La crise de "l'obus torpille" (1) rendit largement obsolète la première génération de forts qui se caractérisaient par des casernements en pierres de taille surmontés d'un remblai de terre formant une plateforme sur laquelle étaient établis les postes d'artillerie à l'air libre.
Structure des défenses d'un fort antérieur à 1885
Il fallut donc adapter ces forts au nouvel armement d'attaque : pour cela, il fut nécessaire d'obtenir des crédits supplémentaires mais aussi d'inventer les moyens techniques qui pouvaient permettre cette modernisation. En attendant, entre 1885 et 1895, les systèmes fortifiés furent aménagés selon une instruction ministérielle de 1887 et avec les moyens dont on disposait :
. En premier lieu, on remplaça, au niveau des points les plus sensibles, la couche de terre surmontant les voûtes en maçonnerie par du béton dit spécial.
. On retira les canons des plateformes des forts et on les installa sur des batteries d'artillerie dispersées au niveau des intervalles entre les forts, ce qui densifia la ceinture défensive ; on construisit aussi des magasins d'artillerie enterrés ainsi que des positions d'infanterie.
. Pour permettre le ravitaillement de tous ces ouvrages dispersés tant en vivres qu'en munitions, il fallut créer un chemin de fer à voie étroite de 60 cm de large, où circulaient des locomotives Péchot à deux chaudières.
Les forts perdirent dans ces circonstances leur rôle primitif de défense de la place-forte : ils furent désormais utilisés seulement :
. pour la défense des intervalles entre deux forts (tirs de flanquement) avec des pièces d'artillerie que l'on installa parfois dans des tourelles " cuirassées" (couvertes d'un dôme de fonte) selon un système apparu en 1875,
. En tant que poste d'observation et de commandement.
À l'extrême fin du siècle, apparurent un certain nombre d'innovations qui vont permettre le réarmement des forts.
Ce réarmement s'effectue d'abord au moyen des tourelles cuirassées , le système inventé vers 1875 avec dôme de fonte ne sera pas généralisé car la fonte est jugée trop fragile pour résister aux obus. Le cuirassement ne se développa vraiment qu'avec l'utilisation du fer laminé ou de l'acier.
C'est alors qu'apparaît la tourelle à éclipse qui se soulève pour permettre le tir et redescend immédiatement pour se raccorder au niveau du blindage de la calotte.
Ce type de tourelles comporte principalement trois variantes :
. Les deux tourelles du commandant Galopin :
. L'une, modèle 1890 à deux canons de 155 long, efficace mais très coûteuse,
. L'autre datant de 1907 à un seul canon de 155mm raccourci. 12 exemplaires sont installées en 1914 sur les 22 prévues.
. Des tourelles équipées de canons de 75 raccourci, 55 seront installées en 1914,
. Des guérites et cloches blindées d'observation.
Il apparaît aussi des batteries-casemates, dit "casemates de Bourges" du nom du camp où elles furent testées, pourvues de deux canons de 75 : elles ont pour mission de battre les intervalles entre chaque fort
À ce réarmement s'ajoutent de nombreuses autres innovations :
. L'utilisation du béton armé plus solide et capable de résister aux obus de 270mm tout en étant d'une épaisseur moindre que le béton spécial, fut généralisé dans les forts modernisés.
. Les magasins à poudre ayant montré leur fragilité, on les supprima en répartissant la poudre dans tout le fort et en créant des magasins enfouis (les magasins-caverne),
. Les caponnières trop exposées sont remplacées par des coffres de contre-escarpe reliés au fort par des galeries passant sous le fossé.
. On différencia les casernements de temps de paix et ceux du temps de guerre.
. L'escarpe, trop vulnérable par des attaques de face, est remplacée par des glacis pourvus d'obstacles empêchant la progression d'assaillants.
1
voir mes articles précédents sur le système SERE DE RIVIÈRES (par les mots-clés)