LA PUBLICITÉ : OBJECTIFS ET CARACTÈRES GÉNÉRAUX
Le but proclamé de la SOC-COM (société de consommation) est de prétendre donner plus de bonheur aux gens par la consommation : achetez toujours plus pour être plus heureux.
Au nom de cette prétention , les dirigeants anonymes de la soc-com définissent le progrès non pour le bien des hommes mais au nom de leur intérêt, ils établissent ensuite les modalités qui en découlent puis les imposent aux peuples de manière pernicieuse et indolore grâce à un arsenal de méthodes publicitaires particulièrement perfectionné enrobant la totalité de la vie quotidienne afin de modeler les esprits en asservissant la liberté.
Cet arsenal complet de mesures est d'autant plus dangereux qu'il s'adresse non à la raison mais aux comportements instinctifs qui ravalent
l'Homo Sapiens Sapiens ( l'homme qui sait et qui sait qu'il sait) au niveau des primates ante-historiques.
La publicité est totalement invasive dans notre monde : où qu'on se retourne, on en trouve ou on en entend ; partout, l'oeil est attiré par les placards publicitaires qui l'entourent, on ne les voit même plus.. Pourtant les messages dispensés sont bien réels et d'autant plus dangereux qu'on a l'impression qu'ils n'ont pas de prise sur nous.
Pour être efficaces, les publicitaires ont élaboré diverses stratégies afin que l'achat s'effectue non en fonction du produit lui-même mais selon ce que le cerveau a retenu du message publicitaire. C'est tout le but de cette "guerre psychologique" qui s'organise comme une véritable campagne militaire avec une stratégie, des cibles et des méthodes de combat permettant d'atteindre le but visé.
Quels que soient les moyens employés, le but est toujours le même : amener le client potentiel à acheter tel ou tel produit en suscitant en lui l'envie irrépressible de posséder ce produit ressenti comme indispensable, même si on n'en a pas besoin, même si on n'a pas les ressources pour cet achat, même si ce n'est pas raisonnable.
UNE ANALYSE PERSONNELLE DE LA STRATÉGIE PUBLICITAIRE : L'EXEMPLE DES "SPOTS" PUBLICITAIRES DE LA TÉLÉVISION
En premier lieu, il faut amener le téléspectateur à REGARDER LES PLAGES PUBLICITAIRES :
Les méthodes employées sont de deux sortes :
- en jouant sur les horaires des programmes : le film du dimanche soir que regardent beaucoup de spectateurs est systématiquement en retard d'une quinzaine de minutes ; en l'attendant, on est bien obligé de regarder les plages publicitaires si on ne veut pas rater le début du film, de même la météo est intercalée dans une série interminable de placards publicitaires
- en jouant sur les coupures de film, effectuées à des moments où l'action s'accélère : on reste planté devant la télévision pour ne pas rater la reprise du film : ainsi, l'autre jour, le dernier film que j'ai regardé, comporta deux coupures avec 25 spots publicitaires pour l'une et 20 pour l'autre.
On en arrive même a une inversion des valeurs en privilégiant la publicité par rapport aux programmes comme en témoigne un extrait du livre de Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1, (Les dirigeants face au changement (Editions du Huitième jour)
"
Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (...).
Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible...
Amener le téléspectateur a regarder les plages publicitaires n'est qu'un prélude, il faut ensuite ORGANISER LES SPOTS PUBLICITAIRES SELON UN RYTHME EFFRÉNÉ : en ce sens, plus un "spot" est court, plus il est efficace :
. il faut empêcher la raison et l'esprit critique d'entrer en action, le téléspectateur ne doit pas avoir le temps ni de réfléchir ni de raisonner.
. les publicités s'enchainent donc à un rythme qui donne le tournis : c'est évidemment volontaire, il faut que le spectateur enregistre une succession accélérée d'images-choc dont il doit se souvenir lorsqu'il s'agira de passer à l'acte d'achat.
. Comme l'enregistrement immédiat des images-choc par le cerveau est généralement imparfaite, elles sont diffusées à chaque plage publicitaire, en particulier lors des coupures des films. À cela s'ajoutent des rappels constants et insidieux qui touchent l'individu à chaque instant (panneaux publicitaires si envahissants qu'on a même plus l'impression de les voir, publicité sur Internet, dans les magazines, à la radio et dans les journaux... )
La publicité ne se constitue que d'une succession d'images-chocs d'incitation à la vente qui doivent s'imprimer dans le cerveau, (c'est ce que l'on trouve dans les revues ou sur les placards publicitaires), pourtant cette seule succession ne suffit pas à la télévision, il est nécessaire que le téléspectateur se sente directement concerné en CAPTANT SON ATTENTION, cela exige que chaque image-choc soit précédé d'un petit film au scénario bien organisé.
Plusieurs types de scénarios peuvent apparaître :
Le premier scénario, le plus commun est celui qui amène au processus d'assimilation du spectateur à l'acteur. Il s'organise en trois phases :
. Dans un premier temps, on évoque un problème ( mal de ventre, grippe, lit trop dur, four sali par les graisses, taches sur le linge, cheveux raides... ) cela est fait de telle manière que le spectateur se sente concerné par le problème, (on se dit qu'on a effectivement souvent mal au ventre... On peut même ressentir le mal de ventre au vu de la séquence par assimilation.
. vient alors le sauveur (le produit, un médecin, un coiffeur, un vendeur de meuble... ) qui effectue un miracle, en quelques secondes le comédien passe de l'état de souffrance à celui d'un grand épanouissement : sitôt le médicament pris, sitôt on est guéri !
. Apres que l'intérêt ait été suscité, paraît enfin l'image finale avec le nom du produit et ses caractéristiques : cette image plaisante et colorée, évocatrice du bonheur retrouvé, doit ,selon le créateur du "spot", s'imprimer dans le cerveau.
. Le deuxième scénario passe par un schéma inverse
. Dans un premier temps, on raconte une histoire qui n'a rien à voir avec aucun produit, on suscite l'intérêt du téléspectateur qui se demande où cette séquence veut en venir. Un exemple révélateur est fourni par un "spot" présentant deux individus qui semblent se parler mais ne profèrent que des mots et phrases sans aucun sens.
. Suit alors le nom du produit qui vient ici sans rapport avec l'histoire racontée puis l'image-choc (une automobile dans le cas cité) que l'on espère imprimée dans le cerveau.
Ces deux types de scénario ont en commun le fait que l'espace-temps est totalement absent afin de créer le mythe de l'immédiateté :
. Dans l'histoire du mal de ventre citée plus haut, la personne malade prend la potion, elle est immédiatement guérie, de même les cheveux sales et raides deviennent en une seconde une flamboyante chevelure ondulant au moindre mouvement sans même que l'on ait vu le coiffeur effectuer le traitement. Au prix d'une parodie de vérité, L'instaneïté devient gage d'efficacité.
. De même une automobile qui roule à vivre allure sur une route rectiligne du désert américain se retrouve en un instant en pleine ville où elle continue à rouler à la même allure en se faufilant avec adresse au milieu d'une circulation délirante : pour ce "spot", l'espace n'existe plus.
Capter l'attention du téléspectateur ne suffit cependant pas à en faire un acheteur conditionné par la publicité : pour cela, il faut FLATTER L'IRRATIONNEL QUI EST EN NOUS et que l'éducation a tenté de corriger en établissant le règne de la Raison
. Si on jugeait en utilisant sa raison, on n'achèterait pas le produit avant de s'être livré à une étude objective du produit : en quoi est-il diffèrent des autres produits similaires sur le marché ? en quoi est-il supérieur ? Quel est son rapport qualité-prix ? : la publicité devant être efficace immédiatement, il ne faut pas qu'on accomplisse cette démarche. Elle doit donc être court-circuitée.
. Pour agir sans frein, il faut réveiller les instincts qui sont en nous, s'adresser aux sens, montrer que les tabous et les interdits traditionnels sont fait pour être transgressés et qu'ils peuvent même conduire à la jouissance et au plaisir
Curieusement, j'ai mis en correspondance les thèmes employés par la publicité avec les sept péchés capitaux de l'église catholique : j'ai trouvé d'étroites corrélations avec cinq d'entre eux, comme si les concepteurs de la publicité s'étaient inspirés de ces péchés pour arriver à leurs fins :
. L'ENVIE : c'est le concept le plus employé de la publicité, il recoupe l'instinct de possession (achat d'une voiture, d'outils divers... ) mais aussi celui du mythe de l'éternelle jeunesse (parfum, crèmes de beauté),
. L'ORGUEIL : ll va de pair avec le précédent en le dépassant afin de permettre de manifester sa supériorité face aux autres : on vante sa nouvelle voiture, sa nouvelle télévision, son nouvel ordinateur, son nouveau robot ménager....
. LA PARESSE : c'est un des grands moteurs de la publicité : il faut permettre d'effectuer toutes les corvées rapidement et sans se fatiguer : ainsi, on vante les plats tout préparés que l'on fait ressentir comme meilleurs au goût que la cuisine traditionnelle sans, bien entendu, évoquer leur nocivité pour la santé ; de même à quoi bon s'échiner à ramasser les feuilles tombées, à balayer le sol puisqu'il existe des aspirateurs de toute sorte...
. La GOURMANDISE : un autre grand moteur de la publicité et aussi une prouesse technique puisqu'on réussit à faire saliver les gens par le biais des images : on présente un individu, souvent un enfant éclatant de santé, manifestant sa joie de se goinfrer de tel ou tel produit, on peut aussi flatter l'odorat de la même manière !
. La LUXURE : elle se produit selon un phénomène de transposition : dans la publicité qui présente une femme s'aspergeant de parfum, s'enivrant aux odeurs qu'il émane et se mettant à onduler lascivement au rythme de son appétit sexuel, on éveille un sentiment trouble de luxure chez le téléspectateur qui achètera le parfum pour les effets qu'il produit. Le phénomène se retrouve également pour les parfums d'hommes grâce à qui ils se muent en irrésistibles séducteurs. !
Il va de soi que deux péchés capitaux ne sont pas utilisés :
. la COLÈRE puisque le but est de convaincre que l'achat conduira au bonheur,
. L'AVARICE au sens traditionnel du terme telle que la pratiquait Harpagon qui amasse pour le seul plaisir d'amasser : pour ces concepteurs de la publicité ce type de conduite est honnie puisque le but est exactement inverse : amener les gens à dépenser toujours plus.
Enfin, la publicité va agir d'une dernière manière et se PROPAGER PAR VAGUES D'ON-DIT : le processus est toujours le même :
- un placard ou un spot publicitaire présente un produit, ce qui crée chez un individu le besoin irrépressible de l'acheter,
- une fois cet achat effectué, l'individu en question est tout fier de le montrer à ses connaissances ; bien évidemment, il va vanter son acquisition et montrer que c'est un outil formidable et qu'il lui est impossible de s'en passer, ce qui va susciter l'envie chez ses interlocuteurs.
- ceux-ci vont à leur tout acquérir l'objet et ainsi de suite.
De telles méthodes s'observent à tous les niveaux :
- il suffit par exemple qu'une personne achète un aspirateur à feuilles pour que bientôt tout le quartier en soit équipé !
- de même les on-dit permettent de propager des informations publicitaires du type :
" vous avez encore le forfait internet de ... , il y a quelques temps j'avais le même contrat que vous, cela fait longtemps que je l'ai abandonné, j'ai pris un abonnement à ... Ils sont très efficaces et le forfait coûte moins cher... "
LES MÉTHODES DES PUBLICITAIRES
Ce que je viens d'écrire est mon analyse personnelle, il est probable que les concepteurs des placards publicitaires utilisent une base beaucoup plus simple avec application schématique des théories de Freud
Ces théories sont basées sur quelques idées-forces :
. Il existe un dualisme entre conscient et inconscient,
. L'inconscient est la seule réalité, le moteur de toutes nos actions, il nous est largement caché parce que nous nous le refoulons soigneusement, il se révèle par les pulsions qui émergent dans la vie quotidienne et que nous transformons en désirs rationnels.
La transposition de ces idées simplistes aux placards publicitaires est évidente :
. Le message publicitaire s'adresse à l'inconscient, ce qui conduit à l'émergence de pulsions
. Ces pulsions sont traduites par le conscient en acte d'achat.
Je ne crois absolument pas à cette séparation entre conscient et inconscient : pour moi, l'être humain est unique, l'inconscient en tant que moteur de tout acte est une invention de Freud qui ne correspond pas, selon moi, à la réalité ; par conséquent, je ne suis pas étonné que les méthodes publicitaires soient souvent des échecs...