L’ANNÉE 1834 : LA LEVÉE DES INCERTITUDES (2)
L’ANNÉE
1834, L’ORGANISATION DES POUVOIRS
En 1834 sont prises deux décisions importantes qui vont engager l’avenir de la colonie : l’une sur son organisation politique et l’autre sur la mise en
place d’une justice civile.
1. Le commandement général et la haute administration des possessions françaises dans le Nord de l’Afrique (ancienne régence d’Alger) sont confiés à un gouverneur général. Il exerce son pouvoir sous les ordres de notre ministre, secrétaire d’Etat de la guerre
2. Un officier général commandant les troupesUn procureur général,
Un intendant militaire,
Un directeur des finances
sont chargés des différents services militaires civils et militaires sous les ordres et dans les limites de leurs attributions respectives8
4. jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné,
les possessions françaises dans le Nord de l’Afrique seront régies par
ordonnance.
5. le gouverneur général prépare en conseil les projets d’ordonnances que réclame la situation du pays et les transmet à notre ministre, secrétaire d’Etat à la guerre. Dans les cas extraordinaires ou urgents, il peut, provisoirement, par voie d’arrêtés, rendre exécutoires les dispositions contenues dans ce projet.
Cette
ordonnance est très importante d’abord parce qu’elle clôt la période
d’hésitation et de tergiversations de la période précédente, ensuite parce
qu’elle augure le cadre de l’organisation administrative de l’Algérie coloniale
française.
En premier lieu, est affirmé à deux reprises le fait que la zone d’occupation de l’armée est possession de la France. Le cadre de la conquête est également défini, il comporte l’ensemble des territoires autrefois sous la suzeraineté du Dey d’Alger qui, en 1830 comprenait :
. Une zone allant de la frontière
marocaine à l’Est d’Alger, elle comportait à la fois les plaines littorales et
les hauts plateaux et s’étendait jusqu’à l’Atlas saharien.
. Une zone allant de Bougie à la frontière tunisienne et s’étalant vers le sud jusque l’Aurès.
. Entre les deux zones, un étroit couloir contournant des terres tribales restées autonomes.
Cet objectif
de conquête sera réalisé à la fin de la monarchie de juillet.
Une deuxième
caractéristique de cette ordonnance réside dans le fait qu’elle unifie les
pouvoirs en Algérie et les place sous la direction du gouverneur général qui, à
celle époque, sera systématiquement un militaire ; désormais, il n’existera
plus de contrepouvoir et surtout de séparation entre les territoires
civils et les zones militaires, l’intendant civil étant subordonné au
gouverneur général. Celui-ci contrôlera non seulement l’administration et
l’armée mais aussi l’organisation de la justice et des finances : il
dirigera donc les possessions algériennes de manière quasiment dictatoriale.
Il existait
certes deux limites théoriques à cette omnipotence du gouverneur :
. Il était entouré d’un conseil comportant
les chefs de service choisis par le gouvernement. Il est probable qu’il devait
discuter avec eux des décisions à prendre concernant la colonie
. Il ne pouvait rédiger que des projets de
circulaire, pour qu’une circulaire soit promulguée, il fallait l’accord du
ministre de la guerre.
Cette deuxième
limite était cependant illusoire puisque, en cas d’urgence, le gouverneur avait
le droit de faire appliquer ses projets sans attendre l’aval du ministre du
fait des importants délais de transmission et de décision.
Enfin, il
convient de remarquer que les décisions concernant la colonie sont effectuées par
le gouvernement central sans passer par le parlement, ce qui conforte encore plus l’autocratisme du gouvernement de la colonie délégué au gouverneur général.
ORDONNANCE SUR
L’ORGANISATION DE LA JUSTICE
Un autre texte
important est promulgué le 30 août 1824 concernant la pratique de la justice,
jusqu’alors aux mains des tribunaux militaires, ceux-ci restant néanmoins
compétents dans leur domaine réservé.
L’ordonnance crée
deux types de tribunaux dans les zones soumises au pouvoir civil : des
tribunaux français et des tribunaux indigènes.
. Des tribunaux d’instance à Bône, Oran et Alger comportant deux juges officiellement nommés par le roi mais en fait désignés par le gouverneur général.
. A Alger, un tribunal supérieur possédant le rôle du tribunal d’assises et un tribunal de commerce dont la compétence s’étend à toutes les zones sous administration civile.
Les tribunaux
« indigènes » restent composés de leurs juges traditionnels et rendent une justice
basée sur leurs propres traditions. Ils sont nommés par le gouverneur et
rétribués par l’Etat. Les peines graves
prononcées par ces tribunaux ne peuvent être exécutées sans le visa du
procureur. De même, l’exécution ne peut être infligée que par les autorités françaises.
Les domaines
de compétence respectifs des tribunaux français et indigènes sont aussi déterminés
par cette loi.
. Les tribunaux français jugent les
affaires entre français,
. Les tribunaux indigènes jugent les différents entre les autochtones, cependant, si des autochtones font appel de la décision des tribunaux indigènes, cela ne peut être effectué que devant le tribunal supérieur, en ce cas, c’est le code pénal français qui est seul applicable. Il se peut alors qu’un délit punissable par la loi locale ne le soit pas par le code français, en ce cas, l’appelant est acquitté.
. En ce qui concerne les affaires entre
français et autochtones, elles sont du ressort des seuls tribunaux français ;
en ce cas, c’est le code pénal français qui est seul compétent. En cas
d’affaire mixte, les tribunaux français doivent s’adjoindre un assesseur
autochtone avec voix consultative, chargé de traduire en langue vernaculaire
les débats et la sentence.
Au vu de ce
qui précède, l’ordonnance du 20 aout présente une caractéristique
fondamentale : elle tend à établir
implicitement la supériorité du droit français, seul compétent en
cas d’appel et aussi dans les affaires mixtes : ainsi un musulman qui
s’estime lésé par un français selon le droit islamique, sera débouté si le juge
français ne trouve pas dans le code pénal mention du délit équivalent à celui
du droit islamique.
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