REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

vendredi 5 février 2016

Les WAYANAS (19), amérindiens de Guyane.

L'ÉVOLUTION DU MODE DE VIE DES WAYANAS. Suite

Face à la situation décrite  dans l'article précédent , deux éléments de leur mentalité vont desservir les indiens : l'impulsivité du moment qui les conduit à vouloir assouvir immédiatement leurs désirs ressentis comme irrépressibles et l'absence dans leur esprit du phénomène de causalité.

Ces caractéristiques vont produire des conséquences  catastrophiques lorsque les indiens découvrirent les pratiques occidentales sous la double forme des touristes et des trafiquants :
     . les premiers portent souvent un regard de commisération sur les indiens, achetant à bas prix leurs productions artisanales, leur donnant divers objets qui ont pour conséquence de les habituer à quémander et à dépendre des autres.
     . Les trafiquants sont beaucoup plus dangereux, ils se livrent à un troc éhonté échangeant des produits d'artisanat qu'ils iront vendre ensuite à Cayenne contre de la pacotille et en particulier contre des perles qui, pour les indiens, sont aussi précieuses que l'or chez nous mais surtout contre de l'alcool.

Cette situation devint dramatique pour les indiens qui décidèrent de rapprocher leurs villages  de la manne occidentale. Ils tombèrent rapidement à la merci de l'exploitation des trafiquants ; le troc, alcool contre objets artisanaux, fit que les indiens sombrèrent peu à peu dans la dépendance du tafiat, ils perdirent toute dignité, se mirent à mendier pour assouvir leur addiction  à l'alcool, devinrent apathiques, incapables de réagir du fait de l'absence chez eux de principes de causalité.

Les indiens Wayanas restés dans les villages éloignés ont mieux préservé leur authenticité. Pourtant, ils subissent également l'influence des touristes quand les agences de voyages incluent la visite de leur village dans leurs périples et des  trafiquants (même si ceux-ci n'ont jamais jamais obtenu que les indiens fabriquent des objets en série qui seraient pour eux plus rentables.)

Il s'en suit dans ces villages des influences pernicieuses et néfastes  qui aboutissent à la destructuration de ce qui constituait l'ossature  de la société wayana, l'organisation du principe de parenté :
   . Il se produit d'abord une plus grande mobilité des groupes, le moindre différent dans le village aboutit au départ d'une partie de celui-ci pour aller s'installer ailleurs. Désormais, les villages ne comportent plus, selon M Hurault, qu'une vingtaine de personnes autour de deux générations au mieux.
   . Dans de telles conditions, les mariages endogames deviennent impossibles, on voit se développer les mariages exogames qui alimentent encore plus la disparition de la cohésion des liens de parenté.

A suivre...

mercredi 3 février 2016

Les WAYANAS (18), amérindiens de Guyane.

L'ÉVOLUTION DU MODE DE VIE DES INDIENS WAYANA.

Depuis la seconde moitié du 20e siècle, on remarque un déclin progressif des modes de pensée des indiens Wayanas. Comme je l'ai écrit dans un article précédent, entre les territoires Wayana et la civilisation des créoles et occidentaux, il existait un écran, celui des Noirs réfugiés, eux-mêmes fermés du fait de leur origine, à toutes les influences occidentales. Cet écran se manifestait de deux manières :
   . Les Noirs Réfugiés se réservaient le canotage sur le Maroni, ce qui fait que c'était par leur intermédiaire qu'étaient assurés les échanges entre les indiens du Litani et les occidentaux.
   . En conséquence, les Noirs Réfugiés et les indiens Wayana avaient établi un système commercial basé sur le troc : les indiens échangeaient leurs productions (flèches, vannerie, hamac, chiens dressés pour la chasse...) contre des produits d'importation que les Noirs réfugiés allaient chercher chez les occidentaux (outils en fer, cuvette et vaisselle en fer blanc, canots et perles). Le système fonctionnait par le biais d'associations formées entre un indien et un Noir réfugié, généralement Boni, entre qui s'effectuait le troc. Il n'y avait aucune  tentative de subordination d'un associé sur l'autre, les échanges se produisant dans un respect mutuel des deux partenaires.

Dans de telles conditions, les Wayanas avaient pu conserver intactes leurs coutumes et leurs modes de vie tout en possédant des objets provenant de nos civilisations.

Cette économie de troc existe toujours mais elle s'est beaucoup étiolée du fait de cinq circonstances :
    . La présence d'or dans le haut bassin du Maroni (en particulier à Benzdorp au Surinam) qui a attiré un grand nombre d'orpailleurs venus tenter leur chance dans cette région.
    . La création de MARIPASOULA ; conçue comme un élément d'occidentalisation des populations locales, elle amena ces deux plaies que constituent les touristes et les trafiquants,
  . Le développement des hors-bords qui ont amené les indiens à se déplacer sur le Maroni et de commercer directement avec les marchands créoles en se faisant exploiter par eux avec, en conséquence, disparition progressive du troc avec les Noirs Réfugiés.
   . L'apparition des contrats de travail temporaires contre salaire qui introduit le circuit de l'argent dans cette civilisation qui en était dépourvu avec le risque de voir se développer l'inégalité sociale.
   . Les tentatives pour plaquer artificiellement sur le pays indien les éléments de notre civilisation : évangélisation par des missions implantées sur place et mise en place de la communalisation  par les autorités françaises au nom de l'unicité de la république.

A suivre...

lundi 1 février 2016

Les WAYANAS (17), amérindiens de Guyane.

Le CHAMAN possède par rapport aux indiens ordinaires deux particularités :

     . le chaman possède le pouvoir de voir les YOLOK, d'accéder à leur monde et pour cela de faire sortir son Akwali de son corps et surtout de faire en sorte que les YOLOK deviennent ses auxiliaires.  Cette caractéristique est le fruit de l'enseignement qu'il reçoit du chaman qui lui servit de maître : celui-ci lui retire sur les yeux l'opercule spirituel qui empêche à l'homme ordinaire de voir les esprits, et fixe à son nombril un fil spirituel qui lui permet de rejoindre le premier ciel et de se constituer une " cour" de YOLOK qu'il pourra invoquer quand ce sera nécessaire.

     - l'Akwalinpe du chaman, á la différence de celui des indiens ordinaires, conserve sa conscience, il rejoint le monde des YOLOK est est capable comme eux de nuire aux vivants, c'est ce qui le rend si redoutable. Lorsque le chaman vivant invoque les esprits, il peut s'adresser indifféremment aux YOLOK et á l'AKWALINPE des chamans défunts.

Le rôle du chaman comporte au moins trois facettes principales :
     . Il est capable d'envoyer des maléfices à distance que lui commande un indien voulant se venger d'un autre ; selon les indiens, les meilleurs chamans sont capables de tuer à distance. Pour cela, ils utilisent deux procédés :
            - envoyer un de leurs esprits associés s'installer dans le corps de leur victime,
            - attirer l'akwali de leur victime pour le transpercer de flèches.
Dans les deux cas, l'ennemi est censé mourir subitement. Dans cette perspective, la plupart des décès sont attribués à l'action d'un chaman.
   . Il peut aussi envoyer des contre-maléfices afin de rendre le mal par le mal.
   . Il peut également utiliser les YOLOK qui lui sont associés pour guérir un malade : par des incantations et des gestes sur le corps du malade il tente d'extirper l'esprit qui a causé le mal.

Le chaman effectue ses rites au cours de séances publiques de nuit dans une case spéciale qui est construite pour cela. Il commence par fumer un mélange de tabac et de feuilles qui correspond aux esprits dont il veut la collaboration ; il chante des invocations à ces esprits mais n'utilise pas de poudre hallucinatoire pour entrer en transe ; des bruits de coups de plus en plus faibles signalent que l'akwali du chaman vient de quitter son corps, les spectateurs lancent de petits cris pour garder le contact avec l'akwali du chaman et éviter que, lors de sa descente, il  ne trouve plus son corps. Les yoloks arrivent un à un dans la case, parfois une lutte terrible s'engage avec le yolok responsable du maléfice, parfois aussi, les yoloks associés déclarent ne pas voir quel esprit est entré dans le corps du malade ou refusent le combat.

Tout cela fait que le chaman est un être un peu à part que l'on craint.

dimanche 31 janvier 2016

Les WAYANAS (16), amérindiens de Guyane.

L'AKWALI ET L'AKWALINPE.

L'action du chaman s'effectue selon un système de pensée complexe qui a trait aux conceptions  des Wayana sur les principes spirituels qui régissent les hommes appelés AKWALI et AKWALINPE.

Les indiens Wayana pensent que l'homme vivant possède en lui un principe spirituel, l'AKWALI, qui est le siège de sa conscience et de son savoir. Si l'AKWALI quitte le corps, l'homme meurt ou devient fou et privé de tous les concepts qui caractérisent les hommes.

Les indiens pensent aussi que l'AKWALI se forme dès la conception d'un enfant ; cependant, jusque l'âge de 4 ou 5 ans, il n'est pas encore bien fixé à son corps, ce qui oblige les parents à prendre de grandes précautions, en particulier de ne pas manger un certain nombre d'animaux de peur que l'esprit qui est en ceux-ci se substitue à l'Akwali de l'enfant.

Lors de la mort, l'akwali quitte le corps, remonte vers le ciel, rejoint le monde d'où il est venu et perd toute relation avec l'univers des hommes, cette montée est périlleuse surtout quand l'akwali du mort accède au monde des YOLOK car ceux-ci se délectent de l'Akwali des humains.

On pourrait penser que l'akwali est l'équivalent de l'âme chrétienne ou du culte des ancêtres, ce n'est pas tout à fait le cas, pour deux raisons :
   . d'abord, on ne rend aucun culte à l'akwali des défunts ou des ancêtres puisque celui-ci ne fournit aucune protection à ses descendants.
   . Ensuite, à la différence de l'âme chrétienne, il n'existe pas d'idée de récompense ou de châtiment selon la vie menée.

Le deuxième principe spirituel est celui de l'AKWALIMPE, c'est ce qui reste de l'homme après que l'Akwali a rejoint le ciel.

L'Akwalinpe de l'indien ordinaire est totalement dépourvu de conscience, généralement, il ne nuit pas aux hommes tant que le village est habité et s'il ne fait, c'est de façon arbitraire sans égard ni pour ses parents ni pour ses amis. Il mène une vie élémentaire autour de sa tombe et on ne lui fait aucune offrande ; quand le village est abandonné, l'Akwalinpe devient beaucoup plus dangereux et on ne se rend dans ces anciens villages qu'en prenant de grandes précautions.

Prochain article : le CHAMAN.

samedi 30 janvier 2016

Les WAYANAS (15), amérindiens de Guyane.

L'ANIMISME (suite)

LA NAISSANCE DES ESPRITS est racontée de manière très précise par M Kopenawa :
"Plus tard, OMANA se mit en colère contre son frère Yoasi car ce dernier avait fait surgir dans la forêt les êtres maléfiques des maladies .. ainsi que ceux de l'épidémie xarawa qui sont également des mangeurs de chair humaine... OMANA voulait que les hommes soient immortels... mais il était trop tard... Yoasi ... avait introduit la mort.. dans notre esprit et notre souffle...

C'est pourquoi OMANA a finalement créé les XAPIRI pour que nous puissions nous venger de la mort dont son mauvais frère nous avait affligés, il a créé les esprits de la forêt, les esprits des eaux et les esprits animaux....les esprits mettront en fuite les êtres maléfiques. Ils leur arracheront l'image des malades et la ramèneront dans leur corps"

OMANA enseigna à son fils la manière d'appeler les Xapiri, il prépara la poudre yakoana, son pouvoir révèlant la voie des xapiri, puis il souffla la yakoana dans ses narines avec un tube de palmier. OMANA appela alors les XAPIRI pour la première fois et dit à son fils : " c'est à toi de les faire descendre... Ils viendront à toi pour faire leur danse de présentation et demeureront à tes côtés. .. Notre nuit est leur jour, ils s'amusent et dansent dans la forêt, ils sont très nombreux car ils ne meurent jamais. Ils ressemblent aux êtres humains, ils sont minuscules comme des poussières lumineuses. Seuls les chamans peuvent vraiment les voir. Si on se comporte mal avec eux, ils peuvent se montrer très agressifs et nous tuer. Ils sont valeureux, ils possèdent de lourds massues et des épées avec lesquels ils combattent les esprits maléfiques"

Ce texte témoigne parfaitement de la création des esprits :
     . YOASI crée les esprits maléfiques qui infligent les maladies aux hommes,
     . OMANA, pour défendre les hommes,  créé les XAPIRI et donne aux chamans  la possibilité de les voir et de les appeler.

Chez les Wayanas, existent aussi les mêmes caractéristiques d'ensemble avec :
     . Un monde des esprits appelés du nom générique de YOLOK ; il comprend les esprits de la forêt, les esprits vivant dans le ciel et les esprits des eaux (IPO)
     . Les chamans sont les seuls à être capable d'entrer en contact avec les esprits.

Pourtant, on peut discerner une notable différence entre le monde des esprits des Yanomani et celui des Wayanas : les YOLOK sont tous hostiles aux hommes. Les Wayanas ressentent sans cesse leur présence autour d'eux et les craignent, ils croient les entendre ou les voir dans la forêt ; ils prennent indifféremment l'apparence humaine ou animale, ils peuvent avoir l'aspect d'indiens vivant dans des villages, d'êtres immatériels et d'animaux ainsi que des monstres comme ceux qui sont représentés au sommet du TUKUSIPAN du village que j'ai décrit précédemment. Nul n'est à l'abri de la méchanceté des YOLOK, leurs actions sont totalement arbitraires sans lien avec le comportement des hommes. Dans cette perspective, le rôle du chaman est fondamental puisqu'il est le seul à pouvoir utiliser les YOLOK á son profit.

vendredi 29 janvier 2016

Les WAYANAS (14), amérindiens de Guyane.

L'animisme (suite)

Le MYTHE DE LA CRÉATION DES HOMMES
Selon le récit de M Kopenawa, les Yanomani furent conçus de la manière suivante : " au début, aucun être humain n'habitait encore (dans la forêt). OMANA et son frère YOASI y vivaient seuls. Ils n'avaient pas encore de femmes", les deux frères n'ont connu la première femme... que bien plus tard lorsque OMANA a pêché la fille de Teperesiki dans une grande rivière. .... c'était un être poisson qui s'est laissé capturer sous l'apparence d'une femme," les Yanomami en descendent.

Pour les wayanas plusieurs mythes apparaissent selon les personnes interrogées par M Hurault :
     . Pour les uns, le corps de KOUYOULI se couvrit de plaies en sorte que sa femme le quitta pour rejoindre les hommes, seule sa belle-mère resta auprès de lui, quand le démiurge guérit, il se vengea des hommes et de sa femme et envoya des eaux qui couvrirent la terre, il ne resta qu'un seul survivant qui s'était accroché à un tronc d'arbre, il lui pardonna et créa d'autres hommes (ou ressuscita les noyés), il créa les poissons, les oiseaux, il jeta des plants d'arbres et donna le feu aux hommes,
    . Un autre mythe raconte que les wayanas, n'ayant pas de femmes s'accouplèrent avec des femelles d'animaux, on en trouve mention dans une légende qui raconte que, dans un village, un homme partit à la chasse, quand il revint, il trouva le village désert. Il n'y restait qu'une femelle de tapir apprivoisée ;  tous les autres habitants avaient été entraînés dans les eaux par les esprits IPO. il prit pour femme la femelle du tapir, la rendit enceinte, eut une fille, tua la femelle tapir pour nourrir cette fille. Quand celle-ci fut pubère, il l'a rendit enceinte... Ainsi sont nés les wayanas

Ces mythes wayanas sont assez différents de ceux des Yanomani, pourtant, on y trouve au moins deux convergences : la création d'un monde antérieur à celui des indiens, la naissance des hommes par le démiurge avec accouplement de ceux-ci et d'animaux.

A suivre...

mercredi 27 janvier 2016

Les WAYANAS (13), amérindiens de Guyane.

L'ANIMISME

Il peut être étudié partiellement à partir des écrits de M Hurault, c'est pourquoi il me semble utile de compléter les informations concernant l'animisme des Wayanas avec celui d'un peuple d'Amazonie, les Yanomani, que l'on peut bien connaître grâce aux écrits de M Davi Kopenawa ("l'esprit de feu"  dont on peut trouver de langres extraits sur le site Google Books)

Les Wayanas tout comme les Yanomani fondent leur animisme sur une cosmogonie qui fait apparaître trois mondes successifs, celui des hommes, celui des esprits et enfin celui du démiurge.

Pour les Wayanas, il existe deux ciels superposés :
    . Le plus bas, celui des nuages, est le monde des esprits, les YOLOK, c'est là où ils se reposent.
    . Au-dessus, se trouve un ciel qui comporte le démiurge, KOUYOULI, le soleil et les étoiles.
Quant à la terre elle est considérée comme une île flottant sur un océan dans lequel se trouvent d'autres esprits, les IPO.

On retrouve une organisation cosmologique semblable chez les Yanomani avec les trois mêmes  strates :
    . Un démiurge appelé OMANA accompagné de son frère, YOASI,
    . Un monde dualiste d'esprits, les esprits protecteurs les XAPIRI et les esprits maléfiques,
    . Le monde des hommes.

En ce qui concerne, le MYTHE DE LA CRÉATION DU MONDE, nous disposons de renseignements plus coordonnés sur les croyances des Yanomani grâce au livre de M Kopenawa que sur celles des Wayana pour lesquels il faut, selon M Hurault, se contenter de transmissions orales parfois divergentes.

Les mythes Yanomani tels que les décrit M Kopenawa sont très précis à ce propos, OMANA et son frère YOASI sont venus à l'existence seuls, ils n'ont ni père ni mère,  " avant eux, aux premiers temps seuls existaient les gens que nous appelons Yarori, ces ancêtres étaient des êtres humains dotés de noms d'animaux et qui ne cessaient de se métamorphoser. Ils sont ainsi peu à peu devenus le gibier de la forêt... Ce fut ensuite le tour d'OMANA d'advenir à l'existence et de recréer la forêt car celle-ci était fragile, elle ne cessait de devenir autre jusqu'à ce que finalement le ciel s'effondre sur elle... C'est pourquoi, OMANA a  dû créer une nouvelle forêt plus solide, c'est aussi celui du ciel ancien qui est tombé autrefois. OMANA a fixé l'image de cette nouvelle terre et l'a étendue peu à peu avec soin comme on étale la glaise pour fabriquer une platine de terre cuite. Puis, afin qu'elle ne s'effondre pas, il a planté dans ses profondeurs d'immenses pièces de métal avec lesquelles il a .. fixé les pieds du ciel... Enfin, il a posé les montagnes à la surface de la terre afin qu'elle ne tremble pas sous les vents de la tempête... Il a aussi créé le soleil ainsi que les  nuages et la pluie. "

OMANA a créé aussi les arbres et les plantes en semant sur le sol les noyaux de leurs fruits."  Il a aussi fait jaillir l'eau qui coulait jusqu'alors sous la terre."

Le récit de la création est beaucoup moins bien conservé  dans la mémoire collective des Wayanas ; selon les témoignages recueillis par M Hurault, il exista aussi  un démiurge qui créa les hommes ainsi que leur environnement qu'ils appellent  KOUYOULI dont on ne sait pas s'il est incréé ou non. C'est tout ce qu'il semble rester du mythe créateur. Une fois le monde créé, le démiurge monta au ciel et perdit tout contact avec les hommes en sorte que les Wayanas ne lui rendent aucun culte, seuls comptent pour eux, les relations qui se produisent avec les esprits intermédiaires.

A suivre,,,,

mardi 26 janvier 2016

Les WAYANAS (12), amérindiens de Guyane.

LES MODES DE PENSEE TRADITIONNELLES DES INDIENS WAYANAS suite.

La deuxième  caractéristique est l'absence dans leurs civilisations de nos conceptions morales : M Hurault en donne de nombreux exemples :
     - l'adultère est répandu : si une femme est sollicitée par un soupirant, elle dira oui contre quelques cadeaux et profitera de l'absence de son mari pour céder à son prétendant ; le mari, s'il surprend sa femme avec un amant, entrera dans une violente colère mais généralement, il préfère ne rien savoir.
     - le divorce ne donne pas lieu à des querelles, si l'homme désire se séparer de sa femme, il ira dormir dans une autre case et vice-versa, c'est tout.
     - l'avortement est courant : si la femme est enceinte de son amant, si les jeunes filles ont des aventures avant le mariage, si la femme se juge trop faible pour avoir des enfants...
     - le respect des vieillards, le culte des ancêtres n'existent pas dans leur mode de pensée.

WAYANAS ET OCCIDENTAUX : DES COMPORTEMENTS ANTINOMIQUES

Ainsi, les comportements sociaux tout comme les modes de pensée des Wayanas sont aux antipodes de celles des civilisations occidentales :

    . Le problème du temps ne se pose pas chez les indiens, seul compte pour eux l'instant présent. À l'inverse, pour les occidentaux, le présent n'est ressenti que comme une résultante du passé et comme prémices du futur.

   . Le syndrome de l'heure, si prégnant pour notre civilisation, ne compte pas non plus pour les Wayanas. Nous passons notre vie la montre rivée au poignet, courant sans cesse comme pour conjurer l'implacable et inexorable avance des aiguilles du temps. Cette course contre la montre est doublement frustrante : d'abord, parce que l'on arrive jamais à faire tout ce qu'on voudrait, ensuite,  parce qu'elle brime l'impulsivité qui est en chacun de nous. Rien de tel ne se produit chez les Wayanas, ils se contentent de vivre au rythme de la journée avec un soleil qui se lève et se couche presque toujours à la même heure, avec un temps journalier chaud et moite et toujours semblable.

   . Le phénomène de causalité est pratiquement vide de sens pour les Wayanas alors que c'est un des moteurs de nos modes de pensée ; tout événement possède une cause dans le passé et aura des conséquences dans l'avenir ; les Wayanas ne peuvent appliquer cette contrainte puisque leur passé tout comme leur futur sont absents dans leur mentalité.

   . Le fait d'agir selon l'impulsivité du moment est, selon moi, commun aux Wayanas et aux occidentaux ; il suffit par exemple d'observer ces derniers pendant leurs vacances : ils passent d'une chose à l'autre selon un cheminement sans logique apparente, combien de fois entend-on des réflexions du type : pendant les vacances, je ne me donne aucune contrainte, je me lève quand je veux, je mange quand je veux... Ce comportement ressemble à celui des Wayanas qui agissent aussi selon l'impulsion du moment ; cependant, dans les sociétés occidentales, il ne peut se produire qu'à de rares moments de détente.

   . La notion de la satisfaction du désir et du refus de toute contrainte semble commun aux Wayanas comme aux occidentaux ( surtout depuis la perte de toute valeur morale depuis le milieu du 20e siècle) ; pourtant, cette ressemblance n'est qu'apparence, les Wayanas peuvent agir selon leurs impulsions du moment puisqu'ils n'ont pas d'autres obligations que la satisfaction de leurs besoins physiologiques ; par contre, chez les occidentaux, le désir d'agir selon les impulsions du moment est sans cesse bridé par les multiples contingences de leur vie quotidienne. Le syndrome de l'heure et son corollaire l'obligation d'efficacité à tout prix, la course contre le temps, l'envie de posséder sont, entre autre, les impérieuses obligations qui limitent tout désir de sortir du moule dans lequel on enferme l'être humain de nos pays dit civilisés.

   . Le refus de toute contrainte au nom de son individualisme et le besoin d'assouvir ses désirs sont également communs aux Wayanas et aux occidentaux ; pourtant la mise en application de ces mentalités communes est foncièrement différente de l'un à l'autre.
          - pour les occidentaux, la satisfaction immédiate de leurs désirs est effectué en général au détriment des autres selon un aphorisme du type : " je suis libre de faire ce que je veux, peu n'importe que mes désirs soient réalisés au détriment de la liberté des autres", cette mentalité conduit à une volonté de puissance et de domination qui est un des moteurs de notre civilisation,
          - pour les Wayanas l'aphorisme devient : " je suis libre, je fais ce que je veux mais il ne faut pas que la satisfaction de mes désirs me conduisent à susciter la vindicte des autres qui créera un rapport de force qui me sera très désagréable"

Ainsi, l'analyse effectuée par M Hurault permet de trouver des caractéristiques mentales bien spécifiques des comportements humains antérieures à l'éclosion de nos civilisations industrialisées :
     . Absence de perspectives temporelles tout comme de projection dans l'avenir,
     . Représentation vague des phénomènes de causalité,
     . Détestation de toute contrainte et de tout conflit,
     . Équilibre entre l'impulsivité du désir et les déboires qui pourraient en résulter.

Peut-on alors penser que les wayanas peuvent représenter une illustration du " bon sauvage"  libre et heureux tel que l'avait défini Jean Jacques Rousseau ? Pas tout à fait car cette société, sans loi sociale et sans contraintes, ayant dès rapport sociaux pacifiques et vivant dans un parfaite égalité de fait, n'est pas exempte de règles ; elles émanent de leurs coutumes et de leurs conceptions du monde et vont induire de très nombreux "tabous", eux-mêmes conséquences de l'animisme et du chamanisme qui seront l'objet des prochains chapitres.