REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

dimanche 31 janvier 2016

Les WAYANAS (16), amérindiens de Guyane.

L'AKWALI ET L'AKWALINPE.

L'action du chaman s'effectue selon un système de pensée complexe qui a trait aux conceptions  des Wayana sur les principes spirituels qui régissent les hommes appelés AKWALI et AKWALINPE.

Les indiens Wayana pensent que l'homme vivant possède en lui un principe spirituel, l'AKWALI, qui est le siège de sa conscience et de son savoir. Si l'AKWALI quitte le corps, l'homme meurt ou devient fou et privé de tous les concepts qui caractérisent les hommes.

Les indiens pensent aussi que l'AKWALI se forme dès la conception d'un enfant ; cependant, jusque l'âge de 4 ou 5 ans, il n'est pas encore bien fixé à son corps, ce qui oblige les parents à prendre de grandes précautions, en particulier de ne pas manger un certain nombre d'animaux de peur que l'esprit qui est en ceux-ci se substitue à l'Akwali de l'enfant.

Lors de la mort, l'akwali quitte le corps, remonte vers le ciel, rejoint le monde d'où il est venu et perd toute relation avec l'univers des hommes, cette montée est périlleuse surtout quand l'akwali du mort accède au monde des YOLOK car ceux-ci se délectent de l'Akwali des humains.

On pourrait penser que l'akwali est l'équivalent de l'âme chrétienne ou du culte des ancêtres, ce n'est pas tout à fait le cas, pour deux raisons :
   . d'abord, on ne rend aucun culte à l'akwali des défunts ou des ancêtres puisque celui-ci ne fournit aucune protection à ses descendants.
   . Ensuite, à la différence de l'âme chrétienne, il n'existe pas d'idée de récompense ou de châtiment selon la vie menée.

Le deuxième principe spirituel est celui de l'AKWALIMPE, c'est ce qui reste de l'homme après que l'Akwali a rejoint le ciel.

L'Akwalinpe de l'indien ordinaire est totalement dépourvu de conscience, généralement, il ne nuit pas aux hommes tant que le village est habité et s'il ne fait, c'est de façon arbitraire sans égard ni pour ses parents ni pour ses amis. Il mène une vie élémentaire autour de sa tombe et on ne lui fait aucune offrande ; quand le village est abandonné, l'Akwalinpe devient beaucoup plus dangereux et on ne se rend dans ces anciens villages qu'en prenant de grandes précautions.

Prochain article : le CHAMAN.

samedi 30 janvier 2016

Les WAYANAS (15), amérindiens de Guyane.

L'ANIMISME (suite)

LA NAISSANCE DES ESPRITS est racontée de manière très précise par M Kopenawa :
"Plus tard, OMANA se mit en colère contre son frère Yoasi car ce dernier avait fait surgir dans la forêt les êtres maléfiques des maladies .. ainsi que ceux de l'épidémie xarawa qui sont également des mangeurs de chair humaine... OMANA voulait que les hommes soient immortels... mais il était trop tard... Yoasi ... avait introduit la mort.. dans notre esprit et notre souffle...

C'est pourquoi OMANA a finalement créé les XAPIRI pour que nous puissions nous venger de la mort dont son mauvais frère nous avait affligés, il a créé les esprits de la forêt, les esprits des eaux et les esprits animaux....les esprits mettront en fuite les êtres maléfiques. Ils leur arracheront l'image des malades et la ramèneront dans leur corps"

OMANA enseigna à son fils la manière d'appeler les Xapiri, il prépara la poudre yakoana, son pouvoir révèlant la voie des xapiri, puis il souffla la yakoana dans ses narines avec un tube de palmier. OMANA appela alors les XAPIRI pour la première fois et dit à son fils : " c'est à toi de les faire descendre... Ils viendront à toi pour faire leur danse de présentation et demeureront à tes côtés. .. Notre nuit est leur jour, ils s'amusent et dansent dans la forêt, ils sont très nombreux car ils ne meurent jamais. Ils ressemblent aux êtres humains, ils sont minuscules comme des poussières lumineuses. Seuls les chamans peuvent vraiment les voir. Si on se comporte mal avec eux, ils peuvent se montrer très agressifs et nous tuer. Ils sont valeureux, ils possèdent de lourds massues et des épées avec lesquels ils combattent les esprits maléfiques"

Ce texte témoigne parfaitement de la création des esprits :
     . YOASI crée les esprits maléfiques qui infligent les maladies aux hommes,
     . OMANA, pour défendre les hommes,  créé les XAPIRI et donne aux chamans  la possibilité de les voir et de les appeler.

Chez les Wayanas, existent aussi les mêmes caractéristiques d'ensemble avec :
     . Un monde des esprits appelés du nom générique de YOLOK ; il comprend les esprits de la forêt, les esprits vivant dans le ciel et les esprits des eaux (IPO)
     . Les chamans sont les seuls à être capable d'entrer en contact avec les esprits.

Pourtant, on peut discerner une notable différence entre le monde des esprits des Yanomani et celui des Wayanas : les YOLOK sont tous hostiles aux hommes. Les Wayanas ressentent sans cesse leur présence autour d'eux et les craignent, ils croient les entendre ou les voir dans la forêt ; ils prennent indifféremment l'apparence humaine ou animale, ils peuvent avoir l'aspect d'indiens vivant dans des villages, d'êtres immatériels et d'animaux ainsi que des monstres comme ceux qui sont représentés au sommet du TUKUSIPAN du village que j'ai décrit précédemment. Nul n'est à l'abri de la méchanceté des YOLOK, leurs actions sont totalement arbitraires sans lien avec le comportement des hommes. Dans cette perspective, le rôle du chaman est fondamental puisqu'il est le seul à pouvoir utiliser les YOLOK á son profit.

vendredi 29 janvier 2016

Les WAYANAS (14), amérindiens de Guyane.

L'animisme (suite)

Le MYTHE DE LA CRÉATION DES HOMMES
Selon le récit de M Kopenawa, les Yanomani furent conçus de la manière suivante : " au début, aucun être humain n'habitait encore (dans la forêt). OMANA et son frère YOASI y vivaient seuls. Ils n'avaient pas encore de femmes", les deux frères n'ont connu la première femme... que bien plus tard lorsque OMANA a pêché la fille de Teperesiki dans une grande rivière. .... c'était un être poisson qui s'est laissé capturer sous l'apparence d'une femme," les Yanomami en descendent.

Pour les wayanas plusieurs mythes apparaissent selon les personnes interrogées par M Hurault :
     . Pour les uns, le corps de KOUYOULI se couvrit de plaies en sorte que sa femme le quitta pour rejoindre les hommes, seule sa belle-mère resta auprès de lui, quand le démiurge guérit, il se vengea des hommes et de sa femme et envoya des eaux qui couvrirent la terre, il ne resta qu'un seul survivant qui s'était accroché à un tronc d'arbre, il lui pardonna et créa d'autres hommes (ou ressuscita les noyés), il créa les poissons, les oiseaux, il jeta des plants d'arbres et donna le feu aux hommes,
    . Un autre mythe raconte que les wayanas, n'ayant pas de femmes s'accouplèrent avec des femelles d'animaux, on en trouve mention dans une légende qui raconte que, dans un village, un homme partit à la chasse, quand il revint, il trouva le village désert. Il n'y restait qu'une femelle de tapir apprivoisée ;  tous les autres habitants avaient été entraînés dans les eaux par les esprits IPO. il prit pour femme la femelle du tapir, la rendit enceinte, eut une fille, tua la femelle tapir pour nourrir cette fille. Quand celle-ci fut pubère, il l'a rendit enceinte... Ainsi sont nés les wayanas

Ces mythes wayanas sont assez différents de ceux des Yanomani, pourtant, on y trouve au moins deux convergences : la création d'un monde antérieur à celui des indiens, la naissance des hommes par le démiurge avec accouplement de ceux-ci et d'animaux.

A suivre...

mercredi 27 janvier 2016

Les WAYANAS (13), amérindiens de Guyane.

L'ANIMISME

Il peut être étudié partiellement à partir des écrits de M Hurault, c'est pourquoi il me semble utile de compléter les informations concernant l'animisme des Wayanas avec celui d'un peuple d'Amazonie, les Yanomani, que l'on peut bien connaître grâce aux écrits de M Davi Kopenawa ("l'esprit de feu"  dont on peut trouver de langres extraits sur le site Google Books)

Les Wayanas tout comme les Yanomani fondent leur animisme sur une cosmogonie qui fait apparaître trois mondes successifs, celui des hommes, celui des esprits et enfin celui du démiurge.

Pour les Wayanas, il existe deux ciels superposés :
    . Le plus bas, celui des nuages, est le monde des esprits, les YOLOK, c'est là où ils se reposent.
    . Au-dessus, se trouve un ciel qui comporte le démiurge, KOUYOULI, le soleil et les étoiles.
Quant à la terre elle est considérée comme une île flottant sur un océan dans lequel se trouvent d'autres esprits, les IPO.

On retrouve une organisation cosmologique semblable chez les Yanomani avec les trois mêmes  strates :
    . Un démiurge appelé OMANA accompagné de son frère, YOASI,
    . Un monde dualiste d'esprits, les esprits protecteurs les XAPIRI et les esprits maléfiques,
    . Le monde des hommes.

En ce qui concerne, le MYTHE DE LA CRÉATION DU MONDE, nous disposons de renseignements plus coordonnés sur les croyances des Yanomani grâce au livre de M Kopenawa que sur celles des Wayana pour lesquels il faut, selon M Hurault, se contenter de transmissions orales parfois divergentes.

Les mythes Yanomani tels que les décrit M Kopenawa sont très précis à ce propos, OMANA et son frère YOASI sont venus à l'existence seuls, ils n'ont ni père ni mère,  " avant eux, aux premiers temps seuls existaient les gens que nous appelons Yarori, ces ancêtres étaient des êtres humains dotés de noms d'animaux et qui ne cessaient de se métamorphoser. Ils sont ainsi peu à peu devenus le gibier de la forêt... Ce fut ensuite le tour d'OMANA d'advenir à l'existence et de recréer la forêt car celle-ci était fragile, elle ne cessait de devenir autre jusqu'à ce que finalement le ciel s'effondre sur elle... C'est pourquoi, OMANA a  dû créer une nouvelle forêt plus solide, c'est aussi celui du ciel ancien qui est tombé autrefois. OMANA a fixé l'image de cette nouvelle terre et l'a étendue peu à peu avec soin comme on étale la glaise pour fabriquer une platine de terre cuite. Puis, afin qu'elle ne s'effondre pas, il a planté dans ses profondeurs d'immenses pièces de métal avec lesquelles il a .. fixé les pieds du ciel... Enfin, il a posé les montagnes à la surface de la terre afin qu'elle ne tremble pas sous les vents de la tempête... Il a aussi créé le soleil ainsi que les  nuages et la pluie. "

OMANA a créé aussi les arbres et les plantes en semant sur le sol les noyaux de leurs fruits."  Il a aussi fait jaillir l'eau qui coulait jusqu'alors sous la terre."

Le récit de la création est beaucoup moins bien conservé  dans la mémoire collective des Wayanas ; selon les témoignages recueillis par M Hurault, il exista aussi  un démiurge qui créa les hommes ainsi que leur environnement qu'ils appellent  KOUYOULI dont on ne sait pas s'il est incréé ou non. C'est tout ce qu'il semble rester du mythe créateur. Une fois le monde créé, le démiurge monta au ciel et perdit tout contact avec les hommes en sorte que les Wayanas ne lui rendent aucun culte, seuls comptent pour eux, les relations qui se produisent avec les esprits intermédiaires.

A suivre,,,,

mardi 26 janvier 2016

Les WAYANAS (12), amérindiens de Guyane.

LES MODES DE PENSEE TRADITIONNELLES DES INDIENS WAYANAS suite.

La deuxième  caractéristique est l'absence dans leurs civilisations de nos conceptions morales : M Hurault en donne de nombreux exemples :
     - l'adultère est répandu : si une femme est sollicitée par un soupirant, elle dira oui contre quelques cadeaux et profitera de l'absence de son mari pour céder à son prétendant ; le mari, s'il surprend sa femme avec un amant, entrera dans une violente colère mais généralement, il préfère ne rien savoir.
     - le divorce ne donne pas lieu à des querelles, si l'homme désire se séparer de sa femme, il ira dormir dans une autre case et vice-versa, c'est tout.
     - l'avortement est courant : si la femme est enceinte de son amant, si les jeunes filles ont des aventures avant le mariage, si la femme se juge trop faible pour avoir des enfants...
     - le respect des vieillards, le culte des ancêtres n'existent pas dans leur mode de pensée.

WAYANAS ET OCCIDENTAUX : DES COMPORTEMENTS ANTINOMIQUES

Ainsi, les comportements sociaux tout comme les modes de pensée des Wayanas sont aux antipodes de celles des civilisations occidentales :

    . Le problème du temps ne se pose pas chez les indiens, seul compte pour eux l'instant présent. À l'inverse, pour les occidentaux, le présent n'est ressenti que comme une résultante du passé et comme prémices du futur.

   . Le syndrome de l'heure, si prégnant pour notre civilisation, ne compte pas non plus pour les Wayanas. Nous passons notre vie la montre rivée au poignet, courant sans cesse comme pour conjurer l'implacable et inexorable avance des aiguilles du temps. Cette course contre la montre est doublement frustrante : d'abord, parce que l'on arrive jamais à faire tout ce qu'on voudrait, ensuite,  parce qu'elle brime l'impulsivité qui est en chacun de nous. Rien de tel ne se produit chez les Wayanas, ils se contentent de vivre au rythme de la journée avec un soleil qui se lève et se couche presque toujours à la même heure, avec un temps journalier chaud et moite et toujours semblable.

   . Le phénomène de causalité est pratiquement vide de sens pour les Wayanas alors que c'est un des moteurs de nos modes de pensée ; tout événement possède une cause dans le passé et aura des conséquences dans l'avenir ; les Wayanas ne peuvent appliquer cette contrainte puisque leur passé tout comme leur futur sont absents dans leur mentalité.

   . Le fait d'agir selon l'impulsivité du moment est, selon moi, commun aux Wayanas et aux occidentaux ; il suffit par exemple d'observer ces derniers pendant leurs vacances : ils passent d'une chose à l'autre selon un cheminement sans logique apparente, combien de fois entend-on des réflexions du type : pendant les vacances, je ne me donne aucune contrainte, je me lève quand je veux, je mange quand je veux... Ce comportement ressemble à celui des Wayanas qui agissent aussi selon l'impulsion du moment ; cependant, dans les sociétés occidentales, il ne peut se produire qu'à de rares moments de détente.

   . La notion de la satisfaction du désir et du refus de toute contrainte semble commun aux Wayanas comme aux occidentaux ( surtout depuis la perte de toute valeur morale depuis le milieu du 20e siècle) ; pourtant, cette ressemblance n'est qu'apparence, les Wayanas peuvent agir selon leurs impulsions du moment puisqu'ils n'ont pas d'autres obligations que la satisfaction de leurs besoins physiologiques ; par contre, chez les occidentaux, le désir d'agir selon les impulsions du moment est sans cesse bridé par les multiples contingences de leur vie quotidienne. Le syndrome de l'heure et son corollaire l'obligation d'efficacité à tout prix, la course contre le temps, l'envie de posséder sont, entre autre, les impérieuses obligations qui limitent tout désir de sortir du moule dans lequel on enferme l'être humain de nos pays dit civilisés.

   . Le refus de toute contrainte au nom de son individualisme et le besoin d'assouvir ses désirs sont également communs aux Wayanas et aux occidentaux ; pourtant la mise en application de ces mentalités communes est foncièrement différente de l'un à l'autre.
          - pour les occidentaux, la satisfaction immédiate de leurs désirs est effectué en général au détriment des autres selon un aphorisme du type : " je suis libre de faire ce que je veux, peu n'importe que mes désirs soient réalisés au détriment de la liberté des autres", cette mentalité conduit à une volonté de puissance et de domination qui est un des moteurs de notre civilisation,
          - pour les Wayanas l'aphorisme devient : " je suis libre, je fais ce que je veux mais il ne faut pas que la satisfaction de mes désirs me conduisent à susciter la vindicte des autres qui créera un rapport de force qui me sera très désagréable"

Ainsi, l'analyse effectuée par M Hurault permet de trouver des caractéristiques mentales bien spécifiques des comportements humains antérieures à l'éclosion de nos civilisations industrialisées :
     . Absence de perspectives temporelles tout comme de projection dans l'avenir,
     . Représentation vague des phénomènes de causalité,
     . Détestation de toute contrainte et de tout conflit,
     . Équilibre entre l'impulsivité du désir et les déboires qui pourraient en résulter.

Peut-on alors penser que les wayanas peuvent représenter une illustration du " bon sauvage"  libre et heureux tel que l'avait défini Jean Jacques Rousseau ? Pas tout à fait car cette société, sans loi sociale et sans contraintes, ayant dès rapport sociaux pacifiques et vivant dans un parfaite égalité de fait, n'est pas exempte de règles ; elles émanent de leurs coutumes et de leurs conceptions du monde et vont induire de très nombreux "tabous", eux-mêmes conséquences de l'animisme et du chamanisme qui seront l'objet des prochains chapitres.

lundi 25 janvier 2016

Les WAYANAS (11), amérindiens de Guyane.

LES MODES DE PENSEE TRADITIONNELLES DES INDIENS WAYANAS

La simple visite, même pendant quelques jours, d'un village Wayana ne suffit évidemment pas á comprendre les modes de pensée des Wayanas même si certains traits de ceux-ci transparaissent encore dans la vie quotidienne. J'ai donc utilisé comme source, un très intéressant livre de M Jean Hurault sur les indiens Wayanas afin de trouver une référence à ce que j'ai pu visuellement constater. Selon cet auteur qui écrit dans le dernier tiers du 20eme siècle, les Wayanas, bien qu'ils aient modifié en partie leurs modes de vie sous des influences extérieures, ont conservé la plupart des traits marquants de leurs mentalités.

Parmi les traits marquants de celles-ci, on peut en citer deux  :
     . L'absence de référence à une projection dans le temps ce qui induit un comportement essentiellement subjectif marqué par l'immédiateté et par une vie essentiellement rythmée par les impulsions du moment,
      . L'amoralité au sens d'absence de nos conceptions morales.
 
L'absence de projection dans le temps se marque par divers comportements notés par M Hurault : il n'existe pas de sentiments d'engagement durable : " l'indien promet et s'engage en toute bonne foi, ensuite d'autres impressions le sollicitent et il oublie plus ou moins complètement ou du moins ne retrouve plus le sentiment qui l'avait poussé ; personne ou presque ne fait de projets à plus de 24 heures... " . Comme le disait un explorateur du 19ème siècle, " ils ne piquent d'être l'esclave de personne, pas même de leur parole",

En conséquence de cette absence de vision de l'avenir, l'indien Wayana vit dans l'immédiateté : " un homme, á moins d'être poussé par des nécessités impérieuses, fait rarement deux jours de suite le même travail, dans la même journée, il en entreprend volontiers deux ou trois délaissant l'un reprenant l'autre... Un homme va travailler dans son abattis, prend sa hache, se dirige vers le chemin, puis, arrivé aux limites du village s'arrête revient s'étendre dans son hamac et se met à jouer un air de flûte qui trottait dans sa tête."

Cette vie au jour le jour rythmée par l'impulsivité se remarque dans la vie de tous les jours du village, il suffit d'observer les Wayanas, ils sont assis dans leur hamac, profitant de l'instant présent, vivant placidement, comme au ralenti.

Elle se remarque surtout  dans les manières d'être : M Hurault en donne de nombreux exemples :
     . Les wayanas suivent leurs impulsions sans considérer ce à quoi cette impulsion pourra conduire faute d'esprit critique, de projection dans l'avenir et de référence au passé, ils ignorent le doute et le remords et n'admettre jamais avoir tort, En outre, par le fait qu'ils n'ont pas de vision dans le temps, ils n'établissent pas de relations de cause à effet dans leurs comportements et dans ce qui en résulte. Ils ne tirent donc aucune expérience du passé.

     . Ils n'admettent aucune contrainte, ce qui implique un comportement foncièrement individualiste se refusant à toute règle morale qui pourrait avoir une valeur contraignante ; tout désir doit être satisfait immédiatement.

     . De ce qui précède, on pourrait penser qu'entre les indiens règne "la loi du plus fort" ce n'est pas le cas : de même qu'ils n'admettent aucune contrainte, les Wayanas évitent toutes émotions désagréables, ils ne veulent pas s'attirer d'ennui ni avec les hommes ni avec les esprits de peur des conséquences désagréables qui pourraient en résulter. En conséquence, ils évitent tout conflit et tout ce qui pourrait en provoquer s'ils infligeaient des contraintes aux autres.

   . Ils règlent les conflits par la fuite : si lors de la mort d'un chef, il s'élève une contestation pour sa succession, le groupe qui n'a pas obtenu satisfaction préfère quitter le village et part s'installer ailleurs : Paradoxalement, l'individualisme se conjugue avec des comportements sociaux généralement pacifiques. De même, on ne porte pas de jugement sur les autres, sauf si on s'estime personnellement lésé, par contre, les indiens sont volontiers cancaniers, colportant et amplifiant tous bruit qui court pour en rire.

     . Enfin, cette instaneité á sa contrepartie : " l'émotion, libérée de la revendication... et de toute forme de contrainte connaît un grand épanouissement, chaque geste, chaque parole traduit une intense joie de vivre. Dans le cercle de leur vie familiale, ils témoignent d'une gaité pleine de finesse et d'une affectivité délicate et discrète. Ils savent apprécier la beauté des paysages et de recevoir du contact intime et permanent de la forêt des émotions intenses et colorées."

A suivre,,,

dimanche 24 janvier 2016

Les WAYANAS (10), amérindiens de Guyane.

L'ORGANISATION SOCIALE DU VILLAGE

Le régime matrilocal se conjugue au niveau social par la prééminence des hommes : le père détient l'autorité sur sa famille et participe à l'éducation de ses enfants.

Il existe un  chef du village mais sa fonction n'est plus qu'une survivance du passé guerrier des Wayanas. Il donne son avis, suggère des solutions mais ne les impose pas, d'ailleurs, les indiens Wayanas n'accepteraient qu'on les commande.

Dans cette société, Il n'y a pas d'appropriation des terres tant au niveau du village lui-même qu'à celui du particulier, cela est dû d'abord à la faible densité de la population qui permet de déplacer le village sans que l'on se heurte à un voisin ; de même, les indiens ne sont pas attachés à la terre, elle ne leur sert qu'à se pourvoir en nourriture. La seule appropriation individuelle existante découle du principe que celui qui a défriché une terre la conserve tant qu'il décide de la cultiver. Il arrive que les indiens se groupent en particulier au niveau de la constitution des abattis ; cependant, il ne s'agit pas d'un travail communautaire mais beaucoup plus d'un système du prêté-rendu, il faut que l'autre rende les journées de travail qu'on lui a fournies.

Au niveau de la vie matérielle, la femme est dépendante de son mari, sans qu'existe vraiment de lien de subordination : c'est le mari qui effectue les ventes des objets fabriqués (vannerie par exemple) et qui achète ce dont sa femme a besoin ; hommes et femmes travaillent ensemble à planter l'abattis, mais c'est la femme qui se rend seule à l'abattis pour récolter le manioc.
.
Cette société traditionnelle possédait donc des caractéristiques qui étaient aux antipodes de nos organisations sociales :
     . Des familles élargies organisées par génération alors que nous privilégions la structure familiale au sens étroit du terme.
     . Une famille constituée surtout par référence à l'aïeule commune alors que notre société établit la prédominance de la filiation par l'homme,
     . Une appropriation des terres effectuée temporairement et uniquement pour assurer sa subsistance alors que notre système  implique l'accumulation des richesses.
     . une grande égalité entre les indiens qui découle de l'absence de propriété privée alors que notre société implique l'inégalité de fait au nom de la libre-entreprise.
     . Un lien étroit des indiens à leur environnement qu'ils respectent au nom de leurs croyances animistes tandis que nos civilisations veulent asservir la nature à nos besoins sans souci de sa préservation.

Est-ce alors cette société ante-industrielle que je recherchais pour témoigner de la nature de l'homme ? Pour mieux le mesurer, il peut être intéressant d'étudier les modes de pensée des Wayanas.

samedi 23 janvier 2016

Les WAYANAS (9), amérindiens de Guyane.

Suite de l'article précédent. 

La situation est exactement semblable au niveau d'une fille appelée X dans le tableau : au niveau de la génération N sont utilisés les qualificatifs suivants :
     - FRERES, garçons  issus des mères de la génération précédente,
     - SOEURS, les filles issues des mères de la génération précédente
     - BELLE SOEUR, les filles issues des beaux-pères de la génération précédente,
    - ÉPOUX, les garçons issus des beaux-pères de la génération précédente avec qui elle pourra se marier.

Ce système de matrilignage se conjugue avec un système de patrilignage exactement parrallele avec une organisation semblable pour X, cela donne :
     - N-2 : GRANDS PÈRES
     - N-1 : PÈRES  ET BELLES-MÈRES
     - N : ÉPOUX, BELLES-SŒURS, FRÈRES , SOEURS

L'adjonction de ces deux systèmes conduit à un système mixte complexe basé sur trois idées principales :
     - le matrilignage associé au patrilignage qui se caractérisent par des appellations qualifiant chacun l'un par rapport aux autres,
     - la création de niveaux générationnels sans toutefois que se définissent des classes d'âge spécifiques,
     - des règles strictes concernant le mariage endogame  qui n'est effectué qu'avec ceux ou celles que l'individu appelle époux ou épouse, et qui conduisent à ce que les membres du village vivent en vase-clos.

Pour qu'un tel système fonctionne, il faut que le village comporte au minimum 40 à 60 personnes. Comme ce n'est pas généralement le cas, il est nécessaire de pratiquer le mariage exogame, ce qui a vu l'apparition de  principes dérivés  :
     - Les filles restent dans le village de leur mère,
     - les garçons s'installent dans le village de leurs femmes et aident leurs beaux-pères dans son travail en guise de compensation.

A suivre...