Voici tout d'abord un exemple assez étonnant et lamentable : La scène se déroule dans une pharmacie entre une employée de la pharmacie et un client :
- je voudrais un produit pour déboucher les oreilles,
- il y en a de différentes sortes à base de spray ( ah ce détestable sabir parsemant le français de mots anglo-saxons ! )
- je voudrais le produit que j'ai "vu à la télé" , le connaissez vous ?
- non !
- mais c'est passé hier soir à la télévision !
- je n'ai pas regardé la télévision hier soir... savez-vous le nom de ce médicament ?
- hélas non !
- la prochaine fois que vous verrez cette publicité, relevez le nom du produit... prenez cet autre produit, il est efficace! ... Cela fera 8€80
Il est assez facile de reconstituer la scène : le client a regardé une publicité, il a été interpellé par une séquence vantant un produit-miracle pour déboucher les oreilles, ce qui lui a fait souvenir qu'il souffrait aussi à cet endroit, cependant il n'a pas été capable de donner le nom du produit : l'image-choc qui devait mener à l'acte d'achat a été complètement obérée. .
Je suis convaincu que de retour chez lui, le client ressentira une grande déception : "Ah si j'avais fait attention, j'aurais pu être guéri en un instant ! Ah! si l'employée de la pharmacie avait regardé la télévision comme tout le monde ! "
Cet exemple montre à quel point cette personne était conditionnée par la publicité sans se rendre compte que les maux du comédien étaient factices ainsi que sa prétendue guérison. Il montre aussi la dangerosité de l'impact des "spots" télévisuels pris pour vérité absolue : dans ce cas, comme dans beaucoup d'autres, il s'agit d'une grave captation de la liberté de penser.
Le comportement de ce client m'a interpellé, dans un premier temps, j'ai pensé que ce client n'était guère doué intellectuellement ; puis je me suis mis à réfléchir et ai constaté que je réagissais comme lui : ainsi, je me souvenais parfaitement avoir vu une publicité montrant un enfant avalant goulûment une crème-dessert mais je suis incapable d'indiquer la marque du produit : comme le client de la pharmacie, je ne me souvenais que de la scène précédant l'image-choc !
Que penser de cela ? La publicité était-elle mal faite ? Probablement pas. Pour moi, l'explication tient, comme je l'ai dis précédemment, au fait qu'elle utilise le dualisme freudien conscient-inconscient qui n'existe pas : cette publicité a donc éveillé un désir instinctif chez ce client mais elle ne l'a pas satisfait puisque le phénomène qui transpose une pulsion de l'inconscient en un acte conscient est une vue de l'esprit.
LA PUBLICITÉ AMÈNE LA FRUSTRATION.
Pour le montrer, j'ai utilisé deux placards publicitaires que j'ai choisis sur Internet et qui tous les deux vantent un parfum.
Ces deux affiches sont composées de la même manière :
. Un portrait occupe les trois-quarts de l'espace,
. Tout en bas se trouve un flacon de parfum,
. Entre les deux, le nom du parfum quasiment en filigrane.
Ces deux publicités sont traitées à la manière que j'ai appelée freudienne : les deux mannequins éveillent des pulsions irrésistibles, le conscient cherche alors à canaliser ces pulsions, il abaisse son regard et trouve le nom du produit ; ce mécanisme est évidemment irréaliste : une personne qui circule en voiture et voit ce panneau regardera le portrait sans s'attarder au nom du produit, il en est de même de la personne qui parcourt distraitement un magazine.
Autre remarque liminaire, ces deux images pourraient vanter toutes sortes de produits : shampoing, soutien-gorge, rouge à lèvres, pull.. Même si on sait que ces deux publicités visent à l'achat d'un parfum, il existe des centaines de parfums qui utilise le même type de mannequins pour promouvoir leur marque.
Imaginons néanmoins qu'un individu décide de regarder en détail la publicité puis d'acheter le parfum : quelle motivation va le pousser à le faire : la marque ? L'odeur du parfum imaginée par la vue d'un flacon ? Peut-être... Cependant ces considérations seront secondaires : l'individu va acheter le parfum essentiellement par un processus d'identification avec le personnage représenté sur l'affiche, faisant ainsi revivre en lui le mythe de l'éternelle jeunesse.
Il va de soi que, même en s'inondant de parfum, il ne retrouvera ni la jeunesse, ni la volupté de plaire, ni le pouvoir de séduction : le mythe auquel il avait cru un bref instant, s'effondre et il ne reste qu'une immense frustration qui rend malheureux.
LA PUBLICITÉ CONDUIT AU MALHEUR
L'envie irraisonnée de consommer à tout prix se traduit souvent par une formule à l'image des rythmes effrénés de la publicité : " avoir tout, tout de suite" Cette volonté trouve très vite sa limite : celle des ressources financières à mettre au service de cet appétit de consommation.
Certes, la SOC-COM a prévu un palliatif à cette situation, celui des crédits à la consommation. La publicité des organismes de crédits est adroitement insérée dans les plages publicitaires au milieu de sollicitations diverses : on peut facilement imaginer le ressenti de certains :
- j'aurais bien envie d'acheter cet objet que je viens de voir dans une séquence publicitaire mais je n'ai plus d'argent.
- une publicité pour un crédit ! Voilà la solution ! Je note vite le numéro de téléphone, comme ça, je pourrai acheter cet objet dont j'ai envie !
Dans ce cas précis, il s'agit de prêt au particulier effectué pour un achat spécifique, on peut considérer qu'il s'agit d'un moindre mal, mais la SOC-COM a imaginé mieux sous forme du "revolving crédit", le crédit renouvelable, qui permet d'obtenir un capital disponible se renouvelant au fur et à mesure des remboursements mais assorti de taux d'intérêt quasiment usuraires de l'ordre de 20%.
La pratique généralisée du crédit permet certes pendant un temps d'acheter au gré de ses envies, cependant ce n'est que provisoire car il faudra de toute façon rembourser : suit alors la galère et l'engrenage quasi-infernal du surendettement qui conduit à de grandes souffrances pour ceux qui en sont atteints : ils ne pourront plus ni satisfaire leur addiction à la consommation ni assouvir leurs envies. C'est en ce sens que la publicité conduit au malheur : la métaphore du citron pressé s'adapte parfaitement à ces cas : après avoir extrait tout le jus du citron, on jette la peau sans aucun scrupule.
Un dessin paru dans l'hebdomadaire La Croix me semble très évocateur de cette spirale du malheur.
La publicité et son corollaire le crédit, conduisent donc irrémédiablement à la déception, à la frustration et au malheur, c'est d'autant plus lamentable que la "mafia" qui l'organise s'est enrichie sur le dos de ceux qui ont cru en ses bienfaits.
Pourtant, il existe des moyens d'échapper à cette tyrannie...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire