LES CONCEPTEURS DES GÉNOCIDES (suite)
Avant une conclusion finale, Il me reste, pour clore ce chapitre consacré à la liberté de choix entre le bien et le mal, à montrer comment à partir des valeurs de « l’être en soi », on peut devenir un initiateur de génocide. En effet, tous ceux qui ont vécu des moments difficiles dominés par l’iniquité et l’injustice et qui ont élaboré des « valeurs en soi » dont certaines d’entre-elles auraient pu mener au génocide ne sont aucunement passé à l’acte ; pourtant, ils ont réussi à faire évoluer la situation de leurs contemporains sans haine ni violence et à créer une nouvelle société ; c’est le cas, entre autre, du Mahatma Gandhi qui délivra l’Inde de la colonisation anglaise par la non-violence , du Pape Jean Paul II qui redonna confiance au polonais dans leur lutte pour leur liberté et surtout de Nelson Mandela.
Le cas de Nelson Mandela est à cet égard exemplaire ; après des années de lutte contre le système de l’apartheid, il fut longuement emprisonné dans des conditions inhumaines d’isolement. Lors de sa libération, il aurait pu organiser le massacre de ses tortionnaires blancs, ce qui aurait mené à un génocide. Il ne le fit pas, pardonnant à ses bourreaux pour peu qu’ils reconnaissent leurs erreurs et leur offrant de vivre en paix et en harmonie les uns avec les autres dans une société réconciliée.
Pourquoi Nelson Mandela n’a-t-il pas initié le massacre des blancs ? Tout simplement parce qu’il avait placé au premier plan de ses « valeurs en soi » la compassion envers tous les êtres humains qu’ils soient victimes ou tortionnaires. Cette valeur prima sur toutes les autres dans ses choix d'action.
Ainsi, à partir de la même base de départ, celle du refus de la situation existante dans laquelle ils vivaient, s’est produit une différenciation entre les uns qui agirent pacifiquement et les autres qui organisèrent des massacres de masse au nom de leur idéal. Alors se pose la question de savoir pourquoi les concepteurs de génocide n’ont-ils pas suivi la même voie que Mandela ou Gandhi ? Cela pourtant aurait pu être possible : Hitler par exemple dans « Mein Kampf » évoque le sentiment de tolérance et d’humanité qui étaient en lui avant qu’il ne se forge une panoplie de valeurs aux antipodes de ses premiers concepts.
Selon moi, il existe trois raisons dominantes :
La première est qu’ils avaient élaboré le projet d’un monde nouveau si conséquent qu’il en devenait utopique : les uns l’avaient basé sur la supériorité d'une race sur les autres , d’autres voulaient créer un monde meilleur où tous les êtres humains seraient libres, égaux et heureux (société communiste), d’autres encore voulait transformer l’humanité afin de favoriser le plus vite possible la venue d'un être surnaturel qui pourrait sauver le monde...
La deuxième raison tient au fait que de tels projets étaient si démesurés dans leurs ambitions que leurs concepteurs décidèrent d'accélérer le cours de l'histoire afin d’en voir de leur vivant la concrétisation : l’exemple des dirigeants communistes responsables de massacres de masse est révélateur de cet état d’esprit.
Marx avait placé dans la durée la création de la société communiste et construit un scénario historique qui verrait successivement une phase de luttes révolutionnaires du prolétariat contre le capitalisme puis une longue phase de dictature du prolétariat chargée de préparer l’avènement d’une société communiste dans laquelle tous seraient libres et heureux.
Les dirigeants communistes, pressés d’arriver le plus vite possible au but final, ne respectèrent pas le schéma prévu par Marx :
. Lénine imposa à son pays la dictature du prolétariat alors que le capitalisme n’était que naissant,
. Staline imposa par la force aux campagnes russes la collectivisation à des paysans qui n’avaient pas été préparé pour cette réforme.
. Pol Pot voulut de son vivant créer directement la société communiste dans son pays sans passer par les phases prévues par Marx.
Dans les trois cas, ces décisions conduisirent à l’exécution de tous ceux qui résistèrent et à la mort de millions de personnes.
Cette même volonté d’accélérer le cours de l’histoire se remarque chez Hitler qui se plaignait de son âge et avait peur de mourir avant d'avoir vu la concrétisation de cette évolution historique qu'il voulait imposer, ainsi, la « solution finale du problème juif » n’intervint qu’en 1942 ; auparavant, divers projets avait été élaborés pour rendre l’Allemagne « judenfrei » dont la déportation des juifs à Madagascar, tous ces projets étaient trop lents, il fallait en finir par une politique plus radicale qui fut celle de l’extermination.
La troisième raison est que ces concepteurs de génocide et de massacres de masse furent de plus en plus coupés de la réalité par un écran de courtisans serviles et pressés de faire du zèle pour obtenir des faveurs, n'hésitant pas à ordonner de terribles massacres pour plaire à leurs maîtres : un concepteur de génocide n’est rien s’il n’a pas autour de lui des exécutants qui accomplissent servilement ses idées.
A suivre ...