REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

jeudi 9 juin 2016

LA LIBERTÉ (41) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES.

LES CONCEPTEURS DES GENOCIDES (suite)

Il va de soi que seule compte ici la démarche d’Hitler qui le conduisit vers ce qui sera plus tard le 3e Reich et l’holocauste ; l'intérêt de «  Mein Kampf » réside pour moi dans le fait qu’il a été écrit en 1924-25 et qu’il ne témoigne que des mécanismes qui ont conduit le futur Führer à initier, entre autre, une terrible guerre et un des pires génocides du 20e siècle.

Seule le cheminement qui fut le sien  vers le casier de «  l’être en soi » et vers le choix de ses valeurs m'intéresse ici.

Orphelin très tôt, Hitler interrompt ses études et se rend à Vienne à la fois pour gagner sa vie, tenter de s’établir en tant qu’artiste peintre et  s’initier à l’architecture (il avait tenté d’entrer à l’académie des beaux arts et avait été refusé pour ses peintures mais ses examinateurs avaient discerné en lui une aptitude à l’architecture)

Il vit difficilement et même connaît la misère, alternant de courtes embauches à la tâche et de longues périodes de chômage. Pourtant son séjour à Vienne fut pour lui décisif car il y forgea l’essentiel de ses convictions. Dans cette grande capitale cosmopolite et multiculturelle qu'était Vienne, il fut en effet amené à côtoyer et à s’intéresser à toutes ses composantes sociales : les ouvriers avec qui il travaillait, la bourgeoisie, la « social-démocratie », les parlementaires, les juifs.. Pour chacune de ces catégories, Il se livra systématiquement à la démarche habituelle de ceux qui ne veulent pas se cantonner à la  superficialité  des choses : après avoir observé le monde qui l’entourait, il vérifiait si ses observations et prises de position étaient corroborées dans les livres et la presse qui traitaient du sujet.

Cette démarche est proprement celle de la connaissance de soi :
   . Je constate des faits et j’en tire des conclusions mais il se peut qu’elles ne soient que subjectives,  ressortant seulement du paraître.
   . Je vérifie si mes conclusions  peuvent être affirmées indubitablement au vu de la documentation dont je dispose.
   . J’établis, en usant de ma raison, une synthèse de tout ce que j’ai appris et afin de me constitue une valeur en soi que je peux inscrire dans mon « casier de l’être en soi ».

Dans cette phase de recherche, rien, pour Hitler,  n’est encore ni figé ni définitif, il se peut que de nouvelles observations lui fasse remplacer une valeur par une autre s’il constate que la valeur retenue précédemment n’était qu’une approximation.

Ainsi, le  séjour de Hitler  à Vienne, bien que difficile matériellement parlant, lui fut donc précieux, Il lui servit  à se forger des convictions dans la plupart des domaines qu’il mettra beaucoup plus tard en pratique ; il le reconnaît dans cet extrait du deuxième chapitre du tome 1 de «  Mein Kampf »

« Je remercie cette époque de m'avoir rendu dur et capable d'être dur. Plus encore, je lui suis reconnaissant de m'avoir détaché du néant de la vie facile, d'avoir extrait d'un nid délicat un enfant trop choyé, de lui avoir donné le souci pour nouvelle mère, de l'avoir jeté malgré lui dans le monde de la misère et de l'indigence et de lui avoir ainsi fait connaître ceux pour lesquels il devait plus tard combattre.

A ce point de vue mon destin me favorisa. Obligé de revenir dans le monde de misère et d'insécurité matérielle que mon père avait déjà connu, je perdis les œillères de ma trop étroite éducation de "petit bourgeois". J'appris alors à connaître les hommes et à distinguer entre une apparence creuse ou bien un dehors brutal, et leur véritable nature. Au début du siècle, Vienne était déjà une ville pleine d'iniquités sociales. »

A suivre...


mardi 7 juin 2016

LA LIBERTÉ (40) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES.


Suite de l’article précédent

LES CONCEPTEURS DES GENOCIDES
Au moment de leurs forfaits, les exécutants des génocides étaient esclaves d’eux-mêmes et d’un formatage extérieur puisqu'ils n’avaient plus accès à « l’être en soi » qui, seul, permet le choix des valeurs à mettre en oeuvre afin d’organiser sa vie autour de ces valeurs.

Qu’en est-il des concepteurs des génocides et des massacres de masse dont l’histoire fournit de nombreux exemples ? Etaient-ils libres au moment où ils concevaient ces massacres ?  Ceux-ci sont-ils la conséquence d'un choix rationnel et raisonné effectué dans le « tiroir des valeurs en soi », , ou sont-il le fruit de faux-semblants et des alibis que l'on trouve dans les « tiroirs du paraître » quand on dévie du droit chemin de la connaissance de soi ?

Si ces concepteurs de génocide dépassent  les voies du paraitre pour accéder à l'être en soi  et effectué  un tri dans le " tiroir des valeurs" pour en faire ressortir leurs théories, ils effectuent leurs choix en toute connaissance de soi et en toute liberté ; ce choix est ontologiquement admissible, par contre  il est évidemment condamnable et haïssable au niveau sociétal et humanitaire.

Encore faut-il s'entendre sur ce que l’on appelle concepteur de génocide : je  ne ferai pas entrer dans cette catégorie tous ces mégalomanes égocentriques qui se veulent les égaux du soleil, les représentants de Dieu sur terre,  qui ne se conçoivent qu'entourés d'une basse-cour de vils flatteurs  et pour qui la volonté  de puissance sert de justification aux batailles les plus sanglantes et aux massacres de masse : tous ces individus n’ont pas choisi les valeurs à laquelle ils se réfèrent, ils les ont simplement tirés des seuls tiroirs du paraître sans que jamais ils tentent par la connaissance de soi d’accéder aux valeurs de « l’être en soi » : il est facile de se prétendre investi d’une mission divine pour justifier n’importe quel ordre conduisant à la mort de milliers de gens ; par contre, il est beaucoup moins évident de se constituer par la raison des valeurs qui conduisent à des génocides.

De tels concepteurs de genocide existent-ils ? Oui, l'histoire en mentionne à toutes les époques : ce sont souvent des théoriciens, rarement au contact de la réalité, qui ne tuent pas eux-mêmes, ne mettent pas eux-mêmes en exécution leurs idées, mais les font réaliser par leurs sbires qu'ils réussissent à convaincre.

Les théoriciens qui entrent dans cette catégorie ne sont en aucun cas ce que l'on qualifie de malades mentaux, la maladie mentale étant, selon moi, une des formes pathologique du refus de la connaissance de soi ; dans cette perspective, il convient de se poser la question de leur démarche intellectuelle : comment peut-on choisir en toute liberté des théories conduisant aux crimes les plus affreux c’est à dire au mal ?

Rien n'est plus significatif de cette démarche intellectuelle que le "Mein Kampf" d'Adolf Hitler où se trouve une analyse logique et implacable qui conduisit au génocide.

À suivre

lundi 6 juin 2016

LA LIBERTÉ (39) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES.

Suite  de l’article précédent 

LES GÉNOCIDAIRES HUTU DU RWANDA
Voici quelques témoignages glanés au fil de mes lectures à ce propos ;  ils corroborent ma conception du  mécanisme  conduisant  un homme à devenir un génocidaire et que j’ai déterminée dans le précédent article : « machine à obéir », bref sentiment d’horreur, déshumanisation, « machine à tuer »

On retrouve d’abord chez les Hutus le formatage de la « machine à obéir » ; celui-ci n’est pas effectué comme chez les SS dans des écoles du parti mais par une propagande colportée en particulier par la radio des mille collines, c’est donc toute la population Hutu qui était  visée, on ne peut donc pas parler au Rwanda de prédispositions particulières au génocide de quelques individus égocentriques soucieux de paraitre et de reconnaissance.

Voici ci-dessous un premier témoignage qui le montre :
 «  Dans la rue, à l’école, au bar, au stade, [les Hutus] n’ont entendu et appris qu’une leçon : le Tutsi est un insecte qu’il faut piétiner. Sinon le Tutsi enlève ta femme, il viole tes enfants, il empoisonne l’eau et l’air. La Tutsie,  elle ensorcelle ton mari avec ses fesses. Quand j’étais tout petit on m’a dit que les Tutsis me tueraient si je ne le faisais pas avant. » 

Ce formatage des esprits par la propagande ne conduisait pas inéluctablement au génocide surtout que les populations Hutus et les Tutsi étaient mélangées dans les villages et qu’entre voisins, il existait des liens d’amitié. Selon les témoignages, « la machine à obéir » ne se mît en place qu’au moment où elle eut la caution des autorités :

« Tuer c’est très décourageant si tu dois prendre toi- même la décision...Mais si tu dois obéir à des consignes des autorités...si tu vois que la tuerie sera totale et sans conséquences néfastes dans l’avenir, tu te sens apaisé et rasséréné. Tu y vas sans plus de gêne. »

L’étape  suivante dans la constitution du génocidaire est le sentiment d’horreur lors du premier crime, il est extrêmement difficile de tuer un voisin avec qui on entretenait des liens d’amitié, mais une fois que c’est fait, on peut tuer n’importe qui que l’on ne connaît pas, en voici trois témoignages :

« Pendant les tueries, je ne considérais plus rien de particulier dans la personne tutsie, sauf qu’elle devait être supprimée. Je précise  qu’à partir du premier monsieur que j’ai tué jusqu’au dernier, je n’ai regretté personne. »

«L’homme qui tue une fois ne peut plus s’arrêter. Il se passe quelque chose dans sa tête. Moi je ne savait même plus quel jour on était, si c’était le matin ou le soir. Tout était dans le sombre»,

«je ne peux pas me donner une cause raisonnable pour expliquer un seul mort. Moi non plus je ne peux pas expliquer comment quelqu’un qui a été à l’école peut prendre une machette ou une massue et tuer un être humain comme lui. Mais cela a été et je l’ai fait».

Que s’est-il passé ? Simplement, ces Hutus sont devenus des « machines à tuer », ils réagissent en automates et ressemblent beaucoup à ces SS que Broad décrivait comme «  bornés, sadiques et mégalomanes » n’expliquant leurs actes que pas ces trois mots : « il le faut ». Après coup, pour expliquer leurs crimes,  les génocidaires Hutus évoquent un dédoublement de personnalité ; pour moi, cette explication ne tient pas, ils disposaient encore de leur libre-arbitre avant leur premier crime.  le choc de celui-ci conduisit à les déshumaniser, le chemin menant au « casier de l'être » fut court-circuité  et il ne leur était  donc plus possible d'accéder aux « valeurs en soi » et à la liberté de choix qui en découle. Toute valeur, en particulier la notion de bien ou de mal, avaient disparu en eux. .

L’exemple des Hutus corrobore en grande partie ce qui a été observé chez les SS : « Machine à obéir », déshumanisation et « machine à tuer » sont bien constitutives des exécutants du génocide ; chez eux, il n’existe pas de choix entre le mal et le bien puisqu’ils sont devenus incapables d'accéder à ces valeurs, ils ne sont plus que des esclaves d’eux mêmes et des croyances qu’on leur a inculquées insidieusement.

Ces caractéristiques concernent les exécutants des génocides. Qu’en est-il de leurs concepteurs ?

A suivre...

dimanche 5 juin 2016

LA LIBERTÉ (38) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES.

Suite de l'article précédent

Le journal de Kremer permet aussi de se faire une idée assez précise de ce qui se passa en lui après son retour d’Auschwitz. deuxième question connexe posée dans l'article précédent.

Ce journal  ne comporte explicitement  aucune mention clairement exprimée de son passage dans les camps ; par contre, des allégations  implicites y apparaissent souvent du fait des aléas de la vie professionnelle de cet universitaire fourvoyé dans le génocide.

Kremer dès son retour à la vie civile ( il a alors 59 ans), demande au doyen de l'université de Munster de le réintégrer et de récupérer son poste de chargé de cours. Il lui fut répondu que ce poste provisoire avait été supprimé pour être remplacé par une chaire de biologie et d’hérédité et que ce n'était pas lui qui en serait le titulaire.  Le doyen puis le recteur lui  donnèrent de faux prétextes mais Kremer comprit très vite que c’était le caractère contestable de sa thèse qui avait motivé son rejet.

Il tenta de se défendre d’abord en arguant son appartenance au NSDAP mais surtout en montrant qu’il avait acquis de précieuses connaissances lors de son séjour à Auschwitz tant au niveau du savoir-faire qu’à celui de l’expérimentation de ses conceptions théoriques. Il indiqua sans doute aussi qu’il avait diversifié ses connaissances grâce à de nouvelles expériences, il écrivit également qu’il avait ramené d’Auschwitz des organes humains qui pourraient permettre de nouvelles analyses.

Tous ces arguments ne servant à rien, Kremer s’adressa au parti qui lui proposa divers postes (direction d'hôpital, conférencier dans l’appareil de propagande du parti) qu’il refusa comme indigne de son niveau scientifique   ; désormais, on ne fit plus appel à lui que pour les quêtes pour l’Oeuvre du parti. il s’enferma dans une tour d’ivoire, convaincu d’avoir raison envers et contre tous. Voici, par exemple, ce qu’il écrit en juin 1943 à propos des universitaires : «  fi, à ces eunuques de la science qui ne comprennent que le radotage de leurs maîtres qu’ils transmettent de génération en génération, je refuse tout honneur qui me serait décerné dans la robe de ces rejetons de stupides castrats » !

Dans tout son journal, on ne trouve donc aucune trace de remords ou de repentir ; son passage à Auschwitz n’a été que l’occasion de diversifier et d’approfondir ses connaissances scientifiques mais aussi de développer en les exacerbant  ses tendances égocentriques et sa certitude d’avoir raison seul contre tous.  Dans ces conditions, Kremer ne se reconnaît aucune faute, peu importe les crimes qu’il a ordonnés puisqu’ils étaient au service de la science.

Ce type de comportement post-genocide est-il spécifique à Kremer ou s’applique t’il aux autres SS ? Il est difficile de le savoir car ils tentèrent après la guerre de se faire oublier afin d’éviter d’être traduit en justice. Les rares témoignages dont j’ai pu avoir connaissance montrent que, selon eux,  ce qu’ils ont accompli était nécessaire et qu’il fallait le faire ; en conséquence, ils ne semblent avoir aucun remords au moins extérieurement. Qu’en est-il au fond d’eux mêmes ? Il est probable qu’ils ne se posent aucune  question ; chez eux, on peut penser que le cheminement vers les valeurs de l'être en soi est définitivement fermé et que seules comptent les valeurs du paraitre et des alibis qu’ils veulent bien se donner. Ils sont donc esclaves d’eux-mêmes, des croyances qu’on leur a imposées et qu’ils ont acceptées sans jamais les passer au crible de l’outil raison, du concours de circonstances qui les amenèrent inéluctablement à la déshumanisation nécessaire pour devenir des génocidaires.... Ce mécanisme d’évolution n’implique à aucun moment un choix raisonné entre le bien et le mal,

Ainsi, peut se définir un comportement type des génocidaires en cinq  étapes :
   . L'égocentrisme qui les amène à la volonté d’échapper à leur médiocrité et de s’affirmer dans la société,
   . L’agrégation  à ce corps d’élite qu’est la SS qui les formate en « machine à obéir »´
   . Le bref sentiment d’horreur face à la réalité des camps,
   . La déshumanisation qui en fait des « machines à tuer »,
   . L’absence de remords après l’action et même la glorification des actes accomplis au service de la cause qui les a amenés à devenir des assassins.

Cette évolution type du génocidaire s’applique t’elle seulement aux SS ou est-elle une caractéristique propre aux êtres humains ? Pour moi, c’est la seconde alternative qu’il fait privilégier : dans certaines circonstances, l’homme agit exactement comme les SS, l’exemple rwandais le montre sans conteste.

samedi 4 juin 2016

LA LIBERTÉ (37)ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES.

Suite de l’article précédent 

Il reste à se poser deux questions connexes à propos de ceux qui exécutent les génocides  :
   . Etaient-ils prédisposés à devenir des génocidaires et par quel cheminement le sont-ils devenus ?
   . Que se passe-t’il en eux une fois revenus à la vie normale ?

Le journal de Kremer peut apporter quelques éléments de réponse à ces deux questions. La lecture de ce journal permet d’abord  de constater qu’on y trouve  aucune référence à l’idéologie nazi, il ne mentionne ni le concept de supériorité de la race aryenne ni celui du problème juif. Cela peut étonner quand on lit que, Kremer est devenu membre du NSDAP en 1932 puis membre des SS à partir de 1935.

Pour tenter de comprendre ce qui a conduit ce docteur en philosophie et en médecine, agrégé d’anatomie et chargé de cours à l’université de Munster à participer au génocide, il faut se reporter à son journal antérieurement au 30 août 1942 et tenter de déceler s’il existe alors des prédispositions à des actes barbares.

Auteur d’une thèse de doctorat “ hérédité ou acquis, une contribution remarquable à l’analyse de l’hérédité de mutilations traumatiques” ( peut-il exister une transmission héréditaire d’un traumatisme), la grande préoccupation de Kremer en 1941 est de la faire publier, ce qui ne semble pas aller de soi vu le caractère contestable de ses conclusions. En mai 1941, il réussit à échapper à sa mobilisation  dans la Wehrmacht en faisant valoir son affiliation à  la SS, est alors affecté dans la Waffen SS et est nommé en tant que médecin au camp de concentration de Dachau où il arrive le 20 août 1941.

Dans son journal, Kremer ne fait aucune mention de la vie des prisonniers du camp et n’a d’ailleurs aucun contact avec eux puisqu’il n’est en charge que de la polyclinique réservée aux  SS.   Dans ce cadre privilégié et clos,  Il ne se préoccupe que de lui-même ; avide de jouir de tous les plaisirs de la vie, il décrit les bons repas pris au foyer des officiers, les beuveries auxquelles il participe,  la chambre toute neuve qui lui est allouée ;  il effectue de fréquentes promenades au cours desquelles il visite la région. C’est à Dachau qu’il s’initie à la chirurgie, Il fait aussi des cours aux élèves infirmiers,

Il découvre à quel point la vie est agréable à Dachau lors de ses permissions. Il évoque alors ses difficultés à trouver la nourriture à laquelle il est habitué et à se fournir en tout ce que nécessite sa vie quotidienne. C’est au cours d’une de ses permissions qu’il a la tristesse de perdre son canari, c’est pour lui une grande douleur et il se sent très seul !

Pendant son séjour à Dachau  sa thèse est publiée, il en éprouve une grande joie. On peut penser que son appartenance à la SS a facilité bien les choses à une époque où la purification ethnique était une préoccupation primordiale.

En août 1942,  il est nommé à Auschwitz afin de remplacer un médecin malade, il y restera jusqu’au 17 novembre 1942.

Pourquoi  Kremer a-t'il pu rester à Auschwitz après les premières horreurs dont il fut le témoin ? Au vu de sa manière d'être, il me semble que l’on peut discerner trois explications :
   . Il veut continuer à mener la vie facile dont il bénéficiait à Dachau ; c’est ce qui se produisit, les «actions spéciales» deviennent vite de la routine et il retrouva  cette vie de  plaisir et de bonne chère à laquelle il aspirait.
   . Il éprouve un intense besoin de reconnaissance de sa valeur ; lorsqu’il reçoit une promotion, (Il terminera Obersturmfuhrer, équivalent de lieutenant) on le sens surtout occupé d’avoir un uniforme rutilant et de bénéficier des avantages que lui prodiguent son grade (en particulier pour son approvisionnement en nourriture) ; son paraître face aux autres devient essentiel pour lui.
   . De même, il sait que sa thèse est vivement controversée ; or à Auschwitz se trouve un grand nombre de « sujets d'expérimentation ». il peut se livrer en toute quiétude à la vérification des hypothèses qu’il a émises et continuer ses recherches scientifiques.

Je n’ai pas à dessein mentionné chez Kremer le formatage en « machine à obéir » cela a dû moins  jouer chez lui que sur les êtres frustes qui composait la majeure partie de la SS,

De tout ce qui précède, on peut formuler l’hypothèse que Kremer n’avait pas de prédisposition particulière à participer à un génocide mais que certains traits de son caractère étaient des facteurs favorables à cela : son égocentrisme, son avidité de plaisirs prodigués dans une vie facile, et surtout sa volonté de reconnaissance auprès de ses pairs.

Si on applique ces conclusions à ce qui fait l’objet de ce chapitre, celui du choix entre le bien et le mal, on peut penser que Kremer n’a pas effectué le cheminement vers la connaissance de soi et  aux valeurs de l'être, il n’a pas choisi à priori le mal comme valeur en soi devant guider sa vie, ce qui l’a conduit à faire le mal, ce sont uniquement les valeurs du paraître, celles qui rendent l’individu esclave de lui-même.

Il est très probable que beaucoup de ceux qui sont entré dans la SS ont été attiré, comme Kremer, par les avantages matériels que pouvaient leur procurer cette fonction  avec la volonté de bénéficier d’une vie plus facile matériellement parlant et surtout par  l’envie de devenir quelqu’un, de se valoriser aux yeux des autres, de s’affirmer en tant que personne, d’entrer dans un corps d’élite chez qui règne une cohésion exemplaire, de s'agréger à une société où existe un fort sentiment de camaraderie.

Asuivre...

jeudi 2 juin 2016

LA LIBERTÉ (36) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES.

Suite de l’article précédent

L’association de la «machine à obéir » et de la « machine à tuer » conduisent les génocidaires à une mutation profonde de leur « être en soi » avec apparition chez eux d’une déshumanisation profonde. On retrouve cet état de fait dans le témoignage d’un SS Perry Broad qui fut affecté en tant que garde à Auschwitz puis passa à sa section politique. Ce témoignage a  été écrit après la guerre ce qui peut le rendre suspect, il l’est cependant moins que celui de Hoess car il présente les faits bruts sans chercher à se justifier.

Un court paragraphe décrit bien les mentalités des SS en charge de l’extermination :

« Si l'on demandait à un SS, en présence de ces cadavres des deux sexes et de tous âges gisant sur le sol le visage apaisé, pourquoi on faisait  mourir tous  ces  êtres humains,on recevait généralement la même explication, qui lui paraissait parfaitement suffisante : «Il le faut ! » Ces individus d'esprit borné, disposés au sadisme et à la mégalomanie et qui ne méritaient même pas le nom d'être humain, constituaient un sol bien  fertile  pour  la  propagande.  Ils  se  croyaient  fermement les représentants d'une race supérieure qui avait le droit de refuser aux hommes tout droit de vie, et même de les exterminer  par  tous  les  moyens  disponibles. Pour eux, tout simplement, un Juif n'était pas un  être  humain. »

Dans ce texte, trois mots résument parfaitement les mentalités de ces SS : borné, sadique et mégalomane.

Ils sont bornés par le fait qu’ils agissent sans se poser de questions sur ce qu’ils accomplissent, ayant perdu tout sens critique et libre arbitre.  Quand on leur demande pourquoi ils acceptent d’exécuter de tels actes, ils ne savent répondre que « il le faut » ; ils sont devenus incapables d’analyser ce qui se passe en eux comme si leur cerveau avait été décérébré, ils ne sont même plus des esclaves car ceux-ci gardent en eux la capacité de se révolter, ils sont devenu des automates.

Broad emploie aussi le mot sadique pour qualifier ces SS. On pourrait en effet penser qu’ils réaliseraient leur tâche mécaniquement, sans manifester de sentiments particuliers ; pour beaucoup, ce n’est pas le cas, le mot sadique fait penser qu’il ressentent une grande jouissance à accomplir leur mission : on les imagine sélectionner avec délectation ceux qui dans la file d’attente pourrait manifester un semblant de résistance pour les entrainer à l'écart et les abattre, contempler le groupe d’êtres humains nus alignés devant la porte de la chambre à gaz en imaginant la surprise qui les attend ; on peut aussi les  imaginer regardant à travers la vitre blindée les suppliciés tentant d’échapper à la suffocation puis s’abattre sans vie. Il me semble évident que les SS prennent plaisir à ce qu’ils font sous couvert de la rigidité disciplinaire à laquelle ils sont astreints. D’ailleurs pourquoi avoir des scrupules puisque les autorités leur ont fourni l’alibi parfait : les juifs ne sont pas des hommes !

Le troisième  qualificatif utilisé par Broad est celui de la mégalomanie des SS en charge de la solution finale. Elle se réfère, selon moi,  à deux caractéristiques :
   . la première est le sentiment de toute puissance qu'on en eux les SS d’Auschwitz, ils peuvent décider d’un simple geste de la destinée de milliers d’êtres humains, ils peuvent tuer eux-mêmes qui bon leur semble, personne ne leur demandera de compte, ils ont droit de vie et de mort sur tous les déportés, ils n’ont pas à fournir la moindre justification , seule comptera pour eux leur efficacité dans le traitement de la solution finale.
   . Ce sentiment de toute puissance est évidemment renforcé par cette phraséologie idéologique qui fait d’eux une race supérieure comme l’indique Broad.

Ainsi, ces trois mots résument parfaitement la vision que l’on peut avoir ces « machines à tuer » que sont les exécutants des génocides. Cette description des SS par  Broad me semble beaucoup plus conforme à la réalité par rapport à celle que fait Hoess des SS et de lui-même lorsqu'il fait état de doutes et d’incomprehension à propos des ordres que leur hiérarchie leur donne.

À suivre....

mardi 31 mai 2016

LA LIBERTÉ (35) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES

Suite de l’article précédent 

Le dernier extrait du témoignage de Hoess que je citerai ici est celui qui, selon moi, concrétise de manière évidente le fonctionnement des esprits devenus des “machines à obéir” ; il concerne la mort de presque 900 prisonniers de guerre russe pour laquelle on effectua le premier essai de gazage au moyen du zyclon B dans le crématoire du camp d’Auschwitz. Ce texte mérite d'être cité dans son intégralité tant il est révélateur des mentalités des SS après leur endoctrinement :

Ce n'est qu'au bout de plusieurs  heures qu'on ouvrit  la pièce et qu'on l'aéra.  Je vis alors pour la première fois des corps des gazés en tas. J'éprouvai un sen­timent de malaise et d'horreur. Pourtant je m'étais imaginé que la mort par le gaz serait pire. J'avais pensé que  ce serait  un atroce  étouffement.  Or, les cadavres ne portaient aucune trace de crispation. Les médecins m'expliquèrent que l'acide prussique exerce une influence paralysante sur les poumons si rapide et si puissante, qu'il ne provoque pas de phénomènes d'asphyxie semblables à ceux que produit  le gaz d'éclairage  ou la suppression  totale de l'oxygène.

Je ne m'étais pas livré alors à des réflexions  au sujet  de cette extermination des prisonniers de guerre russes. C'était un ordre et je n'avais qu'à l'exécuter . Mais je  dois dire en toute franchise que ce gazage  produisit sur moi un effet   rassurant,  car  bientôt  nous devions  commencer  l'extermination  des  Juifs et ni moi ni Eichmann nous n'avions aucune idée des méthodes à employer . Cela devait bien se faire avec le gaz, mais comment et avec quel gaz? A ce moment-là nous avions  le gaz et  le mode d'emploi”

Dans ce texte, trois mots-clés apparaissent : “malaise, horreur, rassurant” : on retrouve dans  les deux premiers mots, le cheminement qui fut celui de Kremer et sans doute de la plupart des SS lorsqu’ils furent pour la première fois confronté à ce type de scène. Pourtant ces sentiments sont vite balayés par un autre pour lequel Hoess utilise le mot “rassurant” .

Dans le précédent article, j’ai montré Hoess obnubilé par les multiples charges qui lui étaient dévolues ; parmi celle-ci, il lui fallait trouver un moyen de tuer rapidement et efficacement des convois entiers de juifs : il avait enfin trouvé la solution !

Encore faut-il savoir pour qui cette méthode serait rassurante : la suite du texte nous en fourni l’explication :
J'envisageais toujours avec horreur  les  fusillades massives  surtout celles des femmes et des enfants… nous n'aurions plus à assister à ces « bains de sang »   et l'angoisse pourrait être épargnée aux victimes  jusqu 'au dernier  moment. Or, c'est cela qui m' inquiétait le plus quand je pensais aux descriptions  que m'avait faites Eichmann du massacre des Juifs par  les «Einsatzgruppen»  au moyen de mitrailleuses ou de carabines automatiques . Des scènes épouvantables se déroulaient à cette occasion : des blessés s'enfuyaient, on en achevait  d'autres,  surtout des femmes  et des enfants.

De nombreux soldats du « «Einsatzgruppen» se suicidaient ne pouvant plus supporter de se baigner ainsi dans le sang. Plusieurs d'entre eux étaient devenus fous. La majorité de ces soldats avait recours à l'alcool pour effacer le souvenir de leur effroyable besogne.” 

Ainsi, pour Hoess, le gazage était “rassurant” non pas pour les victimes mais pour les SS qui pratiquait l'extermination par les armes à feu, il n’y aurait plus de sang, plus de carnage, les cadavres ne porteraient plus de traces de violence ! Effectivement, ce serait “rassurant”

Ainsi, la “machine à obéir” était devenue, après un bref instant d’horreur,  une “machine à tuer,  c’est selon moi selon un tel cheminement que l’on “fabrique” des génocidaires.

lundi 30 mai 2016

LA LIBERTÉ (34) ET LE CHOIX ENTRE LE BIEN ET LE MAL : LE CONTRE EXEMPLE DES GÉNOCIDAIRES

Suite de l’article précédent

L’extrait ci-dessous du témoignage de Rudolf Hoess montre de manière frappante la manière dont est appliquée la “machine à obéir” que sont devenus les SS après leur formation. Il relate la manière dont le commandant d’Auschwitz fut amené à créer un camp d’extermination jouxtant le camp de concentration primitif.

“ Conformément à la volonté du Reichsführer SS, Auschwitz devint le plus grand établissement  d’extermination   des   hommes   que   l'histoire   ait   connu.   Lorsque, en été 1941, il me  donna  personnellement  l'ordre  de  préparer  à  Auschwitz  une place  pour  l'extermination  massive  et  me  chargea  moi-même  de  cette  opération ,  je ne pouvais me faire la moindre idée de l'envergure de cette entreprise et de l' effet qu'elle produirait . Bien  que  cet  ordre  fût  quelque  chose  d'extraordinaire ,  quel­que  chose  de  monstrueux ,  l'argumentation  qui  l'accompagnait  me   fit   paraître cette ·action d'extermination  tout  à  fait  juste.  A  l'époque  je  n'y  pensais  pas ;  j'ai reçu l'ordre, je  devais  l’exécuter. Que  cette  extermination  des  Juifs  fût  nécessaire ou non, je ne pouvais pas  me  permettre  d'en juger  ; je  ne pouvais pas voir  si  loin. Du moment où le Führer 109 lui-même avait ordonné  «  la  solution  définitive  du  problème juif » un vieux membre du parti national-socialiste n'avait pas à réfléchir,  surtout  quand   il  était  un  officier  SS.  «   Führer,  ordonne,  nous  suivons  » ce  n'était pour nous en aucun cas une simple formule , un slogan. On l'entendait strictement à la lettre.”

Ce texte montre à l'évidence que Hoess avait perdu à cette époque non seulement son sens critique mais aussi son humanité : il reçoit l’ordre de mettre en œuvre une extermination massive, et obéit sans état d'âme comme il l'écrit à  deux reprises : “j’ai reçu l’ordre, je devais l'exécuter” et “ Führer, ordonne, nous suivons”.  Non seulement, il ne discute pas l’ordre mais en plus Il l’appliquera sans réfléchir, sans le comprendre et, bien entendu, sans le juger : Puisque l’ordre émane de Himmler, il ne peut être que juste même s’il n’y parait pas de prime abord : le Reichführer possède en effet une vision globale du devenir de l’Allemagne que Hoess ne peut comprendre au niveau où il est. Hoess est devenu une “machine à obéir”, il a perdu totalement sa liberté, devenant esclave de ce qu’il considère comme son devoir.

Suite à cet ordre, Hoess s’emploie à obéir servilement à l’ordre en permettant sa mise en œuvre par les travaux d'aménagements du futur camp d’extermination. Son témoignage le montre occupé, par exemple, à chercher où il pourrait trouver assez de fil barbelé pour entourer le camp, à faire obéir ses subordonnés enfermés dans la routine du camp, à demander toujours plus aux déportés pour que tout soit prêt lorsque les premières juifs arriveraient.

“Harcelé éternellement par  le  Reichsführer  SS,  par  les difficultés  que  créait la guerre, par les embarras quotidiens du camp et de tout le domaine, embarras qu'entraînait le flot ininterrompu de nouveaux internés, je  ne  pensais  plus qu'à mon travail... Harcelé  moi-même, je  ne laissais pas respirer mes subordonnés, SS ou civils, tous les services inté­ressés, les entreprises privées  et  les  détenus .  Rien ne comptait  pour moi que de faire avancer le travail… pour exécuter  les ordres qu'on m'avait  donnés”

À suivre...