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. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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lundi 28 octobre 2024

LES JEUX OLYMPIQUES DE LA GRECE ANTIQUE (1) : l'origine mythique des jeux



 

LES ORIGINES MYTHIQUES D’OLYMPIE

 

LES JEUX ORGANISES PAR ACHILLE A LA MORT DE PATROCLE

C’est dans l’Iliade au chapitre 23 que l’on trouve une des premières mentions de jeux effectués sous forme de compétitions sportives. 

Le contexte en est très particulier puisque ces jeux  sont consécutifs à la mort de Patrocle, l’ami d’Achille  et sans doute son éromène, pendant  la guerre des Achéens contre Troie. 

Rappelons les faits  : suite à un différent avec Agamemnon, Achille s’était retiré dans sa tente et refusait de combattre. La victoire change alors de camp donnant l’avantage aux troyens. Ulysse tente d’infléchir Achille mais, malgré les risques encourus par les grecs, Achille refuse de revenir sur sa décision . Patrocle demande alors à Achille de lui prêter ses armes et sa cuirasse pour combattre Hector, fils du roi Priam et valeureux guerrier troyen. 

 Au cours du combat Patrocle est tué.

 Un combat s’engage pour récupérer le corps gisant à terre et le ramener à Achille. Celui-ci, profondément éprouvé, organise les funérailles.

Un bûcher est élevé, Achille y dépose le corps de Patrocle, puis il effectue de nombreux sacrifices d’animaux ainsi que de douze jeunes troyens,  enfin , il met le feu au bûcher. 

Le lendemain matin, les os de Patrocle sont mis dans une urne en or puis recouverts afin de former un tertre. les achéens s’apprêtaient alors à regagner leurs campements quand Achille les rappela, les fit asseoir, apporta divers prix lui appartenant et proposa, en l’honneur de Patrocle,  de les offrir à ceux qui l’emporteraient lors de huit épreuves  sportives 

La première épreuve sportive fut la course de chars. Celle-ci eut lieu sur un chemin poudreux  plus on moins défoncé. Une borne avait été plantée au milieu de la largeur du chemin, les chars devaient suivre le chemin jusqu’à la borne, la contourner puis revenir jusqu’au point de départ. L’Iliade précise que les chars sont tirés par deux chevaux. 

La deuxième épreuve est le combat à main nu, selon l’Iliade, les coups de poing concerneraient essentiellement le visage.

Suit alors la lutte ou pancrace. Les compétiteurs portent des sortes de gants où tous les coups étaient alors permis, il pouvait y avoir des corps à corps et aussi des frappes avec les pieds.

La quatrième épreuve est la course. 

Puis vient le combat avec les armes, lance, bouclier et casque. Le vainqueur est celui qui fera couler le sang de l’autre

La sixième épreuve consista au lancer d’un lourd disque en fer brut. 

La septième, mesure l’adresse des compétiteurs au tir à l’arc. On dresse un haut poteau en haut duquel on attache une colombe liée  à ce poteau par une cordon. Le gagnant sera celui qui tuera la colombe. 

Enfin, la huitième et dernière épreuve est le lancer d’une pique. 

L’Iliade précise aussi que ces jeux ne sont pas une invention d’Achille. En fait, ils existent depuis longtemps comme le montre ce que répond le vieux roi Nestor à Achille qui lui remet un prix pour le récompenser de sa bravoure passée :  

Mon fils, certes, tu as bien parlé. Ami, je n’ai plus, en effet, mes membres vigoureux. Mes pieds sont lourds et mes bras ne sont plus agiles. Plût aux dieux que je fusse jeune, et que ma force fût telle qu’à l’époque où les Épéiens ensevelirent le roi Amarinkeus ! Ses fils déposèrent des prix, et aucun guerrier ne fut mon égal. Je vainquis au pugilat ainsi qu’ à la lutte,  je triomphai, au combat de la lance. mais, à la course des chars, par leur nombre, les Aktoriônes remportèrent la victoire, et ils m’enlevèrent ainsi les plus beaux prix.  Tel j’étais autrefois, et maintenant de plus jeunes accomplissent ces travaux, et il me faut obéir à la triste vieillesse.

Ainsi, la lecture du chapitre 23 de l’Iliade permet de bien caractériser ces jeux :  ce sont des jeux effectués en l’honneur d’un défunt, ils suivent immédiatement son inhumation. Ils se composent d’épreuves sportives destinées à  magnifier l’adresse, la force et l’endurance. Enfin, Les vainqueurs reçoivent des prix offerts par la famille du défunt.

C’est dans ce cadre qu’il convient de replacer les premiers jeux organisés à Olympie. Ceux-ci sont relatés dans plusieurs mythes dont deux sont significatifs .

LE MYTHE DE PELOPS

Pelops est le fils de Tantale, ce roi de Sipyle, actuellement en Asie Mineure, qui osa defier les Dieux lorsqu’il les reçut dans son palais pour un banquet : il découpa son fils en morceaux, les fit cuire, puis les servit à table aux Dieux. Seule Demeter ne s’en aperçut pas et mangea une épaule. Les Dieux firent revenir Pelops à la vie et remplacèrent l’épaule disparue par un morceau d’Ivoire. 

La punition de Tantale fut exemplaire. Dans l’Odyssee, Ulysse, descendu aux enfers, le vit :  il « se tenait debout dans un lac, l'eau touchait à son menton, et, malgré sa soif, Tantale n'en pouvait boire. Chaque fois que le vieillard se baissait pour se désaltérer l'onde fugitive tarissait aussitôt, et sous ses pieds il n'apercevait qu'un sable noir brûlé par un dieu cruel, De beaux arbres laissaient pendre au-dessus de la tête de Tantale des fruits magnifiques mais dès que le vieillard se levait pour y porter la main, tout à coup le vent les enlevait jusqu'aux nues ténébreuses » (11-518)

Pelops, chassé de son royaume se rendit à Pise, site actuellement proche d’Olympie et appris que le roi de Pise Oenomaos  avait une fille, appelée Hippodamie. Pelops la demanda en mariage. Mais Oenomaos ayant consulté l’oracle de Delphes avait appris qu’il serait tué par son gendre le jour même du mariage de sa fille. Pour conjurer le sort, Oenomaos avait imaginé un stratagème, il donnerait sa fille en mariage à celui qui réussirait à le vaincre lors d’une course de chars  il excellait dans cet exercice du fait que ses chevaux lui avaient été donné par le dieu Ares. Par contre, le prétendant qui échouerait serait tué. Déjà 13 d’entre eux avaient déjà ete  decapités. 

Pour arriver à ses fins, Pelops soudoya Mythilos, le cocher D’Oenomaos. Mythilos fit verser le char du roi qui se tua pelops épousa Hippodamie et fit célébrer des jeux funèbres en l’honneur d’Oenomaos sur le site d’Olympie situé non loin de Pise Selon ce mythe, ce serait donc Pelops qui serait à l’origine des jeux olympiques.

Cette légende est représentée sur la mosaïque de Noheda


LA VERSION DU MYTHE DE PELOPS DONNEE PAR PINDARE

Cette première légende fut contesté  par Pindare, un poète grec du 5eme siècle avant Jésus Christ. Son poème, appelé olympique rend hommage à dix vainqueurs particulièrement valeureux et en profite pour réfuter  le mythe de Pelops que je viens de raconter. 

Selon Pindare, lors du festin, que Tantale offrit aux Dieux, Poseidon remarqua Pelops, alors adolescent, s’éprend de lui et l’enleva pour le conduire dans son palais de l’Olympe.

Quand Pelops devint adulte, il aspira à épouser Hippodamie mais connaissant les risques, il décide de faire appel à Poseidon.Seul, pendant une nuit obscure, il se rend sur les bords de la mer écumeuse, et là, au milieu du mugissement des flots, il invoque à grands cris celui dont le trident fait retentir au loin les ondes. 

Le dieu voulant honorer son favori, lui donne un char tout resplendissant d'or attelé de coursiers ailés et

 C’est donc sans avoir recours à la traîtrise que Pelops put l’emporter. Le char d’oenomaos versa quand les chevaux se cabrèrent à la vie d’une déesse infernale appelée furie apparue soudainement devant eux.



 Quand Pelops mourut, il fut inhumé sur le site même d’Olympie non loin des rives de la rivière Alphee . Devant sa tombe est érigé un autel sur lequel chaque année, on offre des sacrifices en présence d’une grande foule. pourtant, toujours selon Pindare, ce n’est pas lui qui créa les jeux olympiques, mais Heracles qui, selon Diodore. était l’arrière petit fils de Pelops par sa mère.

LA FONDATION D’OLYMPIE ET DES JEUX PAR HERACLES

 


Je me propose maintenant d’évoquer ce second mythe, développé dans les Olympiques de Pindare , il débute lors du cinquième des douze travaux d’Heracles. Il dut nettoyer les étables d’Augias, roi d’Elis, cité située non loin de Pise et d’Olympie. Pour le faire, Hercule détourna l’eau du Penée, le fleuve d’Elis et l’Alphée, fleuve bordant le site actuel d’Olympie, et les fit passer par les étables pour les décrasser. Une fois le travail effectué, Augias refuse de lui donner une part du bétail comme cela avait été convenu. 

Heracles  revient plus tard  avec une armée et vainc Augias qui est tué. Ensuite, il se rend à Olympie et consacre le site à son père , le dieu Zeus.

Citons Pindare « Alors, lui, ayant rassemblé à Pise toute son armée et tout son butin, le vaillant fils de Zeus traça au cordeau un sanctuaire très sacré pour son père très grand. Et en plantant des bornes tout autour il délimita, dans un espace nu, l’Altis, » 


l’Altis est la zone sacrée encore actuellement fermée par un mur de clôture.  Dans cet enceinte qui comportait déjà le tertre funéraire de Pelops, il érigea six autels consacrés à douze Dieux groupés deux par deux. Sur ces autels, il offrit aux Dieux les prémisses du butin pris lors de la guerre contre Augias. 

A l’extérieur de l’Altis, il  réserva un emplacement pour les festins

Quant à la colline qui borde le site au nord,  il la dédia à Chronos, le père de Zeus.

Ensuite, il organisa des jeux comportant six épreuves que Pindare cite nommément : la course à pied, la lutte, le pugilat, la course de chars attelés de quatre chevaux, le lancer de javelot et le lancer d’un disque de pierre. 

Ces épreuves durèrent un jour et furent suivis du festin  pendant lequel furent glorifiés les louanges des vainqueurs et du dieu en l’honneur de qui ces jeux furent organisés. 

Pindare donne encore deux informations  complémentaires concernant la fondation des jeux olympiques par Heracles : d’abord, il décida que de tels jeux auraient lieu tous les cinq ans, ensuite, il constata que le site de l’Altis était  peu engageant tant il était dénudé, c’est pourquoi il se rendit chez les hyperboreens et y ramena un arbre qu’il planta à Olympie, ce fut l’olivier dont les branches servirent à agrémenter le site et  à confectionner les couronnes pour récompenser les vainqueurs des jeux.

A l’examen des trois récits et mythes que j’ai évoqué , on peut constater une certaine  continuité concernant la nomenclature des épreuves sportives pratiquées, par contre, on observe une transformation des finalités des jeux : à l’origine, ils étaient funéraires, par contre les jeux olympiques décrit par Pindare servent surtout à participer au culte de Zeus à qui ils sont dédiés. 

LA FIXATION DE LA DATE DES PREMIERS JEUX A  776 av JC

La manière dont fut déterminée la date de 776 avant JC ressort à la fois du mythe et de la réalité historique

 Cette date résulte d’un calcul effectué lors de l’olympiade de 476 av JC. On demanda à un savant d’Elis, appelé Hippias, de déterminer le nombre d’olympiades qui se serait tenues antérieurement à celle de l’année en cours.

 En recherchant les noms des vainqueurs de la course à pied qui donnent normalement leur nom aux olympiades. Hippias réussit à en  retrouver 75. En multipliant ce nombre par 4 ans, soit l’intervalle entre deux olympiades, il obtint le chiffre de 300 ans, ce qui permit de déterminer la date de 776 avant JC. Il établit donc, que les jeux de 476 av JC seraient les 76eme. 

 Que se serait-il passé à cette date de –776 ? Un écrivain romain du 2ème siècle, Pausanias, historien, géographe et grand voyageur  nous indique dans le livre 5 de sa description de la Grèce, qu’après des débuts immémoriaux, les jeux avaient été interrompus et les guerres entre les cités faisaient des ravages.

 Iphitos, le roi d’Elis, demanda à l’Oracle de Delphes comment il pourrait faire cesser cet état endémique de violence : l’Oracle lui répondit qu’il fallait à nouveau organiser des jeux à Olympie et faire proclamer une trêve pendant ces jeux. Ainsi, les grecs apprendraient à se connaître et à constater qu’ils appartenaient tous à une même communauté. C’est à partir de ce moment qu’une trêve d’un mois fut instaurée, donnant à tous la garantie de pouvoir se rendre à Olympie sans être molesté et de revenir dans leur cité. 

 

 

 

 

 

TALLINN CAPITALE DE L’ESTONIE (2)

 LE CHÂTEAU

L’histoire du château de TROOMPEA est, selon moi, un condensé significatif des aléas de l’histoire de la ville et de l’Estonie. La description qui suit a été rédigée selon la description donnée sur le site « médiéval héritage, Tallinn ».

. En 1217, à l’appel à l’aide du Prince-évêque Robert de Buxhovden en guerre contre les Estes, les danois débarquent dans le Nord de Estonie, s’emparent du Nord du pays et construisent un château sur la colline de TROOMPEA à l’emplacement probable d’un ancien fort en bois.


Cette première domination danoise se termine en 1227 : en effet, l’ordre des «chevaliers Portes Glaives » conquiert le Nord de l’Estonie ainsi que Tallinn, il est probable que c’est l’ordre qui fut à l’origine du premier château érigé en pierres. Il devait comporter une tour centrale (1) et une courtine (2) dominant la falaise. 


. Après la défaite de Saüle contre les lituaniens, l’ordre des chevaliers Porte-Glaives dût accepter le traité de Stenby (1338)  attribuant à nouveau l’Estonie du Nord au roi du Danemark. L’ordre est rattaché à l’ordre Teutonique et en devint une branche plus ou moins autonome sous le nom d’Ordre de Livonie. Ainsi le Danemark récupéra Tallinn et la forteresse de TROOMPEA.

. L’occupation danoise ne dura que quelques années : en 1346, l’Estonie du Nord et Tallinn sont vendus par le roi de Danemark à l’ordre Teutonique-livonien. 

C’est à cette période que le château est modifié afin de s’adapter aux exigences militaro-monastiques des ordres militaires : la tour primitive est englobée dans le bâtiment conventuel (3) ; celui-ci comporte, en son centre, un cloître desservant les salles de service du rez-de-chaussée ; à l’étage étaient situées les salles conventuelles : réfectoire, dortoir, salle capitulaire, logement du commandeur, latrines établies en avant de la courtine Ouest. Ce bâtiment fut entouré d’un fossé (4). De même, les défenses du château sont renforcées par l’érection de deux tours gardant le front sud : tour Hermann (5 conservée) et tour Stur den Kerl (5 non conservée). À cette époque, l’accès au château s’effectue par une porte s’ouvrant sur la falaise (6).

. Dans la première moitié du 15e siècle, toujours à l’époque Teutonique, les deux tours existantes sont surélevées (la hauteur de la tour Hermann est portée de 35 à 45m) et deux autres tours sont ajoutées sur le côté nord de la basse-cour: Landskrone (8 conservée) et Pilsticker (9 conservée mais n’étant à proprement parler qu’une échauguette), un zwinger (10) et un bas rempart sont ajoutés sur les trois côtés ou l’attaque était possible. Seul le mur Ouest (11) n’a pas été pourvu d’un tel moyen de défense, étant protégé par sa situation dominant la falaise, enfin, une nouvelle porte (12) est ajoutée sur le côté Est donnant sur la place sur laquelle s’élève actuellement la cathédrale Alexandre Nevski.

. En 1561, au traité de Vilnius, Tallinn et l’Estonie sont cédés à la Suède.


. En 1721, à la paix de Nystad, l’Estonie devient russe, elle le restera jusque 1917. C’est pendant la période russe, à l’époque de Catherine 2, que la forteresse perd sa fonction militaire pour devenir un palais résidentiel remodelé selon les concepts baroques en vogue au 18è siècle. Il abrite actuellement les services du gouvernement (présidence de la République, parlement.).

. Enfin, en 1935, une aile sud a été plaquée sur les murs anciens, l’édifice construit est du même style que le palais de style classico-baroque.

VUE AÉRIENNE DU CHÂTEAU DE TOOMPEA

Principaux éléments du passé teutonique conservés :

5 la tour Hermann
8 la tour Landskrone
9 la tour-échauguette Pilstiker
11 la muraille ouest élevée à l’aplomb de la falaise




Éléments modifiés pendant l’occupation russe et postérieurement :

3 l’ancien bâtiment conventuel devenu résidentiel

Éléments reconstruits :

13 palais de style classique construit par Catherine 2
14 aile sud du palais construit en 1935


Étonnant contraste entre les façades Ouest et Est du château

. À droite, la façade du palais de style classique de l’époque de Catherine 2.

. A gauche, le mur fortifié ouest conservé avec :
. 9 La tour Pilsticker
 .11 la courtine construite sur la falaise dont on peut encore voir quelques parois avec, en son        centre le mur fermant le bâtiment conventuel avec son avancée et la tour des latrines
  .7 l’entrée primitive du château
  .5 la tour Hermann
.10 la partie subsistante du Zwinger vers le sud entouré d’un mur extérieur.

A l’horizon, on aperçoit le clocher de la cathédrale et la cathédrale Alexandre Nevski





vendredi 10 février 2023

TALLINN CAPITALE DE L’ESTONIE (1)

 UN SITE EXCEPTIONNEL

 

La ville de Tallin (anciennement Reval) est, selon moi, une des villes baltes ayant le mieux conservé les traces de son passé germanique : en parcourant la ville, on se sent non dans une ville d’Estonie mais plutôt dans une cité née à la fois des traditions croisées et  hanséatiques avec, même, un rappel de l’architecture des conquérants russes.

 Le cœur primitif de la cité fut une colline appelée TOOMPEA située à peu de distance du port ; une forteresse en bois y est mentionnée en 1154 par Al Idrissi. De 1217 à 1345, la forteresse,  ainsi que la province de l’Estonie du nord, est possession du Danemark, qui y fera construire un premier château en pierres composé d’une tour et d’une courtine.

 En 1345, le roi de Danemark vendit l’Estonie à l’ordre militaro-monastique Livonien-Teutonique qui gardera Tallinn  jusque 1561 et transformera le château lui donnant une grande partie de son aspect actuel.

 Au pied de la colline, se développa une ville basse qui devint très vite prospère grâce à sa situation géographique  exceptionnelle comme le montre la carte ci-contre : Tallinn est située sur le littoral sud du Golfe de Finlande, face à Helsinki, dans une anse cantonnée de deux péninsules permettant l’installation d’un port bien protégé et, de ce fait, créant un site favorable au commerce :

     . Vers l’ouest, la cité est en liaison, par  la mer Baltique, avec la Scandinavie, le Danemark mais aussi avec les villes de la Hanse Germanique.

 . Vers l’Est, il est possible de gagner le fond  du golfe de Finlande puis de remonter le cours de la Neva jusqu’au lac Ladoga et, par le Volkov arriver à Novgorod, puis, au prix de portages, de descendre le cours du Dniepr jusqu’à la mer Noire et l’Empire Byzantin ou celui de la Volga jusqu’à la mer Caspienne, ce qui permettait des relations avec le monde arabe et asiatique

 Cette route fluviale fut ouverte par les Varègues qui fondèrent, en particulier, la cité-état de Novgorod et la principauté de Kiev puis, partiellement, par les marchands de la Hanse germanique qui fondèrent à Novgorod, un de leurs quatre principaux comptoirs, où étaient échangés les produits russes (miel, cire, fourrures) contre des denrées provenant de l’Europe occidentale (sel, vin, harengs, argent, cuivre article de luxe, étoffes de laine…).

 La ville basse bénéficia de la faveur des rois de Danemark qui lui conférèrent le 15 mai 1248 le droit de Lubeck  et la possibilité qui en découlait de s’auto-administrer et d’être régie par ses propres lois. En outre, le Danemark fit construire, à la même époque, le premier mur d’enceinte dont on peut voir de nombreux restes actuellement.

 Sous la domination de l’ordre Livonien-Teutonique, Tallinn devint membre de la ligue hanséatique et reçut le droit d’Etape. La ville, à cette époque, devint une des plaques tournante du commerce hanséatique : cette importance  commerciale de la cité, est montrée, en particulier, par le fait qu’en 1442, 47 navires chargés de sel en provenance des pays de la Loire, arrivèrent simultanément dans le port de la cité.

 La prospérité attira aussi de nombreux immigrants d’origine germanique qui s’installèrent dans la cité, lui donnant un aspect hanséatique qui en fait tout son charme.

 La prospérité de la ville déclina à partir du 16e siècle du fait du déclin de la Hanse et surtout des  guerres et des appétits de conquête des pays limitrophes, comme je le mentionnerai ci-après.

 Ainsi, l’actuelle ville de Tallinn se compose de deux ensembles que l’on perçoit encore nettement du fait qu’une grande partie des remparts a été conservée :

     . TOOMPEA, autour de son château et de la cathédrale, forme le centre politique administratif et religieux  de la cité. C’est une ville plutôt calme comportant de nombreuses résidences nobiliaires.

     . ALL LINN, la vieille ville centrée autour de la place du marché sur laquelle trône l’hôtel de ville ; c’est une cité d’artisans et de commerçants bruissante autrefois d’activités et de dynamisme à l’époque où elle était affiliée à la Hanse Germanique et qui conserve de nombreux témoignages de sa prospérité des 14e-16e siècles. 

 

La politique coloniale de la MONARCHIE DE JUILLET en ALGÉRIE (26) : conclusion générale

 Cet article servira de conclusion à la fois au chapitre relatant la conquête de l'Algérie et à celui concernant les réactions des intellectuels face à cette conquête. 

                      CONCLUSION GENERALE

Selon moi, la conquête de l’Algérie, révèle un quadruple engrenage conduisant à la fois à l’asservissement physique et civilisationnelle  de toute une population conquise et à l’émergence d’une mentalité de puissance coloniale en métropole qui induira postérieurement à la conquête de nombreux autres territoires extra-européens.

En ce sens, on peut considérer les évènements survenus en Algérie pendant la monarchie de juillet comme une expérimentation des méthodes à appliquer pour s’emparer de territoires coloniaux.

Le premier engrenage concerne l’action de l’armée En 1830, l’intervention militaire à Alger n’avait pour but principal que de redorer le pouvoir décadent de Charles 10 en réparant l’outrage à la France faite par le Dey, et aussi, à faire cesser les actes de piraterie commis en Méditerranée. Profitant de la faiblesse des premiers gouvernements de la monarchie de juillet, l’armée prit la décision de poursuivre la conquête, en s’emparant d’abord des principales villes littorales de la côte nord-africaine. Ensuite, elle s’attaquant à l’arrière-pays de ces villes, sous le prétexte de les sécuriser, en luttant contre les raids des tribus, soucieuses de bouter les infidèles hors de leurs terres ancestrales. Enfin, faute de venir à bout de ces tribus, l’armée entreprit la conquête globale du pays.

Cette politique impérialiste impliqua que l’armée ait le contrôle total de la situation. La conquête devint la chasse-gardée de l’état-major qui se conduisit de manière proconsulaire, en se considérant comme un état dans l’Etat. Le gouvernement fut sans cesse mis devant le fait accompli et dût cautionner les décisions des militaires. C’est ainsi que le pouvoir absolu de fait du commandant en chef de l’armée d’Afrique fut légalisé par les ordonnances de 1834 qui remit au gouverneur général la totalité des pouvoirs, établissant sa dictature de fait sur l’Algérie.

 Le deuxième engrenage fut celui de la violence. L’inadaptation des méthodes de guerre sévissant en Europe aux combats contre les tribus, amena les chefs militaires à utiliser des méthodes de plus en plus radicales, comme en témoignent les directives de Bugeaud : «  Le but n'est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d'empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer… de jouir de leurs champs… Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes…  ou bien exterminez-les jusqu'au dernier » : le but de la guerre n’était plus seulement de vaincre les armées mais aussi de s’attaquer à la population civile de vieillards de femmes et d’enfants en pratiquant la terre brûlée. Il fallait inspirer aux populations arabes une telle terreur qu’elles soient amenées à se plier au joug français par peur d’être exterminées. Notre époque qualifierait cette  politique de génocidaire.

Certes, on pourrait objecter que l’inhumanité des combats caractérisait aussi les tribus arabes et leurs raids meurtriers, pourtant  cette inhumanité des autochtones était d’une autre nature : les tribus arabes luttaient pour chasser les envahisseurs qui leur volaient leurs terres ancestrales, leurs biens et même leur âme, alors que l’armée ne songeait qu’à protéger et étendre sa conquête.

Le troisième engrenage concerne le changement des mentalités dominantes régnant en métropole : on est passé, peu à peu, d’une extrême méfiance vis-à-vis du fait colonial, à une acceptation quasi générale de la conquête algérienne. Selon moi, deux facteurs ont principalement joué pour expliquer cette mutation : il y eut d’abord, l’exaltation patriotique devant le retour en puissance de la France, après l’humiliation des défaites de l’époque impériale, ainsi que l’impression de contrecarrer la politique anglaise en Méditerranée. Il y eut surtout l’action de la propagande perpétrée en faveur de la colonisation orchestrée par certains généraux comme le général Clauzel et par les médias :  il convient à cet égard de rappeler qu’à l’origine, la colonisation fut due à la présence de spéculateurs qui achetèrent à vil prix des terres agricoles afin de se constituer de grands domaines. Pour les cultiver, ils utilisèrent certes des autochtones, mais ils tentèrent aussi de trouver de la main d’œuvre européenne en faisant vanter par les médias la fertilité des terres algériennes. Puis on passa à l’idée de créer des villages de colonisation qui permettraient de suppléer l’armée pour la défense des possessions conquises. Comme pour l’expansion de la conquête, ce fut l’armée qui imposa sa politique : tantôt, elle opta pour une immigration limitée, tantôt, au contraire, elle incita le gouvernement à développer les villages coloniaux en facilitant les départs vers l’Algérie.

 Enfin, le quatrième engrenage concerna surtout les intellectuels et les hommes politiques : celui de l’affirmation de plus en plus insistante de la supériorité de la civilisation de l’Europe occidentale et de la mission civilisatrice de l’Europe et, en particulier, de la France. Ces théories montrent que tous les autres peuples de la Terre sont considérés comme arriérés et que ce serait bien de leur apporter les bienfaits de notre civilisation : pour progresser, il fallait donc que ces peuples abandonnent leurs cultures et modes de vie, ressentis comme rétrogrades, pour apprendre à vivre et à raisonner comme des européens. De ce fait, les  colonisateurs de l’Algérie n’eurent aucun scrupule à détruire tout ce qui provenait des cultures autochtones et en particulier de la civilisation musulmane : le régime ancestral des terres fut oublié, les mosquées furent détruites ou converties en églises, le droit français se substitua en grande partie au droit musulman… la supériorité raciale de l’Europe occidentale fut érigée en dogme intangible. Il en est malheureusement toujours ainsi, quoiqu’on en dise, au 21è siècle.

vendredi 23 décembre 2022

Les intellectuels face à la conquête de l'Algérie de la monarchie de juillet (14) : PROSPER ENFANTIN

 L’ANALYSE DE LA SITUATION DE L’ALGERIE A LA FIN DE LA MONARCHIE DE JUILLET VUE PAR TROIS INTELLECTUELS

PROSPER ENFANTIN

CONCLUSION

  les théories de Prosper Enfantin concernant l’Algérie sont une application théorique des concepts fondamentaux du saint-simonisme et, plus généralement, du courant du socialisme utopique. Les idées défendues dans son livre montrent que ce courant de pensée, loin d’être une rêverie hors de la réalité, constitue, au contraire, un ensemble cohérent et réfléchi qui aurait pu faire évoluer  la société inégalitaire du capitalisme naissant pour créer une civilisation collectiviste plus juste et plus fraternelle.

Les théories d’Enfantin, tout comme celles de Fourier, seront appliquées pendant la deuxième République, elles échouèrent, tant au niveau des ateliers nationaux créés selon le modèle fouriériste des phalanstères qu’à celui de la création des colonies en Algérie.

Selon moi, les raisons de ces échecs ressortent de deux causes :

     . D’abord, les idées généreuses des socialistes utopiques étaient ressenties par les capitalistes émergents  comme préjudiciables à leurs intérêts : les moyens collectifs de production, s’ils se généralisaient, pourraient les priver à la fois d’une main d’œuvre corvéable et sous-payée et de débouchés pour leur production. Ainsi, les ateliers nationaux furent déconsidérés et la révolte des ouvriers, lors de leur fermeture en juin 1848, après quelques mois seulement de fonctionnement, fut durement réprimée par le général Cavaignac, l’un des promoteurs des enfumades en Algérie. La répression se solda par 4000 morts du côté des insurgés et 4000 déportations en Algérie.

     . Ensuite et surtout, Prosper Enfantin, tout comme les autres socialistes de l’époque, se faisaient une idée fausse de la nature de l’être humain, ils pensaient, à la manière de Thomas More et de Jean Jacques Rousseau, que l’homme était naturellement doué d’une nature altruiste et était capable de sacrifier son individualité au service de la communauté. Ce n’était pas le cas, comme le montra l’échec des colonies militaires en Algérie en 1847 que j’ai décrit préalablement.

 Karl Marx et Frédéric Engels en tireront une conclusion sans appel :  les conceptions du socialisme de l’époque, tentant de modifier progressivement la société, étaient irréalisables : de cette observation, naîtra l’idée qu’avant de mettre en place une société telle que la concevait Enfantin, il faudrait d’abord une période de luttes révolutionnaires avec la prise de pouvoir du prolétariat puis de dictature de ce prolétariat pour extirper l’esprit bourgeois avant de pouvoir passer à une société collectiviste plus juste et plus fraternelle.


Prochain article : conclusion générale sur la conquête de l’Algérie par la monarchie de juillet


mercredi 14 décembre 2022

Les intellectuels face à la conquête de l'Algérie de la monarchie de juillet (13) : PROSPER ENFANTIN

L’ANALYSE DE LA SITUATION DE L’ALGERIE A LA FIN DE LA MONARCHIE DE JUILLET VUE PAR TROIS INTELLECTUELS

PROSPER ENFANTIN

LE CONSTAT DE CE QUI A DÉJÀ ÉTÉ RÉALISÉ EN ALGÉRIE

LES COLONIES CIVILES. 

Tandis que « pour les colonies militaires…, il y avait beaucoup à conserver peu à détruire et fort peu à innover » du moins quant à la constitution de la propriété, dans « les colonies civiles, au contraire, je crois qu'il y a considérablement à innover, beaucoup à détruire et fort peu à conserver ».

 D’abord Prosper enfantin se livre à une sévère critique des systèmes de colonisation mis en place  dans les premiers temps de la conquête. Il montre que les trois formes d’expériences menées jusque-là ont été des échecs :

     . certains, appelés « barons d’Algérie », se sont fait octroyer de grandes concessions de terres, ou bien ont acheté de vastes propriétés, sur lesquelles ils ont placé ou voulu placer un nombre assez considérable de petits métayers, les réduisant quasiment en servage,

     . d’autres ont acheté, vendu, racheté, revendu, des maisons, des jardins, des terres, sans s'inquiéter de ces maisons, de ces jardins et de ces terres, dévastant les maisons, dépouillant les jardins et laissant les terres en friche. 

     . Les rares villages qui ont été créés, ont complètement échoué du fait de la méthode employée pour les créer : « Nous agissons à peu près d'une manière inverse de ce qu’il convient de faire : nous n'établissons jusqu'à présent, en Algérie, que des individus pris au hasard, n'ayant aucun lien entre eux ; et, lorsque nous leur avons donné des terres, un maire, des gendarmes et même un percepteur, et quelquefois un curé, nous croyons avoir fondé un village colonial …  Quel miracle si de semblables agglomérations d'individus avaient la moindre force collective pour résister aux Arabes, ou pour combattre avec succès les puissantes exigences du sol et du climat. La plus faible tribu arabe dépouillerait facilement le plus gros …de ces villages. Quelques maraudeurs suffiraient pour mettre sur pied, nuit et jour, tous ces petits bourgeois campagnards, gardant chacun son lopin de terre et sa gerbe de blé. De pareilles concessions sont déjà faites, des villages, fort heureusement peu nombreux et près de la capitale, sont fondés sur ce principe de liberté, de divisibilité, de mobilité, que je crois tout-à-fait incompatible avec l'ordre, la constance que nous devons avoir en Algérie » pour coloniser le pays.

 Au vu de ces échecs, Prosper Enfantin, conformément à son programme socialiste, explique « qu'il faut détruire, au moins dans son absolutisme, et réduire à des limites infranchissables la propriété individuelle de la terre. ».

L’auteur va alors élaborer une méthodologie de la création du village colonial :

     . « Lors donc que des colons se présentent ou que le Gouvernement les appelle, la première chose n'est pas de leur distribuer individuellement des terres, comme on le fait aujourd’hui ; c'est de les former en société, de fixer les bases de leur association, de déterminer le nombre convenable de familles pour telle localité, l'étendue du territoire qu'elles occuperont, la forme de leurs villages et de leurs fermes, leur mode d'organisation et leur règlement de travail ; en un mot, de les. constituer en corps. ».

     . Il conviendra ensuite de créer la colonie : son territoire sera délimité et cadastré par l’Etat. Il sera impossible de le diviser. La colonie ne se composera  d’aucune ferme isolée, les colons seront regroupés dans un village au centre du terroir. Sauf dans les jardins, la culture du sol sera effectuée en commun par les familles qui composent le village.

 La seule exception au système communautaire résidera dans la jouissance individuelle des maisons et des jardins. Enfantin prévoit même que les colons pourront les vendre à condition que l’acheteur soit reconnu par la colonie comme un de ses nouveaux membres. De même, s’il est nécessaire d’agrandir le village, il sera possible d’insérer de nouvelles familles en permettant la création de nouvelles maisons et de nouveaux jardins.

 Le village colonial sera administré comme les sociétés anonymes existant en France :

     . « la propriété aurait le caractère foncier quant au fond, et  mobilier quant au titre » on distribuera à chaque ferme composant le village des coupons qui lui permettraient de recevoir sa part des recettes du village, déduction faite des frais généraux (entre autres, achat de semences et de matériel, frais de fonctionnement de l’association, impôts et amortissements…)

     . . « Les recettes générales comprendraient, outre les fruits du travail, le produit des lots de terre, vendus, pour jardins ou maisons, à des cultivateurs ou des artisans qui viendraient se fixer sur le territoire de la société. »

     . L’association « seraient gérée et administrée par les intéressés sous la surveillance des délégués de l'autorité publique, et conformément à des statuts autorisés par le Gouvernement, acceptés par les intéressés et publiés officiellement. 

 Prosper Enfantin termine ainsi sa description des colonies civiles par une interrogation : Trouvera- t-on des capitalistes qui consentent à courir le risque d’investir des fonds pour leur création en Algérie.

à suivre...


samedi 3 décembre 2022

Les intellectuels face à la conquête de l'Algérie de la monarchie de juillet (12) : PROSPER ENFANTIN

 L’ANALYSE DE LA SITUATION DE L’ALGERIE A LA FIN DE LA MONARCHIE DE JUILLET VUE PAR TROIS INTELLECTUELS

PROSPER ENFANTIN


LE CONSTAT DE CE QUI A DÉJÀ ÉTÉ RÉALISÉ EN ALGÉRIE

Pour cette étude, Enfantin va scinder le système colonial en deux parties :                                                  .  les colonies militaires qui lui semblent proches de ses idées,                                                                  . les colonies civiles qui, au contraire, s’en éloignent totalement. 

LES COLONIES MILITAIRES

Il convient d’abord de remarquer que le livre de Prosper Enfantin a été écrit alors que se mettait en place le projet  Bugeaud de colonies militaires. l'auteur manquait donc de recul pour évaluer ce système. Globalement, il l’approuve, même s’il met en garde contre certains travers pouvant intervenir, eu égard aux penchants instinctifs des occidentaux pour la propriété.

Pour lui, les colonies militaires  sont un exemple de ce qu’il faut faire en Algérie, surtout si elles suivent le modèle des colonies romaines et des colonies Magzen de l’époque de la Régence. En outre, pour réussir, elles disposent de deux précieux atouts :

     . D’abord, les militaires sont habitués à une discipline façonnée par des années de service : « Conservons avec soin le caractère collectif et hiérarchique de l'armée, son esprit, de corps ses principes d’honneur, de dévouement aussi la noble ambition d'un désintéressement personnel »   

     . Un autre atout réside dans le fait que la plupart des soldats proviennent des campagnes, ils sont donc aptes aux travaux agricoles. Ce sera, selon Enfantin, une opportunité et une chance puisqu’au sortir de leur engagement, le soldat « n'a généralement d'autre avenir heureux que le retour au village, sain et sauf, mais avec quatre années d'Algérie qui l'ont vieilli de dix ans et lui ont fait oublier son état ».

Ces deux caractéristiques sont éminemment favorables à l’instauration de colonies basées sur la propriété collective, mais, selon Prosper Enfantin, elles ne seront conformes à ses conceptions qu’à trois conditions :

  1- « Que la propriété soit collective, qu'elle soit propriété du corps, qu'elle soit dirigée et administrée hiérarchiquement, conformément aux grades obtenus … par un service réparti également sur tous. ». Pour Prosper Enfantin, cette propriété collective dans les colonies militaires est, non seulement utile, mais aussi nécessaire :

   . Dans les endroits où ces colonies seront implantées, la grande culture est la seule qui soit praticable et rentable.

   . Avant toute culture, il sera nécessaire que soient accomplis « les travaux de défense, de conservation, ceux d'irrigation et de communication », ce qui implique la participation de tous.  Si la propriété du sol était individuelle, cette mise en commun des efforts de tous serait quasiment  impossible.

     . Enfin, dans les systèmes de travail collectif, l’aisance et la réussite viennent plus rapidement que dans les colonies où règne le régime de la propriété individuelle.

2- « Que tout motif de tendance à la propriété individuelle, à l’égoïsme des intérêts particuliers, …soit combattu et ne trouble pas l'esprit de corps et la discipline, indispensables à la force, à la sécurité des colonies militaires que, tous apprennent à respecter la propriété commune comme une propriété commune, comme une propriété du drapeau, comme le signe de la bravoure et de la force du corps, et qu'ils soient excités ainsi à la cultiver., à l'améliorer, à l'enrichir, et à ne jamais lui causer dommage ». Pour cela, l’auteur compte à la fois sur l’éducation des colons militaires mais aussi aux encouragements procurés par un équitable avancement et par un système de récompense pour leurs travaux personnels.

3° Enfin, que « le casernement, le vêtement, la nourriture, les travaux, le service, soient conçus et réglés en vue du sol et du climat nouveaux où les Européens doivent vivre, où ils doivent être aussi bien cultivateurs que militaires; et, par conséquent, qu'on en prenne l'inspiration dans l'observation attentive des habitudes arabes : sous tous ces rapports que l'étude de la langue arabe soit encouragée. » Il est nécessaire que se produise, en effet, chez ces militaires devenus colons, une totale mutation mentale : jusqu’alors l'« arabe »  était un ennemi à abattre et à piller, il faudra maintenant le considérer comme un partenaire avec qui se noueront des relations d’échanges et de bon voisinage.

En ce qui concerne la répartition des bénéfices  de la colonie militaire, Prosper Enfantin  écrit : « Le produit du travail du bataillon devrait être distribué, après réserve des semences et de l'entretien des instruments de travail, en trois parts égales :                                                                                              . la première, affectée à l'amortissement des premiers frais d'établissement et, en partie, aux travaux d'utilité publique.                                                                                                                             . La seconde, venant en déduction de la somme annuellement consacrée à l'entretien du bataillon             . La troisième, divisée en deux parts égales : l'une consacrée à la retraite des soldats-colons, l'autre pour haute-paie, ou supplément de solde, distribuée dans des proportions déterminées, aux soldats, aux sous-officiers et aux officiers et pour primes décernées aux soldats et sous-officiers, par le corps d'officiers présidé par leur chef, directeur de la colonie. »

 Selon l'auteur, c’est dans la troisième part de cette répartition que réside le danger essentiel pouvant guetter la colonie : les militaires ne seront plus seulement récompensés par les honneurs, la gloire et l’avancement qui en découle, désormais, ils percevront une partie des bénéfices de la colonie. Il est à craindre que leur enrichissement devienne «  une passion effrénée, insatiable » les amenant à revendiquer le partage des biens de la colonie, ce qui serait catastrophique puisque le « désir excessif de .. posséder » conduira à la faillite de la propriété collective  des terres dans les colonies militaires ». Pour l’éviter, Enfantin compte sur l’esprit de solidarité, d’esprit de corps et de discipline que l’armée a inculqué aux soldats,

Enfin, en ce qui concerne les colonies militaires, Prosper Enfantin montre leur importance dans la politique de coexistence pacifique entre français et « arabes » : la double qualification de paysans-soldats leur permettra à la fois de combattre mais aussi de permettre aux autochtones de constater les bienfaits que notre civilisation pourrait leur amener. « si nous voulons .. introduire (dans les tribus) quelque chose de nouveau, n'oublions pas qu'il faut, pour cela, que cette création ne blesse point leurs idées, qu'elle y soit même conforme, et surtout qu'elle soit favorable à leur intérêt. ».

Pour réussir, Prosper Enfantin élabore toute une stratégie :

     . D’abord, il est nécessaire que les colonies militaires soient établies aux abords immédiats des tribus ; pour cela, il table sur le fait qu’aux limites des terres tribales, il existe des zones désertes où, à l’époque de la régence, régnait une insécurité constante consécutive aux rivalités entre tribus. Rappelons à cet égard, que, selon Enfantin, les turcs usaient d’une politique ayant pour but de « diviser pour régner » et donc laissaient se produire les guerres intestines. Depuis la conquête française, toujours selon Enfantin, ces méthodes ne sont plus de mises, désormais il faut « associer pour régner ». Dans cette perspective, les zones constituant les frontières des terres tribales deviendraient sûres et on pourrait donc y installer des colonies militaires.

     . Tout le reste du mode de vie des tribus ne devra pas être modifié, on se limitera, comme je l’ai écrit à « bâtir le manoir du cheik, la mosquée, le tribunal du cadi et la fontaine (et de) faire planter des jardins. La coexistence pacifique entre ex-militaires français et « arabes » sera un des facteurs essentiels pour unifier les modes de vie : les autochtones, lorsqu’ils visiteront le village de colons, pourront ressentir les avantages qu’ils auraient à se sédentariser, à l’inverse, les colons apprendront des autochtones, la manière dont ils pourront s’adapter aux conditions climatiques et géographiques du pays.

lundi 14 novembre 2022

Les intellectuels face à la conquête de l'Algérie de la monarchie de juillet (11) : PROSPER ENFANTIN

 L’ANALYSE DE LA SITUATION DE L’ALGERIE A LA FIN DE LA MONARCHIE DE JUILLET VUE PAR TROIS INTELLECTUELS

PROSPER ENFANTIN

LA TRANSFORMATION DU SYSTEME AGRAIRE ET L’ELABORATION D’UN SYSTEME ADMISSIBLE A TOUS.

 Comme tous les socialismes dits utopiques, Prosper Enfantin n’est pas un révolutionnaire, il base sa pensée sur le constat de ce qui existe afin de déterminer ce qu’il faut conserver et  ce qu’il faut modifier ou abolir. Cela explique qu’il ait traité le sujet en deux parties en étudiant d’abord le système agraire des tribus algériennes puis celui des européens.

 CE QU’IL FAUT CONSERVER DU SYSTÈME AGRICOLE DES TRIBUS ALGERIENNES

Prosper Enfantin effectue, en vue de cet objectif, une synthèse  des observations effectuées lors de son voyage en Algérie ; son interprétation est, selon moi, un peu partiale du fait que les informations glanées au contact de la réalité algérienne ne peuvent que plaire à l’auteur puisqu’en tant que saint-simonien, il prône la propriété collective et abhorre la propriété privée.

 Dans un premier temps, Prosper Enfantin se livre à une analyse des causes qui ont amené les « arabes » à la propriété collective et, par voie de conséquence, au nomadisme :

     . La première cause est la conséquences des conditions physiques et climatiques régnant en Algérie : « C'est la grande culture et l'éducation des bestiaux que le sol et le climat de l'Algérie favorisent le plus généralement ; l'une et l'autre exigent, dans ce pays, des déplacements continuels assez considérables, selon les saisons, pour les pâturages, pour les semailles et pour les moissons; car il faut, dans certains moments, fuir des lieux malsains, inondés ou desséchés, qui, dans d'autres moments, sont très-productifs et très-habitables. 

Selon Enfantin, les exploitations agricoles  individuelles ne peuvent se développer qu’aux abords des villes du fait de l’économie de jardin qui y prédomine et dans les vallées abritées et bien arrosées.

   . La seconde cause est le résultat des conceptions traditionnelles de l’Islam sur la possession des terres : toutes les terres appartiennent à Dieu et, par délégation, au sultan. Le sultan, à son tour, a concédé les terres de la Régence au Dey qui, à son tour, les a concédées au Cheik, le chargeant de la répartition des zones de culture selon les besoins de chacun.

Deux cas pouvaient alors se présenter : dans les tribus, les terres étaient distribuées collectivement à la tribu toute entière ; par contre, dans les zones d’exploitation individuelle, la terre était concédée à une famille en indivis avec interdiction de la partager. Dans les deux cas, les allocataires n’ont que l’usufruit de la terre. Le système est néanmoins souple. En cas d’augmentation démographique des membres de la tribu ou de la famille, il est, selon Prosper Enfantin, assez facile d’obtenir du Cheik de nouvelles concessions de terres.

   . Le troisième facteur ayant conduit à la création de la propriété collective et du nomadisme est la conséquence de la conquête ottomane dont la politique a toujours été de diviser pour régner, suscitant entre les tribus des guerres intestines pour mieux les contrôler. Selon Prosper Enfantin, l’insécurité ambiante  explique également pourquoi les tribus n’avaient pas créé de villages sédentaires : en cas de danger, il suffit de déplacer les tentes pour se trouver, ailleurs, en sécurité. Il explique aussi que si les pourtours du territoire de la tribu sont inexploités, c’est le fait des guerres intestines qui les rendent dangereux.

 Ainsi, les traditions, l’histoire et les contraintes géographiques ont, toutes, obligé les autochtones à pratiquer un mode de vie nomade ayant induit à faire de l’appropriation collective des terres la norme de la vie quotidienne dans la Régence.

Pour Prosper Enfantin, ce mode de vie possède deux caractéristiques :

            . l’un positif et à conserver absolument, la propriété collective des terres.

          . l’autre négatif et à faire évoluer, le mode de vie nomade qui empêche tout progrès et en particulier tout passage de l’élevage à l’agriculture.

 Il va alors émettre un apriori un peu hasardeux qui  servira de base à toute son argumentation : si les « arabes » ont choisi le mode de vie nomade c’est à cause de l’insécurité ; les « arabes » préfèreraient habiter dans des maisons : si la sécurité était garantie, ils quitteraient volontiers leurs tentes et s’installeraient dans les villages.

 La conquête française permettra de leur donner satisfaction au niveau du nomadisme :

     . D’abord, une fois la conquête terminée, l’administration civile pourra garantir aux « arabes » la paix et la sécurité ce qui, ipso facto, supprimera les guerres entre tribus,

     . Ensuite, la France va améliorer considérablement par de grands travaux la salubrité et la bonification des terres.

« Il est donc-certain qu'avec un gouvernement régulier, équitable et non spoliateur, et avec une force publique qui maintiendrait l'ordre et la paix entre les tribus, les Arabes, qui sont fort intéressés d'ailleurs, et qui aiment leurs aises, planteraient et bâtiraient. » et pourraient «  construire des habitations fixes, sur la majeure partie des terres de la Régence. »

 Prosper Enfantin se rend néanmoins compte que cette mutation de la vie quotidienne des « arabes » se heurtera au poids de la tradition. Pour vaincre les réticences, il imagine une stratégie :  il faut d’abord faire en sorte que s’installent sur un territoire bien situé et pourvu d’une source, « le castel du Cheik, le tribunal Cadi, la mosquée et la fontaine », les nomades s’habitueraient à venir dans cette amorce de village, puis, selon Prosper Enfantin, ils s’y installeraient, devenant de ce fait des sédentaires. Ainsi, « le peuple nomade et pasteur sera transformé en peuple agriculteur. ». Prosper Enfantin n’est cependant pas naïf pour imaginer que ce procédé pourra réussir à tout coup, « Non seulement, nous devons encourager les Arabes à bâtir et à planter, mais, dans certaines limites, nous pouvons et devons progressivement les y contraindre. »

 Ainsi, se définit le projet qu’Enfantin voudrait instaurer en Algérie : faire en sorte que, grâce à la paix, les tribus passent du nomadisme à la sédentarité sans toutefois abandonner le mode de possession collectif de la terre qui leur est traditionnel : il se créeraient alors des villages sédentaires pratiquant une agriculture gérée collectivement sans que s’instaure la propriété privée des terres.

 Prosper Enfantin termine cette analyse de ce qu’il faudrait instaurer en Algérie  par une envolée lyrique : « C'est là. le progrès que nous devons faire faire aux Arabes, et certainement c'est l'un des deux motifs providentiels qui peuvent expliquer et légitimer notre occupation de l’Algérie et tout le sang arabe que nous y avons versé

 Ainsi se définit aussi, au niveau des autochtones algériens,  la contribution respective des deux civilisations au nouveau mode de vie qu’Enfantin voudrait mettre en place en Algérie :

            . les « arabes » apporteraient la possession collective des terres

            . les européens introduiraient la paix et la sédentarité.

 Il reste maintenant à déterminer l’apport de la civilisation française afin d’élaborer les conditions d’une cohabitation harmonieuse et constructive entre européens et autochtones  au nom du «  progrès que nous devons faire nous-mêmes, par le contact avec ces populations énergiques ... Conserver les principes communs aux indigènes et aux Européens détruire les principes contraires à l'union et à la prospérité de ces deux populations, introduire et développer les principes avantageux à toutes deux et qui sont déjà en germe chez l'une et chez l'autre : telles sont les lois qui nous sont imposées, la première par la raison, la seconde par la nécessité, la troisième par l'humanité. 

 CE QU’IL FAUT CONSERVER DU SYSTEME DE LA PROPRIETE EUROPEEN

LA CRITIQUE DE LA PROPRIETE INDIVIDUELLE

 Autant, en disciple du socialisme, Prosper  Enfantin  encense le système de propriété collective algérien, autant il critique le système français qui nécessiterait de profondes réformes. Pour lui, le fait que la propriété individuelle en France soit sacrée et inviolable, sauf cas d’expropriation pour utilité publique, est pernicieux à tous les points de vue et surtout au niveau foncier :

     . Par le biais des héritages, il se produit un « morcellement indéfini  du sol » conduisant peu à peu à constituer des propriétés si minuscules que le paysan est obligé de quitter son exploitation ou de la vendre pour rejoindre la ville et espérer y trouver du travail. Inéluctablement, il s’agrégera peu à peu au prolétariat misérable et exploité.

     . La faible superficie des exploitations est un obstacle à la modernisation des cultures, le paysan en est réduit à pratiquer une agriculture vivrière qui lui laisse peu de surplus négociable.

     . Comme il est difficile d’emprunter sauf à des taux usuraires, les agriculteurs n’ont souvent d’autres solutions que d’hypothéquer leurs terres, ce qui les conduit rapidement à la cession de leurs biens.

     . Il existe certes de grands domaines, ils sont aux mains de propriétaires non-résidents considérant la possession foncière seulement comme une source de revenus, la terre est ensuite allouée à des fermiers qui se contentent de cultiver leurs parcelles sans chercher à moderniser leurs méthodes de culture.

     . Enfin, contrairement au système arabe de propriété collective qui permet de souder la cellule familiale, le système de la propriété individuelle des terres conduit à déconstruire les familles, les enfants étant contraints de quitter très tôt le foyer paternel pour chercher de quoi subsister.

 Dans de telles conditions, Prosper Enfantin est amené à rechercher, dans d’autres domaines d’activités, s’il existe,  dans notre société occidentale, d’autres  systèmes basés sur la propriété collective qui, transposés, pourraient servir de modèle à la colonisation agricole de l’Algérie.

 L’ADAPTATION DU SYSTEME DE LA SOCIETE PAR ACTION A L’ORGANISATION AGRAIRE

Selon Prosper Enfantin, il n’existe, dans l'Europe occidentale de son époque, qu’une seule forme de propriété collective qui pourrait convenir à son dessein : celle de la société anonyme par actions : « Dans ces associations , les intéressés n'ont aucune action directe sur l'exploitation et l'administration du capital social, mobilier ou immobilier, ils ne sont pas propriétaires d'une partie déterminée de ce capital, mais seulement d'un titre qui leur donne droit à une part des bénéfices généraux de l'association. ».

 Cependant, ce système qui établit  un regroupement de capitaux ne peut pas convenir tel quel  à la création des villages collectifs en Algérie : en effet, la société par actions établit un fossé quasiment infranchissable entre ceux qui financent et ceux qui travaillent. Enfantin qualifie les premiers de capitalistes et les seconds de prolétaires.

 En conséquence, l’application du système de la société anonyme à l’agriculture conduirait seulement à créer de vastes domaines agricoles avec, d’une part, des capitalistes qui apporteraient le capital et, d’autre part, des fermiers qui tenteraient de survivre sur le lopin individuel qui leur serait alloué.

 Pour éviter ces inconvénients, il faut que les financeurs soient aussi les travailleurs : « des propriétaires travailleurs pourraient bien s'associer et mettre en commun leurs capitaux et leur travail, et se distribuer entre eux le bénéfice général de l'entreprise, en proportion de l'apport de chacun, en capital et en travail ; mais ces associés seraient en même temps les directeurs, administrateurs, employés de l'entreprise, puisque j'ai supposé que ces propriétaires étaient en même temps des travailleurs qui mettaient en œuvre leurs capitaux »

 C’est ce système que Prosper Enfantin souhaite exporter en Algérie ;  il constituerait l’apport de la civilisation française dans son projet de créer des structures agricoles  pouvant convenir à la fois aux autochtones et aux colons  avec des terres possédées collectivement que l’on cultiverait  collectivement, gérées par l’association des travailleurs sans intervention des capitalistes.

 

Ainsi se définit les grands principes qui, selon Enfantin, pourraient permettre de  créer un système rural acceptable par les arabes et les français :

            . un système de propriété collective et de travail en commun.

            . des communautés sédentaires associant le travail agricole et la gestion des biens collectifs selon le système de la société par actions.

 

Il reste maintenant à l’auteur à confronter ses théories à la réalité algérienne en ce qui concerne les villages coloniaux existants.