REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

vendredi 29 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (79) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

Pour illustrer  en quelques images les chapitres précédents concernant les forteresses des Etats francs de Terre sainte et les paysages des lieux saints, je n'utiliserai pas de photos actuelles car, selon moi, aucune de ces photos ne rend l'atmosphère si particulière de la Terre sainte. En outre,  les paysages ont été tant bouleversés par la civilisation moderne qu'ils ne signifient plus rien à l'exception toutefois des lieux saints proprement dits, conservés à l'intérieur des églises du  saint Sépulcre, de Bethléem et de Nazareth.

IMAGES DES PÈLERINAGES

Afin de tenter de retrouver les impressions mentales des pèlerins venant prier sur les lieux saints, mieux vaut se référer aux gravures et tableaux peints par des artistes du 19ème siècle, ils représentent en effet des paysages qui devaient largement ressembler à ceux de l'époque des Etats francs

Les pèlerins arrivaient à Jaffa ou à Acre. Ils avaient accompli un long trajet généralement maritime ; partis pour la plupart d'Italie du sud, il leur avait fallu plus d'un mois pour arriver en Terre Sainte. Ainsi Philippe Auguste, parti de Messine le 30 mars 119,  arrive devant Acre le 20 avril, le Cardinal Thiard Visconti se trouve à Acre quand il apprend qu'il a été élu pape (Grégoire X), il part d'Acre le 11 ou le 18 novembre 1271 et arrive à Brindisi le 1er janvier 1272, soit un trajet de 20 jours pour le roi de France et de 42 ou 50 jours pour le nouveau pape.

Les deux gravures (Jaffa de Woodward et Acre de Bartlett) représentent ces deux ports. Outre le soulagement d'avoir atteint la Terre Sainte, ce qui devait frapper les pèlerins en arrivant à Acre ou Jaffa, c'était la puissance des remparts bordant la mer et battus par les flots ; on devait ressentir un sentiment d'indestructibilité de ces murailles que la mer ne faisait d'effleurer sans pouvoir les détruire ; on avait aussi cette impression que rien ne pourrait chasser les francs de ces terres,  considérées comme conquises pour l'éternité. Puis ils rentraient dans le port et accostaient enfin ; la ville leur apparaissait alors avec ses petites maisons cubiques ; leur étonnement devait être grand face à ce paysage qui ressemblait un peu à l'Italie mais surtout manifestait le dépaysement de l'orient.

Puis les pèlerins s'organisaient pour le départ vers les Lieux-Saints. En général, ils s'agrégeaient à un groupe,  partaient à pieds accompagnés de quelques mules et  louaient souvent les services d'un guide local. S'ils étaient arrivés à Jaffa, ils se rendaient d'abord à Jérusalem. Les deux gravures (Miller 1860 et Stanfield 1852) présentent Jérusalem sans doute comme la virent les pèlerins du 13eme siècle

La vue générale est celle qu'ils aperçurent de la ville sainte depuis le mont des Oliviers, ils furent sans doute immédiatement saisis par la beauté du lieu et surtout par sa sacralité. En un regard, toute l'histoire sainte se déployait devant leurs yeux : l'esplanade du Temple, l'ancien dôme du Rocher, devenu une église que les francs avaient surmontée d'une croix, la Porte Dorée, encore ouverte à cette époque, par où Jésus serait entré à Jérusalem  le jour des rameaux et où il réapparaîtra pour le jugement dernier, le jardin des oliviers de l'agonie..

Le moment le plus fort du pèlerinage était bien entendu la visite au Saint-Sépulcre, quand les pèlerins arrivaient devant l'entrée que l'on aperçoit ci dessus, il est probable qu'ils devaient ressentir une forte émotion assortie d'une ferveur exaltée et d'une grande allégresse, ils étaient enfin arrivés ! Pourtant, autrefois comme aujourd'hui, ils ne pouvaient effectuer qu'un bref séjour devant la pierre sur laquelle fut, selon la tradition, déposé le corps du Christ, tant il y a de monde. Il est probable néanmoins qu'en sortant, beaucoup de pèlerins devait se sentir soulagés et heureux à la fois d'avoir accompli leur vœu et, en conséquence, d'avoir obtenu la rémission de leurs péchés. Ensuite, il leur était possible d'être hébergé à l'hôpital  des hospitaliers de saint Jean de Jérusalem qui se trouvait à quelques pas du Saint Sépulcre.

La représentation du saint Sépulcre sur cette gravure montre l'édifice après sa reconstruction terminée en 1149.

mercredi 27 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (78) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

LA MISE EN DEFENSE DES POSSESSIONS ORIENTALES DU ROYAUME DE JERUSALEM (suite)

La SEIGNEURIE D'OUTRE-JOURDAIN était dans une situation très différente de la TERRE de SUETE au niveau de son système de défense comme au niveau de sa géographie.

Elle se déploie en bandes longitudinales avec d'Est en Ouest :
     . Le fossé d'effondrement qui se poursuit de la vallée du Jourdain à la mer Morte puis au Wadi Araba jusqu'à la mer Rouge. Dans sa partie nord, cette région était, à l'époque des croisades, bien cultivée.
     . A l'est de ce fossé se trouve le rebord de faille qui constitue un massif montagneux échancré de vallées courtes descendant vers le fossé.
     . Au piémont oriental de ce massif se trouve une bande nord-sud de zones cultivées au moyen de l'irrigation ainsi que des espaces propices à l'élevage.
    . Au delà, se développe un plateau qui descend insensiblement jusqu'au désert. Ce plateau devient de plus en plus aride vers l'est.

La Seigneurie d'Outre-Jourdain ne comportaient pas de villes et était peuplée essentiellement de semi-nomades, capables de se muer en pillards et dont il fallut contrôler les déplacements.

La frontière orientale présente les mêmes caractéristiques que la frontière sud du royaume, elle est imprécise et fluctuante, de ce fait, le système défensif comporte une chaîne de fortins et de forteresses d'arrêt destiné à stopper toute invasion. En ce sens, la Seigneurie d'Outre-Jourdain présente une situation très différente de celle de la TERRE DE SUETE qui pouvait compter sur l'arrivée rapide de l'ost venu de Galilée en cas d'invasion ; la seigneurie d'Outre-Jourdain ne possédait pas le même avantage : très éloignée du reste du royaume, ( il fallait pour y accéder contourner la Mer Morte)  elle ne devait compter que sur ses propres structures défensives.

On pourrait penser que cette seigneurie qui comporte en grande partie des déserts inhabités serait pauvre et de faible revenu, ce n'est cependant pas le cas car une route très importante la parcourt du Nord au Sud.

Cette route passe au pied des montagnes qui constituent le rebord de faille et correspond :
      - en premier lieu à une voie commerciale qui mène à la Syrie et à la mer Rouge  ; par là, passent les caravanes menant vers le Nord les produits venus des Indes, d'Afrique et d'Arabie,  passant par la mer Rouge et transitant à Eilat. En retour, les caravanes emmènent les produits des contrées septentrionaux vers l'orient.
     - En deuxième lieu, à la route des caravanes de pèlerins venus du nord se rendant puis revenant du pèlerinage à La Mecque et Medine. Ils arrivent par cette route jusque Eilat, prennent un bateau et débarquent à Djeddah.

Dans ces conditions, il est évident que les forteresses des francs et les fortins épars ont été établies le long de cette voie ou à faible distance de celle-ci. En effet, le seigneur d'Outre-Jourdain percevait un péage sur les caravanes, en échange, il devait assurer la sécurité sur leur parcours.

Ainsi les forteresses et fortins avaient un double rôle local :
     . Surveiller les mouvements des pillards venus de l'est,
     . Sécuriser la voie des caravanes tant de commerçants que de pèlerins.
A ce double rôle s'ajoutait une fonction d'ensemble qui était de constituer une marche frontière protégeant le royaume de Jérusalem en avant de la mer Morte.

Le seigneur d'Outre-Jourdain disposait également d'un revenu annexe sous forme d'un droit sur les flottilles de bateaux qui parcouraient la Mer Morte alors navigable, menant vers le nord les produits des oasis établies à la frange montagneuse du rebord oriental de faille.

La construction des forteresses importantes de la Seigneurie d'Outre-Jourdain est étroitement dépendante de la phase de constitution de la Seigneurie qui débute en 1116 :
     - en 1116, le roi Baudouin 1er effectue plusieurs expéditions pour réaliser la conquête de l'Outre-Jourdain, il arrive jusqu'au port d'ELATH qu'il fortifie et construit les forteresses de VAL-MOYSE située près de PETRA et du KRAK DE MONTRÉAL qui devient le centre de la seigneurie. Cette seigneurie est donnée en fief en 1118 à Romain du Puy mais celui-ci sera dépossédé de ses terres en 1132 par le roi Foulques pour cause de félonie.
     - le fief est ensuite remis à Payen le Bouteiller qui va faire construire la forteresse du KRAK DE MOAB (KERAK) en 1142 afin de protéger la partie nord de la seigneurie des incursions des nomades.
     - enfin, en 1162, un accord entre Baudouin II et Philippe de Milly seigneur de Naples (Naplouse) indique que le roi recevra tous les fiefs possédés par Philippe à Naplouse et Tyr ; en échange, Philippe recevra toutes les possessions royales outre Jourdain, ce qui unifie la seigneurie autour du même vassal. Philippe de Milly entrera dans l'ordre du Temple et il cédera la forteresse d'AHAMANT (Amman) à l'ordre dont il deviendra le maître.

Jusque 1170, la seigneurie d'Outre-Jourdain vit dans une paix relative : elle est, en quelque sorte, un no-man's-land entre deux Etats qui ne sont pas en bons termes, l'émirat de Damas sunnite et le califat fatimide d'Egypte chiite. D'ailleurs, aucun des deux Etats ne formule de revendications particulières sur ces territoires.

Tout va changer à l'époque de Nur al Din et surtout de Saladin qui prit le pouvoir en Égypte en abolissant le califat fatimide en 1171 etse rendit maître de Damas en 1174. Pour Saladin, la Seigneurie d'Outre-Jourdain était devenu un obstacle majeur pour l'unification de ses Etats. Pourtant il ne fut pas à l'origine de la guerre qui aboutit à la conquête de l'Outre Jourdain et au quasi-anéantissement du royaume de Jérusalem après la bataille de Hattin ;  celui qui en fut responsable fut un aventurier cupide et un brigand sans scrupules, Renaud de Châtillon.
   

mardi 26 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (77) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

LA MISE EN DEFENSE DES POSSESSIONS ORIENTALES

les possessions du royaume de Jérusalem à l'est du Jourdain forment, comme il a été dit plus avant, deux excroissances : la TERRE DE SUETE et la SEIGNEURIE D'OUTRE-JOURDAIN. Chacune possède ses spécificités et sont très différentes l'une de l'autre.

La TERRE DE SUETE est une région peuplée comportant de nombreux villages. Elle constitue une sorte de marche frontière en tant que position avancée du royaume de Jérusalem face aux positions damascènes et à Damas qu'elle menace directement. En conséquence, sa frontière est fluctuante dépendant des rapports de forces entre le roi de Jérusalem et l'atabeg de Damas.

Cette caractéristique a pour conséquence le fait qu'on ne trouve pas dans cette terre de Suete  de grandes forteresses ; la seule que les francs tentèrent de construire fut démantelée avant son achèvement ; en effet, la construction d'une grande structure prend beaucoup de temps et pendant cette période, elle est vulnérable aux attaques. Dans cette région peuplée, il était préférable, pour contenir une attaque ennemie, de compter sur un maillage assez dense de nombreux petits fortins d'arrêt entourés d'un lacis de villages fortifiés appelés casal.

Le rôle militaire de ces fortins est néanmoins limité : elles ne servent qu'à arrêter l'ennemi en attendant l'arrivée de troupes venues du royaume. La terre de Suete est en effet proche de la Galilée et d'ailleurs, elle est possession de son prince. En cas d'attaque, ces fortins peuvent contenir l'avancée de l'ennemi en attendant l'arrivée de l'ost princier.

Ces petites structures sont de trois sortes :
     . Des tours-donjons établies sur des hauteurs réputées  inaccessibles,
     . La réutilisation de ruines antiques ( temple de Zeus à Jerash par exemple)
     . Des châteaux troglodytes dans les grottes des versants.

A ce rôle militaire limité s'ajoutaient deux autres fonctions plus immédiates :
     . Imposer et affirmer la souveraineté des francs sur les villages,
     . Assurer la sécurité moyennant péage des caravanes parcourant le pays sur la grande voie qui mène de Syrie à l'Arabie et à l'Egypte.

lundi 25 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (76) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

 Les forteresses protégeant les lieux stratégiques et les zones frontalières (suite)

La frontière sud.

La défense  de la limite sud du royaume de Jérusalem n'était pas organisée selon nos concepts actuels, on ne pouvait en effet pas parler de frontière fixe mais plutôt d'un glacis aux limites imprécises et fluctuantes : cette caractéristique s'explique sans peine : le sud du royaume est constitué d'un désert coupé seulement de quelques oasis dans lequel une limite frontalière est exclue à cette époque,

Ces caractéristiques expliquent la manière dont est organisée la défense de cette partie du royaume : elle se compose de forteresses verrouillant les voies d'invasion possible et permettant de lancer des offensives vers le sud.

Une telle structuration de l'espace qui avait été réalisée pour le siège d'Ascalon était parfaitement adaptée à la défense du sud du royaume, ce qui explique qu'elle n'a pas été ni modifiée ni même complétée :
     . IBELIN  (11) gardait la route côtière au nord.
     . GAZA (12) et DARUM (13) contrôlaient la voie littorale provenant d'Égypte, barraient toute incursion provenant du sud mais aussi permettaient aux francs de lancer des attaques contre l'Egypte.
     . BETHGIBELIN (10) et  BLANCHE GARDE (9) puis au delà, le TORON DES CHEVALIERS (4) protégeaient la route  partant de Gaza vers Jérusalem et Hebron.

La partie Sud-Est du glacis frontalier au delà d'Hebron ne disposait que quelques postes de défense échelonnés sur la piste qui part d'Hebron, contourne la mer Morte et se continue dans la Seigneurie d'Outre-Jourdain ; cette quasi-absence de système défensif s'explique sans peine :
     . D'abord, on se trouve dans un désert à l'écart des voies de communication et d'invasion, la route par où les armées fatimides attaquaient était essentiellement celle du littoral.
     . Ensuite, cette zone était englobée dans les Etats francs puisque la Seigneurie d'Outre-Jourdain se déployait largement à l'est de la mer Morte. La ligne défensive était donc reportée plus à l'Est.

dimanche 24 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (75) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

 Les forteresses protégeant les lieux stratégiques et les zones frontalières (suite)

La partie centrale du royaume de Jérusalem 


En arrière du littoral à l'ouest et de la route Jérusalem-Nazareth se trouve une ligne intermédiaire de châteaux comportant deux tronçons :
     . Dans sa partie sud, ont été construites  des forteresses au niveau du piémont montagneux ; elles  peuvent constituer une seconde ligne de défense du littoral, cependant leur rôle primordial semble être plutôt de former le centre des seigneuries que les francs se sont constitués et qui dominent la plaine où sont établis les villages et terres assujetties. C'est le cas pour le château de MIREBEL (37), de CACHON (38) ou de CALENSUE (38) qui fut cédé ensuite aux Hospitaliers. Gardant la route de Naplouse à Cesarée se trouvait le CASTELLUM AERAE (39) appartenant aux templiers.
     . Le deuxième tronçon correspond à la vallée de l'Esdrelon qui est située entre les monts Carmel au sud et les derniers contreforts du mont Liban au nord. Cette plaine se termine par une large baie entre Haiffa et Acre. Ont déjà été cités les deux forteresses templières de SAFRAN (21) et de SAPHORIE (20) au nord de la plaine, protégeant la route des pèlerins de TIBERIAS (17) à ACRE. Au sud de la plaine se trouve, entre autre, le château de LA FEVE (40)

Ainsi, dans cette partie centrale apparaissent nettement cinq bandes longitudinales :
     . La bande littorale associant ports fortifiés et forteresses qui gardent la route longeant le rivage.
     . Une bande établie au niveau du piémont des monts de Judée comportant des châteaux qui forment  le cœur des seigneuries se développant en contrebas.
     . La voie des pèlerins de Jérusalem à Nazareth protégée par quelques fortins.
     . La ligne de forteresses au niveau des voies de passage possible à travers les monts de Judée.
     . La ligne naturelle des crêtes des mont de Judée et du Jourdain.

samedi 23 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (74) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Les forteresses protégeant les lieux stratégiques et les zones frontalières 

La protection de la Galilée et du nord de la Judée 

Cette zone qui jouxte l'état de Damas est une des plus sensibles du royaume par le fait qu'on y trouve les seules voies de communication entre le royaume franc et l'émirat voisin, ces voies de communication devenant épisodiquement des routes d'invasion et d'incursions dans un sens ou dans l'autre. Hormis dans cette région, la protection du Nord du royaume de Jérusalem est assurée par les reliefs naturels, mont Liban au nord et monts de Judée au sud.

Une première voie de passage est constituée par une dépression qui sépare la Haute-Galilée de la Basse. Elle est parcourue par une voie importante partant d'Acre et conduisant à Damas en passant par un gué sur le Jourdain appelé le GUÉ DE JACOB. Ce chemin qui servait aussi aux pèlerins était gardé par la puissante forteresse de SAFED (19) construite dans les années 1100 et cédée aux templiers en 1168.

Pour les templiers, cette forteresse ne suffisait pas, c'est pourquoi l'Ordre décida en 1178 d'en construire une nouvelle plus l'est, au niveau même du fleuve et du GUÉ DE JACOB, LE CHASTELET. (25) La construction de ce château  posa problème au roi de Jerusalem Baudouin V (roi de 1183 à 1186) qui avait, à l'époque, signé une trêve avec Saladin. Ce dernier était en pleine constitution de son état, il s'était rendu maître de l'Egypte en mettant fin au califat fatimide en 1171, il s'était emparé de l'émirat de Damas en 1174 puis avait entamé la conquête de l'émirat d'Alep en s'emparant de Homs et de Hama ; la construction du CHASTELET risquant de faire rompre la trêve, le roi de Jérusalem  était venu avec l'ost royal protéger la construction.

Au sud du lac de Tibériade,  le long du Jourdain se trouvent deux forteresses :
     . LE BESSAN, (26) la première de Galilée, construite par Tancrède à qui Godefroy de Bouillon a concédé le titre de prince de Galilée et qui devait conquérir son fief. Ce château servait à la fois de refuge et de base de départ pour des razzias à l'Est du Jourdain.
     . Beaucoup plus importante pour la défense du royaume était la forteresse de BELVOIR (27) tenue par les Hospitaliers et située au débouché d'un pont  sur le Jourdain, appelé pont de la Judaire. Outre ce passage sur le Jourdain, le château, situé sur un promontoire, surveille la route qui part de Tibériade et permet de gagner le BESSAN et Naplouse(13)

En haute Galilée, on trouve d'abord en remontant vers le Nord, les trois forteresses qui ont servi à la prise de Tyr en effectuant un blocus terrestre autour de la cité et en contrôlant les voies de communication qui aboutissaient la ville : CHASTEL IMBERT (28), SANDELION (29), LE TORON (30).

 A ce niveau, le prince de Galilée voulut étendre sa domination vers l'est, il s'empare en 1129 de BELINAS (31), l'ancienne Cesarée de Philippe, il construisit pour contrôler la région et barrer la route à une invasion venue de Damas la forteresse de SUBEIBE (32) sur les dernières pentes du mont Hermon. Cette conquête fut cependant éphémère : dès 1140, la zone est perdue pour le prince de Galilée ; ces événements sont exactement semblables à ceux qui eurent lieu dans le comté de Tripoli avec la prise de Rafanée, la construction de Montferrand et la perte de ces deux sites.

Il fallut reporter la défense le la région plus à l'ouest avec la construction de CHATEAUNEUF (33) par le sire de Toron.

Plus au nord, se trouve la vallée du Litani, ce fleuve coule du Nord au Sud empruntant la vallée de la Beqa puis il oblique à angle droit et se jette dans la mer au nord de Tyr. Cette voie possible d'attaque est gardée par la puissante forteresse de BEAUFORT (34) , elle est établie sur un promontoire suffisamment élevé pour que du haut, on aperçoive la mer. Le château appartenait à l'origine à l'émirat de Damas, il fut abandonné au roi Foulques de Jérusalem par l'atabeg de Damas puis concédé au sire de Sagette qui le fit reconstruire.

Au nord de la vallée du Litani, se déploie la partie du mont Liban formant une barrière massive et peu franchissable, avec de courtes vallées  comme celle du Nahr Aouli ; deux forteresses ont été construites pour surveiller cette vallée : BELHACEM (35) établie sur le versant escarpé d'un coude de la rivière et le château troglodyte de CAVE DE TYRON (36).

vendredi 22 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (73) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Les forteresses bordant les chemins de pèlerinage (suite)

De Jérusalem, les pèlerins se rendaient aussi vers la Galilée pour y prier aux endroits les plus importants de la vie et de la prédication de Jésus . Le chemin passe d'abord près du MONT DE LA TENTATION (12) gardé par une tour appartenant aux templiers, puis les pèlerins prennent la route de NAPLES (Naplouse) (13) A quelques distances de cette ville, ils peuvent se rendre au PUITS DE JACOB où Jésus rencontra la samaritaine. Ensuite, le chemin passe par la ville de SÉBASTE (14), l'ancienne Samarie dans laquelle ils prient sur la tombe de saint Jean le Baptiste ; c'est ensuite NAZARETH (15) avec la possibilité pour les plus valides de monter en haut du MONT THABOR, là où eut lieu la transfiguration (selon certains la transfiguration aurait eu lieu au mont Hermon, dans cette hypothèse, le mont Thabor aurait été le lieu du sermon sur la montagne : il convient de ne pas en tenir compte, ce qui est important, c'est ce que les pèlerins pensaient)

Cette partie de la route n'est gardée par quelques fortins et casaux ( villages fortifiés), cela s'explique par le fait qu'elle est relativement sûre :
     . elle longe en effet sur le haut versant des monts de Judée, montagne massive et retombant en un versant abrupt sur la vallée du Jourdain, ce qui exclut toute attaque de ce côté,
     . elle est protégée à l'est par de grandes forteresses établies aux lieux  stratégiques où se trouvent les rares lieux de passages possibles et à l'ouest par une ligne de fortins situés au pied des monts de Judée et que j'évoquerai dans le cadre des forteresses gardant les frontières et les points stratégiques.

Après Nazareth, les pèlerins se rendent à au lieu présumé des noces de CANA (16) (où Jésus transforma l'eau en vin) puis ils arrivent sur la voie menant vers TIBERIAS (17) et suivront les rives du lac jusque MAGADA ( Jésus y remis ses péchés à Marie Madeleine), TAGBHA ( mont des béatitudes où Jésus fit son sermon sur la montagne et enfin CAPHARNAÜM. (18) au cours de ce périple, ils pourront prier sur les lieux où Jésus fit de nombreux miracles et où se trouvaient les maisons de la plupart des apôtres dont saint Pierre.

Comme pour l'étape précédente, on ne trouve pas de grandes forteresses sur cette partie de l'itinéraire, le lac de Tibériade est en effet une zone bien protégée par les francs :
      . A l'est, se trouvent la TERRE de SUETE qui constitue un glacis de protection,
      . Au nord comme au sud du lac de Tibériade se trouvent de puissantes forteresses qui gardent les gués sur le Jourdain et la frontière.

Les pèlerins prennent ensuite le chemin du retour, plusieurs chemins sont possibles : de TIBERIAS, on peut remonter vers le Nord pour rejoindre la route d'Acre mais on peut aussi prendre une route plus au sud qui aboutit au littoral. Sur ces deux routes se trouvent des forteresses :
     . Sur la route du Nord se trouve SAFED (19), forteresse  des templiers dont le rôle premier est de surveiller la route de Damas,
     . Sur la route plus au sud se trouvent deux châteaux : SAPHORIE (20) (non loin de là se rassemble l'ost royal pour des opérations en Galilée) et LE SAFRAN (21) tous deux possessions  de l'ordre du Temple.

Une fois sur le littoral,  les pèlerins peuvent emprunter la route côtière, ce qui permet de passer par le MONT CARMEL (22). Sur cette route côtière, un seul point est dangereux : un étroit défilé au sud de Caiffa à l'endroit où les derniers contreforts du mont Carmel bordent le littoral qui fut longtemps un repaire de brigands détroussant les voyageurs. Pour la protection de ceux-ci, les templiers  construisirent la TOUR DU DÉTROIT (23), plus au sud se trouve un autre château appelé LE MERLE (24) avec le même rôle de protection.

Ces itinéraires que je viens de citer sont effectués par la plupart des pèlerins mais avec des variantes :
    . On peut choisir tout ou partie de ces chemins de pèlerinage selon ce que l'on ressent,
    . Il est aussi possible de faire l'itinéraire à l'envers, en partant d'Acre puis en se rendant en Galilée puis en descendant jusqu'au Saint-Sépulcre et à Bethleem. Ce type de circuit sera de plus en plus utilisé au 13e siècle quand, après Hattin, Jérusalem sera perdu.
    . Enfin, les guerres et incursions venues de l'Est empêchent de se rendre dans certains endroits trop dangereux au niveau de la sécurité.

mercredi 20 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (72) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Les forteresses qui se trouvent dans le royaume même peuvent être classées en deux grandes catégories :
      . Les forteresses qui jalonnent, contrôlent et surveillent  les itinéraires de pèlerinage,
      . Les forteresses qui protègent les frontières,

Les forteresses gardant les chemins de pèlerinage

Une grande majorité des pèlerins arrive en terre sainte au moyen des bateaux italiens de Venise et  de Gènes. Il existait deux ports principaux de débarquement, JAFFA et ACRE ; le premier fut surtout utilisé dans les premières années du royaume, le second sera le lieu d'arrivée de la très grande majorité des pèlerins au 13e siècle. En conséquence, l'itinéraire du pèlerinage peut se faire dans les deux sens selon le lieu de débarquement.

Je prendrai ici l'exemple d'un pèlerin qui débarque à Jaffa.

 il est très rare que des pèlerins accomplissent leur périple seul, ils cheminent par petits groupes et prennent souvent un guide, ce qui conduit à ce que les itinéraires tendent à se figer avec un cheminement qui est quasiment le même pour tous.

A partir de Jaffa, les pèlerins se dirigent vers LYDDA (1) (où ils vénèrent saint Georges) puis vers RAMLEH (2). Ensuite, la route se scinde en deux tronçons chacun défendu par une puissante forteresse établie au niveau des défilés qui permettent la traversée des monts de Judée.
     . Sur la route du Nord se trouve CHASTEL HERNAUT. (3) Cette forteresse de l'époque de Baudouin 1er fut détruite avant d'être terminée par une attaque conjointe des garnisons Fatimides d'Ascalon, de Tyr, Sidon et Beyrouth. Elle fut reconstruite par les habitants de Jérusalem et fut confiée aux templiers par le roi de Jérusalem en 1179
     Sur la route du Sud se trouve le TORON DES CHEVALIERS (4)  qui sera donné aux templiers en 1229, postérieurement à la bataille de Hattin. Cette forteresse est établie à un croisement entre la route qui mène à Jerusalem et celle d'Ascalon, c'est sur cette derrière route que se trouve BLANCHE GARDE et BETHGEBELIN. Un plus loin sur la route de Jérusalem, se  trouve BELMONT confié aux Hospitaliers.

Apres avoir accompli leur pèlerinage à JERUSALEM , les pèlerins peuvent se rendre vers le sud ou remonter vers la Galilée.

Au sud se trouvent Bethanie, BETHLEEM, (5) puis  HEBRON (avec la tombe des patriarches et de leurs femmes : Adam Abraham, Isaac, Jacob, et l'endroit où aurait été façonnés Adam et Ève) ; certains peuvent ensuite gagner LE MONT SINAÏ et le monastère sainte Catherine. Sur ce parcours, on ne trouve que de petits fortins, en effet, cette route ne nécessite pas de protection importante , elle est bordée par la mer Morte et se dirige vers le désert, hors des voies habituelles d'invasion.

Un autre itinéraire se dirigeait vers le Nord-Est en passant par JERICHO (6). Le but est d'arriver au Jourdain sur le lieu où Jésus aurait été baptisé par Jean le Baptiste. Les pèlerins se baignent dans l'eau du fleuve (7),  comme s'ils voulaient renouveler leur propre baptême.

Cet itinéraire était protégé par la forteresse de MALDOUIN (8) ainsi que par la  TOUR DU BAPTÊME sur le Jourdain. Ces deux  lieux fortifiés étaient aux mains des templiers.