Dans la perspective de l'étude des mentalités qui présidaient à cette série sur les croisades, je voudrais donner ici quelques précisions sur cet échec retentissant de la deuxième croisade à Damas que j'ai évoqué dns mon précédent article.
LA CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS
L'échec de la seconde croisade commence dès le conseil d'Acre (24 juin 1148) lorsque fut décidé le choix de l'objectif de l'offensive vers Alep ou Damas.
- A Alep, règne le fils de Zengi qui s'était emparé d'Edesse et avait reconquis le comté. Zengi avait été assassiné en 1146 et les émirats qu'il contrôlait avaient été partagés entre ses deux fils : Nur-Ad-Din avait reçu Alep et Sayf-Ad-din, Mossoul.
- À Damas, régnait un émir, Mu'in-Al-Din Unur avec qui les princes croisés avaient signé des trêves et qui entretenait des relations pacifiques avec les Etats francs. L'émir de Damas craignait à juste titre son puissant voisin d'Alep, ce qui explique son choix vis à vis des croisés.
De ces deux Etats turcs, celui de Nur-Ad-Din était le plus menaçant, la logique aurait voulu que ce soit lui qui soit attaqué par la croisade : ce ne fut pas le cas : la croisade se porterait sur Damas !
le choix de Damas serait inexplicable sans l'appétit de puissance des barons francs tout comme des croisés qui voulaient s'emparer de nouvelles terres et rêvaient de se constituer des fiefs : dans cette perspective, l'émirat de Damas était jugé plus facile à conquérir que celui d'Alep et beaucoup rêvaient à la constitution d'une principauté chrétienne à Damas et espéraient y trouver leur compte.
Certains prétendirent que ce choix correspondait à une politique réfléchie : à partir de Damas, il serait plus facile d'attaquer Alep, d'autres mirent en avant le contexte religieux en rappelant que Damas était lié au souvenir de saint Paul. Pourtant ces arguments ne sont que prétexte, la vraie raison est, comme souvent dans l'histoire des croisades, l'appétit de conquête.
Pour comprendre ce qui s'est passé, le récit de Guillaume de Tyr est particulièrement précieux :
Dans un premier temps, les armées croisées, s'installent dans la partie occidentale du bord de la Ghuta (1 du plan) l'oasis qui entoure Damas, constituée d'un lacis dense de chemins étroits et de jardins ils tentent de s'emparer des jardins pour s'avancer vers la ville mais ils se heurtent à une forte résistance : " Vers l'occident, par où nos troupes arrivaient, et vers le nord, le sol est entièrement garni de vergers, qui forment comme une forêt épaisse.... Afin que les propriétés ne soient pas confondues et que les passants ne puissent y entrer à leur gré, ces vergers sont entourés de murailles construites en terre, car il y a peu de pierres dans le pays. Ces clôtures servent donc à déterminer les possessions de chacun, Ces vergers sont en même temps pour la ville de Damas d'excellentes fortifications; les arbres y sont plantés très-serrés et en grand nombre, les chemins sont fort étroits, en sorte qu'il semble à peu près impossible d'arriver jusqu'à la ville, si l'on veut passer de ce côté. C'était cependant par là que nos princes avaient résolu... de conduire leurs armées et de s'ouvrir un accès vers la place. [ils pensaient que serait plus facile] et ils désiraient pour leurs armées pouvoir profiter de la commodité des fruits et des eaux."
" Le roi de Jérusalem entra donc le premier avec ses troupes dans ces étroits sentiers; mais l'armée éprouvait une extrême difficulté à s'avancer, soit à cause du peu de largeur des chemins, soit parce qu'elle était incessamment harcelée par des hommes cachés derrières les broussailles, "
La voie directe vers la ville par les jardins se révélant plus difficile que prévu, les croisés décident de se porter jusqu'à la rivière Barana. (2) :" Les nôtres, en effet, apprenant que le fleuve était dans le voisinage, se hâtèrent de s'y rendre, pour apaiser la soif ardente que leur avaient donnée les travaux de la journée et les nuages de poussière soulevés sans cesse par les pieds des hommes et des chevaux : ils s'arrêtèrent un moment en voyant les bords du fleuve occupés par une multitude innombrable d'ennemis. ". Finalement les berges de la rivière sont conquis par l'armée de l'empereur Conrad III.
A ce moment, le 24 juillet 1148, l'armée croisée contrôle une partie des jardins ainsi que le cours de la rivière, ce qui lui permettrait de couper l'approvisionnement en eau de l'oasis. Les damasquins tentent des sorties pour desserrer l'étreinte mais sans réussir à faire vaincre les croisés. Ils appellent aussi à l'aide leurs puissants voisins d'Alep et de Mossoul qui étaient jusqu'alors leurs rivaux.
Pendant ce temps, Philippe d'Alsace comte de Flandres réussit à convaincre Louis VII et Conrad III de lui attribuer la future principauté de Damas. On peut imaginer la colère des seigneurs syriens qui se voyaient floués par un nouveau venu !
C'est alors que se commit l'erreur qui fit tout échouer : Les seigneurs syriens persuadèrent alors Louis VII et Conrad III et " les entraînèrent à abandonner le quartier des vergers, pour transporter leur camp et leurs armées à l'autre extrémité de la ville.(3 du plan) Ils dirent...qu'il n'y avait de cet autre côté de la place qui fait face au midi... ni vergers qui formassent un point d'appui pour la défense, ni fleuve ni fossés qui pussent rendre plus difficiles l'accès et l'attaque des murailles. Les murailles, disaient-ils en outre, étaient basses et couvertes en briques non cuites, en sorte qu'elles ne pourraient pas même soutenir un premier assaut : ils ajoutaient encore que, de ce même côté, on n'aurait besoin ni de machines ni d'efforts considérables ; que dès la première attaque il ne serait nullement difficile de renverser les murailles en les poussant avec la main, et d'entrer aussitôt après dans la place"
Suite à ces conseils, les croisés se portèrent vers le sud, ce qui permit à l'émir de Damas de réoccuper les jardins et de les mettre solidement en défense. Sans eau, ni approvisionnement, l'armée franque ne pouvait tenir : Le camp était entièrement dépourvu de denrées : "on leur avait persuadé, même avant qu'ils entreprissent cette expédition, qu'ils s'empareraient de la place sans coup férir, et, dans cet espoir, les Chrétiens n'avaient apporté de vivres que pour quelques jours : On leur avait dit que la ville se rendrait sans la moindre difficulté et dès le premier assaut " [ce qui ne se produisit pas]
" Dans cette nouvelle situation les Chrétiens ne savaient que faire.... Il leur semblait fâcheux ... impossible d'aller reprendre les positions qu'ils avaient quittées. En effet, aussitôt après qu'ils en étaient sortis , les ennemis... s'appliquèrent à fortifier ces lieux et les chemins par où nos soldats avaient passé, beaucoup plus même qu'ils ne l'étaient auparavant; ils encombrèrent les avenues de poutres et d'énormes quartiers de pierres, et les vergers furent occupés par des multitudes d'archers, chargés de repousser quiconque tenterait de s'approcher. "
A cela s'ajouta l'arrivée d'une armée de secours provenant d'Alep et conduite par Nur-Ad-Din : sans eau ni approvisionnement, menacée d'être encerclée, la croisade abandonna le 28 juillet le siège de Damas. L'échec fut d'autant plus grave que Nur-Ad-Din fut accueilli en vainqueur à Damas ; en 1154, il s'empare de Damas, réalisant l'union de Damas et d'Alep et l'encerclement des Etats francs.
REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet
Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com
lundi 6 juillet 2015
dimanche 5 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (104) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LES HOSPITALIERS DANS LA DEFENSE DU ROYAUME
J'avais mentionné dans un article précédent que les chevaliers-hospitaliers participaient à l'activité militaire des Etats francs de Terre Sainte avec quatre modalités d'actions :
- la prise en charge des forteresses,
- la participation à la haute-cour royale et aux divers conseils où s'élabore la stratégie des chrétiens,
- les combats livrés pour la défense des Etats Francs,
- les combats offensifs et de conquête.
Le premier type d'action ayant été décrit, je passerai successivement aux trois autres.
LA PARTICIPATION AUX CONSEILS
La deuxième activité qui peut être assimilée aux pratiques guerrières sans en faire véritablement partie est la participation du maître de l'Hopital, ainsi d'ailleurs que celle du maître des Templiers, aux conseils convoqués pour organiser les campagnes militaires à venir.
Guillaume de Tyr décrit par exemple le conseil qui fut organisé à Acre le 24 juin 1148 pour décider de l'objectif qui serait celui de la deuxième croisade. A ce conseil, participent les trois parties prenantes dans l'offensive : l'empereur Conrad III et ce qui reste des croisés allemands après les terribles épreuves de la traversée de l'Anatolie, Louis VII et les croisés de France, Baudouin III et ses feudataires du Royaume de Jérusalem ; parmi ces derniers se trouve le maître de l'ordre de l'hôpital Raymond du Puy.
Cette présence de Raymond du Puy pose deux interrogations pour lesquelles Guillaume de Tyr n'apporte pas de réponses :
. Pour quelle raison, le maître des Hospitaliers fut-il convoqué à ce conseil ?
. Les Hospitaliers, dont la vocation avouée et officielle était l'accueil et les soins à apporter aux malades allaient-il participer à l'offensive ?
A la première question, il est assez aisé de répondre : entre les croisés français et allemands qui ne connaissent pas le pays et qui attendent des seigneurs locaux la détermination de l'objectif et les feudataires des états francs qui n'étaient pas d'accord sur celui-ci à cause d'intérêts personnels inavoués, le maître des Hospitaliers pouvait être d'un précieux conseil, il avait l'avantage de connaître parfaitement le pays ainsi que la géopolitique locale mais aussi d'être neutre entre les parties.
L'objectif de l'offensive à venir était en effet l'objet de discordes : devait-on attaquer Damas, ville avec laquelle une trêve avait été signée ou Alep où résidait l'ennemi principal qui avait conquis Edesse. Finalement le conseil d'Acre décida d'attaquer Damas, ce qui conduisit la croisade à un échec complet. En lisant Guillaume de Tyr, on ne sait pas quelle fut l'influence de Raymond du Puy dans cette décision. On sait simplement que Templiers et Hospitaliers se livraient à une grande concurrence et qu'en général ils étaient souvent d'avis contraire lors de ces conseils.
A la question de savoir si les Hospitaliers ont pris part à l'offensive sur Damas, il ne me le semble pas en lisant Guillaume de Tyr et cela pour deux raisons :
- d'abord, parce que le chroniqueur ne le mentionne pas, il cite l'ordre de marche de l'armée avec précision (ost du roi de Jérusalem , puis croisés français, puis croisés allemand) sans noter la présence des Hospitaliers (ni d'ailleurs celle des templiers).
- ensuite du fait que Guillaume de Tyr implique le mauvais choix de l'objectif et l'échec de l'offensive à une trahison dans le rang des croisés ; si les Hospitaliers avaient été présents, le chroniqueur qui les détestait, n'aurait pas manqué de les accuser de cette trahison.
Dans le cas de la seconde croisade, il me semble donc que la convocation de Raymond du Puy était essentiellement due à sa connaissance du terrain et à la sagesse de ses conseils.
J'avais mentionné dans un article précédent que les chevaliers-hospitaliers participaient à l'activité militaire des Etats francs de Terre Sainte avec quatre modalités d'actions :
- la prise en charge des forteresses,
- la participation à la haute-cour royale et aux divers conseils où s'élabore la stratégie des chrétiens,
- les combats livrés pour la défense des Etats Francs,
- les combats offensifs et de conquête.
Le premier type d'action ayant été décrit, je passerai successivement aux trois autres.
LA PARTICIPATION AUX CONSEILS
La deuxième activité qui peut être assimilée aux pratiques guerrières sans en faire véritablement partie est la participation du maître de l'Hopital, ainsi d'ailleurs que celle du maître des Templiers, aux conseils convoqués pour organiser les campagnes militaires à venir.
Guillaume de Tyr décrit par exemple le conseil qui fut organisé à Acre le 24 juin 1148 pour décider de l'objectif qui serait celui de la deuxième croisade. A ce conseil, participent les trois parties prenantes dans l'offensive : l'empereur Conrad III et ce qui reste des croisés allemands après les terribles épreuves de la traversée de l'Anatolie, Louis VII et les croisés de France, Baudouin III et ses feudataires du Royaume de Jérusalem ; parmi ces derniers se trouve le maître de l'ordre de l'hôpital Raymond du Puy.
Cette présence de Raymond du Puy pose deux interrogations pour lesquelles Guillaume de Tyr n'apporte pas de réponses :
. Pour quelle raison, le maître des Hospitaliers fut-il convoqué à ce conseil ?
. Les Hospitaliers, dont la vocation avouée et officielle était l'accueil et les soins à apporter aux malades allaient-il participer à l'offensive ?
A la première question, il est assez aisé de répondre : entre les croisés français et allemands qui ne connaissent pas le pays et qui attendent des seigneurs locaux la détermination de l'objectif et les feudataires des états francs qui n'étaient pas d'accord sur celui-ci à cause d'intérêts personnels inavoués, le maître des Hospitaliers pouvait être d'un précieux conseil, il avait l'avantage de connaître parfaitement le pays ainsi que la géopolitique locale mais aussi d'être neutre entre les parties.
L'objectif de l'offensive à venir était en effet l'objet de discordes : devait-on attaquer Damas, ville avec laquelle une trêve avait été signée ou Alep où résidait l'ennemi principal qui avait conquis Edesse. Finalement le conseil d'Acre décida d'attaquer Damas, ce qui conduisit la croisade à un échec complet. En lisant Guillaume de Tyr, on ne sait pas quelle fut l'influence de Raymond du Puy dans cette décision. On sait simplement que Templiers et Hospitaliers se livraient à une grande concurrence et qu'en général ils étaient souvent d'avis contraire lors de ces conseils.
A la question de savoir si les Hospitaliers ont pris part à l'offensive sur Damas, il ne me le semble pas en lisant Guillaume de Tyr et cela pour deux raisons :
- d'abord, parce que le chroniqueur ne le mentionne pas, il cite l'ordre de marche de l'armée avec précision (ost du roi de Jérusalem , puis croisés français, puis croisés allemand) sans noter la présence des Hospitaliers (ni d'ailleurs celle des templiers).
- ensuite du fait que Guillaume de Tyr implique le mauvais choix de l'objectif et l'échec de l'offensive à une trahison dans le rang des croisés ; si les Hospitaliers avaient été présents, le chroniqueur qui les détestait, n'aurait pas manqué de les accuser de cette trahison.
Dans le cas de la seconde croisade, il me semble donc que la convocation de Raymond du Puy était essentiellement due à sa connaissance du terrain et à la sagesse de ses conseils.
samedi 4 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (103) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LE KRACK DES CHEVALIERS (épilogue)
On peut, au vu de l'impression d'invulnérabilité de la place forte, se poser la question de savoir comment un tel château fut pris en 1271 par le sultan des mamelouks d'Egypte, Baybars ? Jusque cette date, en effet, le KRACK avait subi de nombreux sièges sans être conquis.
Dans les années qui précédèrent, les mamelouks s'étaient emparés de nombreuses forteresses franques (Beaufort en 1268, Safed en 1266, Chastel-Blanc en 1271), ils avaient aussi conquis les terres et villages qui dépendaient du Krack en sorte que cette forteresse se trouvait complètement isolée dans un territoire hostile. Les communications étaient désormais coupées avec ce qui restait du comté de Tripoli. Le Krack comportait une garnison de 300 hommes et avait accueilli de nombreux villageois qui y étaient venus s'y réfugier.
Dans un premier temps, le sultan mamelouk, encercla le Krack, comptant sur la famine pour réduire la place. Puis, voyant que le siège pourrait s'éterniser, Baibars décida de donner l'assaut, il fit installer des mangonneaux et creuser des sapes qui amenèrent à l'écroulement d'une partie du rempart extérieur. Les assaillants purent alors investir le fossé entre l'enceinte extérieure et l'enceinte intérieure. Là , ils se trouvèrent pris au piège ; face à eux s'élèvent le glacis qu'ils ne peuvent escalader sans être massacrés et les murailles du château du haut desquelles on pouvait lancer toutes sorte de projectiles ainsi que des bordées de flèches : L'assaut révélait bien que le château était tel que ses concepteurs l'avaient voulu, inexpugnable.
Le sultan décida alors de ruser : il fit passer aux assiégés une lettre émanant soi-disant du maître de l'ordre indiquant aux chevaliers hospitaliers et à leurs troupes, que s'ils se rendaient, ils auraient la vie sauve.
Sans possibilité de vérifier la véracité de la lettre, la garnison négocia la reddition et obtint du sultan de sortir saufs de la forteresse. Ils eurent la chance de ne pas subir le sort de la garnison de Safed à qui Baibars avait aussi promis la vie sauve à la garnison contre leur reddition : il fit couper la tête à tous les hommes et fit vendre comme esclaves les femmes et les enfants.
LES DERNIÈRES MODIFICATIONS.
Les mamelouks effectuèrent quelques modifications de détail au Krack sans en changer la structure :
. Ils renforcèrent le flanc sud en créant trois nouvelles tours dont une imposante tour carrée centrale,
. Ils renforcèrent également les autres flancs,
. Ils créèrent un établissement de bains et un aqueduc pour alimenter la citerne,
. Ils modifièrent également la structure d'entrée en créant un poste de garde extérieur et en reconstruisant le poste de garde situé en haut de la rampe.
. Enfin, ils transformèrent l'église en mosquée avec adjonction de Mihrab.
On peut, au vu de l'impression d'invulnérabilité de la place forte, se poser la question de savoir comment un tel château fut pris en 1271 par le sultan des mamelouks d'Egypte, Baybars ? Jusque cette date, en effet, le KRACK avait subi de nombreux sièges sans être conquis.
Dans les années qui précédèrent, les mamelouks s'étaient emparés de nombreuses forteresses franques (Beaufort en 1268, Safed en 1266, Chastel-Blanc en 1271), ils avaient aussi conquis les terres et villages qui dépendaient du Krack en sorte que cette forteresse se trouvait complètement isolée dans un territoire hostile. Les communications étaient désormais coupées avec ce qui restait du comté de Tripoli. Le Krack comportait une garnison de 300 hommes et avait accueilli de nombreux villageois qui y étaient venus s'y réfugier.
Dans un premier temps, le sultan mamelouk, encercla le Krack, comptant sur la famine pour réduire la place. Puis, voyant que le siège pourrait s'éterniser, Baibars décida de donner l'assaut, il fit installer des mangonneaux et creuser des sapes qui amenèrent à l'écroulement d'une partie du rempart extérieur. Les assaillants purent alors investir le fossé entre l'enceinte extérieure et l'enceinte intérieure. Là , ils se trouvèrent pris au piège ; face à eux s'élèvent le glacis qu'ils ne peuvent escalader sans être massacrés et les murailles du château du haut desquelles on pouvait lancer toutes sorte de projectiles ainsi que des bordées de flèches : L'assaut révélait bien que le château était tel que ses concepteurs l'avaient voulu, inexpugnable.
Le sultan décida alors de ruser : il fit passer aux assiégés une lettre émanant soi-disant du maître de l'ordre indiquant aux chevaliers hospitaliers et à leurs troupes, que s'ils se rendaient, ils auraient la vie sauve.
Sans possibilité de vérifier la véracité de la lettre, la garnison négocia la reddition et obtint du sultan de sortir saufs de la forteresse. Ils eurent la chance de ne pas subir le sort de la garnison de Safed à qui Baibars avait aussi promis la vie sauve à la garnison contre leur reddition : il fit couper la tête à tous les hommes et fit vendre comme esclaves les femmes et les enfants.
LES DERNIÈRES MODIFICATIONS.
Les mamelouks effectuèrent quelques modifications de détail au Krack sans en changer la structure :
. Ils renforcèrent le flanc sud en créant trois nouvelles tours dont une imposante tour carrée centrale,
. Ils renforcèrent également les autres flancs,
. Ils créèrent un établissement de bains et un aqueduc pour alimenter la citerne,
. Ils modifièrent également la structure d'entrée en créant un poste de garde extérieur et en reconstruisant le poste de garde situé en haut de la rampe.
. Enfin, ils transformèrent l'église en mosquée avec adjonction de Mihrab.
jeudi 2 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (102) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LE KRACK DES CHEVALIERS
LA TROISIEME PHASE DE RECONSTRUCTION (suite)
Le troisième aménagement est effectué dans la cour intérieure avec construction de deux ensembles :
. De vastes entrepôts constitués par de puissants piliers carrés et trapus supportant des voûtes d'arêtes, ces entrepôts sont couverts d'un toit en terrasse qui constitue une cour supérieure.
. Dans la cour inférieure est construit un bâtiment accolé aux galeries du monastère de la première reconstruction. Ce bâtiment est précédé d'arcades qui figurent une esquisse de cloître, c'est une salle de prestige couverte de voûtes d'ogives qui était utilisée pour les réunions du chapitre et aussi pour les réceptions de l'ordre.
L'architecture des entrepôts est évidemment très différente de celle de la salle du chapitre et de la galerie comme le montrent les photos ci-dessous :
Tous ces aménagements rendent assez difficile la lecture de la structure du château ; sur les deux photos ci-dessous, ont été mentionnés ses principaux éléments :
LA TROISIEME PHASE DE RECONSTRUCTION (suite)
Le troisième aménagement est effectué dans la cour intérieure avec construction de deux ensembles :
. De vastes entrepôts constitués par de puissants piliers carrés et trapus supportant des voûtes d'arêtes, ces entrepôts sont couverts d'un toit en terrasse qui constitue une cour supérieure.
. Dans la cour inférieure est construit un bâtiment accolé aux galeries du monastère de la première reconstruction. Ce bâtiment est précédé d'arcades qui figurent une esquisse de cloître, c'est une salle de prestige couverte de voûtes d'ogives qui était utilisée pour les réunions du chapitre et aussi pour les réceptions de l'ordre.
L'architecture des entrepôts est évidemment très différente de celle de la salle du chapitre et de la galerie comme le montrent les photos ci-dessous :
Tous ces aménagements rendent assez difficile la lecture de la structure du château ; sur les deux photos ci-dessous, ont été mentionnés ses principaux éléments :
mercredi 1 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (101) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LE KRACK DES CHEVALIERS
LA TROISIEME PHASE DE RECONSTRUCTION (suite)
L'ENCEINTE EXTÉRIEURE (voir plan sur l'article précédent) enveloppe le noyau central de la forteresse sur les quatre côtés , c'est une fortification pourvue de tours en forme de demi-cercle construite en saillie sur la courtine extérieure. En avant de l'enceinte extérieure du flanc sud, là où la surface de l'éperon est plan, fut creusé un large fossé barrant le seul accès facile au château ; sur les autres flancs, la pente escarpée du versant suffisait seule à leur protection.
La face intérieure rectiligne comporte divers aménagements comme le montre la photo ci-dessous :
- A gauche, un bâtiment à deux niveaux. adossé au rempart,
- plus loin, un mur comportant un chemin de ronde à créneaux sous lequel sont aménagés des archères dans l'épaisseur du mur.
La photo permet aussi de déterminer la fonction de cette enceinte extérieure : elle doit certes servir de première ligne défense mais, selon moi, ce n'est pas son rôle principal : les aménagements du chemin menant à la porte d'entrée étaient tels qu'il semblait impossible d'investir le château de ce côté , la seule solution était, pour les assaillants, de tenter un assaut sur les flancs Nord, Est et éventuellement Sud de la forteresse : c'est dans cette perspective que l'enceinte extérieure pouvait jouer un rôle primordial.
En dépit des pentes escarpées des flancs Nord, Est et du fossé précèdent le flanc Sud, on pourrait imaginer qu'au moyen de sapes, l'assaillant puisse faire écrouler une partie de l'enceinte extérieure, ce qui permettrait son assaut. Dans ce cas, les assaillants se trouvent dans le fossé sec établi entre les deux remparts. Or, la photo le montre bien, le rempart extérieur est situé en net contrebas du premier rempart : les assaillants ayant investi le fossé sont face aux puissantes murailles du château intérieur, ils sont pris sous les projectiles et les flèches lancées par les défenseurs installés dans les chemins de ronde, ils ne peuvent grimper sur le glacis car ils seraient tués avant d'arriver en haut.
A cela s'ajoute le fait que le fossé ne mène nulle part, sinon aux tours de défense du premier rempart et de la porterie. Certes, à la base de ces tours se trouvent des poternes mais, pour les assaillants, il est difficile de rentrer dans le château par les escaliers étroits et sombres ; en outre, ces tours bénéficient d'un renforcement de leur défense au moyen de mâchicoulis Par contre, les poternes sont très utiles aux défenseurs puisqu'ils peuvent effectuer des sorties et prendre l'assaillant à revers.
Ainsi, la création de la deuxième enceinte ainsi que le renforcement de la porte rendent le KRACK DES CHEVALIERS pratiquement imprenable. Cette forteresse représente le point d'aboutissement de l'art militaire des places fortifiées : cela se comprend sans peine : ces aménagements ont été effectués dans les années précédant la bataille de Hattin et ils bénéficièrent de toutes les techniques défensives élaborées en Terre Sainte au fil du temps.
LA TROISIEME PHASE DE RECONSTRUCTION (suite)
L'ENCEINTE EXTÉRIEURE (voir plan sur l'article précédent) enveloppe le noyau central de la forteresse sur les quatre côtés , c'est une fortification pourvue de tours en forme de demi-cercle construite en saillie sur la courtine extérieure. En avant de l'enceinte extérieure du flanc sud, là où la surface de l'éperon est plan, fut creusé un large fossé barrant le seul accès facile au château ; sur les autres flancs, la pente escarpée du versant suffisait seule à leur protection.
La face intérieure rectiligne comporte divers aménagements comme le montre la photo ci-dessous :
- A gauche, un bâtiment à deux niveaux. adossé au rempart,
- plus loin, un mur comportant un chemin de ronde à créneaux sous lequel sont aménagés des archères dans l'épaisseur du mur.
La photo permet aussi de déterminer la fonction de cette enceinte extérieure : elle doit certes servir de première ligne défense mais, selon moi, ce n'est pas son rôle principal : les aménagements du chemin menant à la porte d'entrée étaient tels qu'il semblait impossible d'investir le château de ce côté , la seule solution était, pour les assaillants, de tenter un assaut sur les flancs Nord, Est et éventuellement Sud de la forteresse : c'est dans cette perspective que l'enceinte extérieure pouvait jouer un rôle primordial.
En dépit des pentes escarpées des flancs Nord, Est et du fossé précèdent le flanc Sud, on pourrait imaginer qu'au moyen de sapes, l'assaillant puisse faire écrouler une partie de l'enceinte extérieure, ce qui permettrait son assaut. Dans ce cas, les assaillants se trouvent dans le fossé sec établi entre les deux remparts. Or, la photo le montre bien, le rempart extérieur est situé en net contrebas du premier rempart : les assaillants ayant investi le fossé sont face aux puissantes murailles du château intérieur, ils sont pris sous les projectiles et les flèches lancées par les défenseurs installés dans les chemins de ronde, ils ne peuvent grimper sur le glacis car ils seraient tués avant d'arriver en haut.
A cela s'ajoute le fait que le fossé ne mène nulle part, sinon aux tours de défense du premier rempart et de la porterie. Certes, à la base de ces tours se trouvent des poternes mais, pour les assaillants, il est difficile de rentrer dans le château par les escaliers étroits et sombres ; en outre, ces tours bénéficient d'un renforcement de leur défense au moyen de mâchicoulis Par contre, les poternes sont très utiles aux défenseurs puisqu'ils peuvent effectuer des sorties et prendre l'assaillant à revers.
Ainsi, la création de la deuxième enceinte ainsi que le renforcement de la porte rendent le KRACK DES CHEVALIERS pratiquement imprenable. Cette forteresse représente le point d'aboutissement de l'art militaire des places fortifiées : cela se comprend sans peine : ces aménagements ont été effectués dans les années précédant la bataille de Hattin et ils bénéficièrent de toutes les techniques défensives élaborées en Terre Sainte au fil du temps.
mardi 2 juin 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (81) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.
IMAGES DES FORTERESSES
A la douceur des paysages qui entourent les pèlerins sur les chemins des lieux saints, s'oppose la rudesse des forteresses dominant leur périple. Ces forteresses, généralement construites sur les promontoires, s'égrenaient le long de la route, leur présence devait rassurer les pèlerins en leur donnant un sentiment de sécurité ainsi que la certitude d'être protégés.
Pour moi, paradoxalement, c'est en regardant les ruines d'un château que je ressens le plus sa puissance car elles me permettent de laisser courir mon imagination.
Actuellement, il ne subsiste des deux châteaux de BEAUFORT et de SUBEIBE photographiées dans les années 20, que des restes de tours arasés et de soubassements de murailles alternant avec les roches en place qui semblent les consolider comme pour les préserver. Sur ces éperons, dépourvus de la végétation arbustive qui pourrait adoucir les formes, subsiste la ruine à nue ce qui la rend encore plus imposante ; elle ressemble à ces nids d'aigle quasiment inaccessibles des légendes germaniques et présente un aspect compact aux formes décharnées et déchiquetées, quasiment fantomatiques.
Il faut peu d'efforts à l'imagination pour reconstruire virtuellement ces forteresses en ruines, il suffit par la pensée d'élever les murailles pour créer un château si haut qu'il semble rejoindre le ciel !
En laissant vagabonder sa pensée, on peut aussi ressentir la présence de la petite garnison qui y vivaient en permanence dans des conditions probablement difficiles ; il faut l'imaginer sur la plateforme de la tour-donjon surveillant d'un regard inquiet le magnifique panorama qui se déployait devant eux, à la recherche de tous les signes qui pourraient signaler une incursion de leurs ennemis : fumée, nuage de poussières, incendies... On peut imaginer aussi dans les châteaux des ordres militaires qu'aux cris de guerre s'ajoute le tintement des cloches qui rythment la prière. Enfin, on peut imaginer le désespoir de ces hommes qui durent capituler après une résistance acharnée menée jusqu'à l'extrême limite de leurs forces. ( SUBEIBE capitule devant l'armée de Nur-el-Din en 1164, BEAUFORT en 1190 devant l'armée de Saladin)
On mesure encore mieux la puissance de ces forteresses quand la beauté sauvage de ces ruines se conjugue au déchaînement des éléments naturels comme dans cette gravure qui représente le CHATEAU DE LA MER à Sidon ( construit en 1227-8).
La nature témoigne d'une violence extrême comme si tous les éléments s'étaient associés pour détruire la forteresse. A ce déchaînement conjugué de la mer et de la tempête semble répondre l'impassibilité et la sérénité de la muraille comme si elle semblait dire : j'ai été construite puis démolie par les hommes, votre violence n'a aucune prise sur moi seuls les hommes seront à même de me détruire !
Cette image m'évoque les gravures de Gustave Doré et l'amour de la tempête dont Chateaubriand témoigne dans René.
A la douceur des paysages qui entourent les pèlerins sur les chemins des lieux saints, s'oppose la rudesse des forteresses dominant leur périple. Ces forteresses, généralement construites sur les promontoires, s'égrenaient le long de la route, leur présence devait rassurer les pèlerins en leur donnant un sentiment de sécurité ainsi que la certitude d'être protégés.
Pour moi, paradoxalement, c'est en regardant les ruines d'un château que je ressens le plus sa puissance car elles me permettent de laisser courir mon imagination.
Actuellement, il ne subsiste des deux châteaux de BEAUFORT et de SUBEIBE photographiées dans les années 20, que des restes de tours arasés et de soubassements de murailles alternant avec les roches en place qui semblent les consolider comme pour les préserver. Sur ces éperons, dépourvus de la végétation arbustive qui pourrait adoucir les formes, subsiste la ruine à nue ce qui la rend encore plus imposante ; elle ressemble à ces nids d'aigle quasiment inaccessibles des légendes germaniques et présente un aspect compact aux formes décharnées et déchiquetées, quasiment fantomatiques.
Il faut peu d'efforts à l'imagination pour reconstruire virtuellement ces forteresses en ruines, il suffit par la pensée d'élever les murailles pour créer un château si haut qu'il semble rejoindre le ciel !
En laissant vagabonder sa pensée, on peut aussi ressentir la présence de la petite garnison qui y vivaient en permanence dans des conditions probablement difficiles ; il faut l'imaginer sur la plateforme de la tour-donjon surveillant d'un regard inquiet le magnifique panorama qui se déployait devant eux, à la recherche de tous les signes qui pourraient signaler une incursion de leurs ennemis : fumée, nuage de poussières, incendies... On peut imaginer aussi dans les châteaux des ordres militaires qu'aux cris de guerre s'ajoute le tintement des cloches qui rythment la prière. Enfin, on peut imaginer le désespoir de ces hommes qui durent capituler après une résistance acharnée menée jusqu'à l'extrême limite de leurs forces. ( SUBEIBE capitule devant l'armée de Nur-el-Din en 1164, BEAUFORT en 1190 devant l'armée de Saladin)
On mesure encore mieux la puissance de ces forteresses quand la beauté sauvage de ces ruines se conjugue au déchaînement des éléments naturels comme dans cette gravure qui représente le CHATEAU DE LA MER à Sidon ( construit en 1227-8).
La nature témoigne d'une violence extrême comme si tous les éléments s'étaient associés pour détruire la forteresse. A ce déchaînement conjugué de la mer et de la tempête semble répondre l'impassibilité et la sérénité de la muraille comme si elle semblait dire : j'ai été construite puis démolie par les hommes, votre violence n'a aucune prise sur moi seuls les hommes seront à même de me détruire !
Cette image m'évoque les gravures de Gustave Doré et l'amour de la tempête dont Chateaubriand témoigne dans René.
dimanche 31 mai 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (81) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.
IMAGES DES PÈLERINAGES (suite)
La même impression de beauté et d'harmonie devait être ressentie par les pèlerins quand, après une longue marche, ils arrivaient à Nazareth, lieu de l'Annonciation ; pour ces pèlerins, va commencer la seconde partie de leur trajet, celle de la vie terrestre de Jésus et de ses œuvres.
La ville est étagée sur les flancs de la colline et on y distingue bien l'ancienne basilique. Actuellement une grande église moderne la remplace, elle surmonte les ruines de la maison (supposée) de Marie. Face à cet humble et simple édifice, on ressent une étrange impression et sans doute aussi les mêmes sentiments que ceux des pèlerins de l'époque des croisades.
Apres Nazareth, les pèlerins gagnaient le lac de Tibériade où ils pouvaient suivre pas à pas, en longeant la berge, les hauts faits de Jésus dans sa vie terrestre. Sur la gravure, les paysages respirent la paix, la sérénité et la quiétude, : un moutonnement de collines et de basses montagnes aux formes arrondies et douces, une corolle végétative autour des eaux calmes du lac créent les conditions de la réminiscence de tout ce qui se passa ici : la pêche miraculeuse, la tempête calmée, la multiplication des pains, la maison de Pierre, le sermon sur la montagne...
Paradoxe de cette époque et des mentalités croisés pour qui violence et sauvagerie sont de mise, les pèlerins entendent évoquer cette phrase des béatitudes : " Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu" !
Cette évocation des pèlerinages par les gravures anciennes est sans doute un peu trop idyllique, ils faudrait la corriger pour évoquer les conditions pratiques dans lesquelles ils s'accomplissaient : les longues marches, la chaleur (le trajet de Ramleh à Jérusalem se faisait de nuit pour y pallier), les possibles attaques des brigands, la fatigue et l'épuisement, les maladies, l'impossibilité de se rendre à certains endroits à cause de la guerre... Tous ces aléas doivent être cependant relativisés, d'abord parce qu'on voyageait en groupes dans lesquels la charité et la solidarité devaient jouer à fond, ensuite par le fait que les voies de pèlerinage étaient jalonnées de lieux d'accueil (monastères, hôpitaux) où l'on pouvait être hébergé, nourris et soigné, enfin et surtout parce que les pèlerins étaient animés par leur foi qui devait tempérer et même faire oublier la dureté des conditions de voyage.
La même impression de beauté et d'harmonie devait être ressentie par les pèlerins quand, après une longue marche, ils arrivaient à Nazareth, lieu de l'Annonciation ; pour ces pèlerins, va commencer la seconde partie de leur trajet, celle de la vie terrestre de Jésus et de ses œuvres.
La ville est étagée sur les flancs de la colline et on y distingue bien l'ancienne basilique. Actuellement une grande église moderne la remplace, elle surmonte les ruines de la maison (supposée) de Marie. Face à cet humble et simple édifice, on ressent une étrange impression et sans doute aussi les mêmes sentiments que ceux des pèlerins de l'époque des croisades.
Apres Nazareth, les pèlerins gagnaient le lac de Tibériade où ils pouvaient suivre pas à pas, en longeant la berge, les hauts faits de Jésus dans sa vie terrestre. Sur la gravure, les paysages respirent la paix, la sérénité et la quiétude, : un moutonnement de collines et de basses montagnes aux formes arrondies et douces, une corolle végétative autour des eaux calmes du lac créent les conditions de la réminiscence de tout ce qui se passa ici : la pêche miraculeuse, la tempête calmée, la multiplication des pains, la maison de Pierre, le sermon sur la montagne...
Paradoxe de cette époque et des mentalités croisés pour qui violence et sauvagerie sont de mise, les pèlerins entendent évoquer cette phrase des béatitudes : " Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu" !
Cette évocation des pèlerinages par les gravures anciennes est sans doute un peu trop idyllique, ils faudrait la corriger pour évoquer les conditions pratiques dans lesquelles ils s'accomplissaient : les longues marches, la chaleur (le trajet de Ramleh à Jérusalem se faisait de nuit pour y pallier), les possibles attaques des brigands, la fatigue et l'épuisement, les maladies, l'impossibilité de se rendre à certains endroits à cause de la guerre... Tous ces aléas doivent être cependant relativisés, d'abord parce qu'on voyageait en groupes dans lesquels la charité et la solidarité devaient jouer à fond, ensuite par le fait que les voies de pèlerinage étaient jalonnées de lieux d'accueil (monastères, hôpitaux) où l'on pouvait être hébergé, nourris et soigné, enfin et surtout parce que les pèlerins étaient animés par leur foi qui devait tempérer et même faire oublier la dureté des conditions de voyage.
samedi 30 mai 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (80) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.
IMAGES DES PÈLERINAGES (suite)
Le pèlerinage se poursuivait ensuite vers Bethléem où l'on priait sur le lieu de la Nativité puis vers Hébron où se trouvaient les tombes des prophètes. Ces deux villes, représentées par des gravures du XIXè siècle, étaient de petites bourgades de maisons cubiques blanches serrées les unes contre les autres pour se protéger des dangers et établis dans des vallées plantées d'oliviers et sans doute de cultures variées. Les pèlerins devaient, une nouvelle fois, ressentir la douceur et l'harmonie des paysages ainsi que la sensation d'être dans un monde très différent de le leur. Le dépaysement devait cependant être atténué par le fait qu'au dessus des maisons s'élevaient les clochers des églises qui remplaçaient à l'époque des croisades les minarets des mosquées que les gravures représentent.
Les bords du Jourdain étaient, comme je l'ai écrit, un lieu d'une grande importance pour les pèlerins qui viennent rituellement se baigner près du lieu où se produisit le baptême de Jésus. L'endroit est bucolique, l'eau et les arbres composent un paysage de quiétude et de paix. J'ai visité cet endroit il y a longtemps et j'ai ressenti la même impression de sérénité et d'apaisement que celle révélée par la gravure.
Il est facile d'imaginer la ferveur des pèlerins qui s'y baignent et renouvellent les engagements du baptême qui leur avait permis dès leur naissance d'entrer dans l'espérance de la vie éternelle. En ce sens, l'immersion dans les eaux du Jourdain allait de pair avec la prière au Saint-Sépulcre : l'une permettait la rémission des péchés, l'autre renouvelaient la promesse de la vie éternelle : pur de tout péché, le pèlerin était sûr d'obtenir son salut.
À suivre...
Le pèlerinage se poursuivait ensuite vers Bethléem où l'on priait sur le lieu de la Nativité puis vers Hébron où se trouvaient les tombes des prophètes. Ces deux villes, représentées par des gravures du XIXè siècle, étaient de petites bourgades de maisons cubiques blanches serrées les unes contre les autres pour se protéger des dangers et établis dans des vallées plantées d'oliviers et sans doute de cultures variées. Les pèlerins devaient, une nouvelle fois, ressentir la douceur et l'harmonie des paysages ainsi que la sensation d'être dans un monde très différent de le leur. Le dépaysement devait cependant être atténué par le fait qu'au dessus des maisons s'élevaient les clochers des églises qui remplaçaient à l'époque des croisades les minarets des mosquées que les gravures représentent.
Les bords du Jourdain étaient, comme je l'ai écrit, un lieu d'une grande importance pour les pèlerins qui viennent rituellement se baigner près du lieu où se produisit le baptême de Jésus. L'endroit est bucolique, l'eau et les arbres composent un paysage de quiétude et de paix. J'ai visité cet endroit il y a longtemps et j'ai ressenti la même impression de sérénité et d'apaisement que celle révélée par la gravure.
Il est facile d'imaginer la ferveur des pèlerins qui s'y baignent et renouvellent les engagements du baptême qui leur avait permis dès leur naissance d'entrer dans l'espérance de la vie éternelle. En ce sens, l'immersion dans les eaux du Jourdain allait de pair avec la prière au Saint-Sépulcre : l'une permettait la rémission des péchés, l'autre renouvelaient la promesse de la vie éternelle : pur de tout péché, le pèlerin était sûr d'obtenir son salut.
À suivre...
Inscription à :
Articles (Atom)