Suite de l’article précédent à propos de l’absence de réfrigérateurs
Un laitier passait tous les matins avec, dans son camion, de gros bidons de lait et de la crème fraîche ; quand on entendait son klaxon, on sortait avec son pot à lait, le laitier le remplissait de une à deux mesures au moyen d’une louche. Ce lait était évidemment du lait entier, on le consommait en y ajoutant du café ou du chocolat le matin au petit-déjeuner et au goûter.
Il y avait aussi des épiciers, des bouchers et des boulangers ambulants pour ceux qui ne pouvaient aller en courses. L'un de ces marchands ambulants, était le « marchand de charbon », on allait dans son atelier commander le charbon et il venait nous le livrer, le charbon en boulets était vendu en sacs de 50 kg, ils étaient amenés sur une benne de camion à ciel ouvert, le livreur prenait ces sacs sur la benne, les transportait sur le dos jusqu’au bac à charbon et il se penchait afin de verser le charbon dans ce bac par-dessus sa tête.
Le fait que la plupart des gens élevaient des poules et des lapins permettait de disposer de viande fraîche, palliant aussi à l’absence de réfrigérateur. On donnait à ces lapins toutes les épluchures et les restes de nourriture qui n’avaient pas été mangé dont le pain rassis. Il fallait aussi aller chercher de l’herbe dans les champs surtout au printemps, c’était souvent le rôle des enfants, il fallait faire attention à l’herbe que l’on ramassait car certaines étaient des poisons, faisant gonfler le ventre des lapins et les faisant mourir.
On tuait les lapins généralement pour les repas du dimanche ou quand il y avait des invités. C’était pour moi un crève-cœur de voir tuer des bêtes aussi gentilles à qui on parlait quand on avait un gros chagrin et qui semblaient nous écouter, mais le lendemain, on mangeait sa viande de bon appétit. Une partie du lapin était rôtie pour le midi et le reste était cuit en sauce pour le soir où le lendemain.
On gardait les peaux encore sanguinolentes suspendues jusqu’au passage du « marchand de peaux de lapins » à qui on les vendait. Ces peaux permettaient, entre autre, de fabriquer de chauds manteaux.
L’absence de réfrigérateur n’était finalement gênante que lors des grands repas, mariage ou communion, en ce cas, la seule solution était d’acheter ou se faire livrer des pains de glace que l’on mettait dans l’auge à eau de pluie.
Pour le reste, il fallait faire avec ! Cela induisait un mode de vie particulier ; ce qui était cuisiné devait être mangé le jour même où le lendemain surtout qu’à cette époque, on ne jetait rien, tout était utilisé, comme je l'ai écrit plus haut, y compris les épluchures données aux lapins et les os au chien, les légumes restant étaient gardés pour faire la soupe du soir, les fruits devenaient de bons clafoutis, le pain rassis pouvait être transformé en un délicieux « pain perdu »,
Jeter du pain était alors considéré comme inacceptable aux yeux de tous ceux qui avaient souffert des restrictions de la guerre.
Cette nécessité de consommer rapidement tout ce que la mère de famille cuisinait n’impliquait cependant pas de vivre au jour le jour, outre les bocaux, les fruits et les pommes de terre que l’on gardait à la cave, beaucoup de gens disposaient de réserves de nourriture, des boîtes de conserves, du sucre, du café de l’huile… ils se souvenaient des privations de la guerre et tenaient à avoir chez eux de quoi tenir le coup quelques semaines. On était à l’époque de la guerre froide et, pour beaucoup de gens, la perspective de voir éclater une troisième guerre mondiale était plausible.
Mes lecteurs pourraient penser que j’effectue beaucoup de digressions : je m’en rends bien compte, cela est dû à la manière dont j’écris, une idée me fait souvenir d’une autre et ainsi de suite. Afin de recadrer un peu mon propos, je vais maintenant décrire notre vie sans télévision.
À suivre…