REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 29 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (78) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite et fin)

LA TERRASSE DU ROI LÉPREUX jouxte le perron nord de la terrasse des éléphants et constitue un ensemble séparé de cette dernière. Comme elle, elle est construite en avancée sur l’esplanade des parades. Comme le perron nord, elle comporte deux murs emboîtés, le  premier n’ayant pas été jugé assez solide pour contenir le remblai qui se trouve derrière. De même aussi que  le perron Nord, la partie enterrée avait été sculptée, ce qui a permis de retrouver ces reliefs en bon état.

Les décors des faces extérieures et intérieures sont quasiment identiques avec des registres superposés qui doivent représenter les sept mondes de l’hindouisme. Comme on le voit sur la photo ci-dessous, il ne subsiste plus que six frises sur le mur extérieur, la septième ayant pratiquement disparue.


Sur la terrasse elle-même, a été découverte une statue in-situ Cette sculpture a donné son nom à la terrasse car on y a cru voir  la représentation d’un roi atteint de cette maladie du fait de traces verdâtres de lichen sur son corps. En réalité, il doit s’agir  Çiva ou plus sûrement de YAMA, le dieu du monde des morts ; cette hypothèse a fait imaginer que la terrasse pouvait servir de lieu de crémation pour la dépouille royale.


Les motifs sculptés qui apparaissent sur les frises subsistantes présentent une grande homogénéité avec diverses représentations du panthéon hindouiste ; on y trouve en effet  principalement :
     . Des représentations de serpents nagas à sept ou neuf têtes  sur le registre inférieur, elles sont sculptées soit au centre de ce registre,  soit dans les angles externes des redents, formant transition entre les deux faces.(photo de gauche)
     . Des dieux assis, porteurs de glaives ou de bâton, ayant une figure menaçante, ils sont entourés de deux personnages féminins portant des éventails,(photo du centre)
    . Des alignements de déesses assises,
    . Des apsaras.(photo de droite)

Cette terrasse daterait du règne de Javavarman VII, on peut s’en étonner puisqu’elle ne comporte aucune mention du bouddhisme dont le roi était un fervent dévot.

dimanche 27 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (77) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite et fin)

Le perron terminal nord est le plus complexe du fait que les archéologues ont retrouvé trois états successifs de construction : les murs de la terrasse des éléphants représentent en effet les parements du soubassement de terre qui porte le palais. Un premier mur fut construit (en rouge sur le plan) ) mais il menaça de s'écrouler sous la poussée du remblai, alors fut construit un second mur (en bleu sur le plan) puis un troisième (en vert sur le plan) qui comporte les deux escaliers frontaux. Une fois ce dernier mur construit, les intervalles entre les anciens murs furent comblés afin de consolider l’ensemble.

Cette situation est d’un grand intérêt archéologique car les anciens murs commençaient à être recouverts de parements sculptés ; ceux-ci ont été abandonnés lors de l’érection des nouveaux murs  en sorte que les archéologues ont pu les découvrir dans un bon état de conservation lorsqu’ils dégagèrent la gangue de remblai qui les recouvrait.

La décoration de ce perron nord ne possède pas la rigueur symétrique des reliefs du reste de la terrasse ; sur le plan ci-dessus, sont indiqués les diverses types de sculptures qui le décorent.  Elles semblent vouloir représenter une sorte de synthèse maladroite des éléments décoratifs du reste de la terrasse .
     . On y trouve d’abord des éléphants en relief dans les deux formes définies à propos du perron sud et des perrons latéraux : une tête d’éléphants semblant émerger du podium au niveau de chaque angle et trois têtes d’éléphants au centre et en avant de la façade principale du perron,
     . Entre ces têtes, on ne trouve pas une frise d’éléphants comme sur le perron sud mais des atlantes aux bras levés ; en outre, au-dessus de ces atlantes se trouve une frise d’apsaras, personnifiant le monde céleste ; de telles représentations ont été trouvées parmi les reliefs du Baphuon.
    . Enfin, sur une partie du mur de chaque côté du perron sont sculptées des frises représentant, semble-t-il, des scènes de combats.

Ce mélange des motifs sculptés fait penser à une reconstruction postérieure à l’élaboration du reste de la terrasse, à une période où l’on semble avoir perdu le sens de l’harmonie qui caractérisait les édifices de l’époque de Jayavarman VII.


La partie la plus intéressante  du perron nord est, selon moi, celle qui a été cachée lors de la double  réfection des murs de soutènement. On y trouve en particulier un cheval à cinq têtes mitrées entouré  de deux rangées de personnages.  Ceux de la partie haute semblent danser sur des fleurs de lotus. Ceux de la partie basse figurent des guerriers en position de combat. Ils sont également debout sur des fleurs de lotus et arborent un casque à cimier dont on ne trouve pas d’autres traces dans les reliefs d’Angkor.

Parmi les hypothèses qui pourrait permettre d’authentifier ce cheval à cinq têtes, on peut penser à Bahala, cheval volant du bouddhisme, au char de Surya, le dieu hindouiste du soleil,  tiré par sept chevaux ou par un cheval à sept têtes ou à celui d'Arjuna, le héros du Mahabarata, tiré par cinq chevaux ou par un cheval à cinq têtes. La présence de guerriers de part et d’autre du cheval semble étayer cette dernière  hypothèse et pourrait permettre de penser que la scène représenterait la bataille de Kurukshetra.

Je n’ai trouvé aucune indication dans les ouvrages que j’ai consultés sur la datation de ce relief dont l'iconographie suggère une époque antérieure à celle de Jayavarman VII.

vendredi 25 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (76) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite)

Le deuxième type de sculptures décorant le podium est celui représentant les atlantes ayant l’aspect d’humains ; leurs corps sont tous semblables : les jambes sont écartées et arc-boutées sur la corniche inférieure, les bras levés semblent supporter la corniche supérieure.


On peut discerner deux types d’atlantes (photo de gauche) :
   . Les uns sont des oiseaux reconnaissables à leur bec crochu et leurs ailes, dissimulées sous les bras, on retrouve ce même type d’atlantes sur le mur d’enceinte du Ta Prohm. Il doit s’agir de Garuda, la monture de Vichnou.
   . Les autres représentent un animal pourvu d’une large gueule qui doit être celle d’un lion. On peut penser qu’il s’agit de Narasimba, un des avatars de Vichnou mais aussi du lion qui est la monture une des shakti de Civa personnifiée sous le nom de Durga..  Si cette dernière hypothèse est la bonne, on se trouverait face à une remarquable cohérence idéologique puisque le podium représenterait la monture d’Indra, celle de Vichnou et celle de Durga, trois dieux hindouistes qui évoquent à la fois la guerre du bien contre le mal mais aussi la préservation du monde. Encore une fois, il convient de noter à propos de  cette terrasse,  le syncrétisme qui rassemblait bouddhisme et brahmanisme.

Il n'existe pas de reliefs spécifiques au niveau des coins en saillie comme il en apparaissait  sur la partie du podium ayant les éléphants pour thème, les atlantes occupent les angles (photo de droite) ;  la moitié de leur corps se trouve d’un côté et l’autre moitié sur le côté qui lui est perpendiculaire.


Au niveau des balustrades, les sculptures sont beaucoup moins originales que sur le podium puisqu’on en trouve de semblables dans tous les temples d’Angkor depuis la fondation de la ville d’Hariharalaya : les lions établis de part et d’autre des escaliers et les balustrades composées de Nagas aux sept têtes relevées en éventail.

Le perron central et sa frise d'atlantes.
A l’arrière, on aperçoit le gopura d’entrée du palais proprement dit. .

mardi 22 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (75) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite)

A l’exception du perron nord, la terrasse des éléphants présente une grande cohérence décorative avec deux formes principales au niveau du podium et deux autres sur le bord de la terrasse.


Les deux formes principales associent des éléphants et des atlantes selon une répartition symétrique qui l’on peut suivre du perron sud jusqu’au perron nord non inclus. Ce dernier, en effet, n’obéit  pas au plan d’ensemble du fait qu’il a subi  plusieurs reconstructions successives.

Les sculptures représentant des éléphants comportent à leur tour deux formes dérivées selon que les animaux sont figurés en frise ou en relief.


La photo de gauche montre un détail d'une longue frise d’éléphants vus de profil. Ils ne sont pas représentés en cortège faisant pendant aux défilés qui devaient se produire sur l’esplanade ; on y trouve  plutôt des scènes de combats ressemblant beaucoup à ceux qui sont figurés sur les reliefs d’Angkor Vat et du Bayon. Les éléphants s’avancent pour prendre part à la bataille, les uns sont déjà au contact de l’ennemi ; ils portent sur leur dos, outre leur cornac, des archers, lançant des flèches sur l’ennemi. Dans cette perspective, la frise des éléphants est une manifestation  de la puissance du roi et aussi de l’invincibilité dont il témoigne lors des combats contre les ennemis du royaume assimilés au mal.

Les deux photos de droite, montrent des éléphants en relief. Ils sont tous représentés de la même manière : on en voit la tête, les défenses et la trompe, les oreilles sont à peine esquissées comme si on voulait figurer un éléphant émergeant du mur du podium. L’extrémité de leurs trompes n’est pas apparente car elle est enfouie dans les herbes qu’elles saisissent. Leurs  têtes sont surmontées généralement d'une tiare.

On trouve deux types de représentations de ces éléphants en relief :
     . Des têtes isolées sont sculptées en avant des angles saillants des redents qui organisent le perron,
     . Des groupes de trois têtes encadrent les escaliers d’accès à la terrasse. De telles représentations se trouvent aussi au niveau des portes de l’enceinte d’Angkor Thom ainsi qu’aux portes du Ta Prohm.

Ces  éléphants en relief peuvent avoir une double signification : On peut penser d’abord qu’il s’agit simplement de renforcer encore l’impression de puissance de l’armée khmère mais il se peut aussi qu’ils possèdent une signification religieuse par référence à Aivarata, la monture d’Indra, roi védique des Dieux, Dieu du ciel et de la guerre dont les armes sont la foudre et l’arc ( figuré par l’arc en ciel). Dans cette deuxième hypothèse, La présence d’Aivarata sur le podium du palais où se trouve le roi établirait une étroite corrélation entre les combats du roi et ceux d’Indra.

Un dessin de Louis Delaporte du perron sud montre la manière dont sont repartis les éléphants sculptés  sur le podium.


dimanche 20 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (74) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL

LA TERRASSE DES ÉLÉPHANTS a été élevée à l’époque de Jayavarman VII en avant de celle du Palais Royal existant  afin de créer une ample perspective sur le palais vue de l’esplanade située en contrebas.

Cette terrasse  constituait le soubassement d’un palais officiel servant au roi à assister aux parades qui se tenaient sur la place et à recevoir ses hôtes de marque. Ce palais a été décrit en particulier le chinois Chou Ja Kan lorsqu’il visite Angkor en 1296

«  les tuiles qui recouvrent la façade du palais sont en plomb ; celles des autres parties de l’édifice sont en terre cuite de couleur jaune ; les colonnes et les poutres de traverse sont très-grandes, et toutes couvertes de peintures qui représentent Bouddha ; le sommet se termine par un magnifique donjon ; sur les ailes, on a ménagé de doubles galeries avec une esplanade qui se termine par une rotonde en talus. Dans le lieu où se tient le conseil, il y a une fenêtre à treillis d’or ; à gauche et à droite sont deux piliers carrés, au haut desquels on a placé quarante ou cinquante miroirs, qui font que les objets sont représentés aux côtés de la fenêtre, de manière à être aperçus par ceux qui sont en bas.

La découverte par les archéologues de tuiles de plomb aux abords de la terrasse peut confirmer ce récit. Cependant, à l’exception de ces tuiles, il ne reste rien de ce palais probablement construit en matériaux périssables.

Actuellement, ce que l’on peut visiter se compose de deux ensembles comme le montre le plan ci-contre  :
     . Un podium de trois mètres de haut  courant de l’entrée de l’enceinte du Baphuon jusqu’à l’extrémité nord du Palais Royal
     . Cinq perrons s’avançant sur l’esplanade :
          . (1) Le perron central se trouve situé au centre du petit côté du palais face à la route de la victoire, il permettait au roi d’assister à l’arrivée de son armée venue de la porte de la victoire. A l’arrière de la terrasse devait se trouver  la salle de réception du roi décrite par Chou Ja Kan puis le  pavillon qui menait à l'intérieur du palais dont l'entrée était interdite à tous ceux qui n'y résidaient pas selon le récit du même voyageur chinois.
          . (2) De part et d’autre de ce perron principal sont construits deux perrons latéraux qui le cantonne.
          . (3)  Aux extrémités nord et sud, deux perrons terminaux ferment  la terrasse. Leur disposition suggère qu’ils devaient servir à porter les pavillons latéraux du palais afin d'équilibrer  les formes architecturales de la terrasse et du palais qui la surmontait.

À suivre...

samedi 19 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (73) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

En complément de ma description des reliefs du Bayon, , je voudrais citer  ci-dessous deux extraits du récit effectué en 1295 par un voyageur chinois. Chou Ja Kan qui relate la vie quotidienne dans le royaume Khmer.

Le premier extrait décrit la promenade du roi, on y retrouve une grande correspondance avec le défilé de l’armée à la guerre représenté à Angkor-vat comme au Bayon :

« Dans l’espace d’une année que j’ai été retenu dans ce pays, j’ai vu le roi sortir quatre ou cinq fois : la cavalerie marchait en avant, avec les drapeaux, les bannières, les tambours, la musique ; derrière étaient les femmes du palais au nombre de trois à cinq cents, vêtues de toile peinte, avec des fleurs dans leurs cheveux, tenant à la main de grands cierges.... Quoique ce fût en plein jour, les cierges étaient allumés ; il y avait aussi des femmes qui portaient des vases d’or et d’argent du palais, divers ornements, et d’autres choses dont l’usage ne m’était pas connu. Il y avait aussi des femmes armées de lances et de boucliers, et qui forment la garde intérieure du palais, aussi rangées en bataillon. Il y avait ensuite des chars traînés par des chèvres ; d’autres traînés par des chevaux, les uns et les autres enrichis d’ornements d’or.

Les grands officiers, les magistrats, les princes, tous montés sur des éléphants avec des parasols rouges qu’on apercevait de loin, et dont on n’eût pu compter le nombre, précédaient la reine et les femmes du roi, avec leurs suivantes, les unes dans des palanquins, les autres sur des chars, ou sur des chevaux, ou sur des éléphants, ayant des parasols dorés, au nombre de plus de cent ; après elles venait le roi lui-même, debout sur un éléphant, tenant à la main une épée précieuse ; les défenses de l’éléphant étaient dorées ; et l’on tenait autour de lui vingt parasols blancs enrichis de dorures, dont les manches étaient d’or ; tout autour étaient des troupes nombreuses d’éléphants, et de la cavalerie pour servir de gardes. ... Ceux  qui voient passer son cortège doivent se mettre à genoux et frapper la terre du front ...

Le deuxième extrait décrit l’aspect du marché :

" Dans ce pays ce sont les femmes qui ont le plus d’habileté pour le commerce ; c’est pourquoi ceux des Chinois qui y viennent, et qui commencent par prendre à leur service une femme, y trouvent de l’avantage, à raison de leur habileté dans le négoce.

Il y a marché tous les jours, depuis cinq ou six heures du matin jusqu’à midi, heure où le marché se ferme ; au lieu de boutique on couvre seulement avec des nattes un espace de terre ; chacun a sa place que l’officier public lui loue. Dans les petits marchés on fait des échanges de riz ou d’autres grains, ou de marchandises chinoises. Dans les marchés plus considérables, on vend des toiles, et, dans les grandes affaires, on traite des matières d’or et d’argent. Les gens de ce pays sont extrêmement simples ; quand ils voient un Chinois, ils lui témoignent un grand respect, ils l’honorent comme un Dieu, et se prosternent devant lui. Cependant il s’y trouve aussi bon nombre de fripons, qui profitent de la multitude de ceux qui viennent commercer, pour exercer leur métier."

jeudi 17 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (71) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES BAS-RELIEFS  DU BAYON

Ils se trouvent, comme à Angkor-Vat, sous le portique précédant la première galerie du Bayon de manière à ce que tous les Khmers venus à Angkor Thom puisse y admirer, entre autre,  la relation des exploits de leur roi :


On trouve en effet de nombreuses scènes de bataille où l’on voit les deux armées khmère et Cham s’avancer puis se combattre. Ces scènes sont semblables à celles que présente  le temple d' Angkor-Vat avec une armée composée de la même manière :
     . Des fantassins combattant avec une pique qu’ils tiennent des deux mains, certains possèdent des boucliers attachés au bras ;  les premiers, à l’avant-garde, portent une sorte de justaucorps qui doit les protéger des lances ennemies,
     . Des cavaliers qui les commandent,
     . Des éléphants de guerre conduits par un cornac et portant des archers qui protègent l’avance des fantassins au moyen de bordées de flèches
   . Les oriflammes et les parasols

La scène de la bataille navale du Tonle Sap entre la flotte cham et celle improvisée par Jayavarman VII et est aussi largement représentée. (Cf article "Angkor 46" à propos de Jayavarman VII)


C’est sous cette scène de combat naval que l’on trouve les reliefs les plus intéressants car ils figurent des scènes de la vie quotidienne et en particulier de marché. On y aperçoit de nombreux khmers faire leurs emplettes, des grands restaurants qui travaillent à la chaîne pour préparer les brochettes de viande avec leur accompagnement cuit sur une pierre chaude ; il y a aussi des services à la personne une manucure, un dentiste, un forgeron... ; des porteurs viennent approvisionner les étals ; enfin, dans un coin, des jongleurs sont entourés de nombreux spectateurs.

Ci-dessous se trouvent quelques unes de ces scènes.


mardi 15 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (71) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LE BAYON (suite)
L'ÉNIGME DES TOURS A VISAGES

La plupart des spécialistes de l’art khmer et d’Angkor se posent à juste titre la question de savoir qui est représenté sur les tours à visages.


Avant de tenter de répondre à cette question, il convient de remarquer que toutes ces tours ne sont pas semblables, il existe en effet de nombreuses variantes :
     . D’abord au niveau de la base de ces tours, les unes (les pavillons axiaux et d’angle..) possèdent des structures quadriformes tandis que d’autres (les tours du palier supérieur du deuxième étage)  ne comportent que de simples salles carrées précédées d’un porche à peine saillant.
     . Ensuite au niveau des visages :  certes, ces visages comportent le même aspect d’ensemble : yeux en amandes, sourire énigmatique, diadème avec sculptures de pierres précieuses, boucles d’oreilles... Pourtant des différences apparaissent : certains portent des moustaches, d’autres possèdent un troisième œil au centre du front.
    . Enfin, le nombre de faux étages qui constituent la coiffe commune unifiant les quatre visages est différent selon les tours avec quatre, trois ou même deux étages.

Les photos ci-dessous montrent quelques exemples de tours :

Il existe de nombreuses hypothèses concernant les personnages représentés sur les tours.

Une première hypothèse pose d’abord  la question de savoir si les quatre visages des tours représentent les mêmes personnages : : si ce n’est pas le cas, on pourrait alors penser à des associations de quatre Dieux et en particulier ceux des points cardinaux avec par exemple représentations d’Indra, de Yama, de Varuna et de Kubera, ce pourrait-elle être aussi les déités bouddhistes gardiennes des quatre directions : Aksobhya, Ratvasambhava, Amithabha et Amoghasiddhi ou aussi les quatre rois célestes du bouddhisme : Virudhaka, Dhrtarastra, Virupaksa, Vaisravana.

Si les quatre visages des tours représentent les mêmes déités, il existe plusieurs possibilités ; en voici quelques-unes que j’ai pu trouver lors de mes recherches :

    . Certains pensent reconnaître des dieux tantriques du bouddhisme Vajrayana comme Heyjvara.

    . On peut penser aussi à Lokesvara, un Bodhisatva assimilé à Avalokistevara mais possédant une individualité propre, il est qualifié du terme de Samtamukha quand il est représenté avec quatre têtes, ce qui pourrait correspondre aux quatre visages des tours. Cependant,  Lokesvara porte normalement dans son chignon une statue d’Amintabha, ce qui rend son identification peu crédible.  Dans le même ordre d’idée, on pourrait penser que les quatre visages pourraient ceux de Brahma.

   . Les visages pourraient être aussi ceux du Bodhisadva Avalokistevara qui selon le LOTUS DE LA BONNE FOI est capable de prendre toutes les formes pour enseigner et ainsi pratiquer la compassion ce qui pourrait expliquer les différences entre les diverses représentations des visages représentés : « Il y a, ô fils de famille, des univers dans lesquels le Bôdhisattva Mahâsattva Avalôkitêçvara enseigne la loi aux créatures sous la figure d’un Buddha, Il y a des univers où le Bôdhisattva Mahâsattva Avalôkitêçvara enseigne la loi aux créatures sous la figure d’un Bôdhisattva. A quelques-uns, c’est sous la figure d’un Pratyêkabuddha que le Bôdhisattva Mahâsattva Avalôkitêçvara enseigne la loi ; à d’autres, c’est sous celle d’un Çrâvaka, ou sous celle de Brahmâ, ou de Çakra, (Indra) ou d’un Gandharva. Aux êtres faits pour être convertis par un Yakcha, c’est sous la figure d’un Yakcha qu’il enseigne la loi, et c’est ainsi qu’il prend les figures d’Içvara (Civa), de Mahêçvara (Vichnou) , d’un Râdja Tchakravartin ( un souverain) d’un Piçâtcha, de Vâiçravana,( un des quatre rois célestes)  de Sênâpati, d’un Brahmane, de Vadjrapâni ( un autre Bodisatva) pour enseigner la loi aux créatures faites pour être converties par ces divers personnages. Telles sont, ô fils de famille, les qualités inconcevables à cause desquelles le Bôdhisattva Mahâsattva Avalôkitêçvara est appelé de ce nom. »

Une dernière possibilité peut être évoquée celle de la représentation du roi dans son assimilation à Lokesvara-Avalokiteshvara, cette idée peut s’appuyer sur deux stances de la stèle du Preah-khan :
  . 34 : Le roi Cri JAYAVARMAN VII a consacré un Lokeca (ouvert les yeux du seigneur du monde selon une autre traduction) ) appelé Cri Jayavarmeçvara à l’image de son père
  . 35 : autour du saint Avalokistevara qui est au milieu, le roi a placé 283 dieux

Ces deux stances montrent que Jayameçvara est le Bodhisatva Avalokistevara,  représenté avec le visage du roi, Dharanindravarman. II ; si on transpose cette conception au roi Jayavarman VII , on peut penser que les tour à visages figurent le Bodhisatva représenté  avec le visage du roi.

Ainsi, de ces deux dernières caractéristiques, on peut formuler l’hypothèse suivante :
     . Les visages représentent le roi dans son assimilation au Bodhisatva,
     . Le Bodhisatva prend les diverses formes indiquées dans le Lotus de la bonne loi, ce qui explique les différences remarquées dans les visages
     . Il peut aussi prendre les quatre visages de Lokesvara Samtamukha ce qui permet au roi divinisé de porter son regard dans toutes les directions de son royaume.

Dans le cadre de cette hypothèse de la représentation du roi assimilé au Bodhisatva, les auteurs qui l’ont établi ont constaté que les pied-droits des tours à visages comportent des inscriptions dédiées aux divers dieux vénérés dans les provinces du royaume ; les tours à visages qui surmontent ces cellas sembleraient alors installer la puissance rayonnante du roi au-dessus des cultes locaux et témoignerait de la protection que le roi divinisé apporte aux provinces.

Si cette hypothèse est la bonne, (celle à laquelle j'adhère parce qu’elle est la plus vraisemblable) on pourrait considérer que le Bayon serait une sorte de Panthéon National où les dieux des  diverses provinces seraient représentées sous l’autorité unique et bienfaisante du roi.

A suivre...