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mercredi 15 septembre 2021

PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL (12) le Prince

  LE PRINCE (4) 

ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES. 

LES DÉFAUTS UTILES À METTRE EN ŒUVRE POUR BIEN GOUVERNER

ÊTRE CRUEL SELON LES NÉCESSITÉS 

Le premier défaut que Machiavel analyse est celui de la cruauté en posant la question : vaut-il  « mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ? » (Le Prince chapitre 17) 

A cette question, la réponse est simple : pour l’auteur, le Prince ne doit pas hésiter à être cruel si cela devient un atout fondamental pour la préservation  de son pouvoir. 

« On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très-difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé » (Le Prince chapitre 17)

Son argumentation repose sur un constat évident : si on craint le Prince, on ne s’avisera pas de lui désobéir et de contester son pouvoir car on sait qu’il n’hésitera pas à punir sévèrement les fauteurs de troubles. Cette affirmation correspond exactement à la nature profonde cupide et lâche de l’être humain de la renaissance italienne décrite précédemment  : il sera adulateur du Prince tant qu’il obtiendra ses faveurs ;  par contre, si le moindre coup du sort survient, il n’hésitera pas à le contester. Dans ce cas, le Prince usera de la peur du châtiment inhérente à la lâcheté naturelle de ses sujets pour les amener à soumission. 

« On appréhende beaucoup moins d’offenser celui qui se fait aimer que celui qui se fait craindre ; car l’amour tient par un lien de reconnaissance bien faible pour la perversité humaine… ; au lieu que la crainte résulte de la menace du châtiment, et cette peur ne s’évanouit jamais. (Le Prince chapitre 17) 

« Les hommes poussent souvent l’audace jusqu’à se plaindre hautement des mesures prises par leurs princes ; mais lorsqu’ils voient le châtiment en face, ils perdent la confiance qu’ils avaient l’un dans l’autre, et ils se précipitent pour obéir. « (Discours livre 1 chapitre 57).   

Pour donner une preuve évidente de son argumentation, Machiavel donne l’exemple de César Borgia :

« César Borgia passait pour cruel, mais sa cruauté rétablit l’ordre et l’union dans la Romagne ; elle y ramena la tranquillité et l’obéissance » (Le Prince chapitre 17)

Il convient, cependant, selon Machiavel, de nuancer ce qui précède : dominer son peuple grâce à sa réputation de cruauté est une méthode utile et nécessaire de gouvernement à condition de ne la pratiquer que dans des limites restreintes.

La politique du Prince, comme je l’ai mentionné précédemment, doit être étroitement dépendante du rapport de force entre la majorité de la population et la minorité : si la majorité est satisfaite de sa politique, il n’aura rien à craindre.

« Je répéterai seulement qu’il est d’une absolue nécessité qu’un prince possède l’amitié de son peuple ». (Le Prince chapitre 9) 

Or, selon Machiavel, il est facile au Prince de se concilier ses sujets « puisque le peuple ne demande rien de plus que de n’être point opprimé. »(Le Prince chapitre 9) 

C’est dans cette perspective qu’il faut replacer l’importance de la cruauté du Prince : elle ne sera bien acceptée que si qu’elle préserve la paix sociale et la prospérité de ses sujets tant individuellement que collectivement. A l’inverse, ne pas punir les séditieux, c’est prendre le risque de voir le désordre s’instaurer, suscitant ainsi le mécontentement de la majorité de la population. 

« Un prince ne doit donc point s’effrayer de ce reproche, quand il s’agit de contenir ses sujets dans l’union et la fidélité. En faisant un petit nombre d’exemples de  rigueur, vous serez plus clément que ceux qui, par trop de pitié, laissent s’élever des désordres d’où s’ensuivent les meurtres et les rapines ; car ces désordres blessent la société tout entière, au lieu que les rigueurs ordonnées par le prince ne tombent que sur des particuliers ».(Le Prince chapitre 17)

Ce thème de « rigueur ordonné par le Prince » doit, selon Machiavel, être relativisé : il n’est ni bon ni souhaitable que le Prince agisse directement comme s’il était en première ligne, s’il a décidé qu’une personne doit être condamnée sévèrement, il est beaucoup plus profitable pour sa réputation que ce soit quelqu’un d’autre qui agisse à sa place. Cette méthode a un double avantage pour lui : 

. Si la condamnation émeut les gens au point de susciter des manifestations, ce n’est pas le Prince qui sera conspué de prime abord, mais le magistrat ayant instruit l’affaire, celui-ci servira de bouc émissaire et sera d’abord l’objet de la vindicte populaire. 

. Si la contestation devient trop virulente, le Prince pourra alors, en dernier recours, gracier le condamné, il fera alors la preuve de sa grandeur d’âme et de son humanité. 

C’est ce que Machiavel indique dans l’extrait suivant : 

« Le prince doit se décharger sur d’autres des parties de l’administration qui peuvent être odieuses, et se réserver exclusivement celles des grâces », (Le Prince, chapitre 19)

Ainsi, se développe une stratégie en trois phases qu’il convient de suivre en cas de problèmes  : le Prince ordonne, le magistrat condamne, le Prince pardonne  Selon moi, cette idée est utopique, car, quoi qu’il fasse, les mécontents le rendront responsable de ce qu’ils considèrent comme injuste. 

Pourtant, il peut se produire des moments où le mécontentent gagne la population dans son ensemble . En ce cas, Machiavel montre que le Prince doit tirer parti de la perversité naturelle des hommes : en effet, « réunis, les hommes sont remplis de courage, mais que lorsque chacun vient à réfléchir à son propre danger, il devient faible et lâche » (discours livre 1 chapitre 57) 

Lorsqu’une révolte contre le Prince se produit, deux cas peuvent se produire : 

    . Si les insurgés n’ont pas de chefs, il lui suffit d’attendre bien à l’abri dans son château :  «  En effet, lorsque les esprits sont refroidis, et que chacun voit qu’il faut retourner chez soi, on commence à perdre la confiance qu’on avait dans ses propres forces, on pense à son propre salut, et l’on se décide à fuir ou à traiter. » (discours, livre 1 chapitre 57) 

    . Dans le cas où les insurgés se sont donné un chef, il suffit de l’arrêter et de le condamner sévèrement pour faire peur à tous ceux qui le suivaient par la crainte des châtiments pouvant leur être infligés. 

Pour parfaire cette partie concernant la cruauté du Prince, je voudrais citer un extrait du Prince qui résume assez bien la manière de l’éduquer afin qu’il puisse régner longtemps sur ses sujets même en cas d’adversité : 

« Il doit toutefois ne croire et n’agir qu’avec une grande maturité, ne point s’effrayer lui-même, et suivre en tout les conseils de la prudence, tempérés par ceux de l’humanité ; en sorte qu’il ne soit point imprévoyant par trop de confiance, et qu’une défiance excessive ne le rende point intolérable. » (Le Prince chapitre 17)


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