LES RELATIONS DE L'ORDRE DE L'HÔPITAL AVEC LE MONDE FRANC QUI LES ENTOURE. (Suite)
AVEC LES TEMPLIERS
Avec les templiers, les occasions de querelles ne manquent pas, ils sont d'abord en conflits permanents sur leurs droits et possessions respectifs; surtout, ils se livrent à une concurrence acharnée au niveau décisionnel : quand un des deux Ordres prend position face à un problème donné, il n'est pas rare que l'autre soit d'un avis diamétralement opposé.
Pour tenter de résoudre ces rivalités de tous ordre, un accord fut trouvé en février 1179 entre les maîtres des deux ordres, Roger Des Moulins et Eudes de saint Armand, que le Pape Alexandre III confirma ; le principe, comme souvent à cette époque, fut la mise en œuvre d'arbitrages entre les parties : en cas de conflit, trois frères de chacun des deux ordres sont choisis pour le régler, ils peuvent s'adjoindre deux autres frères de l'ordre si nécessaire et même faire intervenir un médiateur extérieur. En cas de désaccord persistant, l'arbitrage des maîtres des deux ordres était requis. La confirmation papale porte cette mention : " les deux maisons quoique séparées par leur profession, ne doivent faire qu'une grâce à leur amour réciproque l'une pour l'autre"
Cet accord mit-il fin aux dissensions entre les Templiers et les Hospitaliers ? Probablement pas : on retrouve en particulier leur antagonisme dans les prises de position lors des problèmes dynastiques survenus après la mort du roi Baudouin V en 1186 : le roi Baudouin IV avait organisé sa succession et précisé qu'en cas de mort de son neveu Beaudouin V, la régence reviendrait à Raymond III de Tripoli pendant dix ans, or il y avait un prétendant immédiat au trône, Guy de Lusignan, époux de Sibylle, sœur de Baudouin IV et mère de Baudouin V. Les Hospitaliers prirent le parti de Raymond de Tripoli, les Templiers celui de Guy de Lusignan. Les Templiers firent couronner Guy ; mis devant le fait accompli et furieux d'avoir été joué, le maître de l'Hôpital, Roger Des Moulins refusa de rendre la clé qu'il possédait du trésor royal !
À suivre...
REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet
Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com
samedi 25 juillet 2015
vendredi 24 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (116) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LES RELATIONS DE L'ORDRE DE L'HÔPITAL AVEC LE MONDE FRANC QUI LES ENTOURE.
C'est le dernier volet de ces articles sur les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem dans lesquels j'ai tenté de décrire la vie et les caractéristiques de l'ordre sous les successeurs de Raymond du Puy. Selon ce que j'ai pu en apprendre, elles sont convenables avec les princes laïcs, mauvaises avec les ordres militaires concurrents, principalement avec les templiers et exécrables avec l'église séculière de Terre sainte.
AVEC LES PRINCES LAÏCS.
Les relations de l'ordre de l'Hôpital et plus généralement des ordres militaires avec les autorités séculières sont globalement convenables même si les ordres militaires ont tendance à se muer de plus en plus en "Etat dans l'Etat" du fait des biens et possessions qu'ils contrôlent : ils possèdent de vastes domaines ainsi qu'un grand nombre de forteresses et se sont rendus indispensables au titre de la défense des Etats francs, c'est en particulier très net au niveau du comté de Tripoli pour les Hospitaliers.
Leur participation de plus en plus importante à la politique défensive du royaume conduisit à ce que, de plus en plus aussi, les princes dépendirent des ordres militaires et principalement des Templiers : ils forment l'ossature de l'armée, connaissent parfaitement le terrain et ont une vision claire des tactiques à appliquer. On les consulte lorsque se prépare une expédition militaire et il arrive, si elle ne leur convient pas qu'ils refusent d'y participer ; ce sera en particulier le cas, selon Guillaume de Tyr, pour les expéditions d'Egypte, ce qui conduisit peut-être le roi Amaury à solliciter l'aide des Hospitaliers.
Il en fut de même lors des préparatifs de la bataille de Hattin : face à l'invasion du royaume par l'armée de Saladin, deux opinions s'affrontèrent : les Templiers voulaient attaquer tout de suite tandis que le comte de Tripoli Raymond III était partisan de se replier sur une position de force pour combattre ; ce fut ce dernier qui l'emporta au conseil. C'est alors que le maître des Templiers, Gerard de Ridefort, se rendit dans la tente du roi et le convainquit d'une attaque immédiate sous la menace que les Templiers quittent l'ost royal. Le roi suivit l'avis du maître du Temple et prit la décision d'attaquer ,
Il arrive même que les ordres militaires prennent la décision de ne pas obéir aux princes laïcs au nom de leurs convictions, ce fut en particulier le cas lors de la bataille de la fontaine de Cresson puisque les Templiers aides des Hospitaliers livrèrent bataille contre les turcs en dépit des injonctions du comte de Tripoli.
En conséquence, les princes sont devenus dépendants des ordres militaires puisque sans leur aide toute guerre est quasiment vouée à l'échec. Cette dépendance est toutefois plus forte pour les Templiers que pour les Hospitaliers car ces derniers sont moins impliqués que les Templiers au niveau des offensives à mener. Les princes disposent néanmoins d'une légère marge de manœuvre puisqu'ils peuvent jouer des rivalités entre Hospitaliers et Templiers.
À suivre...
C'est le dernier volet de ces articles sur les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem dans lesquels j'ai tenté de décrire la vie et les caractéristiques de l'ordre sous les successeurs de Raymond du Puy. Selon ce que j'ai pu en apprendre, elles sont convenables avec les princes laïcs, mauvaises avec les ordres militaires concurrents, principalement avec les templiers et exécrables avec l'église séculière de Terre sainte.
AVEC LES PRINCES LAÏCS.
Les relations de l'ordre de l'Hôpital et plus généralement des ordres militaires avec les autorités séculières sont globalement convenables même si les ordres militaires ont tendance à se muer de plus en plus en "Etat dans l'Etat" du fait des biens et possessions qu'ils contrôlent : ils possèdent de vastes domaines ainsi qu'un grand nombre de forteresses et se sont rendus indispensables au titre de la défense des Etats francs, c'est en particulier très net au niveau du comté de Tripoli pour les Hospitaliers.
Leur participation de plus en plus importante à la politique défensive du royaume conduisit à ce que, de plus en plus aussi, les princes dépendirent des ordres militaires et principalement des Templiers : ils forment l'ossature de l'armée, connaissent parfaitement le terrain et ont une vision claire des tactiques à appliquer. On les consulte lorsque se prépare une expédition militaire et il arrive, si elle ne leur convient pas qu'ils refusent d'y participer ; ce sera en particulier le cas, selon Guillaume de Tyr, pour les expéditions d'Egypte, ce qui conduisit peut-être le roi Amaury à solliciter l'aide des Hospitaliers.
Il en fut de même lors des préparatifs de la bataille de Hattin : face à l'invasion du royaume par l'armée de Saladin, deux opinions s'affrontèrent : les Templiers voulaient attaquer tout de suite tandis que le comte de Tripoli Raymond III était partisan de se replier sur une position de force pour combattre ; ce fut ce dernier qui l'emporta au conseil. C'est alors que le maître des Templiers, Gerard de Ridefort, se rendit dans la tente du roi et le convainquit d'une attaque immédiate sous la menace que les Templiers quittent l'ost royal. Le roi suivit l'avis du maître du Temple et prit la décision d'attaquer ,
En conséquence, les princes sont devenus dépendants des ordres militaires puisque sans leur aide toute guerre est quasiment vouée à l'échec. Cette dépendance est toutefois plus forte pour les Templiers que pour les Hospitaliers car ces derniers sont moins impliqués que les Templiers au niveau des offensives à mener. Les princes disposent néanmoins d'une légère marge de manœuvre puisqu'ils peuvent jouer des rivalités entre Hospitaliers et Templiers.
À suivre...
jeudi 23 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (115) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LA PARTICIPATION DES HOSPITALIERS À LA GUERRE OFFENSIVE : LE BILAN
Dans les articles précédents, j'ai tenté de montrer la participation des hospitaliers aux combats qui se livraient en Terre Sainte au moyen de trois exemples : l'abandon de la défense de Paneade-Baniyas, le combat de la fontaine de Cresson et la convention portant sur l'envoi de chevaliers et piétons de l'Ordre lors de la quatrième expédition d'Egypte.
En lisant les chroniques des contemporains, principalement de Guillaume de Tyr, Bernard le Trésorier et Jacques de Vitry qui sont en libre accès sur internet, je n'ai pas trouvé d'autres mentions faisant allusion aux hospitaliers en tant que combattants, hormis les trois exemples cités plus haut.
Le premier, rappelons-le, concernait les événements survenus à Paneade (Baniyas). Le seigneur du lieu, ne pouvant plus assumer seul la défense de la cité tant militairement que financièrement, en avait concédé la moitié aux Hospitaliers. Ceux-ci organisèrent une caravane afin d'équiper la part de la ville qui leur revenait tant en approvisionnement qu'en armes. Elle fut prise en embuscade par les turcs et pillée. Plutôt que de continuer à défendre Paneade, les Hospitaliers préfèrent rendre la part de la ville que le seigneur leur avait concédée. On ne peut pas dire que les Hospitaliers ait eu, dans ces circonstances, une attitude combattive !
On pourrait me rétorquer que si les Hospitaliers possédaient de nombreuses forteresses, c'est qu'on estimait à juste titre qu'ils avaient la capacité de les garder ; pourtant, on peut penser aussi que la donation de ces forteresses était surtout due au fait que les Hospitaliers disposaient de ressources financières importantes qui leur permettaient de renforcer les défenses de ces forteresses en les rendant quasiment imprenables. Dans cette perspective, la capacité combattante des hospitaliers était moins prise en considération que leur richesse. En outre, avant Hattin, il est probable que les garnisons de ces place-fortes hospitalières comprenaient surtout des soldats stipendiés commandés par quelques frères profès.
Dans le deuxième exemple, celui de la bataille de la fontaine de Cresson, on ne peut pas dire non plus que les hospitaliers ont été le fer de lance du combat : ils n'était qu'une dizaine alors que les templiers étaient 70 et les chevaliers laïcs 40. En outre, on a l'impression, à la lecture de Guillaume de Tyr, que les dix hospitaliers ont rencontré fortuitement l'armée en marche et qu'ils se joints à elle.
Le troisième exemple, celle de la quatrième expédition en Egypte a montré une participation beaucoup plus importante de l'Ordre qui est est engagé en tant que tel dans la guerre, avec non seulement un contingent conséquent de combattants mais aussi avec la détermination de la part du butin qui lui reviendra. Pourtant, il existe ici aussi une ambiguïté quant à la qualité des combattants : sont-il des moines-chevaliers profès ou des chevaliers et piétons enrôlés par l'Ordre et payés pour le temps de la campagne ?
Guillaume de Tyr montre que le maître "emprunta encore des sommes considérables, et les distribua à tous les chevaliers, qu'il allait cherchant de toutes parts pour les attirer à lui", ce qui signifie qu'il s'adressa à des chevaliers extérieurs à l'Ordre et rétribués. Par voie de conséquence, on peut en déduire que les 1000 chevaliers et piétons enrôlés formaient probablement l'essentiel de l'armée de l’Hôpital. Cette armée était néanmoins placée sous l'autorité militaire des dignitaires de l'Ordre qui avait constitué une structure de commandement. Dans ce cas, et si mon hypothèse est la bonne, il ne semble pas que l'expédition ait compté beaucoup de moines-chevaliers.
Ainsi, les trois exemples cités semblent montrer que les Hospitaliers en tant que tels ne participèrent que de manière limitée aux guerres tant offensives que défensives ; par contre, l'Ordre avaient un rôle essentiel dans la défense des Etats francs par la garde des forteresses qu'ils rendirent inexpugnables et à partir desquelles il était possible de lancer des incursions limitées dans les vastes marches-frontières qui leur furent concédées par les princes laïcs.
L'expédition d'Egypte eut cependant d'importantes conséquences pour l'Ordre comme le montre M Delaville Le Roux.
En premier lieu, après l'échec de l'expédition, il se développa des violentes critiques contre le maître Gilbert d'Assailly, non pas sur le principe de la guerre, mais sur les dépenses occasionnées par celle-ci et surtout par le fait que le Maître ait agi de sa propre initiative sans consulter le chapitre : les emprunts effectués pour financer la guerre avaient tant obéré les finances de l'Ordre qu'il se trouva chargé de dettes pour longtemps. L'Ordre appauvri ne pouvait plus s'occuper de ce qui était sa mission essentielle, apporter secours aux pauvres et aux malades. Devant de telles critique, Gilbert d'Assailly décida de résigner sa charge.
La deuxième conséquence survint quelques années plus tard sous la forme de la bulle " PIAM ADMODIUM " du 2 août 1179 du pape Alexandre III. Celle-ci va définir avec précision les conditions dans lesquelles les Hospitaliers peuvent faire la guerre : il faut que l'étendard de la Sainte Croix soit déployé pour la défense du royaume ou le siège d'une place occupée par les infidèles. Le pape enjoint aussi aux hospitaliers de ne pas délaisser le soin des malades et des pauvres au profit du métier des armes.
Cette bulle a le mérite de définir clairement la place des hospitaliers dans les guerres des Etats francs de Terre sainte :
. Interdiction de participer à une guerre offensive.
. Seule la guerre défensive et la défense des forteresses est acceptable.
Cette mise en application de la bulle papale permet de comprendre l'importance du rôle des Hospitaliers dans la bataille de Hattin au cours de laquelle se joua l'avenir du royaume de Jérusalem.
Dans les articles précédents, j'ai tenté de montrer la participation des hospitaliers aux combats qui se livraient en Terre Sainte au moyen de trois exemples : l'abandon de la défense de Paneade-Baniyas, le combat de la fontaine de Cresson et la convention portant sur l'envoi de chevaliers et piétons de l'Ordre lors de la quatrième expédition d'Egypte.
En lisant les chroniques des contemporains, principalement de Guillaume de Tyr, Bernard le Trésorier et Jacques de Vitry qui sont en libre accès sur internet, je n'ai pas trouvé d'autres mentions faisant allusion aux hospitaliers en tant que combattants, hormis les trois exemples cités plus haut.
Le premier, rappelons-le, concernait les événements survenus à Paneade (Baniyas). Le seigneur du lieu, ne pouvant plus assumer seul la défense de la cité tant militairement que financièrement, en avait concédé la moitié aux Hospitaliers. Ceux-ci organisèrent une caravane afin d'équiper la part de la ville qui leur revenait tant en approvisionnement qu'en armes. Elle fut prise en embuscade par les turcs et pillée. Plutôt que de continuer à défendre Paneade, les Hospitaliers préfèrent rendre la part de la ville que le seigneur leur avait concédée. On ne peut pas dire que les Hospitaliers ait eu, dans ces circonstances, une attitude combattive !
On pourrait me rétorquer que si les Hospitaliers possédaient de nombreuses forteresses, c'est qu'on estimait à juste titre qu'ils avaient la capacité de les garder ; pourtant, on peut penser aussi que la donation de ces forteresses était surtout due au fait que les Hospitaliers disposaient de ressources financières importantes qui leur permettaient de renforcer les défenses de ces forteresses en les rendant quasiment imprenables. Dans cette perspective, la capacité combattante des hospitaliers était moins prise en considération que leur richesse. En outre, avant Hattin, il est probable que les garnisons de ces place-fortes hospitalières comprenaient surtout des soldats stipendiés commandés par quelques frères profès.
Dans le deuxième exemple, celui de la bataille de la fontaine de Cresson, on ne peut pas dire non plus que les hospitaliers ont été le fer de lance du combat : ils n'était qu'une dizaine alors que les templiers étaient 70 et les chevaliers laïcs 40. En outre, on a l'impression, à la lecture de Guillaume de Tyr, que les dix hospitaliers ont rencontré fortuitement l'armée en marche et qu'ils se joints à elle.
Le troisième exemple, celle de la quatrième expédition en Egypte a montré une participation beaucoup plus importante de l'Ordre qui est est engagé en tant que tel dans la guerre, avec non seulement un contingent conséquent de combattants mais aussi avec la détermination de la part du butin qui lui reviendra. Pourtant, il existe ici aussi une ambiguïté quant à la qualité des combattants : sont-il des moines-chevaliers profès ou des chevaliers et piétons enrôlés par l'Ordre et payés pour le temps de la campagne ?
Guillaume de Tyr montre que le maître "emprunta encore des sommes considérables, et les distribua à tous les chevaliers, qu'il allait cherchant de toutes parts pour les attirer à lui", ce qui signifie qu'il s'adressa à des chevaliers extérieurs à l'Ordre et rétribués. Par voie de conséquence, on peut en déduire que les 1000 chevaliers et piétons enrôlés formaient probablement l'essentiel de l'armée de l’Hôpital. Cette armée était néanmoins placée sous l'autorité militaire des dignitaires de l'Ordre qui avait constitué une structure de commandement. Dans ce cas, et si mon hypothèse est la bonne, il ne semble pas que l'expédition ait compté beaucoup de moines-chevaliers.
Ainsi, les trois exemples cités semblent montrer que les Hospitaliers en tant que tels ne participèrent que de manière limitée aux guerres tant offensives que défensives ; par contre, l'Ordre avaient un rôle essentiel dans la défense des Etats francs par la garde des forteresses qu'ils rendirent inexpugnables et à partir desquelles il était possible de lancer des incursions limitées dans les vastes marches-frontières qui leur furent concédées par les princes laïcs.
L'expédition d'Egypte eut cependant d'importantes conséquences pour l'Ordre comme le montre M Delaville Le Roux.
En premier lieu, après l'échec de l'expédition, il se développa des violentes critiques contre le maître Gilbert d'Assailly, non pas sur le principe de la guerre, mais sur les dépenses occasionnées par celle-ci et surtout par le fait que le Maître ait agi de sa propre initiative sans consulter le chapitre : les emprunts effectués pour financer la guerre avaient tant obéré les finances de l'Ordre qu'il se trouva chargé de dettes pour longtemps. L'Ordre appauvri ne pouvait plus s'occuper de ce qui était sa mission essentielle, apporter secours aux pauvres et aux malades. Devant de telles critique, Gilbert d'Assailly décida de résigner sa charge.
La deuxième conséquence survint quelques années plus tard sous la forme de la bulle " PIAM ADMODIUM " du 2 août 1179 du pape Alexandre III. Celle-ci va définir avec précision les conditions dans lesquelles les Hospitaliers peuvent faire la guerre : il faut que l'étendard de la Sainte Croix soit déployé pour la défense du royaume ou le siège d'une place occupée par les infidèles. Le pape enjoint aussi aux hospitaliers de ne pas délaisser le soin des malades et des pauvres au profit du métier des armes.
Cette bulle a le mérite de définir clairement la place des hospitaliers dans les guerres des Etats francs de Terre sainte :
. Interdiction de participer à une guerre offensive.
. Seule la guerre défensive et la défense des forteresses est acceptable.
Cette mise en application de la bulle papale permet de comprendre l'importance du rôle des Hospitaliers dans la bataille de Hattin au cours de laquelle se joua l'avenir du royaume de Jérusalem.
mercredi 22 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (114) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LA PARTICIPATION DES HOSPITALIERS À LA GUERRE OFFENSIVE : L'EXEMPLE DES EXPÉDITIONS EN ÉGYPTE DU ROI AMAURY. (Suite)
LA CINQUIÈME EXPÉDITION
LE DÉROULEMENT DE L'EXPÉDITION
Conscient de l'échec de la quatrième expédition, et surtout vue la gravité du péril d'être pris en tenaille par les possession de Nur-Ad-Din, Amaury fit appel à l'Occident demandant le renfort d'une nouvelle croisade. Il n'obtint aucun résultat. En conséquence, il dût se résoudre à honorer l'alliance signée en 1167 avec l'empereur byzantin, Manuel Comnène. Celui-ci accepta contre partage de la moitié du butin qui serait prélevé en Egypte.
L'objectif de cette nouvelle expédition fut Damiette, une ville située non loin de l'embouchure d'un des bras du Nil. Une fois conquise, la ville pourvait devenir un point de départ pour la conquête de l'Egypte.
La flotte impériale, dit Guillaume de Tyr, comportait 150 galères, 60 bateaux destinés au transport des chevaux et 12 dromons contenant le ravitaillement ainsi que les armes et les machines de guerre. Elle arriva à Tyr puis gagna Acre en septembre 1169.
" Le 10 octobre, le Roi ayant mis ordre aux affaires de son royaume, et laissant derrière lui une force suffisante pour le défendre en son absence contre les entreprises et les incursions de Noradin, qui séjournait en ce moment dans les environs de Damas, rassembla toute l'armée...auprès de la ville d'Ascalon" . Le 27 octobre, l'armée franque arrive à Damiette et dresse le camp en attendant l'arrivée de la flotte grecque que la tempête a retardée. Lorsqu'elle arrive, elle s'amarre a l'embouchure du bras du Nil en aval de la cité.
La ville située sur la rive occidentale du fleuve avait construit un grosse tour fortifiée sur la rive opposée du cours du Nil et barré le fleuve par une grosse chaine en sorte qu'il était impossible aux navires chrétiens de remonter le Nil. A l'inverse, Damiette pouvait être approvisionnée par le Nil et recevoir des renforts militaires.
" Notre flotte ayant pris position, les Chrétiens traversèrent les vergers situés entre leur camp et la place, et dressèrent leurs tentes plus près de la ville, sur un terrain d'où il leur était permis d'arriver jusqu'aux murailles.
On choisit des ouvriers, et ils construisirent à grands frais et avec beaucoup de travail une tour d'une hauteur étonnante, puisqu'elle avait sept étages, du haut de laquelle on pouvait voir toute la ville. On fit faire encore d'autres machines de diverses espèces, les unes pour lancer contre les murs d'énormes blocs de pierre capables de les ébranler ; d'autres, pour y renfermer des fossoyeurs qui pussent s'y cacher comme dans des cavernes, afin d'aller miner les murailles de la ville, et s'avancer ensuite sous des passages souterrains pour achever de les renverser.
Lorsque toutes ces machines furent terminées, on aplanit le terrain, et on les plaça le long des murailles : ceux qui étaient dans la tour attaquaient sans relâche les assiégés avec des flèches et des pierres qu'ils lançaient à la main, et en employant toutes les armes dont ils pouvaient se servir dans leur fureur et dans l'étroit espace qui les renfermait. Ceux qui faisaient le service des machines à projectiles lançaient de gros blocs de pierre et s'efforçaient de renverser les murailles et les maisons attenantes."
Les assiégés répliquent coup sur coup aux attaques de l'armée greco-franque : ils " firent élever une tour pareille à celle des nôtres; ils la remplirent d'hommes armés, afin de tenter une résistance et des efforts semblables à. ceux que faisaient les nôtres ; d'autres instruments de guerre fusent dressés en face des instruments du même genre, et ils cherchèrent, avec la plus grande sollicitude et par tous les moyens possibles, à briser toutes nos machines"
Guillaume de Tyr va dans les paragraphes qui suivent, montrer que les chrétiens se mirent à commettre de nombreuses erreurs
- alors qu'il aurait fallu se dépêcher d'attaquer, les assaillants se montrèrent " timides et comme glacés : les uns disent que ce fut par suite d'une trahison, d'autres, uniquement par négligence et incurie" ; à cela devait s'ajouter un désaccord croissant entre les grecs et les latins. Ces retards firent que Damiette reçut les renforts qui lui permirent de résister.
- "on donna l'ordre de conduire la tour mobile vers les murailles, sur un terrain en pente et presque impraticable. Il y avait de ce même côté de la ville beaucoup de points où les murailles étaient plus basses, et contre lesquels on pouvait se diriger plus facilement pour livrer assaut et pour en prendre possession ; et cependant on dressa la tour en face du point le plus solide et le mieux fortifié, ...là même, cette machine ne pouvait faire aucun mal aux assiégés..."
A ces difficultés s'en ajoutèrent trois autres :
. La famine dans le camp des grecs. Ils en sont réduits à manger la sève des palmiers, des noisettes, des raisins secs, des châtaignes. Les francs, par contre, possédaient des vivres en abondance, ils refusèrent de s'en démunir pour aider les grecs.
. Des pluies abondantes inondèrent les deux camps.
. Enfin, les défenseurs de Damiette tentèrent d'incendier la flotte en lançant un bateau en flammes sur celle-ci. Quelques navires furent incendiés mais les chrétiens réussirent à déplacer la majorité des bateaux en les mettant à l'abri.
Le siège s'éternisait, il dura plus d'un mois et demi et, dans chacune des deux armées, des voix se faisaient entendre contre sa poursuite. Alors que les grecs se préparaient à essayer un dernier assaut, ils apprirent qu'Amaury avait mené des négociations secrètes avec les turcs pour signer la paix sans les en avertir ; cette décision unilatérale fut évidemment très mal prise par les grecs qui rendirent Amaury responsable de l'échec.
Tandis que la flotte grecque se hâtait de rentrer à cause des conditions maritimes mauvaises en cette saison, l'armée franque regagna Ascalon dans le courant du mois de décembre 1169
LA PLACE DES HOSPITALIERS DANS LA CINQUIÈME EXPÉDITION
M Delaville Le Roux indique que le roi Amaury renouvela avec Gilbert d'Assailly la convention d'octobre 1148 qui avait été établie juste avant la quatrième expédition. Cette convention fut signée le 20 août 1169 et préluda à la cinquième expédition. Elle ne mentionne pas de conquêtes à effectuer ni de rentes à constituer sur les villes égyptiennes. Elle précise seulement que Bilbeis est acquis à l'ordre une fois sa conquête effectuée avec une rente de 150.000 besants.
Dans quel but cette nouvelle convention fut-elle établie ? S'agit-il d'un renouvellement de l'acte antérieur ? , une reconnaissance de dettes en quelque sorte ? Fut-elle le prélude à une nouvelle participation à l'expédition qui se préparait ? L'acte est muet sur ce point en sorte que l'on ignore si les hospitaliers participèrent à l'expédition : deux hypothèses peuvent être émises :
. Les hospitaliers, déjà endetté, n'avaient aucune envie de débourser à nouveau des sommes importantes pour une hypothétique victoire,
. Il se peut aussi qu'ils aient participé à l'expedition en espérant qu'ils pourraient récupérer leur mise.
A remarquer qu'en 1176, les hospitaliers firent confirmer par Baudouin IV le don de Belbeis avec une rente augmentée de 30.000 besants à une époque où il n'était plus question de l'invasion de l'Egypte.
LA CINQUIÈME EXPÉDITION
LE DÉROULEMENT DE L'EXPÉDITION
Conscient de l'échec de la quatrième expédition, et surtout vue la gravité du péril d'être pris en tenaille par les possession de Nur-Ad-Din, Amaury fit appel à l'Occident demandant le renfort d'une nouvelle croisade. Il n'obtint aucun résultat. En conséquence, il dût se résoudre à honorer l'alliance signée en 1167 avec l'empereur byzantin, Manuel Comnène. Celui-ci accepta contre partage de la moitié du butin qui serait prélevé en Egypte.
L'objectif de cette nouvelle expédition fut Damiette, une ville située non loin de l'embouchure d'un des bras du Nil. Une fois conquise, la ville pourvait devenir un point de départ pour la conquête de l'Egypte.
La flotte impériale, dit Guillaume de Tyr, comportait 150 galères, 60 bateaux destinés au transport des chevaux et 12 dromons contenant le ravitaillement ainsi que les armes et les machines de guerre. Elle arriva à Tyr puis gagna Acre en septembre 1169.
" Le 10 octobre, le Roi ayant mis ordre aux affaires de son royaume, et laissant derrière lui une force suffisante pour le défendre en son absence contre les entreprises et les incursions de Noradin, qui séjournait en ce moment dans les environs de Damas, rassembla toute l'armée...auprès de la ville d'Ascalon" . Le 27 octobre, l'armée franque arrive à Damiette et dresse le camp en attendant l'arrivée de la flotte grecque que la tempête a retardée. Lorsqu'elle arrive, elle s'amarre a l'embouchure du bras du Nil en aval de la cité.
La ville située sur la rive occidentale du fleuve avait construit un grosse tour fortifiée sur la rive opposée du cours du Nil et barré le fleuve par une grosse chaine en sorte qu'il était impossible aux navires chrétiens de remonter le Nil. A l'inverse, Damiette pouvait être approvisionnée par le Nil et recevoir des renforts militaires.
" Notre flotte ayant pris position, les Chrétiens traversèrent les vergers situés entre leur camp et la place, et dressèrent leurs tentes plus près de la ville, sur un terrain d'où il leur était permis d'arriver jusqu'aux murailles.
On choisit des ouvriers, et ils construisirent à grands frais et avec beaucoup de travail une tour d'une hauteur étonnante, puisqu'elle avait sept étages, du haut de laquelle on pouvait voir toute la ville. On fit faire encore d'autres machines de diverses espèces, les unes pour lancer contre les murs d'énormes blocs de pierre capables de les ébranler ; d'autres, pour y renfermer des fossoyeurs qui pussent s'y cacher comme dans des cavernes, afin d'aller miner les murailles de la ville, et s'avancer ensuite sous des passages souterrains pour achever de les renverser.
Lorsque toutes ces machines furent terminées, on aplanit le terrain, et on les plaça le long des murailles : ceux qui étaient dans la tour attaquaient sans relâche les assiégés avec des flèches et des pierres qu'ils lançaient à la main, et en employant toutes les armes dont ils pouvaient se servir dans leur fureur et dans l'étroit espace qui les renfermait. Ceux qui faisaient le service des machines à projectiles lançaient de gros blocs de pierre et s'efforçaient de renverser les murailles et les maisons attenantes."
Les assiégés répliquent coup sur coup aux attaques de l'armée greco-franque : ils " firent élever une tour pareille à celle des nôtres; ils la remplirent d'hommes armés, afin de tenter une résistance et des efforts semblables à. ceux que faisaient les nôtres ; d'autres instruments de guerre fusent dressés en face des instruments du même genre, et ils cherchèrent, avec la plus grande sollicitude et par tous les moyens possibles, à briser toutes nos machines"
Guillaume de Tyr va dans les paragraphes qui suivent, montrer que les chrétiens se mirent à commettre de nombreuses erreurs
- alors qu'il aurait fallu se dépêcher d'attaquer, les assaillants se montrèrent " timides et comme glacés : les uns disent que ce fut par suite d'une trahison, d'autres, uniquement par négligence et incurie" ; à cela devait s'ajouter un désaccord croissant entre les grecs et les latins. Ces retards firent que Damiette reçut les renforts qui lui permirent de résister.
- "on donna l'ordre de conduire la tour mobile vers les murailles, sur un terrain en pente et presque impraticable. Il y avait de ce même côté de la ville beaucoup de points où les murailles étaient plus basses, et contre lesquels on pouvait se diriger plus facilement pour livrer assaut et pour en prendre possession ; et cependant on dressa la tour en face du point le plus solide et le mieux fortifié, ...là même, cette machine ne pouvait faire aucun mal aux assiégés..."
A ces difficultés s'en ajoutèrent trois autres :
. La famine dans le camp des grecs. Ils en sont réduits à manger la sève des palmiers, des noisettes, des raisins secs, des châtaignes. Les francs, par contre, possédaient des vivres en abondance, ils refusèrent de s'en démunir pour aider les grecs.
. Des pluies abondantes inondèrent les deux camps.
. Enfin, les défenseurs de Damiette tentèrent d'incendier la flotte en lançant un bateau en flammes sur celle-ci. Quelques navires furent incendiés mais les chrétiens réussirent à déplacer la majorité des bateaux en les mettant à l'abri.
Le siège s'éternisait, il dura plus d'un mois et demi et, dans chacune des deux armées, des voix se faisaient entendre contre sa poursuite. Alors que les grecs se préparaient à essayer un dernier assaut, ils apprirent qu'Amaury avait mené des négociations secrètes avec les turcs pour signer la paix sans les en avertir ; cette décision unilatérale fut évidemment très mal prise par les grecs qui rendirent Amaury responsable de l'échec.
Tandis que la flotte grecque se hâtait de rentrer à cause des conditions maritimes mauvaises en cette saison, l'armée franque regagna Ascalon dans le courant du mois de décembre 1169
LA PLACE DES HOSPITALIERS DANS LA CINQUIÈME EXPÉDITION
M Delaville Le Roux indique que le roi Amaury renouvela avec Gilbert d'Assailly la convention d'octobre 1148 qui avait été établie juste avant la quatrième expédition. Cette convention fut signée le 20 août 1169 et préluda à la cinquième expédition. Elle ne mentionne pas de conquêtes à effectuer ni de rentes à constituer sur les villes égyptiennes. Elle précise seulement que Bilbeis est acquis à l'ordre une fois sa conquête effectuée avec une rente de 150.000 besants.
Dans quel but cette nouvelle convention fut-elle établie ? S'agit-il d'un renouvellement de l'acte antérieur ? , une reconnaissance de dettes en quelque sorte ? Fut-elle le prélude à une nouvelle participation à l'expédition qui se préparait ? L'acte est muet sur ce point en sorte que l'on ignore si les hospitaliers participèrent à l'expédition : deux hypothèses peuvent être émises :
. Les hospitaliers, déjà endetté, n'avaient aucune envie de débourser à nouveau des sommes importantes pour une hypothétique victoire,
. Il se peut aussi qu'ils aient participé à l'expedition en espérant qu'ils pourraient récupérer leur mise.
A remarquer qu'en 1176, les hospitaliers firent confirmer par Baudouin IV le don de Belbeis avec une rente augmentée de 30.000 besants à une époque où il n'était plus question de l'invasion de l'Egypte.
mardi 21 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (113) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LA PARTICIPATION DES HOSPITALIERS À LA GUERRE OFFENSIVE : L'EXEMPLE DES EXPÉDITIONS EN ÉGYPTE DU ROI AMAURY. (Suite)
EPILOGUE DE LA QUATRIÈME EXPÉDITION EN EGYPTE
elle fut, comme les précédentes, un échec à tous les points de vue :
. La cupidité et la sauvagerie des francs conduisirent l'Egypte, pourtant alliée du roi, à se jeter dans les bras de Šīrkūh. Celui-ci arriva en vainqueur au Caire. Sawar tenta une nouvelle fois de louvoyer pour obtenir le départ des turcs ; excédés de sa duplicité, l'entourage de Šīrkūh, sur ordre du calife Al-Adil, le firent assassiner le 13 janvier 1169 et Šīrkūh fut nommé vizir par le calife. A la mort de Šīrkūh, son neveu Salah-Ad-Din (Saladin) lui succéda.
. Désormais les Etats francs étaient encerclés par les possessions de Nur-Ad-Din qui contrôlait Alep, Damas, et l'Egypte.
. Aux moments où le roi était occupé en Égypte, Nur-Ad-Din en avait profité pour attaquer les possessions orientales des Etats francs, ces offensives de diversion permirent à l'atabeg à s'emparer de l'outre-Oronte ainsi que de quelques places stratégiques qui fragilisèrent la ligne de défense des Etats francs.
A cela s'ajouta la condamnation sans appel tant au niveau moral, religieux et "géopolitique" qu'effectua Guillaume de Tyr pour qui cette expédition fut si injuste qu'il imputa son échec au fait que Dieu lui-même se détourna des francs. Il montre parfaitement que le roi aurait tout intérêt à posséder des liens amicaux avec l'Égypte, que la situation est devenue désormais dramatique et que cela est dû uniquement à la rapacité des francs. J'ai souligné de gras les mots très durs que le chroniqueur emploie à propos des francs et du roi.
" Ô aveugle cupidité des hommes, le plus grand de tous les crimes! ô coupables entraînements d'une âme avide et insatiable! De quelle situation... nous fûmes jetés dans un état rempli de trouble et d'anxiété par cette soif immodérée de richesses !
Toutes les productions de l'Egypte et ses immenses trésors étaient à notre disposition; notre royaume était parfaitement en sûreté de ce côté ; nous n'avions vers le midi nul ennemi à redouter. Ceux qui voulaient se confier à la mer trouvaient les routes assurées : nos Chrétiens pouvaient aborder en sûreté sur le territoire d'Egypte pour leurs affaires de commerce, et les traiter à des conditions avantageuses. De leur côté les Égyptiens nous apportaient des richesses étrangères et toutes sortes de marchandises inconnues dans notre pays, et lorsqu'ils y venaient leurs voyages nous étaient à la fois utiles et honorables. En outre, les sommes considérables qu'ils dépensaient tous les ans chez nous tournaient au profit du trésor royal, ainsi que des fortunes particulières, et contribuaient à leur accroissement.
Maintenant au contraire tout est changé; les choses ont pris la plus mauvaise face, et notre harpe ne fait plus entendre que des sons douloureux. De quelque côté que je me tourne, je ne vois que des sujets de crainte et de méfiance. La mer nous refuse une paisible navigation ; tous les pays qui nous environnent obéissent à nos ennemis, tous les royaumes voisins sont armés pour notre ruine. La cupidité d'un seul homme a attiré tous ces maux sur nous; son avidité, source de tous les vices, a couvert d'un voile épais le ciel serein que nous devions à la bonté du Seigneur."
EPILOGUE DE LA QUATRIÈME EXPÉDITION EN EGYPTE
elle fut, comme les précédentes, un échec à tous les points de vue :
. La cupidité et la sauvagerie des francs conduisirent l'Egypte, pourtant alliée du roi, à se jeter dans les bras de Šīrkūh. Celui-ci arriva en vainqueur au Caire. Sawar tenta une nouvelle fois de louvoyer pour obtenir le départ des turcs ; excédés de sa duplicité, l'entourage de Šīrkūh, sur ordre du calife Al-Adil, le firent assassiner le 13 janvier 1169 et Šīrkūh fut nommé vizir par le calife. A la mort de Šīrkūh, son neveu Salah-Ad-Din (Saladin) lui succéda.
. Désormais les Etats francs étaient encerclés par les possessions de Nur-Ad-Din qui contrôlait Alep, Damas, et l'Egypte.
. Aux moments où le roi était occupé en Égypte, Nur-Ad-Din en avait profité pour attaquer les possessions orientales des Etats francs, ces offensives de diversion permirent à l'atabeg à s'emparer de l'outre-Oronte ainsi que de quelques places stratégiques qui fragilisèrent la ligne de défense des Etats francs.
A cela s'ajouta la condamnation sans appel tant au niveau moral, religieux et "géopolitique" qu'effectua Guillaume de Tyr pour qui cette expédition fut si injuste qu'il imputa son échec au fait que Dieu lui-même se détourna des francs. Il montre parfaitement que le roi aurait tout intérêt à posséder des liens amicaux avec l'Égypte, que la situation est devenue désormais dramatique et que cela est dû uniquement à la rapacité des francs. J'ai souligné de gras les mots très durs que le chroniqueur emploie à propos des francs et du roi.
" Ô aveugle cupidité des hommes, le plus grand de tous les crimes! ô coupables entraînements d'une âme avide et insatiable! De quelle situation... nous fûmes jetés dans un état rempli de trouble et d'anxiété par cette soif immodérée de richesses !
Toutes les productions de l'Egypte et ses immenses trésors étaient à notre disposition; notre royaume était parfaitement en sûreté de ce côté ; nous n'avions vers le midi nul ennemi à redouter. Ceux qui voulaient se confier à la mer trouvaient les routes assurées : nos Chrétiens pouvaient aborder en sûreté sur le territoire d'Egypte pour leurs affaires de commerce, et les traiter à des conditions avantageuses. De leur côté les Égyptiens nous apportaient des richesses étrangères et toutes sortes de marchandises inconnues dans notre pays, et lorsqu'ils y venaient leurs voyages nous étaient à la fois utiles et honorables. En outre, les sommes considérables qu'ils dépensaient tous les ans chez nous tournaient au profit du trésor royal, ainsi que des fortunes particulières, et contribuaient à leur accroissement.
Maintenant au contraire tout est changé; les choses ont pris la plus mauvaise face, et notre harpe ne fait plus entendre que des sons douloureux. De quelque côté que je me tourne, je ne vois que des sujets de crainte et de méfiance. La mer nous refuse une paisible navigation ; tous les pays qui nous environnent obéissent à nos ennemis, tous les royaumes voisins sont armés pour notre ruine. La cupidité d'un seul homme a attiré tous ces maux sur nous; son avidité, source de tous les vices, a couvert d'un voile épais le ciel serein que nous devions à la bonté du Seigneur."
lundi 20 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (112) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LA PARTICIPATION DES HOSPITALIERS À LA GUERRE OFFENSIVE : L'EXEMPLE DES EXPÉDITIONS EN ÉGYPTE DU ROI AMAURY. (Suite)
TROISIÈME PHASE : LE DÉROULEMENT DE LA CAMPAGNE : LA PRISE DE BILBEIS
Il convient de rappeler d'abord que l'expédition des francs se déroule dans un pays allié ayant fait allégeance au roi de Jérusalem, ce qui rend encore plus horrible les forfaits qui s'y sont perpétrés. Le déroulement de la campagne est décrit avec beaucoup de précisions par Guillaume de Tyr.
" Le Roi cependant s'étant armé, et ayant fait tous ses préparatifs de guerre et rassemblé les forces du royaume, descendit de nouveau en Egypte, la cinquième année de son règne, au mois d'octobre (1168)
Après avoir marché pendant dix jours environ à travers le désert qui précède ce pays, il arriva à Péluse, [ Bilbeis] l'investit aussitôt de toutes parts, s'en empara de vive force en trois jours ... et y introduisit sans retard toutes ses troupes le treizième jour de novembre.
Aussitôt après la prise de la ville, la plupart des habitants furent passés au fil de l'épée, sans aucun égard pour l'âge ni le sexe ; et ceux qu'un hasard quelconque fit échappera ce massacre, et que l'on put découvrir ensuite, perdirent leur liberté... et furent soumis à une misérable servitude.
... les bataillons chrétiens, s'élançant en désordre et pèle-mêle, pénétrèrent dans les retraites les plus cachées; ils ouvraient dans les maisons toutes les portes secrètes, et, cherchant de tous côtés ceux qui semblaient avoir échappé aux dangers de la mort, ils les chargeaient de fers et les traînaient ignominieusement au supplice. Ceux qui se montraient dans toute la vigueur de l'âge mûr ou bien armés étaient frappés par le glaive, à peine témoignait-on quelque pitié pour les vieillards ou les enfants, et les gens du menu peuple ne rencontraient pas plus d'indulgence. Tout ce qui pouvait exciter la cupidité tomba entre les mains des assiégeants, et les objets les plus précieux, les plus riches dépouilles, furent distribués par le sort entre les vainqueurs."
Ce texte présente une sévère condamnation par Guillaume de Tyr des actes perpétrés par les francs qui pour lui révèlent l'ignominie de leur comportement, le massacre des habitants n'était pas effectué parce qu'ils étaient des infidèles ou des ennemis mais uniquement pour s'emparer de leurs biens : tuer pour mieux piller était la motivation principale des francs lorsqu'ils prirent Bilbeis. Ce type de comportement n'était cependant pas nouveau : de tels massacres avait été perpétrés lors de la première croisade et en particulier lors de la prise de Jérusalem. Les croisés étaient ainsi : férocité, brutalité et sauvagerie s'alliaient avec la rapacité, la cupidité et le goût du pillage.
QUATRIÈME PHASE : LA MARCHE DES FRANCS VERS LE CAIRE ET LES TRACTATIONS AVEC LE VIZIR
Sawar quand il apprit ces tristes nouvelles crut bon, une nouvelle fois, de louvoyer entre ses deux ennemis en menant de pair deux stratégies parallèles :
. Il proposa à Amaury qui venait de quitter Bilbeis pour se rendre au Caire, d'augmenter le tribut pour "apaiser sa colère" ; le vizir "ayant enfin découvert l'excessive cupidité du Roi, l'accabla de ses promesses, et s'engagea à lui donner des sommes considérables, telles que le royaume entier eût à peine suffi à les acquitter quand on aurait épuisé même toutes ses ressources. On assure, en effet, qu'il promit de livrer deux millions de pièces d'or, à condition que le Roi ... remmènerait ses troupes dans ses États. "
. Il envoya des députés à Nur-Ad-Din pour lui demander des secours,
Nur-Ad-Din accepta la demande de Sawar car il se rendait compte que le roi de Jérusalem pourrait réussir à s'emparer de l'Egypte, ce qui augmenterait considérablement sa puissance et ferait tomber un pays musulman sous la férule des infidèles. Il organisa une expédition sous le commandement de Šīrkūh
Quant à Amaury, il poursuivait sa route vers le Caire sans se hâter , " il s'avança avec une telle lenteur qu'il faisait à peine en dix jours la marche d'une seule journée" . Guillaume de Tyr attribue cette lenteur aux tractations secrètes qui avaient lieu entre le roi et le vizir :
. le vizir promettait au roi toujours plus d'argent pour obtenir la retraite des troupes,
. Amaury ne songeait " que d'arracher le plus d'argent possible au [vizir], aimant mieux vendre sa retraite au poids de l'or que de livrer la ville au pillage des gens du peuple, comme il l'avait fait déjà pour la ville de " Bilbeis.
En " faisant de telles offres le vizir savait bien qu'il ne pourrait jamais les acquitter" ; son but principal était "d'empêcher que le Roi n'arrivât trop vite au Caire, et que, trouvant cette place sans munitions et hors d'état de se défendre, il ne parvînt à s'en emparer dès les premières attaques" , grâce à ce délai, il s'empressa de mettre la ville en défense, montra aux habitants que la seule issue était de combattre s'ils ne voulaient pas être massacrés comme ceux de Bilbeis, en outre, en retardant le roi, il gagnait du temps de manière à permettre à Šīrkūh d'arriver.
Le roi arriva finalement au Caire et il installa ses machines de guerre afin de livrer l'assaut. Le vizir et les siens, " en même temps qu'ils promettaient beaucoup d'argent, .. demandaient des délais pour s'acquitter, disant que les sommes étaient beaucoup trop considérables pour qu'on pût les trouver sur un seul point, et qu'ils avaient besoin d'un plus long terme pour suffire à leurs engagements. Ayant donné cependant cent mille pièces d'or sans aucun retard, le [vizir] obtint [la levée du siège] (1)
CINQUIÈME PHASE : LES DISCUSSIONS ENTRE FRANCS SUR LES PROPOSITIONS DU VIZIR
" Le Roi leva alors le siège, se retira à un mille de la place environ" ...C'est alors que s'éleva entre croisés une nouvelle discussion concernant le sort à appliquer à la ville du Caire : la piller ou se contenter du tribut, les féodaux voulaient la piller, le roi préférait plutôt le tribut
Guillaume de Tyr présente les deux alternatives du débat qui eut lieu :
" ... lorsque les villes sont prises de force, les armées remportent toujours de bien plus riches dépouilles que lorsqu'elles sont livrées aux rois et aux princes à la suite d'un traité quelconque et sous des conditions déterminées, qui ne sont avantageuses qu'aux seigneurs mêmes.
. Dans le premier cas, au milieu de la confusion qu'entraînent toujours ces scènes tumultueuses de destruction, tout ce que chacun rencontre, de quelque manière que ce soit, appartient au premier occupant, en vertu du droit de la guerre, et accroît la petite fortune de chaque vainqueur ;
. mais dans le second cas, les rois seuls profitent des stipulations favorables, et tout ce qui leur est alloué revient de droit à leur fisc.
La plupart des participants à l'expédition étaient évidemment enclins à l'attaque de la ville afin de la livrer au pillage qui leur permettrait de conserver pour eux-mêmes le produit de leur larcin, cependant le roi imposa son point de vue, l'armée franque resta sur ses positions et l'on continua à négocier sur la valeur du tribut.
Encore une fois la cupidité des seigneurs comme du celle du roi était clairement établie, ils combattaient uniquement pour les avantages matériels qu'ils pouvaient en tirer. (2)
SIXIÈME PHASE : LA RETRAITE
Sawar, délivré de l'imminence de l'assaut franc sur Le Caire, n'eut plus qu'à faire des promesses de plus en plus mirifiques au roi pour le faire patienter en attendant l'arrivée de l'armée de Šīrkūh.
Quand les francs apprirent l'arrivée de l'armée turque, le roi décida de se replier vers Bilbeis, " Là, ayant pris des vivres pour la route, et laissant derrière lui une force suffisante de chevaliers et de gens de pied pour défendre la ville, le Roi partit le 25 décembre, et marcha vers le désert à la rencontre de[ Šīrkūh ] s'était déjà assez avancé dans cette solitude, lorsque les éclaireurs qui connaissaient bien les localités, et en qui il fallait bien avoir confiance, vinrent lui annoncer que [ Šīrkūh ] avait déjà passé avec toutes ses troupes.
" Les forces des ennemis étant doublées, il n'y avait plus de sûreté à demeurer plus longtemps dans le pays ; tout retard accroissait le péril. Il paraissait imprudent d'aller combattre les ennemis, et d'ailleurs le [vizir] ne voulait plus accomplir ses engagements; nous n'avions aucun moyen de l'y contraindre, et il était évident qu'il n'avait cherché tant de prétextes et de retards que dans l'intention d'attendre l'arrivée des Turcs, pour nous forcer alors à la retraite."
Dans cette situation il n'y avait plus rien d'autre à faire que de quitter l'Egypte : l'armée évacua Bilbeis et le roi regagna son État.
1- Parallèlement à l'attaque terrestre, Amaury avait enjoint à la flotte franque de gagner l'Egypte, celle-ci aborda une des embouchures du Nil, prit Tanis que l'on pilla puis tentèrent de remonter le fleuve. Ils y furent empêchés par les égyptiens qui fermaient le passage, puis le roi ordonna le repli de sa flotte vers ses ports d'origine lorsqu'il apprit l'arrivée de l'armée turque.
2- Cette différence de point de vue entre le roi et les féodaux a été aussi évoquée par un auteur arabe IBN AL ATIR qui relate un dialogue qui eut lieu avant ou pendant l'expédition :
" Les Francs invitèrent leur roi Amaury à faire la conquête de l’Égypte ; [le roi], malgré les représentations des officiers les plus élevés en grade et réputés pour leur prudence, leur tint le discours suivant : Mon avis, leur déclara-t-il, est de ne point nous engager dans cette affaire, l’Égypte est notre vache à lait, le tribut qu’elle nous fournit sert à nous donner des forces pour résister à Nūr ad-Dīn. Si nous y allons avec l’intention d’en prendre possession le souverain, l’armée, les habitants des villes et ceux des campagnes refuseront de nous céder le pays et la crainte que nous leur inspirerons les jettera dans les bras de Nūr ad-Dīn. Et si celui-ci accepte.... cela aboutira à la perte des Francs et à leur expulsion à brève échéance de Syrie ! »
Les membres du Conseil, répliquèrent à Amaury : « L’Égypte n’a personne ni pour la protéger ni pour la garder et avant que Nūr ad-Dīn apprenne nos projets, et qu’il ait le temps d’équiper une armée et de l’envoyer contre nous, le pays sera entre nos mains. »
TROISIÈME PHASE : LE DÉROULEMENT DE LA CAMPAGNE : LA PRISE DE BILBEIS
Il convient de rappeler d'abord que l'expédition des francs se déroule dans un pays allié ayant fait allégeance au roi de Jérusalem, ce qui rend encore plus horrible les forfaits qui s'y sont perpétrés. Le déroulement de la campagne est décrit avec beaucoup de précisions par Guillaume de Tyr.
" Le Roi cependant s'étant armé, et ayant fait tous ses préparatifs de guerre et rassemblé les forces du royaume, descendit de nouveau en Egypte, la cinquième année de son règne, au mois d'octobre (1168)
Après avoir marché pendant dix jours environ à travers le désert qui précède ce pays, il arriva à Péluse, [ Bilbeis] l'investit aussitôt de toutes parts, s'en empara de vive force en trois jours ... et y introduisit sans retard toutes ses troupes le treizième jour de novembre.
Aussitôt après la prise de la ville, la plupart des habitants furent passés au fil de l'épée, sans aucun égard pour l'âge ni le sexe ; et ceux qu'un hasard quelconque fit échappera ce massacre, et que l'on put découvrir ensuite, perdirent leur liberté... et furent soumis à une misérable servitude.
... les bataillons chrétiens, s'élançant en désordre et pèle-mêle, pénétrèrent dans les retraites les plus cachées; ils ouvraient dans les maisons toutes les portes secrètes, et, cherchant de tous côtés ceux qui semblaient avoir échappé aux dangers de la mort, ils les chargeaient de fers et les traînaient ignominieusement au supplice. Ceux qui se montraient dans toute la vigueur de l'âge mûr ou bien armés étaient frappés par le glaive, à peine témoignait-on quelque pitié pour les vieillards ou les enfants, et les gens du menu peuple ne rencontraient pas plus d'indulgence. Tout ce qui pouvait exciter la cupidité tomba entre les mains des assiégeants, et les objets les plus précieux, les plus riches dépouilles, furent distribués par le sort entre les vainqueurs."
Ce texte présente une sévère condamnation par Guillaume de Tyr des actes perpétrés par les francs qui pour lui révèlent l'ignominie de leur comportement, le massacre des habitants n'était pas effectué parce qu'ils étaient des infidèles ou des ennemis mais uniquement pour s'emparer de leurs biens : tuer pour mieux piller était la motivation principale des francs lorsqu'ils prirent Bilbeis. Ce type de comportement n'était cependant pas nouveau : de tels massacres avait été perpétrés lors de la première croisade et en particulier lors de la prise de Jérusalem. Les croisés étaient ainsi : férocité, brutalité et sauvagerie s'alliaient avec la rapacité, la cupidité et le goût du pillage.
QUATRIÈME PHASE : LA MARCHE DES FRANCS VERS LE CAIRE ET LES TRACTATIONS AVEC LE VIZIR
Sawar quand il apprit ces tristes nouvelles crut bon, une nouvelle fois, de louvoyer entre ses deux ennemis en menant de pair deux stratégies parallèles :
. Il proposa à Amaury qui venait de quitter Bilbeis pour se rendre au Caire, d'augmenter le tribut pour "apaiser sa colère" ; le vizir "ayant enfin découvert l'excessive cupidité du Roi, l'accabla de ses promesses, et s'engagea à lui donner des sommes considérables, telles que le royaume entier eût à peine suffi à les acquitter quand on aurait épuisé même toutes ses ressources. On assure, en effet, qu'il promit de livrer deux millions de pièces d'or, à condition que le Roi ... remmènerait ses troupes dans ses États. "
. Il envoya des députés à Nur-Ad-Din pour lui demander des secours,
Nur-Ad-Din accepta la demande de Sawar car il se rendait compte que le roi de Jérusalem pourrait réussir à s'emparer de l'Egypte, ce qui augmenterait considérablement sa puissance et ferait tomber un pays musulman sous la férule des infidèles. Il organisa une expédition sous le commandement de Šīrkūh
Quant à Amaury, il poursuivait sa route vers le Caire sans se hâter , " il s'avança avec une telle lenteur qu'il faisait à peine en dix jours la marche d'une seule journée" . Guillaume de Tyr attribue cette lenteur aux tractations secrètes qui avaient lieu entre le roi et le vizir :
. le vizir promettait au roi toujours plus d'argent pour obtenir la retraite des troupes,
. Amaury ne songeait " que d'arracher le plus d'argent possible au [vizir], aimant mieux vendre sa retraite au poids de l'or que de livrer la ville au pillage des gens du peuple, comme il l'avait fait déjà pour la ville de " Bilbeis.
En " faisant de telles offres le vizir savait bien qu'il ne pourrait jamais les acquitter" ; son but principal était "d'empêcher que le Roi n'arrivât trop vite au Caire, et que, trouvant cette place sans munitions et hors d'état de se défendre, il ne parvînt à s'en emparer dès les premières attaques" , grâce à ce délai, il s'empressa de mettre la ville en défense, montra aux habitants que la seule issue était de combattre s'ils ne voulaient pas être massacrés comme ceux de Bilbeis, en outre, en retardant le roi, il gagnait du temps de manière à permettre à Šīrkūh d'arriver.
Le roi arriva finalement au Caire et il installa ses machines de guerre afin de livrer l'assaut. Le vizir et les siens, " en même temps qu'ils promettaient beaucoup d'argent, .. demandaient des délais pour s'acquitter, disant que les sommes étaient beaucoup trop considérables pour qu'on pût les trouver sur un seul point, et qu'ils avaient besoin d'un plus long terme pour suffire à leurs engagements. Ayant donné cependant cent mille pièces d'or sans aucun retard, le [vizir] obtint [la levée du siège] (1)
CINQUIÈME PHASE : LES DISCUSSIONS ENTRE FRANCS SUR LES PROPOSITIONS DU VIZIR
" Le Roi leva alors le siège, se retira à un mille de la place environ" ...C'est alors que s'éleva entre croisés une nouvelle discussion concernant le sort à appliquer à la ville du Caire : la piller ou se contenter du tribut, les féodaux voulaient la piller, le roi préférait plutôt le tribut
Guillaume de Tyr présente les deux alternatives du débat qui eut lieu :
" ... lorsque les villes sont prises de force, les armées remportent toujours de bien plus riches dépouilles que lorsqu'elles sont livrées aux rois et aux princes à la suite d'un traité quelconque et sous des conditions déterminées, qui ne sont avantageuses qu'aux seigneurs mêmes.
. Dans le premier cas, au milieu de la confusion qu'entraînent toujours ces scènes tumultueuses de destruction, tout ce que chacun rencontre, de quelque manière que ce soit, appartient au premier occupant, en vertu du droit de la guerre, et accroît la petite fortune de chaque vainqueur ;
. mais dans le second cas, les rois seuls profitent des stipulations favorables, et tout ce qui leur est alloué revient de droit à leur fisc.
La plupart des participants à l'expédition étaient évidemment enclins à l'attaque de la ville afin de la livrer au pillage qui leur permettrait de conserver pour eux-mêmes le produit de leur larcin, cependant le roi imposa son point de vue, l'armée franque resta sur ses positions et l'on continua à négocier sur la valeur du tribut.
Encore une fois la cupidité des seigneurs comme du celle du roi était clairement établie, ils combattaient uniquement pour les avantages matériels qu'ils pouvaient en tirer. (2)
SIXIÈME PHASE : LA RETRAITE
Sawar, délivré de l'imminence de l'assaut franc sur Le Caire, n'eut plus qu'à faire des promesses de plus en plus mirifiques au roi pour le faire patienter en attendant l'arrivée de l'armée de Šīrkūh.
Quand les francs apprirent l'arrivée de l'armée turque, le roi décida de se replier vers Bilbeis, " Là, ayant pris des vivres pour la route, et laissant derrière lui une force suffisante de chevaliers et de gens de pied pour défendre la ville, le Roi partit le 25 décembre, et marcha vers le désert à la rencontre de[ Šīrkūh ] s'était déjà assez avancé dans cette solitude, lorsque les éclaireurs qui connaissaient bien les localités, et en qui il fallait bien avoir confiance, vinrent lui annoncer que [ Šīrkūh ] avait déjà passé avec toutes ses troupes.
" Les forces des ennemis étant doublées, il n'y avait plus de sûreté à demeurer plus longtemps dans le pays ; tout retard accroissait le péril. Il paraissait imprudent d'aller combattre les ennemis, et d'ailleurs le [vizir] ne voulait plus accomplir ses engagements; nous n'avions aucun moyen de l'y contraindre, et il était évident qu'il n'avait cherché tant de prétextes et de retards que dans l'intention d'attendre l'arrivée des Turcs, pour nous forcer alors à la retraite."
Dans cette situation il n'y avait plus rien d'autre à faire que de quitter l'Egypte : l'armée évacua Bilbeis et le roi regagna son État.
1- Parallèlement à l'attaque terrestre, Amaury avait enjoint à la flotte franque de gagner l'Egypte, celle-ci aborda une des embouchures du Nil, prit Tanis que l'on pilla puis tentèrent de remonter le fleuve. Ils y furent empêchés par les égyptiens qui fermaient le passage, puis le roi ordonna le repli de sa flotte vers ses ports d'origine lorsqu'il apprit l'arrivée de l'armée turque.
2- Cette différence de point de vue entre le roi et les féodaux a été aussi évoquée par un auteur arabe IBN AL ATIR qui relate un dialogue qui eut lieu avant ou pendant l'expédition :
" Les Francs invitèrent leur roi Amaury à faire la conquête de l’Égypte ; [le roi], malgré les représentations des officiers les plus élevés en grade et réputés pour leur prudence, leur tint le discours suivant : Mon avis, leur déclara-t-il, est de ne point nous engager dans cette affaire, l’Égypte est notre vache à lait, le tribut qu’elle nous fournit sert à nous donner des forces pour résister à Nūr ad-Dīn. Si nous y allons avec l’intention d’en prendre possession le souverain, l’armée, les habitants des villes et ceux des campagnes refuseront de nous céder le pays et la crainte que nous leur inspirerons les jettera dans les bras de Nūr ad-Dīn. Et si celui-ci accepte.... cela aboutira à la perte des Francs et à leur expulsion à brève échéance de Syrie ! »
Les membres du Conseil, répliquèrent à Amaury : « L’Égypte n’a personne ni pour la protéger ni pour la garder et avant que Nūr ad-Dīn apprenne nos projets, et qu’il ait le temps d’équiper une armée et de l’envoyer contre nous, le pays sera entre nos mains. »
dimanche 19 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (111) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LA PARTICIPATION DES HOSPITALIERS À LA GUERRE OFFENSIVE : L'EXEMPLE DES EXPÉDITIONS EN ÉGYPTE DU ROI AMAURY. (Suite)
LA QUATRIÈME EXPÉDITION (1168-1169)
Elle est pour moi la plus intéressante pour deux raisons :
- d'abord parce qu'elle est symptomatique des mentalités des francs mettant systématiquement en avant leur goût du pillage et un appétit d'enrichissement porté à son paroxysme,
- ensuite parce que Guillaume de Tyr est un contemporain de cette expédition, participant aux ambassades qui furent organisées au préalable,
- enfin par le fait que cet auteur n'hésite pas à dénoncer l'esprit de lucre des francs qu'il condamne avec fermeté.
Le récit de Guillaume de Tyr est si intéressant à la fois pour l'étude des mentalités y compris celle du maître des hospitaliers, qu'il mérite que j'en cite de larges extraits :
PREMIÈRE PHASE : LA PROPOSITION D'ALLIANCE DE L'EMPEREUR BYZANTIN
" Dans le cours de l'été (1168) [les députés de l'empereur de Constantinople Manuel Comnène]... arrivèrent à Tyr; ils allèrent aussitôt trouver secrètement le seigneur Roi..., lui exposèrent l'objet de leur voyage, et lui présentèrent les écrits qu'ils avaient reçus de l'Empereur ... Voici quel était, en abrégé, le motif de leur mission. Le seigneur Empereur avait reconnu que le royaume d'Egypte, infiniment puissant jusqu'alors et jouissant d'immenses richesses, était tombé entre les mains de gens faibles et efféminés, et que les peuples voisins avaient une parfaite connaissance de l'impéritie, de la faiblesse et de l'incapacité du seigneur de ce pays et de tous ses princes. Comme il paraissait impossible que les choses demeurassent plus longtemps dans cette situation, plutôt que de voir passer la souveraineté et le gouvernement de ce royaume entre les mains des nations étrangères ( les émirats de Nur-Al-Din) , l'Empereur avait pensé ...qu'il lui serait facile, avec le secours du seigneur Roi, de soumettre ce pays à sa juridiction.
on arrêta une convention qui fut approuvée des deux parties puis le Roi me (Guillaume de Tyr parle ici de lui-même) donna l'ordre ... d'aller, en qualité de conseiller du Roi et de tout le royaume, porter au seigneur Empereur les lettres qui me furent remises, et de ratifier le traité ... en la forme qui fut déterminée par avance.
Le seigneur Empereur nous accueillit honorablement, et nous traita avec bonté dans sa clémence impériale ; nous lui exposâmes soigneusement le motif de notre voyage et de notre mission auprès de lui, ainsi que la teneur des traités que nous avions à lui présenter ; il reçut ces nouvelles avec joie et approuva gracieusement tout ce qui avait été réglé à l'avance.
Après avoir reçu les lettres impériales qui contenaient en entier toutes les clauses du traité, ayant ainsi heureusement accompli notre mission, nous nous remîmes en route vers le commencement d'octobre, pour retourner dans le royaume" .
Ainsi l'empereur Manuel propose au roi de Jérusalem d'organiser une expédition commune pour la conquête de l'Egypte. Amaury a accepté cette alliance mais elle l'ennuie car l'empereur exigera de placer l'Egypte sous son autorité ainsi qu'un partage de l'Égypte et du butin. C'est pourquoi le roi va précipitamment organiser un conseil afin de recueillir l'avis des féodaux sur l'envoi immédiat d'une nouvelle expédition en Egypte. Ce conseil sera tenu avant même le retour des ambassadeurs porteurs du traité d'alliance.
DEUXIÈME PHASE : LES DISCUSSIONS DES FRANCS SUR L'INTERVENTION EN EGYPTE
Lors de ces discussions, deux opinions contraire se firent jour :
. Pour les uns, ils assuraient savoir avec certitude " que Savar, le [vizir] d'Egypte, expédiait fréquemment des messages à Noradin ( Nur-Ad-Din) , et implorait secrètement son assistance, lui faisant dire qu'il se repentait d'avoir conclu un traité avec le Roi, et qu'il avait le projet d'y renoncer; qu'il éprouvait de la répugnance à se trouver engagé dans une alliance avec un peuple ennemi, et que s'il pouvait compter avec certitude sur les secours de Noradin, il s'empresserait de rompre son traité et de se séparer du Roi.
. Il y a des personnes qui disent (aussi ) que tous ces bruits n'étaient qu'une fausse invention, que le [vizir] Savar était innocent, qu'il observait de bonne foi son traité et en remplissait les conditions, et que ce fut à la fois une œuvre impie et injuste d'aller lui faire de nouveau la guerre" et que la traîtrise dénoncée de Sawar n'était qu'un prétexte sans fondement.
Dès ce moment, Guillaume de Tyr prend partie en écrivant que Dieu ne pouvant accepter ces faux arguments "retira sa protection aux nôtres, rendit leurs efforts inutiles, et ne voulut point accorder le succès à des tentatives qui n'étaient point fondées sur la justice. "
Ainsi, la quatrième expédition d'Égypte avait des buts uniquement matériel sans aucune connotation religieuse, Guillaume de Tyr utilise des mots très forts pour dénoncer les comportements des francs ( impie, injuste, faux arguments). De cette prise de position, on peu en conclure que Sawar respectait ses engagements même s'il avait du mal à réunir les sommes nécessaires au paiement du tribut (100.000 dinars par an !)
La quatrième expédition d'Egypte fut donc réalisée dans la précipitation avant que les byzantins ne puissent intervenir et exiger la souveraineté sur l'Egypte et avant que Nur-Ad-Din ne réagisse et envoie un nouveau corps expéditionnaire. On se servit d'un faux prétexte pour justifier l’invasion un pays officiellement allié du royaume.
LA PARTICIPATION DES HOSPITALIERS À LA QUATRIÈME EXPÉDITION.
M Delaville le Roux mentionne un traité entre le roi Amaury et Gilbert d'Assailly daté du 11 octobre 1168, au moment du départ de l'armée rassemblée à Ascalon :
. L'ordre s'engage à mettre à la disposition du roi 500 chevaliers et 500 turcopoles,
. En échange, le roi concède de nombreux avantages à l'ordre :
- la ville de Bilbeis lui sera cédée en toute propriété une fois conquise,
- le roi assure à l'ordre un revenu de 50.000 besants Cette somme sera prélevée sur les revenus d'un territoire mis à la disposition de l'ordre ainsi que sur les revenus de dix villes d'Égypte ; parmi ces dix villes citons Forstat, Tanis, Damiette, Alexandrie ... Dans chaque cité, l'ordre devra disposer de la meilleure maison après, cependant, que le roi se soit servi.
- l'ordre recevra une part du butin ainsi que des tributs et indemnités payés par le vaincu après prélèvement de la moitié allouée au roi. Il pourra percevoir la dîme sur toutes les terres conquises...
Ainsi, même au niveau des Hospitaliers, l'esprit de lucre et de puissance domine. Comme souvent, on se partage les dépouilles avant même de les avoir conquises ! Ce partage ne fut cependant pas le fait unique des hospitaliers, il est probable que chaque seigneur se vit aussi attribuer un bien sur la conquête à venir.
Guillaume de Tyr donne une image sombre du maître de l’Hôpital :
"Gerbert, surnommé Assalu [Gilbert d'Assailly] maître de la maison de l'Hôpital, établie à Jérusalem, fut, à ce qu'on dit aussi, le principal moteur de ces funestes résolutions (d'attaquer l'Égypte)
C'était un homme d'un grand courage, et généreux jusqu'à la prodigalité, mais léger et d'un esprit très-mobile : après avoir dépensé tous les trésors de sa maison, il emprunta encore des sommes considérables, et les distribua à tous les chevaliers, qu'il allait cherchant de toutes parts pour les attirer à lui ; la maison de l'Hôpital se trouva, par sa conduite, chargée d'une si grande masse de dettes qu'il n'y avait aucun espoir qu'elle pût jamais s'en affranchir. "
Cette partie du texte permet de répondre à l'interrogation de savoir si les moines hospitaliers en tant que tels participèrent à l'expédition ; la réponse est donné ici par Guillaume de Tyr qui indique clairement que le maître de l'ordre alla chercher des chevaliers de toute part pour les attirer à lui : selon moi et au vu de cette phrase, ces chevaliers ne sont pas des membres profès de l'ordre mais des combattants enrôlés pour le temps de la campagne. Les hospitaliers proprement dit se chargeant néanmoins du commandement et de l'intendance.
" On dit qu'il ne fit toutes ces énormes dépenses que dans l'espoir qu'après la conquête et la soumission de l'Egypte, la ville de Bilbéis, anciennement appelée Péluse,(1) et tout son territoire, reviendraient à sa maison et lui appartiendraient à perpétuité, en vertu d'une convention conclue antérieurement avec le Roi."
Ces dépenses excessives et le fait que le chapitre n'ait pas été consulté firent que Gilbert d'Assailly fut si critiqué après l'échec de l'expédition qu'il décida de renoncer à la charge de maître de l'ordre.
1- Guillaume de Tyr indique dans son texte que la ville concédée à l'ordre de l'Hôpital est "Peluse anciennement appelée Bilbeis," ce qui semble faire penser qu'il s'agit de la même ville, en fait, ce sont deux villes différentes, et le don, selon les historiens consultés, concerne Bilbeis.
LA QUATRIÈME EXPÉDITION (1168-1169)
Elle est pour moi la plus intéressante pour deux raisons :
- d'abord parce qu'elle est symptomatique des mentalités des francs mettant systématiquement en avant leur goût du pillage et un appétit d'enrichissement porté à son paroxysme,
- ensuite parce que Guillaume de Tyr est un contemporain de cette expédition, participant aux ambassades qui furent organisées au préalable,
- enfin par le fait que cet auteur n'hésite pas à dénoncer l'esprit de lucre des francs qu'il condamne avec fermeté.
Le récit de Guillaume de Tyr est si intéressant à la fois pour l'étude des mentalités y compris celle du maître des hospitaliers, qu'il mérite que j'en cite de larges extraits :
PREMIÈRE PHASE : LA PROPOSITION D'ALLIANCE DE L'EMPEREUR BYZANTIN
" Dans le cours de l'été (1168) [les députés de l'empereur de Constantinople Manuel Comnène]... arrivèrent à Tyr; ils allèrent aussitôt trouver secrètement le seigneur Roi..., lui exposèrent l'objet de leur voyage, et lui présentèrent les écrits qu'ils avaient reçus de l'Empereur ... Voici quel était, en abrégé, le motif de leur mission. Le seigneur Empereur avait reconnu que le royaume d'Egypte, infiniment puissant jusqu'alors et jouissant d'immenses richesses, était tombé entre les mains de gens faibles et efféminés, et que les peuples voisins avaient une parfaite connaissance de l'impéritie, de la faiblesse et de l'incapacité du seigneur de ce pays et de tous ses princes. Comme il paraissait impossible que les choses demeurassent plus longtemps dans cette situation, plutôt que de voir passer la souveraineté et le gouvernement de ce royaume entre les mains des nations étrangères ( les émirats de Nur-Al-Din) , l'Empereur avait pensé ...qu'il lui serait facile, avec le secours du seigneur Roi, de soumettre ce pays à sa juridiction.
on arrêta une convention qui fut approuvée des deux parties puis le Roi me (Guillaume de Tyr parle ici de lui-même) donna l'ordre ... d'aller, en qualité de conseiller du Roi et de tout le royaume, porter au seigneur Empereur les lettres qui me furent remises, et de ratifier le traité ... en la forme qui fut déterminée par avance.
Le seigneur Empereur nous accueillit honorablement, et nous traita avec bonté dans sa clémence impériale ; nous lui exposâmes soigneusement le motif de notre voyage et de notre mission auprès de lui, ainsi que la teneur des traités que nous avions à lui présenter ; il reçut ces nouvelles avec joie et approuva gracieusement tout ce qui avait été réglé à l'avance.
Après avoir reçu les lettres impériales qui contenaient en entier toutes les clauses du traité, ayant ainsi heureusement accompli notre mission, nous nous remîmes en route vers le commencement d'octobre, pour retourner dans le royaume" .
Ainsi l'empereur Manuel propose au roi de Jérusalem d'organiser une expédition commune pour la conquête de l'Egypte. Amaury a accepté cette alliance mais elle l'ennuie car l'empereur exigera de placer l'Egypte sous son autorité ainsi qu'un partage de l'Égypte et du butin. C'est pourquoi le roi va précipitamment organiser un conseil afin de recueillir l'avis des féodaux sur l'envoi immédiat d'une nouvelle expédition en Egypte. Ce conseil sera tenu avant même le retour des ambassadeurs porteurs du traité d'alliance.
DEUXIÈME PHASE : LES DISCUSSIONS DES FRANCS SUR L'INTERVENTION EN EGYPTE
Lors de ces discussions, deux opinions contraire se firent jour :
. Pour les uns, ils assuraient savoir avec certitude " que Savar, le [vizir] d'Egypte, expédiait fréquemment des messages à Noradin ( Nur-Ad-Din) , et implorait secrètement son assistance, lui faisant dire qu'il se repentait d'avoir conclu un traité avec le Roi, et qu'il avait le projet d'y renoncer; qu'il éprouvait de la répugnance à se trouver engagé dans une alliance avec un peuple ennemi, et que s'il pouvait compter avec certitude sur les secours de Noradin, il s'empresserait de rompre son traité et de se séparer du Roi.
. Il y a des personnes qui disent (aussi ) que tous ces bruits n'étaient qu'une fausse invention, que le [vizir] Savar était innocent, qu'il observait de bonne foi son traité et en remplissait les conditions, et que ce fut à la fois une œuvre impie et injuste d'aller lui faire de nouveau la guerre" et que la traîtrise dénoncée de Sawar n'était qu'un prétexte sans fondement.
Dès ce moment, Guillaume de Tyr prend partie en écrivant que Dieu ne pouvant accepter ces faux arguments "retira sa protection aux nôtres, rendit leurs efforts inutiles, et ne voulut point accorder le succès à des tentatives qui n'étaient point fondées sur la justice. "
Ainsi, la quatrième expédition d'Égypte avait des buts uniquement matériel sans aucune connotation religieuse, Guillaume de Tyr utilise des mots très forts pour dénoncer les comportements des francs ( impie, injuste, faux arguments). De cette prise de position, on peu en conclure que Sawar respectait ses engagements même s'il avait du mal à réunir les sommes nécessaires au paiement du tribut (100.000 dinars par an !)
La quatrième expédition d'Egypte fut donc réalisée dans la précipitation avant que les byzantins ne puissent intervenir et exiger la souveraineté sur l'Egypte et avant que Nur-Ad-Din ne réagisse et envoie un nouveau corps expéditionnaire. On se servit d'un faux prétexte pour justifier l’invasion un pays officiellement allié du royaume.
LA PARTICIPATION DES HOSPITALIERS À LA QUATRIÈME EXPÉDITION.
M Delaville le Roux mentionne un traité entre le roi Amaury et Gilbert d'Assailly daté du 11 octobre 1168, au moment du départ de l'armée rassemblée à Ascalon :
. L'ordre s'engage à mettre à la disposition du roi 500 chevaliers et 500 turcopoles,
. En échange, le roi concède de nombreux avantages à l'ordre :
- la ville de Bilbeis lui sera cédée en toute propriété une fois conquise,
- le roi assure à l'ordre un revenu de 50.000 besants Cette somme sera prélevée sur les revenus d'un territoire mis à la disposition de l'ordre ainsi que sur les revenus de dix villes d'Égypte ; parmi ces dix villes citons Forstat, Tanis, Damiette, Alexandrie ... Dans chaque cité, l'ordre devra disposer de la meilleure maison après, cependant, que le roi se soit servi.
- l'ordre recevra une part du butin ainsi que des tributs et indemnités payés par le vaincu après prélèvement de la moitié allouée au roi. Il pourra percevoir la dîme sur toutes les terres conquises...
Ainsi, même au niveau des Hospitaliers, l'esprit de lucre et de puissance domine. Comme souvent, on se partage les dépouilles avant même de les avoir conquises ! Ce partage ne fut cependant pas le fait unique des hospitaliers, il est probable que chaque seigneur se vit aussi attribuer un bien sur la conquête à venir.
Guillaume de Tyr donne une image sombre du maître de l’Hôpital :
"Gerbert, surnommé Assalu [Gilbert d'Assailly] maître de la maison de l'Hôpital, établie à Jérusalem, fut, à ce qu'on dit aussi, le principal moteur de ces funestes résolutions (d'attaquer l'Égypte)
C'était un homme d'un grand courage, et généreux jusqu'à la prodigalité, mais léger et d'un esprit très-mobile : après avoir dépensé tous les trésors de sa maison, il emprunta encore des sommes considérables, et les distribua à tous les chevaliers, qu'il allait cherchant de toutes parts pour les attirer à lui ; la maison de l'Hôpital se trouva, par sa conduite, chargée d'une si grande masse de dettes qu'il n'y avait aucun espoir qu'elle pût jamais s'en affranchir. "
Cette partie du texte permet de répondre à l'interrogation de savoir si les moines hospitaliers en tant que tels participèrent à l'expédition ; la réponse est donné ici par Guillaume de Tyr qui indique clairement que le maître de l'ordre alla chercher des chevaliers de toute part pour les attirer à lui : selon moi et au vu de cette phrase, ces chevaliers ne sont pas des membres profès de l'ordre mais des combattants enrôlés pour le temps de la campagne. Les hospitaliers proprement dit se chargeant néanmoins du commandement et de l'intendance.
" On dit qu'il ne fit toutes ces énormes dépenses que dans l'espoir qu'après la conquête et la soumission de l'Egypte, la ville de Bilbéis, anciennement appelée Péluse,(1) et tout son territoire, reviendraient à sa maison et lui appartiendraient à perpétuité, en vertu d'une convention conclue antérieurement avec le Roi."
Ces dépenses excessives et le fait que le chapitre n'ait pas été consulté firent que Gilbert d'Assailly fut si critiqué après l'échec de l'expédition qu'il décida de renoncer à la charge de maître de l'ordre.
1- Guillaume de Tyr indique dans son texte que la ville concédée à l'ordre de l'Hôpital est "Peluse anciennement appelée Bilbeis," ce qui semble faire penser qu'il s'agit de la même ville, en fait, ce sont deux villes différentes, et le don, selon les historiens consultés, concerne Bilbeis.
vendredi 17 juillet 2015
Mentalités et comportements au temps de la croisade (110) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187
LA PARTICIPATION DES HOSPITALIERS À LA GUERRE OFFENSIVE : L'EXEMPLE DES EXPÉDITIONS EN ÉGYPTE DU ROI AMAURY. (Suite)
LA TROISIÈME EXPÉDITION (1167)
La deuxième expédition avait permis au roi de Jérusalem comme à l'émir turc de constater à quel point l'Egypte était riche et faible : pour les deux protagonistes, la conquête du pays devrait être facile.
Šīrkūh réussit à convaincre le calife abbasside de Bagdad qu'une nouvelle expédition permettrait de chasser les chiites de l'Egypte et de rétablir l'unité religieuse autour du sunnisme Nur-Ad-Din, d'abord hésitant se rallia à l'avis du calife et donna l'autorisation à Šīrkūh de lancer une nouvelle offensive. L'armée turque se mît en chemin en janvier 1167 et suivit la longue route intérieure des caravanes.
Quand il apprit cette nouvelle offensive turque, Amaury décida, avec l'appui des principaux seigneurs réunis en conseil à Naplouse, d'organiser une nouvelle expédition en Égypte afin d'empêcher Šīrkūh de s'en emparer. L'expédition partit d'Ascalon à la fin du mois de janvier 1167.
Lorsque Sawar apprit que l'Egypte allait être menacée par les deux armées convergeant vers son pays et qui étaient ennemies l'une de l'autre, il prit conscience que l'Egypte ne disposait pas de troupes capables de mener de front deux offensives, en conséquence, il décida, comme il en avait pris l'habitude, de se concilier l'un d'entre eux pour mieux combattre l'autre. Il fit le choix du roi de Jérusalem qui venait d'arriver en Egypte et offrit son alliance à Amaury.
Le détail des tractations est clairement donnée par Guillaume de Tyr :
Le vizir " résolut donc, de concert avec les Chrétiens, de renouveler les anciens traités, d'établir sur des bases inviolables une convention de paix, et d'alliance perpétuelle entre le seigneur Roi et le calife [fatimide du Caire], d'augmenter la somme des tributs et de les constituer en revenu fixe et déterminé, qui serait payé annuellement au seigneur Roi sur les trésors du calife. Ceux qui intervinrent pour régler ces conventions ... décidèrent qu'il serait alloué au seigneur Roi une somme de quatre cent mille pièces d'or : la moitié fut payée sur-le-champ, et l'on promit que les deux cent mille pièces restantes seraient payées sans la moindre difficulté aux époques déterminées, sous la condition expresse que le seigneur Roi s'engagerait de sa propre main..., à ne point sortir du royaume d'Egypte avant que Syracon (Šīrkūh )et son armée fussent entièrement détruits ou expulsés de toutes les parties du territoire."
On peut s'étonner d'une alliance qui parut impie et de contre-nature à beaucoup de musulmans ; pourtant elle était pour le vizir un moindre mal : si Šīrkūh l'emportait, il savait qu'il resterait dans le pays ; par contre Sawar pouvait penser qu'Amaury regagnerait le royaume sitôt l'armée turque vaincue, étant toujours sous la menace de contre-offensives de Nur-Ad-Din sur le nord du royaume : mieux valait accepter un protectorat lointain, même assorti d'un tribut, plutôt qu'une occupation militaire.
L'armée d'Amaury à laquelle se joignit l'armée égyptienne passa Bilbeis et campa à Forstat ( la première ville sur le site du Caire située sur la rive orientale)
L'armée de Šīrkūh arriva quelque temps plus tard, l'émir décida de contourner Le Caire par le sud, puis il traversa le Nil (2), remonta vers le nord puis installa son camp à Guizeh sur la rive occidentale du fleuve(3). Les deux armées se trouvaient face à face de part et d'autre du Nil, il y restèrent plus d'un mois selon Guillaume de Tyr.
Afin de livrer bataille, les francs décidèrent de construire un pont de bateaux pour traverser le Nil mais dès que le pont fut à portée des archers turcs, ils lancèrent des bordées de flèches qui empêchèrent tout avancement des travaux.
Si on suit ce qu'écrit Guillaume de Tyr, Amaury envoya alors un détachement par bateau jusqu'à un lieu où se trouve une île au centre du Nil (4?) permettant de traverser le fleuve. L'île était occupée par les turcs, ils y venaient effectuer une razzia mais on peut penser aussi que Šīrkūh pensait traverser le fleuve à et endroit pour prendre à revers l'armée Franco-égyptienne, le combat s'engagea, les francs furent vainqueurs et purent passer sur la rive occidentale du fleuve.
Dans cette perspective, menacé par un ennemi supérieur en nombre, il ne restait d'autre choix à Šīrkūh que de refluer vers la moyenne Egypte. Poursuivi par l'armée d'Amaury, il dût livrer le combat à Al-Babayn en mars 1167 (5?)
La bataille fut indécise, chacun pût se croire vainqueur ; cependant, à l'issue de la bataille, les deux armées furent si éprouvées qu'elle durent se replier : l'armée d'Amaury et de Sawar regagna Forstat (1) . Quant-à l'armée turque, elle se porta vers Alexandrie, cité dont le gouverneur, par haine du traité d'alliance entre Sawar et Amaury, avait pris le parti de Šīrkūh.
Les francs décidèrent de se porter vers Alexandrie pour assiéger la ville. La cité, défendue par Saladin le neveu de Šīrkūh ( Šīrkūh avait quitté Alexandrie pour la Moyenne Egypte) résista mais bientôt les habitants d'Alexandrie commencèrent à maugréer contre le blocus effectué par les francs aidés par une flotte italienne, qui empêchait tout approvisionnement et tout commerce.
Le siège d'Alexandrie se termina comme celui de Bilbeis en 1164 : un traité fut signé entre l'émir turc et le roi de Jérusalem : les deux armées s'engagèrent à évacuer l'Egypte : le 20 août 1167, l'armée franque était de retour à Ascalon, l'armée turque arriva en Syrie en septembre.
Ainsi la troisième expédition permit à Sawar de préserver son poste de Vizir ; pourtant, l'Egypte avait perdu une grande partie de son indépendance, la manifestation la plus tangible en était la présence d'une garnison franque au Caire chargée de faire respecter les traités et de percevoir le tribut.
LA TROISIÈME EXPÉDITION (1167)
La deuxième expédition avait permis au roi de Jérusalem comme à l'émir turc de constater à quel point l'Egypte était riche et faible : pour les deux protagonistes, la conquête du pays devrait être facile.
Šīrkūh réussit à convaincre le calife abbasside de Bagdad qu'une nouvelle expédition permettrait de chasser les chiites de l'Egypte et de rétablir l'unité religieuse autour du sunnisme Nur-Ad-Din, d'abord hésitant se rallia à l'avis du calife et donna l'autorisation à Šīrkūh de lancer une nouvelle offensive. L'armée turque se mît en chemin en janvier 1167 et suivit la longue route intérieure des caravanes.
Quand il apprit cette nouvelle offensive turque, Amaury décida, avec l'appui des principaux seigneurs réunis en conseil à Naplouse, d'organiser une nouvelle expédition en Égypte afin d'empêcher Šīrkūh de s'en emparer. L'expédition partit d'Ascalon à la fin du mois de janvier 1167.
Lorsque Sawar apprit que l'Egypte allait être menacée par les deux armées convergeant vers son pays et qui étaient ennemies l'une de l'autre, il prit conscience que l'Egypte ne disposait pas de troupes capables de mener de front deux offensives, en conséquence, il décida, comme il en avait pris l'habitude, de se concilier l'un d'entre eux pour mieux combattre l'autre. Il fit le choix du roi de Jérusalem qui venait d'arriver en Egypte et offrit son alliance à Amaury.
Le détail des tractations est clairement donnée par Guillaume de Tyr :
Le vizir " résolut donc, de concert avec les Chrétiens, de renouveler les anciens traités, d'établir sur des bases inviolables une convention de paix, et d'alliance perpétuelle entre le seigneur Roi et le calife [fatimide du Caire], d'augmenter la somme des tributs et de les constituer en revenu fixe et déterminé, qui serait payé annuellement au seigneur Roi sur les trésors du calife. Ceux qui intervinrent pour régler ces conventions ... décidèrent qu'il serait alloué au seigneur Roi une somme de quatre cent mille pièces d'or : la moitié fut payée sur-le-champ, et l'on promit que les deux cent mille pièces restantes seraient payées sans la moindre difficulté aux époques déterminées, sous la condition expresse que le seigneur Roi s'engagerait de sa propre main..., à ne point sortir du royaume d'Egypte avant que Syracon (Šīrkūh )et son armée fussent entièrement détruits ou expulsés de toutes les parties du territoire."
On peut s'étonner d'une alliance qui parut impie et de contre-nature à beaucoup de musulmans ; pourtant elle était pour le vizir un moindre mal : si Šīrkūh l'emportait, il savait qu'il resterait dans le pays ; par contre Sawar pouvait penser qu'Amaury regagnerait le royaume sitôt l'armée turque vaincue, étant toujours sous la menace de contre-offensives de Nur-Ad-Din sur le nord du royaume : mieux valait accepter un protectorat lointain, même assorti d'un tribut, plutôt qu'une occupation militaire.
L'armée d'Amaury à laquelle se joignit l'armée égyptienne passa Bilbeis et campa à Forstat ( la première ville sur le site du Caire située sur la rive orientale)
L'armée de Šīrkūh arriva quelque temps plus tard, l'émir décida de contourner Le Caire par le sud, puis il traversa le Nil (2), remonta vers le nord puis installa son camp à Guizeh sur la rive occidentale du fleuve(3). Les deux armées se trouvaient face à face de part et d'autre du Nil, il y restèrent plus d'un mois selon Guillaume de Tyr.
Afin de livrer bataille, les francs décidèrent de construire un pont de bateaux pour traverser le Nil mais dès que le pont fut à portée des archers turcs, ils lancèrent des bordées de flèches qui empêchèrent tout avancement des travaux.
Si on suit ce qu'écrit Guillaume de Tyr, Amaury envoya alors un détachement par bateau jusqu'à un lieu où se trouve une île au centre du Nil (4?) permettant de traverser le fleuve. L'île était occupée par les turcs, ils y venaient effectuer une razzia mais on peut penser aussi que Šīrkūh pensait traverser le fleuve à et endroit pour prendre à revers l'armée Franco-égyptienne, le combat s'engagea, les francs furent vainqueurs et purent passer sur la rive occidentale du fleuve.
Dans cette perspective, menacé par un ennemi supérieur en nombre, il ne restait d'autre choix à Šīrkūh que de refluer vers la moyenne Egypte. Poursuivi par l'armée d'Amaury, il dût livrer le combat à Al-Babayn en mars 1167 (5?)
La bataille fut indécise, chacun pût se croire vainqueur ; cependant, à l'issue de la bataille, les deux armées furent si éprouvées qu'elle durent se replier : l'armée d'Amaury et de Sawar regagna Forstat (1) . Quant-à l'armée turque, elle se porta vers Alexandrie, cité dont le gouverneur, par haine du traité d'alliance entre Sawar et Amaury, avait pris le parti de Šīrkūh.
Les francs décidèrent de se porter vers Alexandrie pour assiéger la ville. La cité, défendue par Saladin le neveu de Šīrkūh ( Šīrkūh avait quitté Alexandrie pour la Moyenne Egypte) résista mais bientôt les habitants d'Alexandrie commencèrent à maugréer contre le blocus effectué par les francs aidés par une flotte italienne, qui empêchait tout approvisionnement et tout commerce.
Le siège d'Alexandrie se termina comme celui de Bilbeis en 1164 : un traité fut signé entre l'émir turc et le roi de Jérusalem : les deux armées s'engagèrent à évacuer l'Egypte : le 20 août 1167, l'armée franque était de retour à Ascalon, l'armée turque arriva en Syrie en septembre.
Ainsi la troisième expédition permit à Sawar de préserver son poste de Vizir ; pourtant, l'Egypte avait perdu une grande partie de son indépendance, la manifestation la plus tangible en était la présence d'une garnison franque au Caire chargée de faire respecter les traités et de percevoir le tribut.
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