REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

dimanche 22 avril 2018

Le manuel d'EPICTÈTE : un mode de pensée (2)

La deuxième  notion de logique morale abordée par le manuel d’Epictète est appelée CORRÉLATION. Cette notion est complémentaire de la précédente : le dualisme antécédent/conséquent, avec la démarche de l’esprit qui en découle,  concerne essentiellement l’individu seul utilisant les valeurs qui composent la liberté de son âme au moyen de la raison. La corrélation concerne plutôt les relations de l’individu et de son « en soi »  avec le monde extérieur dans toutes ses composantes : son propre corps, les autres hommes pris individuellement et collectivement, la nature et même les objets inanimés.

Pour illustrer cette notion, je prendrai l’exemple de deux personnes, A et B ; ils se rencontrent dans la rue et A se met à invectiver B suffisamment violemment pour que les passants s’arrêtent ; B est alors placé devant un dilemme :
   . S’il décide de ne pas se laisser faire, il répliquera par d’autres insultes et l’altercation pourra se terminer par une rixe qui, si elle est menée à son terme, risquera d’aboutir à la mort de l’un des individus.
   . S’il juge nécessaire de ne pas réagir et de passer son chemin, il sera certes traité de lâche et de «poule mouillée », mais il conservera sa tranquillité d’esprit.

La quasi-totalité des êtres humains choisiront la première solution tant est grande chez eux le désir de considération face aux autres ; par contre, le philosophe qui suit l’enseignement d’Epictète, optera pour la seconde : Il ne réagira pas et se laissera injurier et même frapper.

Cette absence de réaction est mentionnée explicitement dans le manuel et expliquée dans deux  aphorismes :
   . 20 : «  Souviens-toi qu’on n’est pas outragé par celui qui injurie ou qui frappe mais par le jugement qu’il vous outrage. Quand quelqu’un te met en colère, sache que c’est ton jugement qui te met en colère »
   . 30 : «  …Un autre ne te nuira pas si tu ne le veux pas, mais on t’aura nui si tu juges qu’on te nuit »

Traduit dans un langage de notre époque, ces deux aphorismes peuvent s’exprimer ainsi en se référant au dualisme « ce qui dépend de nous, ce qui ne dépend pas de nous » :
   . Si on est agressé par autrui, on se trouve dans la situation de ce qui ne dépend pas de nous et dont nous sommes esclaves : Nous ne pouvons empêcher que quelqu’un nous déteste au point de nous frapper
   . C’est dans cette perspective, qu’il convient que notre esprit analyse la situation : je décide donc, en usant de ma liberté absolue de jugement, que je ne me sens pas concerné par cette agression et que  je trouverai en moi des valeurs telles que l’indifférence ou le courage qui me permettront de ne pas réagir.

Ainsi, lorsqu’au moyen des ANTÉCÉDENTS et des CONSÉQUENTS, on a déterminé en toute liberté  une manière d’être, il convient de s’y tenir en toutes circonstances en en tirant les conséquences dans ses rapports avec autrui, c’est ce qu’Epictète appelle CORRÉLATION. Pourtant cela ne suffit pas, car il est nécessaire de déterminer si cette démarche est logique et cohérente par la DÉMONSTRATION, troisième étape de la logique du philosophe.

À suivre

mardi 16 janvier 2018

PAYS BALTES (3) une nature apaisée après un douloureux passé

Suite de l’article précédent



Les clairières cultivées sont constituées de vastes parcelles au sol plat ou faiblement ondulé, entrecoupées par de petits bosquets d’arbres sous lesquels se dissimulent les fermes. Une large palette de couleur y est présente,  formant un patchwork en constant renouvellement lorsqu’on parcourt le pays : le vert tendre des prairies s'harmonise délicatement  avec le vert plus sombre des bosquets et des arbres, avec aussi le brun des terres labourées et le jaune ocre des chaumes et des céréales attendant la moisson.

Dans ces paysages, tout respire la sérénité et la paix d’une nature qui paraît réconciliée avec l’homme. On a l’impression que la nature remercie l’homme de l’avoir préservé en lui donnant tout ce qu’il a besoin. En échange, l’homme se fait discret, cachant les fermes dans les bosquets comme s’il voulait les dissimuler afin de ne pas rompre la sérénité du lieu.

Cette description un peu idyllique des paysages baltes réussit actuellement  à masquer un douloureux passé : en effet, pendant de longues périodes, la paysannerie fut placée sous le joug de dominateurs étrangers qui imposèrent leur puissance par la force.

Prochain article : la situation de la paysannerie aux 18ème et 19ème siècle.

dimanche 14 janvier 2018

PAYS BALTES (2) une nature apaisée après un douloureux passé

Suite de l'article précédent

Dans les pays baltes dominent les forêts, elles ferment  systématiquement l’horizon des clairières de cultures, constituant une limite vert-émeraude qui donne à l’espace une dimension humaine sans démesure.

La forêt associe, entre autre, deux aspects très spécifiques représentés sur les photos ci-dessous :


Les paysages de la forêt de conifères sont assez surprenants : les arbres se dressent tout droit, tels des poteaux dénudés, tous égaux en diamètre ; c’est seulement au niveau de leur cime qu’apparaissent quelques branches qui s’entremêlent d’un arbre à l’autre pour former une canopée ;  comme celle-ci a du mal à laisser passer la lumière, les sols ne sont couverts que d’une végétation pratiquement rase. A cela s’ajoute la brume résultant de l’humidité amenée par les dernières pluies. Ces caractéristiques créent une étrange impression, on se croirait dans une forêt mystérieuse d’où pourraient surgir les trolls mais aussi des fées et des lutins sortis de palais enchantés.

La réalité de cette forêt est cependant bien différente de ce qu’elle paraît, elle résulte des campagnes de  reboisement rendues nécessaires  après les ravages de la seconde guerre mondiale. Les arbres ont été plantés en même temps, ce qui explique qu’ils aient tous la même apparence : cette forêt révèle aussi l'opiniâtreté des hommes à toujours dominer les catastrophes pour toujours reconstruire.

La forêt de bouleaux est bien différente : elle se développe en deux strates avec un sous-bois abondant et touffu de petits arbres d’où émergent les troncs blancs des bouleaux qui s’ennoient peu dans le feuillage de leurs cimes.

La forêt est entrecoupée de lacs restant encore sauvages malgré le développement  des résidences de loisirs qui s'installent sur ses berges. Les eaux calmes de ces lacs se muent en miroirs dans lesquels la forêt se dédouble,  créant dans l’eau une illusion de forêt symétrique à peine troublée par d’éphémères clapotis.

Entre ces forêts, se déploient de grandes clairières de cultures qui constituent la seconde facette des paysages baltes.

A suivre

vendredi 12 janvier 2018

PAYS BALTES (1) une nature apaisée après un douloureux passé

Lorsqu’on voyage dans un pays, même pendant quelques jours, il suffit souvent de regarder ses paysages pour  découvrir l’âme de ce pays ; selon moi en effet,  traditionnellement, c’est le pays qui façonne les hommes et non l’inverse, c’est seulement depuis la révolution industrielle que l’homme a voulu asservir la nature et, par la même occasion, perdre tout sens de la réalité.

Un géographe expliquerait que le sol des pays baltes a été modelé et ciselé par les avancées et reculs de l’inlandsis venu du pôle : il  couvrait  l’ensemble de la Scandinavie et de l’Europe septentrionale lors des périodes froides puis refluait vers le Nord aux périodes des réchauffements interglaciaires.

Il en résulte un relief alternant trois formes complémentaires :
   . Des collines de roches striées ou moutonnées rabotées et ciselées par les glaciers,
   . Des ondulations longilignes formées par des dépôts morainiques de toute taille
   . Des creux emplis actuellement par les eaux des lacs et des étangs.

C’est sur cette région au relief indécis  et monotone, couverte d’épaisses forêts entrecoupées d’une myriade de lacs que les hommes s’installèrent  aux alentours du 11e siècle. Ils constituaient des petits groupes épars dans les clairières et au bord des plans d’eau.

Cette histoire semble suggérer un paysage sévère, inhospitalier et désolé, c’est tout le contraire qui apparaît en traversant les pays baltes ; on rencontre en effet des paysages d’une harmonieuse beauté où l’homme a su préserver la nature tout en la parant des multiples couleurs de ses cultures.

À suivre...

mercredi 6 décembre 2017

..C’est la Saint Nicolas !

Comme tous les ans, j'interromprai le cours de mes articles pour rendre hommage au grand saint que l’ensemble des mondes catholiques et orthodoxes vénèrent de l’Est de la France jusqu’à la Russie, saint Nicolas.

Pour cet hommage, j’ai choisi de montrer une icône russe qui représente Saint Nicolas entouré de vignettes de quelque-uns de ses miracles...

dimanche 12 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (15) : l’émergence d’un art national Letton

Suite de l’article précédent

Jusqu’aux dernières décennies du 19e siècle, l’aspiration à une spécificité proprement lettonne s’était plutôt affirmée dans le domaine de la langue et de la littérature. Le tout début du 20e voit émerger une nouvelle dimension à cette spécificité en englobant désormais une architecture appelée du «romantisme national ».

A l’aube du 20e siècle, la Lettonie vivait sous une double domination : économique et social du fait des germanophones, politique de celui des russes.

Dans ces conditions, le pays letton suivit jusqu'alors toutes les modes architecturales importées du reste de l’Europe sans qu’apparaisse une spécificité propre à leur culture.

D’abord, se développa le style revivalisme avec toutes ses variantes, néo-gothique, néo-romano-byzantin, néo-classique...


Au tout début du 20e siècle fut introduit l’art nouveau en Lettonie (via le Jugendstil) ; cet art n’eut, au début, rien de spécifique à la Lettonie, il correspondait à des caractéristiques architecturales et décoratives que l’on retrouve, à quelques nuances près, dans toute l’Europe.

À Riga, sont présents les deux versions de l’art nouveau :
   - vertical (dominé par la verticalité et l’intégration dans cette verticalité des motifs décoratifs typiques de l’art nouveau, végétaux et animaux,, visages mythiques.. )
    - éclectique (un mélange parfois surprenant de tous les styles architecturaux dans lesquels s’insèrent les motifs décoratifs de l’art nouveau).


A une exception près, celle de Konstantin Peksen, les architectes qui introduisirent l’art nouveau en pays letton n'étaient pas autochtones mais Russes  ou allemands,

Comme au niveau de la culture littéraire, l’apparition d’une architecture proprement lettone fut la conséquence de la redécouverte du folklore et des traditions artistiques des campagnes.

A suivre...

vendredi 10 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (14) : l’émergence d’une culture nationale,

Suite de l’article précédent

LA NAISSANCE D'UNE CULTURE

Le problème était sur quoi baser la spécificité nationale que la classe nouvelle des Estes et des Lettons instruits recherchaient ? A l’inverse des germanophones qui considéraient qu’avant leur colonisation, les pays baltes n’étaient peuplés que de tribus sauvages, les Estes et les Lettons cultivés  développèrent l’idée qu’à l’époque de leur liberté, les tribus possédaient une civilisation d’une grande valeur que la colonisation avait dégradée. Ils voulurent reconstituer le passé.

En pays Lettons, Ils se mirent à collecter les dainas pour les étudier, j’ai cité l’importance de K.Barons dans cette démarche, elle fuit suivie en 1873, à l’époque de l’occupation russe, par le premier festival de chants de Riga  qui permit à ce peuple de prendre conscience de l’existence de leur culture  nationale.

Dans les pays Estes qui n’avait pas une culture des chants aussi ancienne que celle des Lettons, la renaissance de leur civilisation fut effectuée à partir des écrits finnois, langue apparentée à l’estonien et ayant une origine finno-ougrienne. (1) C’est ainsi qu’au milieu du 19e siècle fut écrite par R. Kreuzwald l’histoire de Kalevipoeg, un géant redresseur de torts, librement inspirée de l’épopée finnoise du Kalevala. Peu importe pour les nationalistes Estes que cet héros ne soit pas authentique, il devint un des symboles de la nation qu’ils espéraient voir se créer. A la même époque que l’on qualifie «  d’ère du réveil », la poétesse Lydia Koidula exprime son amour pour sa patrie estonienne et sa douleur de la voir asservie.

Voici, pour illustrer ce qui précède, quelques vers d’un poème de cette poétesse tirés de son recueil «le rossignol de l’Emajögi »

Jusqu’à mon dernier souffle,
Je désire t’aimer
Sentiers bordés de fleurs
Ma patrie embaumée

Tes garçons sont si sages
Si braves et si forts
Et tes filles fleurissent
Comme de jolies plantes
Ton vent et ton soleil
Te maintiennent en fleurs

Portant à mes paupières
Souvent percent des larmes
O mon pays espère
Car les temps changeront.

C’est ainsi que, dans ces deux pays occupés et opprimés, se développa la renaissance culturelle qui conduisit à redonner une identité aux deux peuples asservis  et aboutit à la création d’une nation. Elle eut pour origine la nostalgie d’un âge d’or qui fut en grande partie réinventé mais au lieu de se complaire dans cette nostalgie, elle déboucha sur l’espérance d’un avenir de liberté.

Cette démarche, accomplie en pleine occupation russe, tient quasiment du miracle !

   .1 Le précurseur de cette idée fut le poète KJ Peterson (1801-1822) qui traduisit en allemand la « mythologia fennica » eut  l’intuition que la mythologie finnoise pourrait permettre de reconstituer les mythes estoniens

prochain article : la naissance d'une architecture lettone









mercredi 8 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (13) : l’émergence d’une culture nationale,

Suite de l’article précédent

LA NAISSANCE DES ECOLES
La traduction des textes religieux n’était qu’une première tâche que les  pasteurs protestants devaient accomplir ; en effet, Luther avait spécifié qu’il était nécessaire que chacun puisse lire les textes saints en famille, il fallut donc créer des écoles.

Dans ce processus, il convient de citer l’action des Frères Moraves, un mouvement piétiste issu du protestantisme qui prônaient l’approfondissement de la spiritualité personnelle,  ils prirent le contrôle de seize paroisses dans le Nord de la Lettonie et y développèrent les écoles entre 1710 et 1740.

Certes, ces  écoles se contentaient  au début d’un savoir rudimentaire mais peu à peu, au 19e siècle, certains pasteurs vont orienter les écoles populaires vers des connaissances plus diversifiées. Le nombre de personnes éduquées augmenta lentement ; certes, elles doivent fréquenter les écoles germanophones pour des études plus poussées mais elles continuèrent néanmoins à s'exprimer dans la langue de leur origine. Ainsi, il se constitua peu à peu une classe nouvelle de pasteurs, d’avocats, de médecins, de maître d’école... qui se mirent à écrire dans leur langue vernaculaire.

C’est parmi cette classe nouvelle que naquit au 19e siècle  l’idée d’une spécificité nationale et d’une identité collective.

À suivre…