LE PRINCE (7)
ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES.
LES QUALITÉS DONT DOIT FAIRE PREUVE LE PRINCE
La RÉACTIVITÉ IMMÉDIATE AUX CIRCONSTANCES
C’est un élément fondamental de la politique du Prince, il doit apprendre à improviser très vite des solutions valables et efficaces face à un événement inattendu.
Il convient d’abord de rappeler que le Prince doit apprendre à dissimuler sa vraie nature, il dispose donc de toute une panoplie de comportements à adopter face à ses sujets :
« les uns procèdent avec circonspection, les autres avec impétuosité ; ceux-ci emploient la violence, ceux-là usent d’artifice ; il en est qui sont patients, il en est aussi qui ne le sont pas du tout : ces diverses façons d’agir quoique très différentes, peuvent également réussir » (le Prince chapitre 25)
Ces méthodes ne sont cependant pas la panacée, elles doivent être adaptées selon les circonstances et surtout en fonction des événements imprévus qui pourraient survenir.
« Ainsi, par exemple, un prince gouverne-t-il avec circonspection et patience : si la nature et les circonstances des temps sont telles que cette manière de gouverner soit bonne, il prospérera ; mais il déchoira, au contraire, si, la nature et les circonstances des temps changeant, il ne change pas lui-même de système ».(ibid)
Cette capacité d’adaptation immédiate aux aléas du moment est, selon Machiavel, très difficile à mettre en œuvre, les Princes et plus généralement tous les êtres humains, quand ils ont déterminé une forme personnelle de manière d’être, ont beaucoup de mal à sortir de leur routine et à assumer un changement complet de mentalité pour passer un cap difficile. D’une manière plus générale, il faut sans cesse se remettre en question si on veut saisir sa chance.
« Changer ainsi à propos, c’est ce que les hommes, même les plus prudents ne savent point faire, soit parce qu’on ne peut agir contre son caractère, soit parce que, lorsqu’on a longtemps prospéré en suivant une certaine route, on ne peut se persuader qu’il soit bon d’en prendre une autre. » (ibid)
« Je conclus donc que, la fortune changeant, et les hommes s’obstinant dans la même manière d’agir, ils sont heureux tant que cette manière se trouve d’accord avec la fortune (au sens antique de chance) ; mais qu’aussitôt que cet accord cesse, ils deviennent malheureux »
S’adapter sans cesse aux circonstances, c’est aussi s’adapter à son époque, ainsi, il faut être violent et impétueux quand l’époque elle-même est violente. C’est le cas en particulier dans l’Italie du 16e siècle : Machiavel, à cet égard, cite l’exemple du pape Jules ll :
« Le pape Jules II fit toutes ses actions avec impétuosité ; et cette manière d’agir se trouva tellement conforme aux temps et aux circonstances, que le résultat en fut toujours heureux.
Considérez sa première entreprise, celle qu’il fit à Bologne… Jules s’y précipita avec sa résolution et son impétuosité naturelles, conduisant lui-même en personne l’expédition ; et, par cette hardiesse, il tint les Vénitiens et l’Espagne en respect, de telle manière que personne ne bougea … Jules obtint donc, par son impétuosité, ce qu’un autre n’aurait pas obtenu avec toute la prudence humaine ; car s’il avait attendu, pour partir de Rome, comme tout autre pape aurait fait, que tout eût été convenu, arrêté, préparé, certainement il n’aurait pas réussi. »
Je ne parlerai point ici des autres opérations de ce pontife, qui, toutes conduites de la même manière, eurent pareillement un heureux succès. » (ibid)
Ce comportement impétueux réussit dans l’Italie du 16e siècle empreinte de violence mais à une autre époque, ce pape n’aurait pas aussi facilement réussi :
« Du reste, la brièveté de sa vie ne lui a pas permis de connaître les revers qu’il eût probablement essuyés s’il était survenu dans un temps où il eût fallu se conduire avec circonspection ; car il n’aurait jamais pu se départir du système de violence auquel ne le portait que trop son caractère ».(ibid).
Machiavel termine ce chapitre 25 par un aphorisme quelque peu misogyne qui laisserait pantois s’il était prononcé à notre époque :
« Je pense, au surplus, qu’il vaut mieux être impétueux que circonspect ; car la fortune est femme : pour la tenir soumise, il faut la traiter avec rudesse ; elle cède plutôt aux hommes qui usent de violence qu’à ceux qui agissent froidement » (ibid)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire