On se trouve, selon les historiens de l'art, dans la période où, en Italie, la Renaissance est à son apogée ( La Joconde de Léonard de Vinci a été peinte entre 1503 et 1506, le plafond de la Chapelle Sixtine de Michel-Ange en 1508-12, le jugement dernier de cette même chapelle en 1536-41.. ) et pendant laquelle les influences italiennes gagnent ce qui étaient à l'époque les Pays-Bas espagnols.
Cette impression d'anachronisme que l'on pourrait ressentir à la vue de ce tableau n'est cependant qu'un leurre : certes, le XVIe siècle est celui de la renaissance voulue comme un retour à l'antiquité greco-romaine, cependant il subsiste de fortes influences de l'art et des mentalités des périodes précédentes : à cet égard, la filiation entre ce tableau de Pieter Brueghel et ceux Jérôme Bosch est évidente (le triptyque du JARDIN DES DÉLICES date de 1504, la NEF DES FOUS de 1500) : le TRIOMPHE DE LA MORT de Pieter Brueghel témoigne donc de la persistance des mentalités anciennes du 15e siècle en plein cœur de ce que schématiquement on appelle Renaissance.
Voici tout d'abord, dans son entier, ce tableau avec, encadrés, les trois extraits que je me propose de décrire dans cet article, d'autres scènes le seront dans l'article qui suivra.
Le TRIOMPHE DE LA MORT au cours du combat livré contre les vivants.
On assiste à une véritable bataille avec une stratégie imparable de la part de la Mort dont les forces sont ici divisées en cinq groupes de combat :
1- au centre se tient la Mort sur son cheval de bataille, elle ressemble, à peu de choses près, à la Mort du palais Scanfani de Palerme : le cheval efflanqué bondit au dessus des cadavres que la Mort vient de tuer, la Mort est représentée en squelette, elle combat non avec son arc et des flèches mais avec une faux qu'elle fait tournoyer tout autour d'elle.
2- à l'aile droite se trouvent quelques Morts qui combattent des vivants essayant désespérément de résister, certains brandissent des épées mais cela semble peine perdue : les cadavres s'accumulent formant un tas impressionnant (3)
4- à l'aile gauche, se produit une offensive latérale de grande importance, une armée considérable de Morts, étendards au vent, sortent d'une grotte (5), livrent un combat à l'épée contre les vivants qui tenteraient d'échapper à l'offensive centrale.
6- deux armées de réserve se trouvent de part et d'autre du sas central muni d'une porte ; pour l'instant, elles sont contenues par des couvercles de cercueils qui constituent une barrière mais elles sont prêtes, si besoin est, à intervenir.
Cernés aux deux ailes, attaqués frontalement, les survivants n'ont d'autre choix que de rentrer dans une sorte de sas (7) qui doit surement les conduire sur le lieu de leur extermination ! Ce sas comporte une porte qui se soulève au moyen d'un système à balancier. Au dessus, un mort frappe sur deux tambours afin de rythmer le combat. Sur la porte se trouve une croix : comme sur les couvercles de cercueil, elle évoque plus la mort que la rédemption.
Comme on le voit. Il n'y a aucune échappatoire !
LE CHAR DE LA MORT
Ce dessin du char de la mort ressemble à peu de choses près à celui présenté dans l'article précédent : on en trouve les mêmes caractéristiques : un char empli de crânes et d'ossements (8) est conduit par un mort jouant de la vielle (9). Le char est tiré par un cheval efflanqué qui porte un mort (10) tenant une lanterne et une clochette qu'il agite pour que l'on s'écarte ! Les vivants sont écrasés par le char (10) tandis qu'une femme tombée à terre, regarde avec effroi le cheval qui va la piétiner. (11)
D'où viennent ces ossements dispersés ? : pour moi, la réponse se trouve dans le troisième extrait ci-dessous qui montre deux morts déterrant un cercueil pour récupérer les ossements qu'il contient : un tas de crânes se trouve d'ailleurs près d'eux.