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jeudi 16 décembre 2021

La politique coloniale de la MONARCHIE DE JUILLET en ALGÉRIE (9)

 L’ANNÉE 1834 : LA LEVÉE DES INCERTITUDES

 1834 est une année charnière pour l’avenir des zones occupées par l’armée en Afrique du Nord à au moins quatre points de vue :

 

     . Elle vit la parution du rapport de la commission parlementaire comportant une description inquiétante de l’état des terres conquises et des propositions concrètes permettant d’y remédier.

     . Elle consacra l’adhésion quasi unanime au maintien de la présence française en Afrique du Nord.

     . Ce fut aussi l’année où furent prises les décisions sur l’organisation des pouvoirs en Algérie, elles se perpétuèrent jusqu’à la fin de la monarchie de juillet et même au-delà.

     . Elle montra enfin qu’il était possible que la coexistence pacifique entre français et tribus puisse exister, que le cycle de la violence et des atrocités pouvait être rompu si, de part et d’autre, on acceptait de négocier.


LE RAPPORT DE LA COMMISSION

La lecture de ce texte est  intéressante car il décrit de façon précise, argumentée et bien documentée, l’état  réel de la colonie et la manière dont il convenait raisonnablement d’envisager la colonisation des terres conquises. L’exemple d’Alger et de sa région est particulièrement révélateur des discussions survenues à ce propos.

La commission effectua un premier constat : la population d’Alger a considérablement diminué après la conquête ; avant celle-ci, elle était de 35.000 à 40.000 habitants, désormais, elle n’en compte plus que 25.000 habitants dont 4.000 européens. Cette diminution de la population autochtone résulte à la fois de l'expulsion des turcs et du départ des « Maures » qui préférèrent quitter la ville plutôt que d’héberger des soldats, il est probable aussi, quoique la commission n’en dise mot, que beaucoup choisirent de partir plutôt que de subir le joug des infidèles.

Cette situation explique, selon le rapport,  que beaucoup d’Européens aient acquis à bas prix des maisons dans la ville et des propriétés établies au milieu des plantations de vigne et d’oliviers dans le Sahel d’Alger. Selon la commission, ce secteur doit être conservé par la France car c’est un milieu favorable aux cultures fruitières et maraîchères ainsi qu’à la production de fourrage permettant d’approvisionner une grande partie de ce dont la ville a besoin. Pour le reste et en particulier pour le blé, il pourra être acheté aux maures qui viennent nombreux vendre leur production sur les marchés. Dans cette région, observe la commission, les propriétés domaniales sont peu étendues, les colons doivent traiter avec les autochtones pour acquérir des terres. Il conviendra, afin de protéger la région, d’établir un camp militaire à DOUERA.

En ce qui concerne la plaine de la Mitidja, les avis furent l’objet de nombreuses discussions entre les membres de la commission. A cette époque, la situation de la plaine de la Mitidja n’a pas évolué depuis la conquête, restant une région marécageuse et malsaine, elle n’est, selon la commission, que partiellement cultivée en blé par des nomades descendus des montagnes au moment où les marécages s’assèchent naturellement.

Au-delà, vers le Sud, se trouve la ville de BLIDA alors aux mains des « arabes », autour de la cité se trouvent de riches plantations d’oranges et d’autres arbres fruitiers.  Finalement, par 9 voix contre 7, il fut décidé d’envisager la colonisation de la Mitidja mais en y mettant de nombreuses réserves, en montrant toutes les difficultés de l’entreprise  et surtout en échelonnant l’occupation sur une longue période.


Pour la commission, la mise en valeur de la Mitidja passait d’abord par la conquête et l’occupation de Blida, située au pied du Tell et verrou de la Mitidja. Cette conquête, indique la commission, présente le risque de voir s'accentuer la haine des tribus envers les français  et de devenir la cause d’un état de guerre permanent : les chefs des tribus des montagnes susciteront le fanatisme religieux et national de leurs membres et organiseront des incursions continuelles dans la plaine.

Afin de surveiller Blida et les incursions des tribus, la commission prône la création de forts autour de la cité, pourvus d’une garnison de 3000h (les deux forts de Joinville et Montpensier ne seront construits qu’en 1838 et la ville ne sera occupée qu’en 1839). De même, la commission propose de créer des camps retranchés à KOLEA et à CAP MATIFOU ainsi que des fortins de liaison pour protéger le SAHEL

Une fois la plaine sécurisée, il sera nécessaire de construire des routes. Alors se posera le problème de  la main d’œuvre, il semble exclus d’employer exclusivement des tâcherons autochtones car ils ne sont pas aptes à le faire ; la rareté des ouvriers qualifiés venus d’Europe, conjuguée au fait que les travaux s’effectueront dans une zone malsaine, ne fera qu'augmenter leurs exigences et coûtera trop cher. On ne peut donc compter que sur l’armée pour cette construction. En outre, les travaux  ne pourront se dérouler que pendant les périodes où les marécages sont asséchés, en été, sans que pourtant, le risque d’exhalations malsaines soit complètement écarté ; ils seront aussi interrompus par des heurts continuels avec les tribus venues planter du blé et faire paitre leurs troupeaux. Tous ces aléas devraient retarder constamment l'issue de l'entreprise.

Une fois la besogne accomplie, on ne disposerait que d’une terre asséchée mais non défrichée et sans habitation. Si on concède cette terre aux colons, ils devront construire des maisons, granges et étables, acquérir du matériel aratoire, posséder un pécule suffisant pour ces dépenses et pour attendre les premières récoltes. Or les candidats à l’émigration ayant un peu d’argent, préféreront s’installer en Amérique du Nord plutôt que de s'installer dans la Mitidja. Seuls les pauvres sans moyens accepteront d’y venir. Pour la commission, ce sera un échec ; le rapport indique que deux tentatives ont été déjà tentées dans le Sahel d’Alger à KOUBA et DELLY-IBRAHIM  pour y implanter des émigrants pauvres, ces deux essais  ont échoué, bien que les maisons aient été construites aux frais de la colonie et que les colons ont été nourris grâce aux magasins de l’armée.

Enfin, la colonisation de la Mitidja n’aurait aucun intérêt car, écrit la commission, elle ne produirait que du blé et des fourrages, ce qui serait certes nécessaire pour les français établis en Algérie mais n’aurait aucune utilité pour la métropole.

Ainsi, la commission propose l’ajournement de la colonisation tant que l’armée n’aura pas construit les forts et le routes et tant que la Mitidja ne sera pas asséchée, ce qui risque de durer longtemps.

Selon moi, le rapport de la commission eut une grande importance :

     . Il révéla la situation exacte des territoires conquis.

     . C’est à la suite de ce rapport, que le gouvernement prit les décisions définitives qui mirent fin à la période d’incertitude régnant alors en France à propos des possessions françaises d’Afrique du Nord que l’on n’appelle pas encore Algérie.

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