HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX.
L’ARMÉE DE GUILLAUME SE MET EN MARCHE
HIC MILITES EXIERUNT DE HENSTENGA ET VENERUNT AD PRELIUM CONTRA HAROLDUM REX : (ici, les soldats sortirent d’Hastings et allèrent au combat contre le roi Harold.)
Le départ de l’armée de Guillaume n’est représenté que par une courte scène où l’on voit un soldat à pied d’œuvre (A) s’apprêtant à monter sur le cheval que lui a amené un serviteur (B). Ce soldat vient de sortir de la forteresse de Hastings comme le montre la porte ouverte de la tour-porche du château. Il est vêtu d’un haubert lui couvrant le corps ainsi que les avant-bras. Cette cotte de mailles s’arrête à ses genoux, ses jambes sont protégées par des chausses de mailles. Il porte un camail sur la tête ainsi qu’un casque à nasal.
Son armement se compose d’une épée et d’un javelot à oriflamme, il est sans doute complété par un bouclier.
Son armement se compose d’une épée et d’un javelot à oriflamme, il est sans doute complété par un bouclier.
Une longue bande de la tapisserie de Bayeux montre le départ de l’armée et sa mise en ordre de marche. Pour des nécessités de place, j’ai dû scinder cette longue bande en deux parties.
Les premiers cavaliers constituant l’arrière garde (C) sont encore à l’arrêt, attendant que ceux qui les précèdent se soient ébranlés. En avant du corps principal, se trouve Guillaume (D) et son demi-frère Odon (E). Ils sont reconnaissables au fait qu’ils portent des massues et ne disposent ni d’épée ni de boucliers. En ce qui concerne Guillaume, cette massue doit lui servir autant d’arme que de bâton de commandement. Odon, en tant qu’évêque, n’a pas le droit de porter une épée et de faire couler le sang, par contre, il peut toujours assommer un éventuel adversaire ; hormis cette particularité, Odon est habillé en combattant, portant cotte de mailles et casque à nasal.
Guillaume et Odon sont suivis de deux cavaliers portant les oriflammes : l’un tient l’étendard ducal (F) portant la croix que le pape avait envoyé au duc, l’autre brandit une bannière (G) représentant un oiseau (colombe ?) entouré d’un demi-cercle de flammes (armes de Robert de Mortain ?).
Le corps d’armée principal est précédé d’une avant-garde représentée sur la tapisserie de Bayeux par deux cavaliers. (H)
Afin de préparer sa stratégie d’approche, le duc a envoyé un certain nombre d’éclaireurs battre la campagne afin d’obtenir des informations sur les mouvements de l’ennemi ; l’un d’entre eux, appelé Vital (J), vient justement au rapport et, interrogé par Guillaume, lui donne la position de l’armée d’Harold.
HIC WVILLELM DUX INTERROGAT VITAL SIVIDISSET HAROLDI EXERCITU ici le duc Guillaume demande à Vital s’il a vu l’armée d’Harold
En regardant la tapisserie de Bayeux, on a l’impression que l’armée normande se déploie sans encombre dans un ordre parfait ; ce n’est probablement pas le cas, comme le montre Guillaume de Poitiers dans sa chronique.
En premier lieu, l’armée qui s’ébranle d’Hastings ne représente qu’une faible partie des effectifs totaux dont dispose Guillaume, en effet, « ce jour-là la plus grande partie de ses compagnons étaient allés fourrager » et étaient donc dispersés dans la campagne, « Le duc aussitôt ordonna à tous ceux qui se trouvaient dans le camp de prendre les armes. »
Ensuite et surtout, l’initiative de l’offensive n’est pas le fait de Guillaume ; c’est, en effet, Harold qui, le premier, met en branle son armée : « Le roi furieux se hâtait d'autant plus qu'il avait appris que les Normands avaient dévasté les environs de leur camp. Il voulait tâcher de les surprendre au dépourvu, en fondant sur eux pendant la nuit ou à l'improviste ». Guillaume de Poitiers nous indique aussi comment le duc fut prévenu de l’attaque imminente de l’armée anglaise : ce sont, écrit le chroniqueur, « des chevaliers très-éprouvés, envoyés à la découverte par le duc, qui revinrent promptement annoncer l'arrivée de l'ennemi. », il est probable que ces chevaliers normands sont ceux qui avaient dévasté les alentours du camp d’Harold.
Ainsi Guillaume de POITIERS nous livre une version bien différente que celle suggérée par la tapisserie de Bayeux : selon son récit, le départ de l’armée normande se fit précipitamment, dans l’improvisation et avec de faibles effectifs. On peut d’ailleurs remarquer l’absence dans cette armée en mouvement, des hommes à pieds et des archers qui participeront à la bataille.
Selon moi, la réalité se situe probablement entre les deux versions : le duc en effet ne se mit pas immédiatement en mouvement ; comme l’indique le chroniqueur, il prit le temps d’assister à la messe et ne semble guère inquiet, sûr de disposer de la bienveillance de Dieu : « assistant avec la plus grande dévotion au mystère de la -messe, (il) fortifia son corps et son âme de la communion du corps et du sang du Seigneur. Il suspendit humblement à son cou des reliques.. Le duc avait avec lui deux évêques, qui l'avaient accompagné de Normandie, Eudes, évêque de Bayeux, et Geoffroi Constantin, un nombreux clergé, et plusieurs moines. Cette assemblée se disposa à combattre par ses prières. Tout autre que le duc eût été épouvanté en voyant sa cuirasse se retourner à gauche pendant qu'il la mettait; mais il en rit comme d'un hasard, et ne s'en effraya pas comme d'un funeste pronostic. »
Prochain article : LES PRÉPARATIFS DE LA BATAILLE.