localisée par la toponymie locale, est une forteresse littorale gardant l'étroite bande côtière entre le rivage et les pentes du Djebel Amanus. Là passe une route qui, dans cette région disputée entre francs, arméniens et byzantins, fut fréquemment une voie d'invasion. A l'endroit le plus étroit, se trouve un site appelé la Portelle, (1) ce qui témoigne de l'exiguïté du passage. Le château de ROCHE DE ROISSEL est destiné d'abord à cette défense de cette route stratégique.

Un autre rôle de la forteresse est de protéger les rares ports qui se trouvent sur le littoral : Arsouz ( PONT BONNEL) (3) qui serait aussi le siège d'une commanderie et un port appelé actuellement Minat El Fridji, port des francs. L'autre port situé plus au Nord, Alexandrette, (2) trop proche de la Portelle et sur la voie des invasions, était trop peu sûr pour être utilisé efficacement par les francs.

Les trois autres forteresses templières se trouvaient sur les hauteurs du versant oriental du Djebel Amanus ; elles faisaient office de marches-frontières depuis la chute d'Edesse,  contrôlaient les passes et cols qui reliaient le littoral à l'intérieur mais aussi surveillaient les mouvements ennemis du fossé d'effondrement :
     . ROCHE GUILLAUME au nord contrôlait la passe qui partait de la Portelle et traversait l'Amanus
     . TRAPEZAC au nord-est et GASTON ( Baghras) au sud-est surveillaient la route qui menait de la région d'Alexandrette, au  col de Beylan puis débouchait sur le fossé d'effondrement.

Elles furent remises à l'ordre du Temple à une date imprécise, sans doute vers 1154 ;  en 1168,  TRAPEZAC et GASTON étaient possession des templiers quand un renégat de l'ordre s'en empara et fit allégeance à Nur Al Din ; à la mort de ce renégat, l'ordre reprit possession des deux châteaux qu'ils conservaient encore en 1187.

A suivre...

vendredi 8 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (62) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES (suite de l'article précédent)

La localisation des forteresses franques était étroitement dépendante des contingences géographiques.

En premier lieu, il convenait de protéger le littoral et les ports permettant de relier les états de Terre Sainte à l'Occident et en particulier de recevoir les croisés venus en pèlerinage. Les ports furent dotés, pour la plupart, de forteresses établies dans la ville elle-même ou sur les hauteurs la dominant.

Ensuite, il convenait de protéger les trouées principales mais aussi les cols qui permettaient de traverser la montagne. Ces forteresses se trouvaient sur des éminences ou des éperons situées au niveau des premières pentes des montagnes avec un double objectif :
     . Empêcher la réussite des invasions venues de l'est : il suffisait aux garnisons qui s' y trouvaient de descendre de leurs citadelles pour prendre l'ennemi latéralement ou à revers.
     . Servir de poste avancé pour une éventuelle attaque vers le fossé d'effondrement aux fins de conquête.

Un troisième type de forteresse était construit en vue de la colonisation des espaces orientaux lorsque, lors dans premiers temps de la conquête,  les armées franques s'avancèrent vers l'est au delà même du  fossé d'effondrement. Cette conquête s'accompagnait  de la création de fiefs centrés autour de châteaux fortifiés. A l'époque  juste antérieure à Hattin, ces fiefs et ces châteaux n'étaient plus du domaine des francs et avaient été reconquis par les turcs.

Il convient aussi d'ajouter que des grandes forteresses dépendaient des forts plus petits  et des fortins de surveillance, ils prenaient souvent la forme de tours carrées évoquant un donjon.

Une quatrième caractéristique générale concerne plus spécifiquement les templiers : il avait été clairement spécifié dans l'acte initial de création de la Milice des pauvres chevaliers du Christ que le rôle des chevaliers de l'ordre était de protéger les pèlerins et de sécuriser les routes de pèlerinage vers les lieux saints. Ils construisirent le long de ces routes des structures  défensives qui se muèrent vite en puissances forteresses.

A cela s'ajoutèrent des forteresses installées à des endroits dépourvus de sites de pèlerinage dans un but purement militaire, en particulier dans la principauté d'Antioche et dans le comté de Tripoli ; l'explication en est simple : au début de la création des états francs, ils n'intervenaient pas dans leur défense ; les forteresses furent construites par les croisés qui avaient constitué des fiefs dans les pays conquis ; peu à peu, ces derniers devinrent incapables de les gérer de les entretenir ; beaucoup les remirent aux ordres militaires et en particulier aux templiers qui constituaient les seules forces franques  structurées en Terre sainte.  C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la présence de châteaux templiers dans les deux états francs septentrionaux.

Les templiers associent donc deux types de forteresses :
   . Les unes sont établies sur les routes de pèlerinage, elles se trouvent essentiellement dans le royaume de Jerusalem,
   . Les autres n'ont qu'un rôle militaire et s'établissent aux marches frontières des états francs.

jeudi 7 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (61) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

La description que je me propose d'entreprendre des forteresses templières et plus généralement des forteresses franques correspondra à la période comprise entre 1144, date de la prise d'Edesse et 1087, date de la désastreuse bataille de Hattin qui fit disparaître une grande partie des États Francs de Terre Sainte surtout au niveau du royaume de Jérusalem.

Cette bataille et la reconquête effectuée ensuite par Saladin conduisirent à un changement de cap des comportements :
     . avant 1187, les princes francs pouvaient encore mener des offensives victorieuses vers l'est dans la perspective de conquête, c'était en particulier le cas quand l'ost franc était renforcé par la venue de croisés occidentaux.
     . après Hattin, ce ne sera plus le cas,  les états francs seront obligés de se cantonner à une politique presque uniquement défensive.

La période 1144-1187 est pour moi celle de l'épanouissement des états francs en ce qui concerne la politique de fortification après la phase de conquête et d'installation. C'est à ce moment que l'on discerne le mieux les objectifs qui conduisent à la localisation des forteresses.  Cette organisation stratégique sera laminée et disparaîtra après la bataille de Hattin.


La construction de ces forteresses témoigne d'un art très élaboré tant au niveau de leur réalisation que de leur localisation. Cet art était bien plus perfectionné que celui que l'on trouvait à la même époque en Occident, il ne fut cependant pas inventé de toutes pièces par les francs :
   - d'abord, parce qu'ils imitèrent ce qu'ils vont trouver sur place et qui témoignait d'une architecture plus avancée que la leur,
   - ensuite par le fait qu'ils réoccupèrent de nombreux points stratégiques déjà fortifiés par les byzantins ou par les princes musulmans.
Il n'eurent donc qu'à imiter et à perfectionner ce qu'ils voyaient. Cet art sera ensuite exporté par les croisés en Occident et conduira à un renouvellement conséquent des anciens châteaux-forts.

Si on considère la localisation de ces forteresses, on constate qu'elle est étroitement dépendante de la topographie des états francs. Celle ci se caractérise par deux éléments d'ensemble que j'ai reproduit ci-contre sur la carte correspondant à  la géographie de la principauté d'Antioche et du comté de Tripoli :


La structure générale du relief s'organise en bandes parallèles de direction Nord-Sud. Ainsi, de l'ouest à l'est apparaissent cinq ensembles :

     . Une succession d'étroites plaines littorales aux sols fertiles et comportant des abris littoraux favorables à l'installation des ports.

     . Puis se développent un ensemble montagneux découpé en massifs par des trouées transversales : DJEBEL AMANUS (1), DJEBEL EL AKRA (2), DJEBEL ANSARIEH (3), MONT LIBAN (4). Ces montagnes créent une barrière entre le littoral et l'arrière-pays. Parmi ces massifs, le moins pénétrable est le Djebel Ansarieh qui se compose d'un ensemble de croupes calcaires séparées par d'étroites vallées. Ce djebel a toujours été une zone de refuge mais elle a servi aussi de base d'attaque ; à l'époque des croisades, sa partie sud était occupé par la secte dit des Assassins, des musulmans ismaéliens, qui menèrent une politique d'attentats contre les princes francs. Cette zone formait alors un dangereux tampon entre le principauté d'Antioche et le comté de Tripoli.

    . A l'est de cette ligne, se trouve un ensemble de fossé d'effondrement (10) correspondant à cette profonde cassure qui se poursuit vers le sud par la vallée du Jourdain, la mer Morte, la mer Rouge puis par le Rift africain. Cette zone longue et étroite est favorable à l'homme tant au niveau agricole qu'à celui des routes commerciales et des voies musulmanes de pèlerinage vers les lieux saints de l'Islam.

    . A l'est encore apparaissent des reliefs moins élevés que les montagnes (5) au sud bordant le littoral ; ces reliefs forment transition avec les plaines et plateau du Moyen-Orient et en particulier avec la Mésopotamie.

A ces structures longitudinales s'ajoutent des éléments transversaux, les trouées parcourues par les rivières  :
     . Au nord, se trouve la trouée d'Antioche (6) parcourue par l'Oronte (9) (qui jusqu'alors coulait selon la direction Sud-Nord dans le fossé d'effondrement et bifurque par cette trouée vers l'ouest )  Au débouché de cette trouée, il était possible de gagner Alep mais aussi d'emprunter les voies Nord-Sud du fossé d'effondrement.
     . La deuxième trouée est celle qui part du port de Lattaquié (5) et remonte vers le nord-est par la vallée du Djisr El Shoghr, rejoint l'Oronte puis la vallée du moyen Euphrate.
     . La troisième trouée (8)  se développe en en triangle entre Tartous (Tortose) et Tripoli et permet de gagner Homs. Cette trouée est l'axe central ouest-est du comté de Tripoli, encadré de part et d'autre part le Djebel Ansarieh et la montagne du Liban.

Ces trouées qui compartimentent le relief possèdent un triple rôle à l'époque médiévale  :
    . Elles peuvent servir de voies d'invasion pour les princes turcs.
    . Elles peuvent aussi servir de base aux ambitions de conquête des francs.
    . Elles constituent des voies de communications et commerciales importantes et permettent de gagner la grande voie Nord-Sud qui mène vers l'Arabie.

C'est en fonction de ces caractéristiques topographiques que seront établies le réseau de forteresses franques.

à suivre

mardi 5 mai 2015

La GNOSE (2) : les exemples de BASILIDES et MARCION

Suite de l'article précédent

LE SALUT
Il apparait une double caractéristique explicitement mentionnée par MARCION selon les écrits de saint Irenée, mais que  BASILIDE indique aussi :
    . Le salut ne concerne que l'âme.
    . Le salut ne peut être obtenu par la mise en application dans sa vie de l'enseignement des prophètes hébreux ni par le respect de la Loi car l'un et l'autre proviennent des anges pervertis et malfaisants qui ont créé le monde et dont le chef est le démiurge, le Dieu des juifs.

MARCION va même jusqu'à effectuer une inversion de ceux qui seront sauvés : pour lui, le salut s'appliquera à tous les peuples païens car ils ont reconnu le Christ lors de sa descente aux Enfers, par contre ce ne sera pas le cas des prophètes et des hébreux qui l'ont rejeté.

" il n'y aura de salut que pour les âmes seulement, pour celles du moins qui auront appris son enseignement  ( du Christ) ; quant au corps, du fait qu'il a été tiré de la terre, il ne peut avoir part au salut. 

Caïn et ses pareils, les gens de Sodome, les Égyptiens et ceux qui leur ressemblent, les peuples païens qui se sont vautrés dans toute espèce de mal, tous ceux-là ont été sauvés par le Seigneur lors de sa descente aux enfers, car ils sont accourus vers lui et il les a pris dans son royaume ; au contraire, Abel, Hénoch, Noé et les autres «justes», Abraham et les patriarches issus de lui, ainsi que tous les prophètes et tous ceux qui ont plu à Dieu, tous ceux-là n'ont point eu part au salut"
 ( IRENÉE DE LYON A PROPOS DE MARCION)

Il n'y a de salut que pour l'âme seule, car le corps est corruptible par nature. Les prophéties proviennent elles aussi des Archontes auteurs du monde, mais la Loi provient à titre propre de leur chef, c'est-à-dire de celui qui a fait sortir le peuple de la terre d'Egypte. ( IRENÉE DE LYON A PROPOS DE BASILIDE)

à suivre..