L’ANNÉE 1834 : LA LEVÉE DES INCERTITUDES
1834
est une année charnière pour l’avenir des zones occupées par l’armée en Afrique
du Nord à au moins quatre points de vue :
. Elle vit la parution du
rapport de la commission parlementaire comportant une description inquiétante
de l’état des terres conquises et des propositions concrètes permettant d’y
remédier.
. Elle consacra l’adhésion
quasi unanime au maintien de la présence française en Afrique du Nord.
. Ce fut aussi l’année où furent
prises les décisions sur l’organisation des pouvoirs en Algérie, elles se perpétuèrent jusqu’à la fin de la monarchie de juillet et même au-delà.
. Elle montra enfin qu’il était
possible que la coexistence pacifique entre français et tribus puisse exister,
que le cycle de la violence et des atrocités pouvait être rompu si, de part et
d’autre, on acceptait de négocier.
LE RAPPORT DE LA COMMISSION
La lecture de ce texte
est intéressante car il décrit de façon
précise, argumentée et bien documentée, l’état réel de la colonie et la manière
dont il convenait raisonnablement d’envisager la colonisation des terres conquises.
L’exemple d’Alger et de sa région est particulièrement révélateur
des discussions survenues à ce propos.
La commission effectua un premier constat : la population d’Alger a considérablement diminué après la conquête ; avant celle-ci, elle était de 35.000 à 40.000 habitants, désormais, elle n’en compte plus que 25.000 habitants dont 4.000 européens. Cette diminution de la population autochtone résulte à la fois de l'expulsion des turcs et du départ des « Maures » qui préférèrent quitter la ville plutôt que d’héberger des soldats, il est probable aussi, quoique la commission n’en dise mot, que beaucoup choisirent de partir plutôt que de subir le joug des infidèles.
Cette situation explique, selon le rapport, que beaucoup d’Européens aient acquis à bas prix des maisons dans la ville et des propriétés établies au milieu des plantations de vigne et d’oliviers dans le Sahel d’Alger. Selon la commission, ce secteur doit être conservé par la France car c’est un milieu favorable aux cultures fruitières et maraîchères ainsi qu’à la production de fourrage permettant d’approvisionner une grande partie de ce dont la ville a besoin. Pour le reste et en particulier pour le blé, il pourra être acheté aux maures qui viennent nombreux vendre leur production sur les marchés. Dans cette région, observe la commission, les propriétés domaniales sont peu étendues, les colons doivent traiter avec les autochtones pour acquérir des terres. Il conviendra, afin de protéger la région, d’établir un camp militaire à DOUERA.
En ce qui concerne la plaine de la Mitidja, les avis furent l’objet de nombreuses discussions entre les membres de la commission. A cette époque, la situation de la plaine de la Mitidja n’a pas évolué depuis la conquête, restant une région marécageuse et malsaine, elle n’est, selon la commission, que partiellement cultivée en blé par des nomades descendus des montagnes au moment où les marécages s’assèchent naturellement.
Au-delà, vers le Sud, se trouve la ville de BLIDA alors aux mains des
« arabes », autour de la cité se trouvent de riches plantations
d’oranges et d’autres arbres fruitiers.
Finalement, par 9 voix contre 7, il fut décidé d’envisager la
colonisation de la Mitidja mais en y mettant de nombreuses réserves, en
montrant toutes les difficultés de l’entreprise
et surtout en
Afin de surveiller Blida et les incursions des tribus, la
commission prône la création de forts autour de la cité, pourvus d’une garnison
de 3000h (les deux forts de Joinville et Montpensier ne seront construits qu’en
1838 et la ville ne sera occupée qu’en 1839). De même, la commission propose de
créer des camps retranchés à KOLEA et à CAP MATIFOU ainsi que des fortins de
liaison pour protéger le SAHEL
Une fois la plaine sécurisée, il sera nécessaire de
construire des routes. Alors se posera le problème de la main d’œuvre, il semble exclus d’employer
exclusivement des tâcherons autochtones car ils ne sont pas aptes à le faire ;
la rareté des ouvriers qualifiés venus d’Europe, conjuguée au fait que les
travaux s’effectueront dans une zone malsaine, ne fera qu'augmenter leurs exigences
et coûtera trop cher. On ne peut donc compter que sur l’armée pour cette
construction. En outre, les travaux ne pourront se
dérouler que pendant les périodes où les marécages sont asséchés, en été, sans
que pourtant, le risque d’exhalations malsaines soit complètement écarté ; ils seront aussi interrompus par des heurts continuels avec les tribus venues
planter du blé et faire paitre leurs troupeaux. Tous ces aléas devraient retarder constamment l'issue de l'entreprise.
Une fois la besogne accomplie, on ne disposerait que
d’une terre asséchée mais non défrichée et sans habitation. Si on concède cette
terre aux colons, ils devront construire des maisons, granges et étables,
acquérir du matériel aratoire, posséder un pécule suffisant pour ces dépenses
et pour attendre les premières récoltes. Or les candidats à l’émigration ayant
un peu d’argent, préféreront s’installer en Amérique du Nord plutôt que de s'installer dans la Mitidja. Seuls les pauvres sans moyens accepteront d’y venir. Pour la
commission, ce sera un échec ; le rapport indique que deux tentatives ont été
déjà tentées dans le Sahel d’Alger à KOUBA et DELLY-IBRAHIM pour y implanter des émigrants pauvres, ces
deux essais ont échoué, bien que les
maisons aient été construites aux frais de la colonie et que les colons ont été
nourris grâce aux magasins de l’armée.
Enfin, la colonisation de la Mitidja n’aurait aucun
intérêt car, écrit la commission, elle ne produirait que du blé et des
fourrages, ce qui serait certes nécessaire pour les français établis en Algérie
mais n’aurait aucune utilité pour la métropole.
Ainsi, la commission propose l’ajournement de la
colonisation tant que l’armée n’aura pas construit les forts et le routes et
tant que la Mitidja ne sera pas asséchée, ce qui risque de durer longtemps.
Selon moi,
le rapport de la commission eut une grande importance :
. Il révéla la situation exacte des
territoires conquis.
. C’est à la suite de ce rapport, que le
gouvernement prit les décisions définitives qui mirent fin à la période
d’incertitude régnant alors en France à propos des possessions françaises
d’Afrique du Nord que l’on n’appelle pas encore Algérie.
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