CONCLUSION
Je diviserai cette conclusion en deux parties :
-
D’abord, je donnerai le témoignage de Guillaume de Poitiers sur
les deux protagonistes principaux Guillaume et Harold
-
Ensuite je donnerai l’avis que l’on peut avoir sur l’histoire de la conquête de l’Angleterre
près de mille ans après qu’elle se soit produite.
HAROLD
ET GUILLAUME LE CONQUÉRANT VUS PAR GUILLAUME DE POITIERS
Je citerai, à de propos, deux longs extraits de la GESTA qui
illustrent selon moi l’adage Vae Victis dû à Brennus après la reddition de Rome
à la fin du 4ème siècle avant JC.
«
Quant à nous, Hérald, nous ne t'insultons pas, mais avec le pieux vainqueur qui
pleura ta ruine, nous avons pitié de toi, et nous pleurons sur ton sort. Un
juste succès t'a abattu; tu as été, comme tu le méritais, étendu dans ton sang;
tu as pour tombeau le rivage, et tu seras en abomination aux générations
futures et des Anglais et des Normands. Ainsi ont coutume de crouler ceux qui
croient à un souverain pouvoir, à un souverain bonheur dans le monde. Pour être
souverainement heureux ils s'emparent de la puissance, et s'efforcent de
retenir par la guerre ce qu'ils ont usurpé.
Tu t'es souillé du sang de ton
frère, dans la crainte que sa grandeur ne diminuât ta puissance. Ensuite tu
t'es précipité en furieux vers une autre guerre fatale à ta patrie, que tu
sacrifiais à la conservation de la dignité royale. Tu as donc été entraîné dans
la ruine par toi-même préparée. Voilà, tu ne brilles plus de la couronne que tu
avais traîtreusement usurpée; tu ne sièges plus sur le trône où tu étais monté
avec orgueil. La fin que tu as subie montre s'il est vrai que tu fus élevé au
trône par Edouard dans les derniers moments de sa vie, une comète, la terreur
des rois, brillant après le commencement de ta grandeur, fut le présage de ta
perte »
Comme on pouvait s’en douter, le portrait que fait Guillaume
de Poitiers d’Harold est totalement négatif : il est assoiffé d’ambition
et orgueilleux, traître, usurpateur et belliqueux. Il est prêt à tout pour
conserver son pouvoir y compris en faisant tuer son propre frère, dans ses guerres,
il est obstiné jusqu’à mener son pays
à sa perte. Il n’a aucun autre souci que sa propre gloire et est prêt à tout
sacrifier pour celle-ci.
Il est à remarquer que ce texte renferme une contre-vérité
manifeste : il indique en effet que c’est Harold qui s’est «
précipité dans la guerre » contre les norvégiens et normands alors que le
roi a dû lutter contre ces armées étrangère qui avaient envahi le territoire
dont il était le roi. il existe d'autres erreurs dans ce texte, je les mentionnerai dans mes propres conclusions.
Le portrait que Guillaume de Poitiers effectue à propos du
duc Guillaume est évidemment aux antipodes que celui réalisé à propos d’Harold : le chroniqueur vante
son courage, son habileté sa piété, sa modestie et son désintéressement.
« Mais
laissons ces funestes présages, et parlons du bonheur que prédit la même étoile.
Agamemnon, roi des Grecs, aidé du secours d'un grand nombre de chefs et de
rois, parvint avec peine, par la ruse, à détruire, la dixième année du siège,
la seule ville de Priam. Les poètes cependant attestent les talents et la
bravoure de ses guerriers.. Le duc Guillaume, avec les troupes de la Normandie
et sans de nombreux secours étrangers, soumit en un seul jour, de la troisième
heure au soir, toutes les villes de l'Angleterre. Si elles avaient été
défendues par les remparts de Troie, le bras et l'habileté d'un tel homme les
eussent bientôt renversées. »
Guillaume de Poitiers se livre dans cet extrait à une
exagération digne d’un roman de sciences fiction actuel : comment le duc
aurait-il pu soumettre l’Angleterre en une seule demi-journée !
Plus surprenant encore est la manière dont Guillaume de
Poitiers décrit le comportement du duc après la prise de Londres :
« Les
évêques et les autres grands le prièrent d'accepter la couronne, disant qu'ils
étaient habitués à obéir à un roi, et qu'ils voulaient avoir un roi pour
maître. Le duc consultant ceux des Normands de sa suite dont il avait éprouvé
la sagesse aussi bien que la fidélité, leur découvrit les principales raisons
qui le dissuadaient de céder aux prières des Anglais. Les affaires étaient encore
dans le trouble, quelques gens se soulevaient, et il désirait la tranquillité
du royaume plutôt que la couronne » .. « Ses familiers lui
conseillèrent au contraire d'accepter la couronne, sachant que c'était le vœu
unanime de toute l'armée, »
Ici encore Guillaume de Poitiers témoigne d’une nouvelle
contre-vérité : lorsqu’on lui propose la couronne royale, et le duc fit
semblant d’hésiter car « Il n'était certainement pas dominé du désir de
régner » le chroniqueur semble ainsi nous faire croire que Guillaume n’a
combattu que pour la gloire de Dieu et non pour lui-même !
A suivre