REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

dimanche 5 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (104) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LES HOSPITALIERS DANS LA DEFENSE DU ROYAUME

J'avais mentionné dans un article précédent que les chevaliers-hospitaliers participaient à l'activité militaire des Etats francs de Terre Sainte avec quatre modalités d'actions :
     - la prise en charge des forteresses,
     - la participation à la haute-cour royale et aux divers conseils où s'élabore la stratégie des chrétiens,
     - les combats livrés pour la défense des Etats Francs,
     - les combats offensifs et de conquête.
Le premier type d'action ayant été décrit, je passerai successivement aux trois autres.

LA PARTICIPATION AUX CONSEILS 
La deuxième  activité qui peut être assimilée aux pratiques guerrières sans en faire véritablement partie est la participation du maître de l'Hopital, ainsi d'ailleurs que celle du maître des Templiers, aux conseils convoqués pour organiser les campagnes militaires à venir.

Guillaume de Tyr décrit par exemple le conseil qui fut organisé à Acre le 24 juin 1148  pour décider de l'objectif qui serait celui de la deuxième croisade. A ce conseil, participent les trois parties prenantes dans l'offensive : l'empereur Conrad III et ce qui reste des croisés allemands après  les terribles épreuves de la traversée de l'Anatolie, Louis VII et les croisés de France, Baudouin III et ses feudataires du Royaume de Jérusalem ; parmi ces derniers se trouve le maître de l'ordre de l'hôpital  Raymond du Puy.

Cette présence de Raymond du Puy pose deux interrogations pour lesquelles Guillaume de Tyr n'apporte pas de réponses :
     . Pour quelle raison, le maître des Hospitaliers fut-il convoqué à ce conseil ?
     . Les Hospitaliers, dont la vocation avouée et officielle était l'accueil et les soins à apporter aux malades allaient-il participer à l'offensive ?

A la première question, il est assez aisé de répondre : entre les croisés français et allemands qui ne connaissent pas le pays et qui attendent des seigneurs locaux la détermination de l'objectif et les feudataires des états francs qui n'étaient pas d'accord sur celui-ci à cause d'intérêts personnels inavoués, le maître des Hospitaliers pouvait être d'un précieux conseil, il avait l'avantage de connaître parfaitement le pays ainsi que la géopolitique locale mais aussi d'être neutre entre les parties.

L'objectif de l'offensive à venir était en effet l'objet de discordes : devait-on attaquer Damas, ville avec laquelle une trêve avait été signée ou Alep où résidait l'ennemi principal qui avait conquis Edesse. Finalement le conseil d'Acre décida d'attaquer Damas, ce qui conduisit la croisade à un échec complet. En lisant Guillaume de Tyr, on ne sait pas quelle fut l'influence de Raymond du Puy dans cette décision. On sait simplement que Templiers et Hospitaliers se livraient à une grande concurrence et qu'en général ils étaient souvent d'avis contraire lors de ces conseils.

A la question de savoir si les Hospitaliers ont pris part à l'offensive sur Damas, il ne me le semble pas en lisant Guillaume de Tyr et cela pour deux raisons :
   - d'abord, parce que le chroniqueur ne le mentionne pas, il cite l'ordre de marche de l'armée avec précision  (ost du roi de Jérusalem , puis croisés français, puis croisés allemand) sans noter la présence des Hospitaliers (ni d'ailleurs celle des templiers).
   - ensuite du fait que Guillaume de Tyr implique le mauvais choix de l'objectif et l'échec de l'offensive à une trahison dans le rang des croisés ; si les Hospitaliers avaient été présents, le chroniqueur qui les détestait, n'aurait pas manqué de les accuser de cette trahison.

Dans le cas de la seconde croisade, il me semble donc que la convocation de Raymond du Puy était essentiellement due à sa connaissance du terrain et à la sagesse de ses conseils.


samedi 4 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (103) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LE KRACK DES CHEVALIERS (épilogue)

On peut, au vu de l'impression d'invulnérabilité de la place forte, se poser la question de savoir comment un tel château fut pris en 1271 par le sultan des mamelouks d'Egypte, Baybars ? Jusque cette date, en effet, le KRACK avait subi de nombreux sièges sans être conquis.

Dans les années qui précédèrent, les mamelouks s'étaient emparés de nombreuses forteresses franques (Beaufort en 1268, Safed en 1266, Chastel-Blanc en 1271),  ils avaient aussi conquis les terres et villages qui dépendaient du Krack en sorte que cette forteresse se trouvait complètement isolée dans un territoire hostile. Les communications étaient désormais coupées avec ce qui restait du comté de Tripoli. Le Krack comportait  une garnison de 300 hommes et avait accueilli de nombreux villageois qui y étaient venus s'y réfugier.

Dans un premier temps, le sultan mamelouk, encercla le Krack, comptant sur la famine pour réduire la place. Puis, voyant que le siège pourrait s'éterniser, Baibars décida de donner l'assaut, il fit installer des mangonneaux et creuser des sapes qui amenèrent  à l'écroulement d'une partie du rempart extérieur. Les assaillants purent alors investir le fossé entre l'enceinte extérieure et l'enceinte intérieure. Là , ils se trouvèrent  pris au piège ; face à eux s'élèvent le glacis  qu'ils ne peuvent escalader sans être massacrés et les  murailles du château du haut desquelles on pouvait lancer toutes sorte de projectiles ainsi que des bordées de flèches : L'assaut révélait bien que le château était tel que ses concepteurs l'avaient voulu, inexpugnable.

Le sultan décida alors de ruser : il fit passer aux assiégés une lettre émanant soi-disant du maître de l'ordre indiquant aux chevaliers hospitaliers et à leurs troupes, que s'ils se rendaient, ils auraient la vie sauve.

Sans possibilité de vérifier la véracité de la lettre, la garnison négocia la reddition et obtint du sultan de sortir saufs de la forteresse. Ils eurent la chance de ne pas subir le sort de la garnison de Safed à qui Baibars avait aussi promis la vie sauve à la garnison contre leur reddition : il fit couper la tête à tous les hommes et fit vendre comme esclaves les femmes et les enfants.

LES DERNIÈRES MODIFICATIONS.
Les mamelouks effectuèrent quelques modifications de détail au Krack sans en changer la structure :
     . Ils renforcèrent le flanc sud en créant trois nouvelles tours dont une imposante tour carrée centrale,
     . Ils renforcèrent également les autres flancs,
     . Ils créèrent un établissement de bains et un aqueduc pour alimenter la citerne,
     . Ils modifièrent également la structure d'entrée en créant un poste de garde extérieur et en reconstruisant le poste de garde situé en haut de la rampe.
     . Enfin, ils transformèrent l'église en mosquée avec adjonction de Mihrab.

jeudi 2 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (102) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LE KRACK DES CHEVALIERS 

LA TROISIEME PHASE DE RECONSTRUCTION (suite)

Le troisième aménagement est effectué dans la cour intérieure avec construction de deux ensembles :
    . De vastes entrepôts constitués par de puissants piliers carrés et trapus supportant des voûtes d'arêtes, ces entrepôts sont couverts d'un toit en terrasse qui constitue une cour supérieure.
    . Dans la cour inférieure est construit un bâtiment accolé aux galeries du monastère de la première reconstruction. Ce bâtiment est précédé d'arcades qui figurent une esquisse de cloître, c'est une salle de prestige couverte de voûtes d'ogives qui était utilisée pour les réunions du chapitre et aussi pour les réceptions de l'ordre.

L'architecture des entrepôts est évidemment très différente de celle de la salle du chapitre et de la galerie comme le montrent les photos ci-dessous :


Tous ces aménagements rendent assez difficile la lecture de la structure du château ; sur les deux photos ci-dessous, ont été mentionnés ses principaux éléments :


mercredi 1 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (101) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LE KRACK DES CHEVALIERS

LA TROISIEME PHASE DE RECONSTRUCTION (suite)
L'ENCEINTE EXTÉRIEURE (voir plan sur l'article précédent) enveloppe le noyau central de la forteresse sur les quatre côtés , c'est une fortification pourvue de tours en forme de demi-cercle construite en saillie sur la courtine extérieure. En avant de l'enceinte extérieure du flanc sud, là où la surface de l'éperon est plan, fut creusé un large fossé barrant le seul accès facile au château ;  sur les autres flancs, la pente escarpée du versant suffisait seule à leur protection.

 La face intérieure rectiligne comporte divers aménagements comme le montre la photo ci-dessous :
     - A gauche, un bâtiment à deux niveaux. adossé au rempart,
     - plus loin, un mur comportant un chemin de ronde à créneaux sous lequel sont aménagés des archères dans l'épaisseur du mur.

La photo permet aussi de déterminer la fonction de cette enceinte extérieure : elle doit certes servir de première ligne défense mais, selon moi, ce n'est pas son rôle principal : les aménagements du chemin menant à la porte d'entrée étaient  tels qu'il semblait impossible d'investir le château de ce côté , la seule solution était, pour les assaillants, de tenter un assaut sur les flancs Nord, Est et éventuellement Sud de la forteresse : c'est dans cette perspective que l'enceinte extérieure pouvait jouer un rôle primordial.

En dépit des pentes escarpées des flancs Nord, Est et du fossé précèdent le flanc Sud, on pourrait imaginer qu'au moyen de sapes, l'assaillant puisse faire écrouler une partie de l'enceinte extérieure, ce qui permettrait son assaut. Dans ce cas, les assaillants se trouvent dans le fossé sec établi entre les deux remparts. Or, la photo le montre bien, le rempart extérieur est situé en net contrebas du premier rempart : les assaillants ayant investi le fossé sont face aux puissantes murailles du château intérieur, ils sont pris sous les projectiles et les flèches lancées par les défenseurs installés dans les chemins de ronde, ils ne peuvent grimper sur le glacis car ils seraient tués avant d'arriver en haut.


A cela s'ajoute le fait que le fossé ne mène nulle part, sinon aux tours de défense du premier rempart et de la porterie. Certes, à la base de ces tours se trouvent des poternes mais, pour les assaillants, il est difficile de rentrer dans le château par les escaliers étroits et sombres ; en outre, ces tours bénéficient d'un renforcement de leur défense au moyen de mâchicoulis  Par contre, les poternes sont très utiles aux défenseurs puisqu'ils peuvent effectuer des sorties et prendre l'assaillant à revers.

Ainsi, la création de la deuxième enceinte ainsi que le renforcement de la porte rendent le KRACK DES CHEVALIERS pratiquement imprenable. Cette forteresse représente le point d'aboutissement de l'art militaire des places fortifiées :  cela se comprend sans peine : ces aménagements ont été effectués dans les années précédant la bataille de Hattin et ils bénéficièrent de toutes les techniques défensives élaborées en Terre Sainte au fil du temps.

mardi 2 juin 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (81) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

IMAGES DES FORTERESSES

A la douceur des paysages qui entourent les pèlerins sur les chemins des lieux saints, s'oppose la rudesse des forteresses dominant leur périple. Ces forteresses, généralement construites sur les promontoires, s'égrenaient le long  de la route, leur présence devait rassurer les pèlerins en leur donnant un sentiment de sécurité ainsi que la certitude  d'être protégés.

Pour moi, paradoxalement, c'est en regardant les ruines d'un château que je ressens le plus sa puissance car elles me permettent de laisser courir mon imagination.

Actuellement, il ne subsiste des deux châteaux de BEAUFORT et de SUBEIBE photographiées dans les années 20, que des restes de tours arasés et de soubassements de murailles alternant avec les roches en place qui semblent les consolider comme pour les préserver. Sur ces éperons, dépourvus de la végétation arbustive qui pourrait adoucir les formes, subsiste la ruine à nue ce qui la rend encore plus imposante ; elle ressemble à ces nids d'aigle quasiment inaccessibles des légendes germaniques et présente un aspect compact aux formes décharnées et déchiquetées, quasiment fantomatiques.

Il faut peu d'efforts à l'imagination pour reconstruire virtuellement ces forteresses en ruines, il suffit par la pensée d'élever les murailles pour créer un château si haut qu'il semble rejoindre le ciel !

En laissant vagabonder sa pensée, on peut aussi ressentir la présence de la petite garnison qui y vivaient en permanence dans des conditions probablement difficiles ; il faut l'imaginer sur la plateforme de la tour-donjon surveillant d'un regard inquiet le magnifique panorama qui se déployait devant eux, à la recherche de tous les signes qui pourraient signaler une incursion de leurs ennemis : fumée, nuage de poussières, incendies... On peut imaginer aussi dans les châteaux des ordres militaires qu'aux cris de guerre s'ajoute le tintement des cloches qui rythment la prière. Enfin, on peut imaginer le désespoir de ces hommes qui durent capituler après une résistance acharnée menée jusqu'à l'extrême limite de leurs forces. ( SUBEIBE capitule devant l'armée de Nur-el-Din en 1164, BEAUFORT en 1190 devant l'armée de Saladin)

On mesure encore mieux la puissance de ces forteresses quand la beauté sauvage de ces ruines se conjugue au déchaînement des éléments naturels comme dans cette gravure qui représente le CHATEAU DE LA MER à Sidon ( construit en 1227-8).

La nature témoigne d'une violence extrême comme si tous les éléments s'étaient associés pour détruire la forteresse. A ce déchaînement conjugué de la mer et de la tempête semble répondre l'impassibilité et la sérénité de la muraille comme si elle semblait dire : j'ai été construite puis démolie  par les hommes, votre violence n'a aucune prise sur moi seuls les hommes seront à même de me détruire !

Cette image m'évoque les gravures de Gustave Doré et l'amour de la tempête dont Chateaubriand témoigne dans René.

dimanche 31 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (81) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

IMAGES DES PÈLERINAGES (suite)

La même impression de beauté et d'harmonie devait être ressentie par les pèlerins quand, après une longue marche, ils arrivaient à Nazareth, lieu de l'Annonciation ; pour ces pèlerins, va commencer la seconde partie de leur trajet, celle de la vie terrestre de Jésus et de ses œuvres.

 La ville est étagée sur les flancs de la colline et on y distingue bien l'ancienne basilique. Actuellement une grande église moderne la remplace, elle surmonte les ruines de la maison (supposée) de Marie. Face à cet humble et simple édifice, on ressent une étrange impression et sans doute aussi les mêmes sentiments que ceux des pèlerins de l'époque des croisades.


Apres Nazareth, les pèlerins gagnaient le lac de Tibériade où ils pouvaient suivre pas à pas, en longeant la berge, les hauts faits de Jésus dans sa vie terrestre. Sur la gravure, les paysages respirent la paix, la sérénité et la quiétude, : un moutonnement de collines et de basses montagnes aux formes arrondies et douces, une corolle végétative autour des eaux calmes du lac créent les conditions de la réminiscence de tout ce qui se passa ici : la pêche miraculeuse, la tempête calmée, la multiplication des pains, la maison de Pierre, le sermon sur la montagne...

Paradoxe de cette époque et des mentalités croisés pour qui violence et sauvagerie sont de mise, les pèlerins entendent évoquer cette phrase des béatitudes  : " Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu" !

Cette évocation des pèlerinages par les gravures anciennes est sans doute un peu trop idyllique, ils faudrait la corriger pour évoquer les conditions pratiques dans lesquelles ils s'accomplissaient : les longues marches, la chaleur (le trajet de Ramleh à Jérusalem se faisait de nuit pour y pallier), les possibles attaques des brigands, la fatigue et l'épuisement, les maladies, l'impossibilité de se rendre à certains endroits à cause de la guerre... Tous ces aléas doivent être cependant relativisés, d'abord parce qu'on voyageait en groupes dans lesquels la charité et la solidarité devaient jouer à fond, ensuite par le fait que les voies de pèlerinage étaient jalonnées de lieux d'accueil (monastères, hôpitaux) où l'on pouvait être hébergé, nourris et soigné, enfin et surtout parce que les pèlerins étaient animés par leur foi qui devait tempérer et même faire oublier la dureté des conditions de voyage.

samedi 30 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (80) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

IMAGES DES PÈLERINAGES (suite)



Le pèlerinage se poursuivait ensuite vers Bethléem où l'on priait sur le lieu de la Nativité puis vers Hébron où se trouvaient les tombes des prophètes. Ces deux villes, représentées par des gravures du XIXè siècle, étaient de petites bourgades de maisons cubiques blanches serrées les unes contre les autres pour se protéger des dangers et établis dans des vallées plantées d'oliviers et sans doute de cultures variées. Les pèlerins devaient, une nouvelle fois, ressentir la douceur et l'harmonie des paysages ainsi que la sensation d'être dans un monde très différent de le leur. Le dépaysement devait cependant être atténué par le fait qu'au dessus des maisons s'élevaient les clochers des églises qui remplaçaient à l'époque des croisades les minarets des mosquées que les gravures représentent.

Les bords du Jourdain étaient, comme je l'ai écrit, un lieu d'une grande importance pour les pèlerins qui viennent rituellement se baigner près du lieu où se produisit le baptême de Jésus. L'endroit est bucolique, l'eau et les arbres composent un paysage de quiétude et de paix. J'ai visité cet endroit il y a longtemps et j'ai ressenti la même impression de sérénité et d'apaisement que celle révélée par la gravure.

Il est facile d'imaginer la ferveur des pèlerins qui s'y baignent et renouvellent les engagements du baptême qui leur avait permis dès leur naissance d'entrer dans l'espérance de la vie éternelle. En ce sens, l'immersion dans les eaux du Jourdain allait de pair avec la prière au Saint-Sépulcre : l'une permettait la rémission des péchés, l'autre renouvelaient la promesse de la vie éternelle : pur de tout péché, le pèlerin était sûr d'obtenir son salut.

À suivre...

vendredi 29 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (79) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

Pour illustrer  en quelques images les chapitres précédents concernant les forteresses des Etats francs de Terre sainte et les paysages des lieux saints, je n'utiliserai pas de photos actuelles car, selon moi, aucune de ces photos ne rend l'atmosphère si particulière de la Terre sainte. En outre,  les paysages ont été tant bouleversés par la civilisation moderne qu'ils ne signifient plus rien à l'exception toutefois des lieux saints proprement dits, conservés à l'intérieur des églises du  saint Sépulcre, de Bethléem et de Nazareth.

IMAGES DES PÈLERINAGES

Afin de tenter de retrouver les impressions mentales des pèlerins venant prier sur les lieux saints, mieux vaut se référer aux gravures et tableaux peints par des artistes du 19ème siècle, ils représentent en effet des paysages qui devaient largement ressembler à ceux de l'époque des Etats francs

Les pèlerins arrivaient à Jaffa ou à Acre. Ils avaient accompli un long trajet généralement maritime ; partis pour la plupart d'Italie du sud, il leur avait fallu plus d'un mois pour arriver en Terre Sainte. Ainsi Philippe Auguste, parti de Messine le 30 mars 119,  arrive devant Acre le 20 avril, le Cardinal Thiard Visconti se trouve à Acre quand il apprend qu'il a été élu pape (Grégoire X), il part d'Acre le 11 ou le 18 novembre 1271 et arrive à Brindisi le 1er janvier 1272, soit un trajet de 20 jours pour le roi de France et de 42 ou 50 jours pour le nouveau pape.

Les deux gravures (Jaffa de Woodward et Acre de Bartlett) représentent ces deux ports. Outre le soulagement d'avoir atteint la Terre Sainte, ce qui devait frapper les pèlerins en arrivant à Acre ou Jaffa, c'était la puissance des remparts bordant la mer et battus par les flots ; on devait ressentir un sentiment d'indestructibilité de ces murailles que la mer ne faisait d'effleurer sans pouvoir les détruire ; on avait aussi cette impression que rien ne pourrait chasser les francs de ces terres,  considérées comme conquises pour l'éternité. Puis ils rentraient dans le port et accostaient enfin ; la ville leur apparaissait alors avec ses petites maisons cubiques ; leur étonnement devait être grand face à ce paysage qui ressemblait un peu à l'Italie mais surtout manifestait le dépaysement de l'orient.

Puis les pèlerins s'organisaient pour le départ vers les Lieux-Saints. En général, ils s'agrégeaient à un groupe,  partaient à pieds accompagnés de quelques mules et  louaient souvent les services d'un guide local. S'ils étaient arrivés à Jaffa, ils se rendaient d'abord à Jérusalem. Les deux gravures (Miller 1860 et Stanfield 1852) présentent Jérusalem sans doute comme la virent les pèlerins du 13eme siècle

La vue générale est celle qu'ils aperçurent de la ville sainte depuis le mont des Oliviers, ils furent sans doute immédiatement saisis par la beauté du lieu et surtout par sa sacralité. En un regard, toute l'histoire sainte se déployait devant leurs yeux : l'esplanade du Temple, l'ancien dôme du Rocher, devenu une église que les francs avaient surmontée d'une croix, la Porte Dorée, encore ouverte à cette époque, par où Jésus serait entré à Jérusalem  le jour des rameaux et où il réapparaîtra pour le jugement dernier, le jardin des oliviers de l'agonie..

Le moment le plus fort du pèlerinage était bien entendu la visite au Saint-Sépulcre, quand les pèlerins arrivaient devant l'entrée que l'on aperçoit ci dessus, il est probable qu'ils devaient ressentir une forte émotion assortie d'une ferveur exaltée et d'une grande allégresse, ils étaient enfin arrivés ! Pourtant, autrefois comme aujourd'hui, ils ne pouvaient effectuer qu'un bref séjour devant la pierre sur laquelle fut, selon la tradition, déposé le corps du Christ, tant il y a de monde. Il est probable néanmoins qu'en sortant, beaucoup de pèlerins devait se sentir soulagés et heureux à la fois d'avoir accompli leur vœu et, en conséquence, d'avoir obtenu la rémission de leurs péchés. Ensuite, il leur était possible d'être hébergé à l'hôpital  des hospitaliers de saint Jean de Jérusalem qui se trouvait à quelques pas du Saint Sépulcre.

La représentation du saint Sépulcre sur cette gravure montre l'édifice après sa reconstruction terminée en 1149.