REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

samedi 18 octobre 2014

LA BASILIQUE SAINT PIERRE à l'époque de la création du BALDAQUIN par LE BERNIN (fin)

Apres, l'érection de la grande coupole, il restait certes quelques travaux à effectuer (en particulier au niveau des coupoles de coin comme en témoigne la gravure représentant la basilique en 1593) cependant on pouvait penser que l'édifice, dans son essence,  était terminé. 

Pourtant,  il se produisit encore une nouvelle phase  de construction entre 1605 et 1617 sous la direction de Carlo Maderno.

 Elle se manifeste par deux aménagements principaux :
     . Le prolongement de la pseudo-nef de Michel-Ange en une véritable nef comportant trois travées.
     . La création de la façade monumentale donnant sur la place saint Pierre.

Les deux gravures ci-dessous d'Antonio Tempesta  montrent l'évolution de la basilique avant et après les travaux entrepris par Maderno

LA PROLONGATION DE LA NEF DE MICHEL-ANGE.
La décision de prolonger la basilique jusqu'à la place saint Pierre est due à deux motifs principaux :
   . En premier lieu, il convenait, pour terminer la nouvelle basilique, de détruire l'antique basilique du 4ème siècle. Or ce lieu avait été depuis longtemps consacré et il recelait de nombreux tombeaux en particulier dans les grottes qui se trouvaient en dessous : cet état de fait conduisit à la décision d'inclure cette partie de l'ancienne basilique dans la nouvelle en prolongeant cette dernière par une nef.
   . En ce début du 17eme siècle, les mentalités avaient changé : la contre-réforme catholique avait mis en œuvre un nouvel état d'esprit qui voulait d'une part témoigner de la puissance de Dieu et de celle de l'église et d'autre part, ébahir le fidèle par la somptuosité et le grandeur des églises. Or la croix grecque, construction trop raisonnable, était inappropriée à ce dessein, il fallait au contraire que le fidèle, dès l'entrée dans la basilique, soit impressionné par ce qu'il voyait et qu'il accomplisse un long cheminement, tant physique que mental, pour arriver à l'autel.  Seule la croix latine pouvait permettre ce cheminement.

Pour réaliser cette nef, Maderna utilisa, en une sorte de synthèse cohérente, toutes les structures existant à l'époque :
   . En premier lieu, il lui fallut coordonner la nouvelle construction avec celle de Michel-Ange de manière à constituer un ensemble cohérent : pilastres monumentaux terminés par des chapiteaux corinthiens portant la corniche, voûte en berceau à caissons : cette adéquation explique la grande harmonie de style de la basilique déjà mentionnée.
   . L'architecture d'ensemble s'inspire des églises du type de celle d'Alberti à Mantoue :
        - nef unique (1) tenue par des contreforts intérieurs (2).
        - pilastres doubles séparés par des niches (3)
        - arcades reliant ces pilastres. (4)
   . Pourtant Maderna va s'écarter de ce modèle Albertien d'abord en introduisant diverses modifications  :
        - présence de fenêtres hautes dans la voûte.
        - les contreforts intérieurs ont été percés d'arcades (6) formant un déambulatoire qui reconstitue une sorte de bas-côté.
        - le couvrement des espaces entre les contreforts intérieurs, comporte des coupoles (7) qui les éclairent de manière diffuse.
  . Enfin, la nef, étant de moindre largeur que l'édifice construit par Michel-Ange, Maderno décida de construire deux chapelles latérales de raccordement. (8)

LA FAÇADE MONUMENTALE
Beaucoup ont écrit que la façade de Maderno était une monstruosité, en particulier parce que, de la place, elle masquait le reste de la basilique et la coupole. Pour moi, c'est au contraire une grande réussite en ce sens qu'elle témoigne des mentalités qui présidèrent à sa construction.

Pour en mesurer le sens, il ne faut pas considérer cette façade simplement comme celle de la basilique, il s'agit beaucoup plus d'un somptueux décor qui évoque un palais ayant pour rôle premier de mettre en scène la puissance papale en magnifiant le souverain pontife en tant que successeur de Pierre. C'est dans cette perspective qu'il faut considérer la façade :

     (1)  au centre, la fenêtre où le pape apparaît pour la bénédiction "urbi et orbi", à la ville et au monde, cette fenêtre est établie à l'intersection des diagonales du rectangle formé par la façade.
     (2) autour de la fenêtre, quatre colonnes surmontées d'un fronton  évoquent un temple, ce qui renforce l'idée de la sacralisation du rôle du pape.
     (3) de part et d'autre, se trouvent les corps latéraux à colonnes qui se terminent sur deux tours  (4) encadrées de pilastres et surmontées, au dessus de l'attique, de frontons portant les horloges.(5)
     (6) enfin, au niveau de la balustrade se trouvent les statues du Christ, de saint Jean Baptiste et de onze apôtres. La statue du Christ se trouve au centre, juste en dessous de la fenêtre où paraît le pape : si on considère que la foule qui reçoit la bénédiction se trouve sur la place en contrebas, on voit apparaître nettement le rôle d'intercesseur du pape entre Jésus et le monde céleste d'une part et la foule personnifiant le monde terrestre d'autre part.

Toute cette façade est organisée pour sacraliser le pouvoir du pape, en ce sens c'est évidemment une réussite.

Certains ont regretté qu'il n'y ait eu jamais de clochers ; il y eut certes des projets émis mais ils ne furent jamais suivis d'effets. Pour moi, c'est heureux car la création de clochers aurait fait perdre totalement sa signification à cette façade devenue l'expression même du pouvoir papal.

La basilique est consacrée en 1626 par le pape Urbain VIII ; en 1620, le même pape a commandé à GIAN LORENZO BERNINI le baldaquin qui devait surmonter l'autel...

vendredi 17 octobre 2014

LA BASILIQUE SAINT PIERRE à l'époque de la création du BALDAQUIN par LE BERNIN (suite)

Le dessin ci-dessous, tiré du plan de Rome d'Etienne du Perac et daté de 1577, montre l'aspect que devait avoir la basilique saint Pierre au moment de la mort de Michel-Ange :
   . À l'arrière-plan, la nouvelle basilique, dont on aperçoit le tambour (1) devant porter la coupole.
   . En avant, l'ancienne basilique constantinienne qu'il est prévu de démolir une fois la nouvelle construction terminée, entre autre, par l'érection du dôme. (2)
   . En avant du portique de la basilique constantinienne, l'atrium de celle-ci.(3)
   . Enfin devant la façade de l'atrium, la place saint Pierre. (4)

LA CONSTRUCTION DU DÔME
la construction du dôme de saint Pierre et en particulier l'influence respective de Michel-Ange et de Giacomo Della Porta, chargé en 1685 par le pape Sixte V de mener à son terme l'édification de la basilique, est assez hypothétique.

Pour la construction de la coupole, Michel-Ange avait le choix entre deux types de formes :

La première était celle prévue par Bramante : c'est une coupole hémisphérique, imitée de celle du Panthéon de Rome, érigée sur un tambour à colonnes, devant être construite en tuf pour éviter le double inconvénient de cette forme de dôme : les risques d'affaissement de la partie centrale (d'autant qu'une lanterne terminale avait été prévue) et d'écartement des parois latérales qui en résulterait, ce qui nécessitait de très importantes structures de soutènement.

La deuxième était celle construite par Filippo Brunelleschi (1377-1446) pour le dôme de la cathédrale sainte Marie des Fleurs de Florence : il se caractérise par deux éléments novateurs :
     . Une forme de type hyperbolique dite de "chaînette" présentant cette étonnante particularité de sa structure autoportante : la stabilité de la coupole est assurée par son propre poids, ce qui fait qu'il n'existe aucun risque d'écartement des murs ; seul le poids de l'ensemble sur les piliers et arcades porteurs pourrait risquer de le faire écrouler. (1)
     . Une double calotte séparée par un vide, ce qui permet d'alléger le poids de l'ensemble.

Entre ces deux modèles quel était le choix de Michel-Ange ? On dispose, pour répondre à cette question qui divise encore les spécialistes, de deux documents :

Le premier est un dessin de Michel-Ange lui-même montrant une esquisse de ce que devait être le dôme par lui conçu : une coupole hémisphérique sur tambour comme dans le projet de Bramante. Les traits dessinés par l'artiste au niveau de la coupole semblent faire apparaître deux calottes quasiment concentriques.

Le second représente la maquette en bois réalisée à l'époque de Michel-Ange vers 1560 et sous sa direction pour la construction du dôme : cette maquette comporte deux coupoles séparées par un vide : une coupole interne hémisphérique et une coupole externe en chaînette. C'est cette dernière qui devait porter la lourde lanterne, agissant ainsi comme clé de voûte.

Cette maquette a suscité de nombreuses interrogations :
   . Michel-Ange, avait-il changé son projet juste avant sa mort en substituant à la coupole externe hémisphérique une coupole en chaînette ?
   . La maquette aurait-elle refaite par ses successeurs ? Dans cette hypothèse, ils auraient simplement surélevé la coupole extérieure de quelques mètres afin de lui donner sa forme ovoïde actuelle.

Quoiqu'il en soit, la coupole est terminée en 1590 sous la direction de Giacomo Della Porta et de Domenico Fontana qui éleva ensuite la lanterne.

Il va de soi que le dôme de saint-Pierre ne respectait pas la structure en "chaînette renversée" puisque la formule mathématique n'avait pas encore été inventée, ni celle de l'arc ogival utilisé par Brunelleschi : en conséquence, des fissures apparurent : le pape Benoît XIV (élu en 1740- mort en 1758) fit vérifier les coupoles par un physicien, ce dernier constata que l'architecture n'était pas en "chaînette renversée" et préconisa de poser de grands anneaux métalliques pour empêcher des dégradations ultérieures, ce qui fut fait.

À l'aube du 17eme siècle, on pouvait imaginer que la basilique, dans sa structure globale, était terminée, il y eut cependant une dernière phase de construction à partir de 1605 sous la direction de Carlo Maderno.

(1) De nombreuses suppositions ont été émises à propos de la coupole ovoïde de Brunelleschi qui aurait utilisé une structure mathématique dite de la "chaînette renversée". Cette forme est celle de la courbure formée par une corde (chaînette) que l'on tend entre deux bâtons sous l'effet de la pesanteur , il suffit d'observer la courbure d'un fil électrique dans la rue entre deux poteaux pour la remarquer. Si on retourne cette forme, on crée une "chaînette renversée" qui est, architecturalement parlant, une structure stable ne se déformant pas.

Brunelleschi aurait-il connu la formule mathématique de la "chaînette renversée" ? Évidemment non : cette formule mathématique n'a été trouvée qu'en 1691 conjointement par Leibniz, Bernouilli et Huygens. Dans ces conditions, comment Brunelleschi eut-il l'idée de construire ainsi ? En fait, Il ne s'est pas inspiré de spéculations mathématiques mais de ce qui existait à son époque, les arcs ogivaux des cathédrales ; la preuve en est que la coupole est composée de grands arcs de pierres qui évoquent justement les ogives.

Dans cette perspective, les avancées indéniables constatées lors de la création de la coupole se situent essentiellement au niveau des techniques : utilisation de rangées de briques en spirales inclinées vers l'axe central, utilisation de simple échafaudages au lieu de cintres de bois... 

jeudi 16 octobre 2014

LA BASILIQUE SAINT PIERRE à l'époque de la création du BALDAQUIN par LE BERNIN (suite)

La basilique Saint Pierre de Rome possède donc une structure d'ensemble inspirée par les conceptions stylistiques du Quattrocento. : coupole sur piliers massifs, voûtes en berceau à caissons, contreforts intérieurs soutenant la voûte, nef unique. 

À partir de cet héritage, va s'établir une construction en trois phases principales.

LES PERIODES DE BRAMANTE ET DE MICHEL-ANGE
La première phase est celle de BRAMANTE sous le pontificat de JULES II. Elle dure de 1506 à 1514, date de la mort de Bramante. Celui-ci emporta le concours organisé pour le choix de l'architecte en présentant le plan de base représenté ci-dessous :
     . Au centre la coupole (1) construite sur tambour et portée par quatre piliers massifs (2)
     . Autour de la coupole, quatre bras (3) de même taille forment un plan en forme de croix grecque.
     . Chaque bras se termine par une abside (4) qui fait saillie sur la forme carrée de la basilique.
     . Entre les bras de la croix, l'espace est rempli par quatre coupoles secondaires (5) plus basses puis par quatre clochers (6) afin de constituer la forme carrée.
Ce plan carré à cinq coupoles évoque à la fois l'art byzantin et aussi la basilique saint-Marc de Venise.

La construction fut entreprise avec, en premier lieu, érection des piliers destinés à porter la coupole.

De 1514 à 1547, le chantier subit une période de latence : tandis que les piliers s'élèvent et que se succèdent les architectes (dont Raphaël), se pose la question de la modification du plan primitif et de la forme de croix grecque : celle-ci semblant trop liée aux conceptions antiques, il conviendrait de revenir à la croix latine, plus conforme aux traditions chrétiennes, c'est dans cette perspective qu'est établi un plan par Raphaël avec seulement trois absides, la quatrième étant remplacée par la nef.

En 1547. À la prière du pape PAUL III, MICHEL-ANGE accepte d'assurer la direction des travaux. Il les conduira jusqu'à sa mort (1564). Michel-Ange reprend le plan de BRAMANTE mais y ajoute divers correctifs :
   . En premier lieu, il simplifie l'ensemble, épure la forme et supprime les clochers de coins.
   . Les murs extérieurs sont renforcés avec utilisation de pilastres séparant les hauteurs de fenêtres.
   . les quatre bras de la croix sont conservés mais réduits d'une travée,
   . De part et d'autre des piliers portant la coupole, de grandes arcades (7) sont construits afin de soutenir les piliers pour les empêcher de s'écarter sous le poids de la voûte.
   . Surtout, est créée une pseudo-nef (8) qui constitue un semblant de croix latine en noyant l'abside occidentale dans un mur rectiligne de façade. En avant de la façade est prévue un double portique à colonnade (8)

À la mort de Michel-Ange, les murs de l'église sont terminés ainsi que le tambour de la coupole ; il restait à construire cette dernière.

A quoi pouvait ressembler la basilique conçue par Michel-Ange ? On dispose de deux dessins réalisés par Étienne Du Peron datant de 1569  et représentant saint Pierre de Rome telle que Michel-Ange l'aurait conçue. Ces deux dessins n'ont pas été réalisés uniquement sur l'existant  puisque le Dôme n'avait pas été construit, ils ont dû être complétés grâce à la maquette que Michel-Ange avait réalisée pour ce dôme. Selon Du Perac, ils représentent le dernier état des plans de l'architecte.

Ces deux dessins représentent la façade latérale :
1- les absides terminant les bras de la croix
2- piliers soutenant la coupole
3- coupoles de coin
4- coupole centrale
5- tambour
6- double portique en avant de la façade ouest.

Sur le dessin de droite, on remarque que le dôme est composé de deux coupoles emboitées l'une dans l'autre, cette particularité sera évoquée dans la troisième et avant-dernière partie concernant la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome.

mardi 14 octobre 2014

LA BASILIQUE SAINT PIERRE à l'époque de la création du BALDAQUIN par LE BERNIN. 

Au moment où le pape Urbain VIII commande le baldaquin de Saint Pierre à GIAN LORENZO BERNINI en 1624,  la basilique saint  Pierre de Rome n'est terminée que depuis quelques années seulement et n'est pas encore consacrée (elle le sera seulement en 1626).

En contemplant l'intérieur de l'édifice, on est saisi à la fois par le gigantisme de l'ensemble, par sa somptuosité,  par l'unité de style et  l'harmonie architecturale qui s'en dégage, comme si, à première vue, la basilique avait été construite d'un seul jet et par le même concepteur.

Ce ne fut cependant pas le cas :
   . D'abord, parce que la construction s'étala dans le temps : commencée sous le pontificat de Jules II en 1506, elle se poursuivit jusqu'au premier tiers du 17eme siècle, soit pendant plus de cent ans. Pendant cette longue période, de nombreux événements se produisirent qui firent évoluer le style architectural italien : le triomphe de l'art de la renaissance, puis l'éclosion de l'art nouveau de la contre-réforme catholique après le choc de la réforme luthérienne. Cependant, ces évolutions, si elles influèrent l'architecture de Saint-Pierre en modifiant en particulier le plan de la basilique, n'eurent que peu d'effets sur son organisation d'ensemble.
   . Ensuite, parce qu'alternèrent des périodes d'intenses activités de construction suivies par d'autres pendant laquelle l'érection de la nouvelle basilique fut mise en sommeil, soit parceque les papes eurent d'autres préoccupations, soit à cause du manque de moyens financiers (1)
   . Enfin, par le fait que les papes confièrent la direction des travaux à des artistes renommés qui, chacun, présentèrent des aménagements du plan primitif, voire même des plans nouveaux ; ils ne restèrent cependant qu'à l'état de projets. En fait, trois seulement de ces artistes comptèrent dans la conception de saint Pierre de Rome : Bramante, Michel-Ange et Maderno.

Si ces diverses contingences n'ont guère influées sur l'aspect intérieur de saint Pierre de Rome, c'est que l'unité architecture n'a pas été inventée ex-nihilo pour la basilique : elle est en réalité héritée des concepts mis en œuvre par le Quattrocento (15eme siècle italien).

L'UNITÉ STYLISTIQUE DE SAINT PIERRE DE ROME, UN HÉRITAGE DU QUATTROCENTO.
la théorisation de l'architecture de la Renaissance qui servit de base à la basilique saint Pierre de Rome et à la plupart des églises des 16eme et 17eme siècle a été effectuée par les humanistes du 15eme siècle et en particulier par Léon Baptista Alberti (1404-1472) à partir de deux éléments :
   -  la redécouverte de l'héritage antique et de ce qu'il en subsistait à Rome avec en particulier le Panthéon surmonté de sa coupole à caissons, les voûtes en berceau des ruines romaines dont celles des thermes, les arcs de triomphe...
   - une réflexion quasiment philosophique sur "l'art d'édifier" (De re aedificatoria, livre posthume d'Alberti) avec :
          . recherche théorique au moyen des mathématiques des proportions idéales sur le modèle de l'harmonie des accords musicaux, découverte de la perspective à partir d'un point de fuite...
          . Mise en application de la construction mentale qui résulte de cette recherche aux contingences matérielles du matériel à employer, du site, du sol, de la région... avec donc convergence de la forme (construction abstraite et idéalisée) à la matière selon les préceptes aristotéliciens.

Alberti va mettre en application ces théories dans une de ses œuvres majeures, la co-cathédrale saint André de Mantoue : il concevra cette église mais mourra avant la fin des travaux, la coupole ne sera réalisée qu'en 1490-95. Sur les deux illustrations qui suivent, seront mentionnées les caractéristiques qui inspireront les églises construites postérieurement et en particulier saint Pierre de Rome.

Il s'agit d'une église à nef unique (alors que les églises médiévales possédaient deux bas-côtés)  en forme de croix latine. A la croisée du transept se trouve une coupole (1), elle est portée par quatre piliers de forme carrée (2) qui soutiennent de puissantes arcades (3) sur lesquelles est construite la coupole. Ces arcades constituent la naissance des quatre voûtes en berceau  ornées de caissons qui recouvrent la nef (4), les deux bras du transept (5) et le chœur (6).

Cette structure avec coupole centrale et voûtes en berceau sur les quatre bras de la croix sera une des constantes de l'architecture  baroque.

Le problème qui se pose avec une telle structure est, bien évidemment,  le poids de la voûte et les risques d'écartement de ces voûtes  ; à l'époque médiévale, on aurait construit d'épais contreforts qui aurait porté des arcs-boutants ; ce n'est pas ici le cas. Une autre forme de soutènement est apparue, celle des contreforts intérieurs (7) : ce sont d'épais murs qui vont s'élever de part et d'autre de la nef pour supporter la voûte.

Ces murs seraient disgracieux s'ils n'étaient pas masqués : ils se terminent au niveau de la nef par des pilastres (8) qui supportent une corniche à  entablement (9). En outre, pour renforcer ces piliers en les arrimant l'un à l'autre, ont été créé des voûtes en berceau à axe perpendiculaire au sens de la nef (10)) qui permettent de constituer des chapelles latérales (11) ; enfin, entre chaque contrefort, se trouve un espace fermé  servant, entre autre, de puits de lumière (12).

Ces contreforts intérieurs terminés par des pilastres qui constituent des chapelles latérales seront une autre caractéristique des églises baroques. 

Les théories d'Alberti et ses réalisations vont constituer la référence pour la construction de Saint Pierre de Rome.

(1) c'est, rappelons-le, à cause de ce manque de moyens financiers que le pape Léon X mis en vente des indulgences, ce qui conduisit Luther à afficher ses 96 propositions sur la porte de l'église de Wittenberg, et aboutit à la naissance du protestantisme.

mardi 7 octobre 2014

IMPRESSIONS DE CURES THERMALES (13)

LE COÛT DES CURES

la troisième allégation mentionnée dans l'introduction sur le thermalisme était le fait que les cures thermales coûtent cher à l'assurance maladie. Pour tenter de répondre à cette impression partagée par beaucoup de gens, je prendrai, comme précédemment, l'exemple des pathologies concernant l'arthrose. Pour cela, j'essaierai de comparer le coût des cures thermales par référence aux traitements classiques médicamenteux et à l'acupuncture.

En ce qui concerne l'importance des pathologies concernant l'arthrose, voici deux textes trouvés sur internet :

Texte commentant l'Étude COART France
" Les coûts directs de l'arthrose représentaient en 2002 plus de 1,6 milliard d'euros, soit environ 1,7 % des dépenses de l'assurance maladie. La moitié de ces dépenses était attribuable à la prise en charge hospitalière, avec plus de 800 millions d'euros. 13 millions de consultations ont été effectués annuellement et les coûts des prescriptions médicamenteuses ont représenté 570 millions d'euros. La progression des coûts médicaux directs par rapport à 1993 (+156 %) s'explique essentiellement par la croissance du nombre de patients traités (+54 %), le coût par patient s'étant accru de 2,5 % par an." (les conséquences socio-économiques de l'arthrose en France.)

Texte de "l'Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale" 
     . " Une étude, présentée au congrès international de l’arthrose à Barcelone de cette année, montre que le coût annuel de prise en charge d’un patient par médecin généraliste est de 755 euros en 2010. Le coût direct du traitement de l’arthrose par an s’élèverait donc à 3 milliards d’euros.
     . En France, l’arthrose touche de 9 à 10 millions de personnes, soit 17 % de la population. En dix ans, entre 1993 et 2003, l’augmentation des patients atteints a été de 54 %.
     . Très peu savent qu’elle est la seconde cause d’invalidité dans notre pays : pour de nombreux patients, il s’agit d’un véritable handicap. L’arthrose a été responsable de 5 millions d’arrêts de travail en dix ans (1993-2003). Cela a un coût : il s’élevait à 1,6 milliards d’euros en 2002, dernière année pour laquelle nous disposons d’une évaluation précise. Il est estimé aujourd’hui à 3 milliards d’euros par an.
"

Deux chiffres émanant de ces enquêtes devraient permettre d'effectuer les comparaisons souhaitées :
     . 9 à 10 millions de personnes souffrent de l'arthrose
     . La prise en charge annuelle d'un patient par le généraliste est de 755€ en 2010. Cependant, ce dernier chiffre me semble exagéré car le texte reproduit ci-dessus mentionne 9 millions de personnes pour un coût de 1,6 milliards d'Euros, cela ne représente que 177 euros par patient !

En ce qui concerne les cures thermales :
     . Elles concernent 362.000 personnes en 2007 soit un très faible pourcentage des personnes souffrant d'arthrose ( 4%).
     . Le coût d'une cure revient pour la sécurité sociale à 476,56€, comme le montre le tableau reproduit en annexe qui représente un cas réel de 2014 (1) : Ainsi, une cure thermale coûte moins cher que ce qui est mentionné dans le texte de " l'Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale" mais beaucoup plus que le chiffre calculé sur la base des coûts rapportés au nombre de malades.

En ce qui concerne l'acupuncture, selon mon expérience, il me faut renouveler les séances d'acupuncture au minimum tous les trois mois à raison de trois séances à chaque fois. La séance d'acupuncture effectuée dans un cabinet médical revenant à 18€, cela représente 140€ avec un remboursement de 89€ par l'assurance maladie.

Au vu de ces chiffres, il apparaît nettement que l'acupuncture est la pratique la moins coûteuse pour le soulagement de l'arthrose, cependant, à mon grand regret, cette médecine reste largement marginale.

Entre cure thermale et soins médicamenteux, quel est celui qui est le moins coûteux ? Les chiffres cités plus haut sur le coût par patient de la prise en charge de l'arthrose par les traitements médicamenteux sont trop disparates pour être fiables. Pourtant, les moyens informatiques auraient dû permettre de réaliser des statistiques précises, mais je n'en ai pas trouvé.

Si, en conclusion, on fait le bilan de ces articles consacrés aux cures thermales, on ne peux que constater notre impuissance à répondre clairement et simplement aux questions posées en introduction : pour le faire, il faudrait deux informations qui, semble-t'il, n'existent pas  :
   . L'étude scientifique comparée des bienfaits thérapeutiques des cures thermales, des traitements médicamenteux et des autres médecines dites douces.
   . Le coût comparé par patient d'un traitement médicamenteux, d'une cure thermale et des soins par les autres médecines.

Sans ces outils de base, on ne pourra émettre que des avis subjectifs sans les assortir d'aucune preuve.

(1) le coût d'une cure thermale RHumatisme en 2014 :

lundi 6 octobre 2014

IMPRESSIONS DE CURE THERMALE (12)

 LE CAS PARTICULIER DES CURES DESTINÉES À LUTTER CONTRE L'OBESITE. 

Les cures effectuées au titre de la lutte contre l'obésité ont été étudiées dans une enquête spécifique de l'AFRETh, appelée MAATHERMES, elle est  plus statistique que scientifique.

 "Cette étude a été effectuée sur deux groupes de personnes :
     - Le groupe cure : 120 patients, reçus dans 5 stations thermales pendant 3 semaines pour suivre le traitement thermal spécifique pour  l’obésité.
      - Le groupe témoin : 157 patients, accompagnés par leur médecin généraliste dans un suivi contre le surpoids et l’obésité. "

Selon cette enquête, la perte de poids est beaucoup plus importante pour les curistes que pour ceux qui ont suivi "un programme de modification de style de vie et un  traitement médicamenteux"

" Les résultats de l'étude MAATHERMES sont d'autant plus pertinents que la cure nécessite une période d'intervention très inférieure aux programmes habituels de modifications de style de vie (16 à 26 semaines), et n'entraîne aucun effet secondaire indésirable." (Citation de l'enquête)

Pourtant cette même étude, donnant l'avis de médecins, semble considérablement minorer le rôle de l'eau thermale. Pour eux, la cure est surtout l'occasion d'une prise en charge globale de l'obèse. Ils effectuent pour le montrer six types d'observations :

La durée de la cure (trois semaines) permet aux gens de se couper de leurs habitudes, de leurs activités habituelles génératrices de stress et d'impression d'être continuellement  débordé, ce qui induit grignotage et "malbouffe" ; en cure, on vit pour soi-même, on n'a d'autres préoccupations que sa santé, on est pris en charge pour le reste.

La cure est aussi l'occasion d'effectuer des exercices physiques : les villes thermales organisent des activités de toute sorte pour les curistes, ceux-ci peuvent accomplir de nombreux sports (cyclisme, marche gymnastique...) ainsi que des activités de type relaxation.
 
Les cures s'accompagnent aussi de conseils diététiques sur les besoins en calories de chacun établis par des diététiciennes selon l'âge, le poids, les habitudes de vie.. ainsi que sur les équilibres alimentaires. Pour chaque curiste est rédigé un programme nutritionnel précis et détaillé effectué à partir de leur vécu. De même, des conférences sont organisées pour montrer les risques de l'obésité et les nombreuses pathologies qui en découlent (maladies cardio-vasculaire, arthrose...)

Dans les villes thermales ayant mis en place des programmes minceur, la prise en charge des curistes s'étend jusque dans les hôtels qui servent un menu diététique à 1400 kcl : le temps assez long de la cure permet aux organismes des curistes de s'habituer à ce rythme nouveau d'alimentation qui constatent que l'on peut manger de tout mais raisonnablement.

les conclusions des médecins insistent aussi sur le côté psychologique de la cure, les gens qui y viennent sont souvent perturbés par leur obésité, ils en ont honte et, de ce fait, se retranchent de la vie sociale ; pendant la cure, ils se retrouvent entre obèses, ce qui leur permet d'établir des contacts avec des personnes qui leur ressemblent ; chacun peut alors partager son problème de sur-poids et confronter son point de vue avec ceux des autres.

Ainsi, pour ces médecins, la cure est essentiellement la rééducation des habitudes comportementales même si l'eau thermale y a sa part à la fois par son action mécanique (l'eau chaude contribue à la fonte de la graisse, les jets permettent de masser) et chimique. (l'eau ingurgitée permet de drainer le fois et a un effet anorexique qui diminue la boulimie)

Enfin, les médecins qui témoignent dans MAATHERMES indiquent explicitement que la cure thermale est un "starter"  et non une fin en soi : il est nécessaire que tous les comportements acquis lors de la cure soient poursuivis. Cela n'est rarement le cas comme je l'ai écris précédemment, le retour à la maison s'accompagne généralement du retour aux habitudes et pratiques quotidiennes antérieures à la cure ; peu à peu, on en revient à tous les errements qui avaient conduit à l'obésité : nourriture trop riche et trop abondante, absence d'activités physiques, incitations continuelles de la société de consommation en ce qui concerne la nourriture... Bref, en peu de temps, les effets de la cure risquent d'être obérés et les bonnes résolutions oubliées.

Si on veut éviter cet échec, il est nécessaire que les cures d'amaigrissement soient assorties d'un suivi médical à la fois parce que les régimes, généralement déséquilibrés, peuvent avoir des résultats nocifs à long terme en créant des carences, et surtout parce qu'il est nécessaire d'accompagner les efforts des malades pour empêcher qu'ils ne renoncent. Dans cette perspective, il faudrait que les médecins refusent de prescrire de telles cures médicalisées si les patients ne font pas les efforts qu'on leur demande .

Il convient cependant de relativiser les affirmations qui précédent :
   . Les prises en charge par la sécurité sociale sont limitées aux cas les plus graves d'obésité : cela est perceptible quand on considère le pourcentage des curistes ressortant des différents agréments : 73% pour les prescriptions de cures RH, 11% pour le soin des Voies Respiratoires et 5% pour le secteur " affections digestives et urinaires" qui englobent non seulement l'obésité mais aussi toute sorte d'autres pathologies.
   . En fait, une grande partie des cures destinées à l'amaigrissement ne sont pas prises en charge, elles font partie d'une troisième catégorie de pratiques thermales qui sont à mi-chemin entre les cures de bien-être et les cures médicalisées. Ces cures, dont la durée est fixée par le curiste lui-même, ne sont pas remboursées par la sécurité sociale et donc sont effectuées en toute liberté par les gens qui choisissent de les suivre.


dimanche 5 octobre 2014

IMPRESSIONS DE CURE THERMALE (11)

LE BILAN
Ainsi, il apparaît, au terme de cette description des avantages et des réserves émises à propos des cures thermales, une double impression :

Il y a d'abord ce ressenti de beaucoup de curistes que j'ai tenté de faire passer du subjectif à un maximum d'objectivité en essayant d'étayer mon impression par des informations glanées autour de moi et sur les sites scientifiques trouvés sur internet :
   . En premier lieu, une cure à base de soins thermaux soulage la douleur liée à l'arthrose et aux problèmes d'articulation,
   . L'effet de la cure est double, à la fois chimique et mécanique, soignant et rééduquant, les deux aspects revêtant une égale importance,
   . Les effets de la cure sont durables, ils permettent de se passer de médicaments.
   . L'eau thermale étant naturelle, elle ne produit aucun effet secondaire.

En ce qui concerne les réserves émises, elles correspondent à ce que l'on peut constater dans la société toute entière :
   . Beaucoup de gens affirment péremptoirement des convictions qui ne sont étayées par aucune preuve scientifique. En ce qui concerne les cures thermales, c'est tout à fait net puisque les études menées n'en sont qu'à leurs balbutiements et sont largement orientées par leurs initiateurs qui avancent de pseudo-preuves pour justifier leurs propos. . En fait, il semble bien que personne ne semble vouloir que la vérité s'exprime, de trop importants intérêts financiers sont en jeu !
   . À cela s'ajoute le laxisme généralisé de toute la société : beaucoup de curistes considèrent la cure comme une période de vacances, c'est du moins ce qui transparaît dans les médias. Ce comportement est cependant réel : il dérive du détestable principe : " je fais ce que je veux" qui a développé l'individualisme forcené.

Comment peut-on sortir de cette situation ?
Pour moi, il faudrait mettre en œuvre trois éléments :
   . Faire réaliser par la sécurité sociale une étude sur les bénéfices apportés aux gens souffrant de diverses pathologies par les cures thermales mais aussi par l'acupuncture, l'homéopathie, les traitements médicamenteux... de manière à voir ce qui est le plus profitable et le moins nocif à la santé. Cette enquête devrait être menée par les scientifiques indépendants et n'ayant pas manifesté ni d'a-priori ni de conflits d'intérêts. Une fois cette enquête terminée, l'assurance maladie pourra décider en toute connaissance de cause ce qu'elle rembourse ou pas. Avec un tel outil, on cesserait de proférer des balivernes qui embrouillent tout le monde.
   . Modifier la méthodologie de la prescription des cures : si un patient, quelques semaines après la cure, revient consulter son medecin et indique qu'il souffre à nouveau et qu'il a besoin à nouveau de médicaments, le médecin en conclura que la cure n'a pas eu l'effet escompté et qu'il est inutile de lui en prescrire l'année suivante.
   . Inclure dans les études de médecine l'apprentissage des médecines dites douces et en particulier des soins thermaux, afin que les praticiens généralistes puisse prescrire des cures en toute connaissance de cause. (cf : TOUS MALADES, TOUS SOIGNÉS dans ce blog)

C'est à ce prix que l'on pourra mettre un peu d'ordre et de raison dans des polémiques sur les cures thermales qui ne devraient pas avoir lieu d'être.

samedi 4 octobre 2014

IMPRESSIONS DE CURE THERMALE (10)

LES RÉSERVES CONCERNANT LES PRATIQUES THERMALES

La première réserve émise par le corps médical concerne les critères d'agréments : alors que les médicaments font l'objet de longues procédures de certification et ne sont mis sur le marché qu'une fois le cursus complet accompli, les soins thermaux ne font pas l'objet d'enquête sur leur efficacité : les responsables des thermes semblent dire :  " à quoi bon évaluer nos pratiques puisque les cures ont prouvé leur efficacité depuis les romains et sans doute avant encore " il est probable que ces responsables ont peur des conclusions de telles évaluations qui risqueraient de ne pas être en leur faveur.

Pressés par l'Etat et par les menaces de déremboursement, les stations thermales décidèrent de se constituer en un groupe appelé CNETh (Conseil National des Exploitants Thermaux) et de créer une structure de recherche appelée AFRETH (agence française pour la recherche thermale). celle-ci mît en œuvre deux enquêtes :
      . THERMARTHROSE parue en 2005 pour répondre aux détracteurs des cures thermales en RHumatologie qui justifiaient leur opposition à la prise en charge par la sécurité sociale de ces cures par le fait qu'aucune étude n'avait jamais été entreprise sur leur efficacité. (1)
     . MAATHERMES à propos de l'obésité.
Il va de soit que ces enquêtes sont très favorables aux cures thermales puisqu'elles ont été menées par le CNETh qui, dans cette affaire, fut juge et partie. C'est pourquoi je n'en donnerai les conclusions qu'en note jointe.

En attendant qu'une vraie enquête, effectuée par une structure indépendante, puisse être organisée, il parait évident que toutes les supputations pourront continuer à circuler.

Une seconde réserve est aussi à noter : le choix du lieu de cure par les patients est, le plus souvent, déterminé plus par l'environnement que par la qualité des eaux et des soins. On préfère faire une cure dans le sud de la France, même si l'eau de telle ville thermale située dans un site moins agréable, serait plus efficace. C'est, en ce sens, que la cure s'assimile à des vacances dans les motivations de certains. Autrefois, la sécurité sociale ne remboursait les soins que si l'on choisissait le lieu de cure le plus proche de son domicile. Ce n'est malheureusement plus le cas.

Autre réserve, il suffit de regarder les gens lors des cures pour observer que la plupart tentent de faire des efforts pendant la cure, participant à des conférences, marchant, faisant du sport... Par contre, sitôt la cure terminée, ils abandonnent tous ces efforts, retombent dans leur quotidien et s'empressent d'oublier tout ce qu'ils avaient pris de résolutions pendant la cure. C'est le cas en particulier pour les cures luttant contre le surpoids et l'obésité dont je parlerai dans l'avant dernier article de ce chapitre. On a souvent l'impression que, pour beaucoup de gens, les trois semaines de cure sont un intermède agréable dont on s'empresse d'oublier les enseignements sitôt revenu chez soi.

La quatrième réserve concerne les agréments dispensés par l'assurance maladie. Certes, ils sont basés sur des critères objectifs : pureté de l'eau, qualité constante de ses composantes, analyse de ces composantes, température de l'eau... Pourtant, on peut se demander si, à ces critères objectifs, ne s'en ajoutent pas d'autres, moins scientifiques : on peut, par exemple, être étonné que deux stations proches l'une de l'autre, avec de l'eau à la composition semblable, soient agréées pour l'une au titre des soins en rhumatologie et l'autre pas ; renseignements pris, l'une de ces stations comporte une source où l'eau sourd à 21°, ce qui permet cet agrément en rhumatologie et l'autre pas ; pourtant, dans les deux stations, l'eau doit être réchauffée à 36° avant de servir pour les soins, ce qui annihile la différenciation entre les deux eaux ! En conséquence, la première station fait le plein de curistes et refuse même du monde faute de places alors que la station voisine est si peu fréquentée qu'elle est menacée de fermeture. Il est probable que d'autres considérations que la qualité de l'eau sont entrées en ligne de compte !

Une autre réserve consiste à la nécessité pour les curistes de tenir compte de contingences matérielles qui limitent la pratique  :
    . Une cure durant trois semaines, il faut pouvoir disposer de ce laps de temps pour l'effectuer, ce qui n'est pas toujours le cas pour les actifs.
    . Une cure, même prise en charge par la sécurité sociale, coûte cher, surtout si on vient de loin, il faut en effet se loger (le meublé le moins cher que j'ai trouvé à Vittel est de 480€ pour les trois semaines) et payer les frais annexes (dont les abonnements aux activités par exemple).
Tout cela limite la clientèle qui comporte surtout des personnes âgées à la retraite disposant de temps et d'assez de moyens pour payer tous les à-côtés : dans cette perspective, on ne peut pas dire que la démocratisation touche ce domaine de soins ! (même si la sécurité sociale prend en charge une partie des frais d'hébergement pour les plus démunis)

Enfin, une dernière réserve pourrait être émise, je la cite pour mémoire : l'intérêt économique. Pour défendre les cures thermales, cet argument est souvent employé : il faut maintenir les cures thermales non parce qu'elle sont utiles mais pour préserver les emplois et permettre aux collectivités locales de rentabiliser les investissements imposés par l'Etat au nom de normes si draconiennes qu'elles en deviennent stupides :   si la sécurité sociale supprimait les remboursements des cures thermales, les villes d'eau seraient totalement ruinées (selon le CNEth, les remboursements des cures par la sécurité sociale représente 74% du chiffre d'affaire des stations thermales. C'est dire l'importance des intérêts en jeu ! )

Pour moi, cet argument n'est pas à prendre en compte dans une politique de santé publique pour trois raisons au moins :
     - avec de tels arguments de préservation de l'emploi, on peut justifier n'importe quoi : si on tente de limiter l'alcoolisme, on nuit gravement aux viticulteurs et à l'emploi agricole, si on limite les autorisations de fumer, les usines cigaretières vont fermer, ce qui créera du chômage...
     - délivrer des agréments sous prétexte de maintenir l'emploi revient à faire financer ces emplois par les cotisants sociaux et par les contribuables, sans bien entendu le leur dire, ce qui est immoral.
     - surtout, avec de tels arguments économiques, on obère totalement le problème essentiel, celui de la santé publique.

Dans cette perspective, on retrouve toutes les perversions occasionnées par le " fric" : les personnes qui défendent l'emploi dans un tel contexte ne se servent de cet argument que pour préserver leurs propres intérêts et ceux de leurs actionnaires. Ils utilisent l'alibi du chômage  pour forcer la main à l'Etat et maintenir leurs privilèges. Ils se sont groupés en de puissants groupes de pression pour cela. En ce sens, l'intérêt du curiste est relégué au second plan.

1- L'enquete Thermarthrose
L'enquête porte sur 462 patients répartis en 2 groupes d’études :

     . Le groupe cure : 232 patients, accueillis dans 3 stations thermales ont reçu, en complément de leur traitement habituel, des soins thermo-minéraux pendant 18 jours.
     . Le groupe témoin : 230 patients ont suivi leur traitement habituel.


Les chiffres sont, dans cette enquête, éloquents : selon les patients, comme selon les médecins, la situation a été améliorée pour plus de 50% des curistes et seulement pour 30% des autres. La suite de l'enquête montre que cette amélioration n'est pas que ponctuelle mais se poursuit sur les mois qui suivent : " A 6 mois, on observe, de manière statistiquement significative une amélioration du score de la douleur de 11,4 chez les patients du groupe curiste et de 4,0 chez les patients du groupe témoin. L’amélioration du score d’incapacité est également significatif : il est de 8,5 pour les patients du groupe curiste et de 3,0 pour les patients du groupe témoin."