HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX.
HIC COQUITUR CARO ET HIC MINISTRAVERUNT MINISTRI (ici, on prépara les viandes et les serviteurs firent leur office)
Le premier dessin (A) montre le foyer de l’âtre, il est surmonté d’une traverse portée par deux landiers. La traverse porte une marmite qui contient très probablement de la viande que l’on fait bouillir dans l’eau. Au-dessus, sont disposées, sur une sorte d’étagère, des tiges de fer sur lesquelles on a embroché de la viande. Selon moi, cette scène ne peut se comprendre que si on imagine la présence d’une cheminée (dessinée en traits rouges discontinus) : la viande une fois embrochée était disposée dans le corps de la cheminée afin de cuire grâce à la chaleur dégagée par le feu à l’âtre. Ce système de cuisson était largement répandu car il permettait de fumer la viande pour mieux la conserver.
En (B) se trouve une sorte de four posé sur un foyer dont on voit les flammes en dessous de sa base ; ce four, qui évoque tout autant un brasero de chauffage et un moderne barbecue, était utilisé pour rôtir, comme le montrent les petites formes circulaires posées sur sa paroi supérieure. Il est probable que ce four servait aussi à cuire le pain. On peut le penser en considérant le personnage (C) qui tient, d’une main, un plateau sur lequel sont disposées des formes de boules et, de l’autre, un instrument ressemblant à un racloir ou une pelle.
HIC FECERUNT PRANDIUM (ici, ils préparent le repas)
Ces travaux de cuisson s’effectuent dans une pièce à l’écart de la salle de banquet, on peut le penser du fait de la présence d’une porte les reliant (D). Les serviteurs (E) se relaient pour porter les « brochettes » à d’autres serviteurs (F) chargés d’accommoder la nourriture ; ceux-ci sont assis sur un banc et portent, sur les genoux, des boucliers leur servant de tables. Ils tiennent à la main des écuelles ou des pots devant conserver les assaisonnements et en apprêtent les viandes. Parmi celles-ci, on distingue bien, à leur silhouette, deux volailles. De la manière précautionneuse dont les serviteurs portent les pots, on peut en déduire que ces pots conservent des ingrédients coûteux et rares.
Un des serviteurs souffle dans une trompe sans que l’on sache pourquoi il en joue.
Un des serviteurs souffle dans une trompe sans que l’on sache pourquoi il en joue.
ET HIC EPISCOPUS CIBU ET POTU BÉNÉDICIT (et ici, l’évêque bénit la nourriture et la boisson)
La scène suivante représente le repas de Guillaume (4) et de sa suite. Parmi celle-ci, on distingue Odon, le demi-frère du duc (5), évêque de Bayeux, on le reconnait au fait qu’il porte la tonsure et qu’il effectue un geste de bénédiction sur les mets et boissons que les convives vont déguster. L’un d’entre eux (G) n’a même pas attendu la fin du bénédicité pour porter une coupe de vin à ses lèvres. Ce personnage est barbu, ce qui le différencie des autres, on dit qu’il s’agit de Roger de Beaumont dit Roger à la barbe.
La table est disposée en fer à cheval. Assez curieusement, c’est l’évêque qui occupe la place centrale et non Guillaume. Les mets sont posés à même la table, on en distingue des écuelles, des cruches, des boules de pain… l’évêque s’apprête à manger un poisson, sans doute est-ce un jour d’abstinence. Il n’y a pas de couverts, on se sert directement dans les plats avec les mains. Cette caractéristique explique la présence d’un serviteur (H) portant une écuelle et une étoffe : il faut bien se laver les mains après chaque plat !
Un des convives (J), assis à gauche d’Odon, est représenté le bras levé comme s’il montrait quelque chose, il semble donner une information importante puisqu’après le repas, Guillaume convoque son conseil.
La tapisserie de Bayeux ne mentionne pas explicitement l’endroit où est effectué ce repas, on peut penser, pour deux raisons, qu’il s’agit du château d’Hastings. D’abord parce que cet endroit est indiqué à deux reprises sur la tapisserie de Bayeux, ensuite parce que Hastings est mentionné par Guillaume de Poitiers : « Les Normands, ayant avec joie abordé au rivage, s'emparèrent d'abord des fortifications de Pévensey, et ensuite de celle d'Hastings, pour en faire un lieu de refuge et de défense »