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mercredi 30 juin 2021

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (24)

 LE TRIPTYQUE DU VAGABOND, DE LA MORT DE L’AVARE ET DE LA NEF DES FOUS (4)

Suite de l’article précédent 

Les occupants de la barque semblent, en effet, avoir décidé de ne plus se soucier de l’avenir inexorable et effrayant qui les attend, marqué par la mort et par la damnation ; désormais, pour eux, seul compte le fait de profiter de la vie pendant le peu de temps qui leur reste à vivre en suivant leur bon plaisir et en s’affranchissant de toutes les règles, de toutes les autorités et de tous les tabous qui régissaient la société.


 
Dans ce bateau se trouvent dix individus qui constituent une sorte de microcosme symbolisant l'ensemble de la société : trois religieux et sept laïcs dont un "fou». Ce microcosme social est cependant incomplet puisqu'il se caractérise par une absence totale de structure d'autorité.
 
Parmi ces dix personnages, l'un doit être mis à part, le "fou" (J) que l'on pourrait plutôt qualifier de "bouffon". La signification du terme de "fou" est en effet très différente de celle de notre notion contemporaine : la folie n'est pas une maladie mentale, mais, beaucoup plus, une dépravation de l'âme sous l'emprise du mal. En ces temps difficiles, s'adonner à tous les interdits au lieu de penser à son salut, est folie. Dans cette conception, le "fou" a pour rôle de rire et se moquer de tout, de dire tout haut ce que les autres pensent sans oser l’exprimer, de tout tourner en dérision  et, par la même, de cautionner les comportements déviants, d'exacerber les penchants de ses spectateurs vers toutes les vanités : le "fou", sous l'emprise du mal, pervertit la société et est ressenti comme un séide de Satan.
 
Le fou de la NEF DES FOUS se trouve à l'écart du bateau, assis sur une branche, il porte le costume caractéristique de sa profession : un capuchon à grelots, un vêtement à franges ornées également de grelots, il tient d'une main une sorte de gobelet conique et de l'autre son attribut, la marotte. Il détourne son regard de la scène de beuverie qui se déroule en dessous, semblant dire : " la tâche est accomplie, voici des gens que j'ai conduits à la débauche !"
 
La partie centrale du tableau, en forme de triangle dont la pointe correspond à la volaille attachée au mat,  comporte la barque et ses passagers.
 
Au centre de ce triangle, se trouvent trois religieux dont un franciscain reconnaissable à la couleur grise de son habit (K). Les deux autres religieux sont des nonnes (L et M). Ce sont ces trois individus qui semblent être les animateurs des scènes de débauche :
   . Le franciscain (K)  et la nonne (L)  sont assis de part et d'autre d'une planche figurant une table, sur cette table se trouvent un gobelet et un plat de cerises. La nonne joue du luth. Ces deux personnages ont la bouche ouverte comme s'ils chantaient, il est cependant plus probable qu'ils essaient de manger une crêpe qui pend devant eux par une corde accrochée au filin tenant le mat.
   . L'autre nonne (M) lève une cruche et s'adresse à un homme étendu (N) dans le fond de la barque, cet homme, sans doute ivre,  tient une outre à demi immergée dans l'eau, la nonne semble dire à l'homme : " lève-toi et emplit la cruche de vin, tu vois bien qu'elle est vide! " on dirait même qu'elle s'apprête à le frapper.
 
Tous les autres personnages sont des laïcs, ils se ressemblent beaucoup avec leurs habits de couleur rouge et leur visage rond :
   . Deux d'entre eux semblent participer au jeu de la crêpe à manger sans utiliser les mains,  (O)
   . Un autre (P) ayant un gobelet sur la tête,   lève le bras pour montrer le personnage (Q) qui monte au mat et coupe le lien attachant la volaille à ce mat,
   . Un autre (R) vomit dans l'eau, il est le seul laïc à ne pas porter un habit rouge.

Tous ces laïcs participent avec délectation aux débauches initiées par les religieux sans en être les moteurs ;  ils semblent se borner à les imiter ; cette dépravation du clergé est aussi une caractéristique des mentalités de l'époque : c'est parce que le clergé est perverti et n'a plus le sens de son devoir que l'humanité, tel un " bateau ivre", se livre au règne du mal. Il convient cependant de ne pas exagérer l'angélisme des laïcs puisque ceux-ci sont également attirés par la perversité comme en témoignent les deux personnages nus dans l'eau aspirant à entrer dans la barque : la débauche exhibée par les religieux semble se propager dans toute la société.

A suivre…  


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