Autant ce sujet est complexe au niveau des textes évangéliques, autant le message de l'église, exprimé par les sculptures des tympans d'église et des chapiteaux, est clairement accessible à l'édification des fidèles. C'est ce dualisme qu'il conviendra de montrer d'abord par l'étude des textes évangéliques et des commentaires qui en ont été faits, ensuite par la description des représentations de l'enfer et du paradis du tympan de Conques
Cette approche du message évangélique sera effectuée en deux parties :
. Croire pour mériter le salut,
. Mettre en accord sa vie avec sa croyance.
Pour cette étude, je me suis basé sur les Évangiles de saint Matthieu et de saint Jean ainsi que sur les écrits de saint Augustin.
1/ CROIRE POUR MÉRITER LE SALUT
Trois approches peuvent être effectuées à ce niveau : l'approche de l'Evangile selon saint Matthieu avec la parabole du semeur, celle de saint Jean beaucoup plus philosophique et celle de saint Augustin : pour chacune, je citerai les textes que j'ai ressentis comme étant les plus significatifs.
A/ LA PARABOLE DU SEMEUR (Évangile de saint Mathieu, traduction de L. Segond)
La parabole
Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin: les oiseaux vinrent, et la mangèrent. Une autre partie tomba dans les endroits pierreux, où elle n'avait pas beaucoup de terre: elle leva aussitôt, parce qu'elle ne trouva pas un sol profond ; mais, quand le soleil parut, elle fut brûlée et sécha, faute de racines. Une autre partie tomba parmi les épines: les épines montèrent, et l'étouffèrent. Une autre partie tomba dans la bonne terre: elle donna du fruit, un grain cent, un autre soixante, un autre trente.
L'explication donnée par Jésus aux disciples :
. Lorsqu'un homme écoute la parole du royaume et ne la comprend pas, le malin vient et enlève ce qui a été semé dans son coeur: cet homme est celui qui a reçu la semence le long du chemin.
. Celui qui a reçu la semence dans les endroits pierreux, c'est celui qui entend la parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n'a pas de racines en lui-même, il manque de persistance, et, dès que survient une tribulation ou une persécution à cause de la parole, il y trouve une occasion de chute.
. Celui qui a reçu la semence parmi les épines, c'est celui qui entend la parole, mais en qui les soucis du siècle et la séduction des richesses étouffent cette parole, et la rendent infructueuse.
. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c'est celui qui entend la parole et la comprend; il porte du fruit, et un grain en donne cent, un autre soixante, un autre trente. (MATTHIEU 13,4-8 et 19-23)
Le sens de cette parabole est particulièrement évident : La Parole est annoncée à tous, cependant chacun la reçoit différemment :
- les uns entendent mais n'écoutent pas ou rejettent ce qu'ils entendent sous l'emprise du mal,
- les autres écoutent la parole mais l'oublient, soit parce qu'ils ont peur des conséquences s'ils prennent en compte le message, soit parce qu'ils sont attirés par les incitations du siècle (richesses, honneurs... )
- les autres enfin entendent le message, le comprennent et le mettent en pratique dans leur vie, ceux là seuls seront sauvés.
B/ croire dans les conceptions de L'EVANGILE SELON SAINT JEAN ( traduction usitée par l'église catholique)
L'Evangile de saint Jean est, selon moi, le plus complexe mais aussi le plus chargé d'enseignement ; en effet, selon les historiens, il fut écrit postérieurement à la chute de Jérusalem, première phase de la fin des temps, survenue en 70 : on en est donc à la phase de la prédication de la bonne nouvelle à toutes les nations avant le retour du Christ sur terre pour le jugement dernier. C'est dans cette perspective qu'il convient de placer l'Evangile de Jean en tant que mémorandum analytique des idées principales du christianisme naissant qu'il faut diffuser partout et rapidement pour que s'accomplissent les prophéties.
En relisant l'Evangile selon saint Jean, j'ai trouvé quatre séries de citations qui corroborent les concepts exprimés dans la parabole du semeur en lui donnant une perspective historique.
La première série de citations concerne le salut par le fait de croire :
. Dieu a tellement aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais ait la vie éternelle.
. Car Dieu n'a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. (JEAN 3.16-18)
. Mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Or, voici quel est le jugement: c'est que la lumière est venue dans le monde, et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait le mal, hait la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient blâmées. Mais celui qui accomplit la vérité vient à la lumière, de sorte que ses oeuvres soient manifestées, parce qu'elles sont faites en Dieu."
. En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m'a envoyé a la vie éternelle, et n'encourt point la condamnation, mais il est passé de la mort à la vie. En vérité, en vérité, je vous le dis, l'heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'auront entendue vivront. Et ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie; ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de condamnation. (JEAN 5.24-26)
Les idées développées par cette première série de textes sont les suivantes :
l'annonce de l'AMOUR DE DIEU POUR LES HOMMES. rappelons d'abord que Dieu a plusieurs fois offert aux hommes son amour, lors de la création de l'homme et du jardin d'Eden, après le déluge, avec Abraham. Ce que Dieu offre aux hommes dans l'Evangile est cependant d'une autre nature à deux points de vue au moins puisque Dieu envoie son Fils unique sauver le monde et lui donner la vie éternelle et accepte que la rédemption du monde passe par le sacrifice du Fils.
Pour expliciter ses concepts permettant l'obtention du SALUT, l'évangéliste a utilisé la métaphore de la lumière qui irradie le monde :
- les uns vont accepter cette lumière, ils vont écouter la Parole et croire à celle-ci, ils auront la vie éternelle, ils accompliront des actions (les œuvres) qui concrétiseront le fait de croire.
- les autres vont aussi apercevoir cette lumière mais ils vont la rejeter, préférant le monde des ténèbres car il leur permet de dissimuler les actions (œuvres) mauvaises qu'ils accomplissent.
Ces idées conduisent à deux corollaires qui en découlent :
. L'homme dispose du libre arbitre qui lui permet d'opter pour la lumière. Ce libre-arbitre n'est cependant pas la liberté au sens ou nous l'entendons de choisir entre le bien et le mal : l'homme est esclave du mal ; par son choix de la lumière, il se libère de cet esclavage.
. Selon l'évangile de saint Jean, le salut s'obtient par le fait de croire. Cette dernière conception conduira à de nombreuses exégèses dont celles de saint Paul et de saint Augustin que l'on décrira ensuite.
La deuxième série de citations concerne le règne de l'esprit
. Jésus dit: "Je suis encore avec vous un peu de temps, puis je m'en vais à celui qui m'a envoyé. Vous me chercherez, et vous ne me trouverez point, et où je suis vous ne pouvez venir."
. Celui qui croit en moi, de son sein, comme dit l'Ecriture, couleront des fleuves d'eau vive,Il disait cela de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en lui; car l'Esprit n'était pas encore donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié.
. Cependant je vous dis la vérité: il vous est bon que je m'en aille; car, si je ne m'en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. Et quand il sera venu, il convaincra le monde au sujet du péché, de la justice et du jugement... Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais à mon Père." (JEAN.7.33 et suivant..)
. Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu'il demeure toujours avec vous : C'est l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point: mais vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure au milieu de vous; et il sera en vous. Je ne vous laisserai point orphelins; je viendrai à vous. (JEAN 14.16-18)
. Jésus répondit (à Jude) : "Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure" . Je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous . Mais le Consolateur, l'Esprit-Saint, que mon Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. (JEAN 23 puis 25-26)
Le règne de l'ESPRIT est une idée essentielle de l'Evangile selon saint Jean. Pour l'instant, Jésus est parmi les hommes à qui il dispense sa lumière et sa parole, mais il sait qu'il doit être sacrifié pour assurer le salut du monde, puis ressusciter et retourner aux côtés de son Père.
Jésus l'annonce donc clairement, "je vais partir et vous ne me verrez plus". Pourtant, il ne laissera pas les hommes sans secours, il leur enverra un "consolateur" (ce mot est une traduction du mot grec parakletos qui signifie : qui console, intercède, ainsi que le mot avocat) que saint Jean appelle l'Esprit de vérité et Esprit-Saint et que l'on traduit actuellement par le terme de Saint-Esprit.
Cet Esprit (qui n'est cependant pas, par essence, différent du Fils) établit la perspective d'avenir : l'Esprit pénétrera d'abord les apôtres, disciples directs de Jésus, leur enseignera, leur permettra de mieux comprendre la parole divine et leur donnera les moyens de la perpétuer en la diffusant partout : c'est dans ce cadre que se produira leur prédication , les apôtres pénétrés de l'Esprit Saint transmettront le message de Dieu.
Citation concernant le baptême
Jésus s'entretient avec Nicodème, un des chefs pharisiens
. "En vérité,..., je te le dis , nul, s'il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu."
. Nicodème lui dit: "Comment un homme, quand il est déjà vieux, peut-il naître? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère, et naître de nouveau?"
. Jésus répondit: " En vérité... , je te le dis, nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Car ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit... Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va: ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit." (JEAN 3.1-7)
La définition du BAPTEME selon saint Jean est en continuité avec ce qui vient d'être dit sur l'Esprit : Il s'effectue selon le rite instauré par saint Jean le Baptiste au moyen de l'eau, cependant ce baptême n'est pas seulement un geste cultuel.
À l'eau, Jésus associe l'idée de renaissance, celle de l'Esprit et l'entrée dans la vie éternelle. Le baptême est donc l'acte qui permet de recevoir le saint-Esprit par lequel on peut accéder à la lumière et à la vie éternelle.
Ce texte permet de préciser la conception que saint Jean donne du Saint-Esprit, il est un souffle, un vent que l'on ressent en soi et qui permet de s'ouvrir à la lumière.
Citation concernant l'Eucharistie :
. Jésus leur dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour.
. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra aussi par moi.... celui qui mange de ce pain vivra éternellement." JEAN 6.53...58)
L'EUCHARISTIE, également évoquée dans les autres Evangiles avait particulièrement scandalisé les juifs présents, : comment, disaient-ils, peut-on manger son corps ? saint Jean apporte une justification théorique : de la même manière que le baptême permet de recevoir l'Esprit et la vie éternelle, l'Eucharistie permet de recevoir en soi le Christ qui procure la vie éternelle et permet la résurrection.
C/ LE COMMENTAIRE DE SAINT AUGUSTIN
Le commentaire que saint Augustin effectue à propos de l'Evangile selon saint Jean va porter sur cette métaphore de la lumière utilisée par l'apôtre pour expliquer le fait de croire, il va utiliser pour cela deux concepts déjà cités par saint Paul, celui de GRÂCE et celui de FOI
. En premier lieu, saint Augustin se pose la question suivante : Pourquoi Dieu a t'il offert aux hommes cette lumière qui donne le salut ? Sûrement pas à cause des mérites de l'homme : si les hommes analysent leurs pensées et leurs actes, ils ne méritent que les supplices de l'enfer. Or Jésus n'est pas venu pour punir les hommes mais pour les sauver : c'est un don gratuit que l'homme reçoit et c'est une grâce qui est faite par Dieu à l'homme. La grâce donne la volonté de croire et conduit l'homme à la foi.
. L'idée de foi est complexe ; pendant longtemps, saint Augustin a pensé que la foi était en nous et émanait de nous, il a confessé son erreur et reconnu que la foi, tout comme la grâce, était un don de Dieu : elle est totalement compatible avec la raison de deux manières :
- la foi rend capable de comprendre : " si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas"
- nous ne pourrions pas croire si nous n'avions pas des âmes raisonnables.
La foi précède la raison : il faut commencer par croire pour comprendre ce que nous croyons.
Ainsi se définissent, selon saint Augustin, deux notions essentielles, la grâce et la foi, l'une est donné par Dieu à tous les hommes, l'autre est donnée aux hommes qui croient.