REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mercredi 11 novembre 2020

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (4)

LE TRIPTYQUE DU JUGEMENT DERNIER DE VIENNE (suite)

LA PARTIE SUPÉRIEURE DU PANNEAU CENTRAL

Sur la partie supérieure de ce panneau, est représentée la Jérusalem céleste dans une bulle demi-circulaire descendue du ciel au-dessus de la terre. Elle comporte une des scènes habituelles qui compose un jugement dernier médiéval

  


     . (H) Au centre, le Christ portant la tenue de la passion recouverte d’un pagne et d’un manteau rouge est assis sur un double arc de cercle qui pourrait correspondre aux deux bords d’un arc-en-ciel.

     . (J) de part et d’autre sont représentés les apôtres, ils sont à genoux, les mains jointes, paraissant indifférents à ce qui se passe au-dessous d’eux. Deux d’entre eux semblent même discuter !

     . (K) au niveau supérieur, sont peints la Vierge Marie et un personnage barbu à demi dissimulé qui doit être saint Jean Baptiste.

     . (L) les quatre anges de l’apocalypse sonnent de la trompette.

 A la différence des jugements derniers médiévaux, le panneau ne représente ni la résurrection des morts ni la pesée des péchés. On a l’impression que tout est terminé et que s’est déjà effectué le tri entre les élus et les damnés.

     . (M) à droite on peut apercevoir quelques silhouettes montant vers le ciel afin de gagner le paradis, ce sont les élus, ils sont très peu nombreux.

     . Tout le reste du panneau central est occupé par la destruction des œuvres terrestres et par les supplices des damnés.

 Cette disproportion entre le nombreux des élus et celui des damnés témoigne bien des préoccupations du 15e siècle et du règne de la mort : l’humanité est livrée à la mort et au diable à cause des péchés des hommes.

 

samedi 7 novembre 2020

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (3)

  LE TRIPTYQUE DU JUGEMENT DERNIER DE VIENNE (suite)

VUE D'ENSEMBLE DU TRIPTYQUE OUVERT


 Le retable de Jérôme Bosch se lit de gauche à droite en cinq phases :

     . La chute : la défaite des anges rebelles (1) le jardin d’Eden (2), le péché originel et le paradis perdu (3)

     . Le jugement dernier (4)

     . La fin des temps et la destruction des œuvres humaines (5)

     . Dès la fin du jugement dernier, les démons se précipitent sur terre pour torturer les damnés et leur faire subir déjà les tourments de l’enfer (6)

      . Les damnés sont précipités par une porte vers les abysses de l’enfer (7)

 Cette importance de l’enfer et des destructions dans la structure de l’œuvre corrobore exactement cette croyance fondamentale du 15e siècle, l’humanité entière est vouée à la mort et à l’enfer à cause du péché des hommes.

 LE PANNEAU DE GAUCHE : LA CHUTE ET  LE PARADIS PERDU


Ce panneau comporte deux parties distinctes illustrant toutes les deux la chute : chute des anges rebelles, chute d’Adam et Ève due au péché originel. 

 Dans la partie supérieure, est représenté Dieu dans une mandorle (A). Cette mandorle est portée  de figures minuscules que l’on devine être des anges.(B). Elle est sans doute descendue du ciel afin que Dieu préside à la création. Au-dessous est figuré un ciel nuageux, il est le théâtre d’une lutte acharnée entre des myriades d’anges  revêtu de blanc qui sortent de partout pour combattre les anges déchus (C ) que l’artiste a peint comme des insectes maléfiques de couleur noire, les anges déchus sont vaincus et  précipités sur terre.

 


Au centre du panneau se déploie le jardin d’Eden (D), il est présenté comme une campagne légèrement vallonnée associant de vastes espaces de prairies, entrecoupés de bosquets, un lac et quelques rochers épars en falaise. Dans ce décor idyllique vivent, ça et là, en toute liberté, quelques animaux sauvages.





La partie basse du panneau se lit de bas en haut

   . (E) : Dieu crée Ève à partir d’une côte d’Adam, Adam est encore endormi, d’une main, Dieu relève Ève qui s’éveille à la vie et de l’autre esquisse un geste qui ressemble à une bénédiction.

   . (F) : le péché originel : Adam et Ève se trouvent près du pommier, Ève montre à Adam la pomme qu’un être vient de lui donner. Cet être  est un être hybride  : son torse et sa tête sont ceux d’un humain, par contre la partie basse de son corps est celui d’un animal comportant des pattes courtes et griffues et une longue queue.

   . (G) : un ange vêtu d’une aube blanche et d’un manteau rouge brandit une épée et chasse Adam et Ève qui se dirigent vers la droite et donc vers le panneau central sur lequel est représenté le jugement dernier où ont été jugés les descendants d’Adam et Ève qui ont subi la tare du péché originel et donc sont en proie aux influences et tentations démoniaques

A suivre..

 

dimanche 1 novembre 2020

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (2)

 LE TRIPTYQUE DU JUGEMENT DERNIER DE VIENNE

 Le triptyque du JUGEMENT DERNIER actuellement conservé à Vienne serait, selon les plus récentes théories des historiens d’art, une commande datée de 1504 de Philippe le beau, fils de l’empereur Maximilien de Habsbourg et époux de Jeanne, fille de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille, pour orner son palais de Bruxelles.

 Cette hypothèse est corroborée par la représentation en grisaille sur le retable fermé de Saint Jacques, patron de la Castille et de Saint Bavon, patron des Pays-Bas, or, à cette époque, Philippe le Beau possédait à la mort de sa mère, Marie de Bourgogne l’héritage de Bourgogne et la Castille en tant que mari de Isabelle de Castille.

 Ce JUGEMENT DERNIER, toujours selon les historiens de l’art, représente un tournant dans l’œuvre du peintre, c’est dans ce triptyque que Bosch atteint la plénitude de son art qui lui donnera la  notoriété qu’on lui connaît ensuite.

 Il se caractérise par une particularité que l’on ne trouvait que rarement exprimée (sauf peut-être dans le retable de Rogier Van Der Weiden), celle de montrer une œuvre présentant une fresque didactique et chronologique alors que les retables antérieurs du jugement dernier associaient simplement de gauche à droite le paradis, le jugement dernier et l’enfer. 



A suivre... 




 

mercredi 28 octobre 2020

QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH (1)

 HIERONYMUS (Jérôme) BOSCH  est né vers 1450 à Bois-le-Duc ('s-Hertogenbosch), d'une famille originaire d'Aix-la-Chapelle installée aux Pays-Bas, à l'époque possession des ducs de Bourgogne, De son vrai nom Hieronymus van Acken, il a prit le pseudonyme de sa ville d'origine. Il est mort en 1516, c'est un peintre qui appartient donc au siècle du " règne de la mort" et qui en témoigne dans toute son œuvre.

 Son époque est marqué par de grands maux pour les peuples de l’Occident chrétien, les guerres et leurs corollaires habituels de famines et de pillages, les mauvaises récoltes dues aux aléas du temps  et les épidémies aussi soudaines que violences se succèdent à un rythme si soutenu que s’élabore une explication globale de ces calamités : Dieu a abandonné les êtres humains et les a livré au Diable et à la damnation. Le Diable peut alors donner libre cours à son instinct de destruction de l’humanité et s’empresse de tuer le plus possible d’êtres humains pour les livrer aux tourments éternels de l’enfer.

 C’est dans cette ambiance mortifère que Jérôme Bosch a peint les quatre triptyques dont je me propose d’effectuer la description

 

     - le JUGEMENT DERNIER , daté du tout début du 16é siècle (Académie des beaux-arts de Vienne)

     - un autre JUGEMENT DERNIER attribué à Jérôme Bosch de la même époque conservé au musée Groningue  de Bruges.

     - le JARDIN DES DELICES , un peu postérieur au précèdent conservé au musée du Prado de Vienne

      - le TRIPTYQUE DU VAGABOND réalisé au début du 16è siècle actuellement démembré en quatre morceaux (Louvre, Rotterdam, Yale university à New Haven, Washington)

 

dimanche 25 octobre 2020

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (45)

CONCLUSION (2)

MES COMMENTAIRES

 Selon moi, il convient de relativiser les informations que la tapisserie de Bayeux nous fournit eu égard aux chroniques qui lui sont contemporaines et à la vraisemblance historique.

 L’utilisation de dessins brodés pour raconter une histoire est certes intéressante en particulier pour les hommes du 11e siècle qui sont en grande partie analphabètes mais cette méthode possède un défaut majeur, celle de son imprécision : la tapisserie de Bayeux accole l’une à l’autre des phases successives qui n’ont pas toujours de rapport entre elles, elle choisit de représenter certains épisodes que ses concepteurs trouvent significatifs en oubliant de faire figurer les événements qui se sont déroulés entre ces deux scènes. Si encore le choix de ces événements était effectué en toute impartialité, ce ne serait que demi-mal mais ce n’est pas le cas, toutes les scènes figurées visent à la glorification du  duc Guillaume, de sa pugnacité, de sa sagesse et de sa droiture. Plus qu’un récit historique, la tapisserie de Bayeux se veut un panégyrique du souverain et donc témoigne d’une vérité assez contestable

 Deux exemples me permettront de le montrer : 

   . Selon la tapisserie de Bayeux, l’expédition en Bretagne semble être une promenade militaire : prise de Dol, retraite des Bretons poursuivis par les normands, reddition de Conan à Dinan, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé selon Guillaume de Poitiers : Guillaume réussit certes à faire rompre le siège qu’avait entrepris Conan autour de Dol pour punir un de ces vassaux, mais, faute de mieux, il se résoudra à rentrer en Normandie, l’armée normande ne reviendra ensuite en Bretagne que quand Guillaume se sentit menacé par la conjonction des bretons et des angevins puis il reviendra en Normandie sans combattre. (Voir page 26)

    - l en est de même en ce qui concerne la bataille d’Hastings où sont passés sous silence les deux épisodes de retraite de l’armée normande.

 Autre caractéristique : le choix délibéré des scènes à faire figurer sur la Tapisserie de Bayeux possède un autre défaut majeur : celui de justifier la conquête en prouvant que la conquête de l’Angleterre était juste et voulu par Dieu et donc que Guillaume était dans son bon droit quand il s’empara d’un royaume dont, a priori, il n’était pas destiné à devenir le souverain.

 À cet égard, tout l’argumentaire de la Tapisserie de Bayeux est organisé autour de la question fondamentale de savoir qui devait succéder à Édouard en tant que roi d’Angleterre ? Pour tenter de répondre à cette question, il convient d’abord de rappeler qu’à cette époque, le roi est théoriquement élu par le wintenagemot et non nommé par son prédécesseur. Si on suit cette règle coutumière, le seul roi légitime est donc Harold. Guillaume n’est devenu roi que par droit de conquête. Par contre, l’élection  et le sacre d’Harold s’effectuèrent conformément aux coutumes anglo-saxonnes.

 Face à Harold, Le duc de Normandie n’avait, selon moi,  aucune légitimité à devenir roi d’Angleterre, d’abord, il n’était pas anglo-saxon mais provenait de peuples qui avaient à plusieurs reprises envahi l’Angleterre et soumis à leur loi toute la partie ouest de leur pays, il était évident que le wintenagemot n’aurait pas choisi le représentant d’un peuple autrefois ennemi pour le proclamer roi. De même, Guillaume ne pouvait même pas se targuer d’une parente proche d’Edouard pour prétendre à sa succession.

 Dans de telles conditions, sur quels arguments Guillaume pouvait se baser pour prétendre à la couronne d’Angleterre ?

     . D’abord, il se basait sur une vague promesse d’Edouard de lui léguer la couronne.

     . Ensuite, il se prévalait du serment d’Harold effectué sur les reliques, la teneur de ce serment est certes révélé par les chroniqueurs mais ceux-ci, partisan de Guillaume et ayant écrit après coup,  furent sans doute largement influencés par la suite de l’histoire,

     . Enfin, Guillaume justifia sa conquête par la présence d’une comète dans le ciel au moment même où Harold était sacré, qu’il interpréta comme le fait que Dieu désapprouvait ce sacre. À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’existe pas de simultanéité entre les deux événements : le sacre eut lieu en janvier alors que la comète ne fut visible qu’en avril.

 Dans de telles conditions, Guillaume ne devint roi d’Angleterre que par droit de conquête et non sur les justifications que semblent donner la tapisserie de Bayeux. Ces quelques observations montrent à quel point il est facile de travestir l’histoire.

 Finalement le seul intérêt véritable de la tapisserie de Bayeux  est de montrer les caractéristiques de la vie quotidienne du 11e siècle, c’est selon moi, une source primordiale pour notre connaissance de la première partie du Moyen-âge avant que ne se développe la société féodale.

PROCHAINE SERIE D'ARTICLES : QUATRE TRIPTYQUES DE JEROME BOSCH


dimanche 18 octobre 2020

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (44)

CONCLUSION

Je diviserai cette conclusion en deux parties :

-       D’abord, je donnerai le témoignage de Guillaume de Poitiers sur les deux protagonistes principaux Guillaume et Harold

-       Ensuite je donnerai l’avis que l’on peut  avoir sur l’histoire de la conquête de l’Angleterre près de mille ans après qu’elle se soit produite.

HAROLD ET GUILLAUME LE CONQUÉRANT VUS PAR GUILLAUME DE POITIERS

Je citerai, à de propos, deux longs extraits de la GESTA qui illustrent selon moi l’adage Vae Victis dû à Brennus après la reddition de Rome à la fin du 4ème siècle avant JC.

 «  Quant à nous, Hérald, nous ne t'insultons pas, mais avec le pieux vainqueur qui pleura ta ruine, nous avons pitié de toi, et nous pleurons sur ton sort. Un juste succès t'a abattu; tu as été, comme tu le méritais, étendu dans ton sang; tu as pour tombeau le rivage, et tu seras en abomination aux générations futures et des Anglais et des Normands. Ainsi ont coutume de crouler ceux qui croient à un souverain pouvoir, à un souverain bonheur dans le monde. Pour être souverainement heureux ils s'emparent de la puissance, et s'efforcent de retenir par la guerre ce qu'ils ont usurpé. 

Tu t'es souillé du sang de ton frère, dans la crainte que sa grandeur ne diminuât ta puissance. Ensuite tu t'es précipité en furieux vers une autre guerre fatale à ta patrie, que tu sacrifiais à la conservation de la dignité royale. Tu as donc été entraîné dans la ruine par toi-même préparée. Voilà, tu ne brilles plus de la couronne que tu avais traîtreusement usurpée; tu ne sièges plus sur le trône où tu étais monté avec orgueil. La fin que tu as subie montre s'il est vrai que tu fus élevé au trône par Edouard dans les derniers moments de sa vie, une comète, la terreur des rois, brillant après le commencement de ta grandeur, fut le présage de ta perte »

 Comme on pouvait s’en douter, le portrait que fait Guillaume de Poitiers d’Harold est totalement négatif : il est assoiffé d’ambition et orgueilleux, traître, usurpateur et belliqueux. Il est prêt à tout pour conserver son pouvoir y compris en faisant tuer son propre frère, dans ses guerres, il est obstiné jusqu’à mener son pays à sa perte. Il n’a aucun autre souci que sa propre gloire et est prêt à tout sacrifier pour celle-ci.

 Il est à remarquer que ce texte renferme une contre-vérité manifeste : il indique en effet que c’est Harold qui s’est «  précipité dans la guerre » contre les norvégiens et normands alors que le roi a dû lutter contre ces armées étrangère qui avaient envahi le territoire dont il était le roi. il existe d'autres erreurs dans ce texte, je les mentionnerai dans mes propres conclusions.

 

Le portrait que Guillaume de Poitiers effectue à propos du duc Guillaume est évidemment aux antipodes que celui réalisé  à propos d’Harold : le chroniqueur vante son courage, son habileté sa piété, sa modestie et son désintéressement.

 « Mais laissons ces funestes présages, et parlons du bonheur que prédit la même étoile. Agamemnon, roi des Grecs, aidé du secours d'un grand nombre de chefs et de rois, parvint avec peine, par la ruse, à détruire, la dixième année du siège, la seule ville de Priam. Les poètes cependant attestent les talents et la bravoure de ses guerriers.. Le duc Guillaume, avec les troupes de la Normandie et sans de nombreux secours étrangers, soumit en un seul jour, de la troisième heure au soir, toutes les villes de l'Angleterre. Si elles avaient été défendues par les remparts de Troie, le bras et l'habileté d'un tel homme les eussent bientôt renversées. »

 Guillaume de Poitiers se livre dans cet extrait à une exagération digne d’un roman de sciences fiction actuel : comment le duc aurait-il pu soumettre l’Angleterre en une seule demi-journée !

 Plus surprenant encore est la manière dont Guillaume de Poitiers décrit le comportement du duc après la prise de Londres :

 « Les évêques et les autres grands le prièrent d'accepter la couronne, disant qu'ils étaient habitués à obéir à un roi, et qu'ils voulaient avoir un roi pour maître. Le duc consultant ceux des Normands de sa suite dont il avait éprouvé la sagesse aussi bien que la fidélité, leur découvrit les principales raisons qui le dissuadaient de céder aux prières des Anglais. Les affaires étaient encore dans le trouble, quelques gens se soulevaient, et il désirait la tranquillité du royaume plutôt que la couronne » .. « Ses familiers lui conseillèrent au contraire d'accepter la couronne, sachant que c'était le vœu unanime de toute l'armée, »

 Ici encore Guillaume de Poitiers témoigne d’une nouvelle contre-vérité : lorsqu’on lui propose la couronne royale, et le duc fit semblant d’hésiter car « Il n'était certainement pas dominé du désir de régner » le chroniqueur semble ainsi nous faire croire que Guillaume n’a combattu que pour la gloire de Dieu et non pour lui-même ! 

A suivre 


jeudi 15 octobre 2020

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (43)

  CHRONOLOGIE DE LA SUITE ET DE LA FIN DE LA BATAILLE D’HASTINGS

ÉPISODE 10 ET 11 : ET FUGA VERTERUN ANGLI (et les anglais prirent la fuite)

La tapisserie de Bayeux s’interrompt après ce moment du récit en sorte que la fuite des anglais n’est qu’à peine esquissée.

A gauche de la broderie, sont représentés les cavaliers normands (T) ils utilisent toutes les armes dont ils disposent : un cavalier s’apprête à lancer un javelot, trois d’entre eux chargent à l’épée tandis qu’un des poursuivants normands, monté à cheval, bande son arc. Cette charge contre des fuyards est moralement assez discutable puisque les anglais sont attaqués dans le dos alors que la plupart sont désarmés.

 Les fuyards sont représentés sur deux niveaux :

     . Dans la partie supérieure (U), on aperçoit des hommes sans aucune protection, ne portant ni bouclier ni cotte de mailles, sans doute sont-ce des paysans enrôlés en tant qu’auxiliaires qui fuient ; deux d’être eux portent des bâtons, un autre tente d’extirper la flèche qu’il a reçu dans l’œil (cela est assez étonnant puisque cette flèche a été tirée de face et non de dos). En avant de ces piétons, un cavalier semble également tenter de retirer une flèche qu’il a reçue au visage.

   : Dans la partie inférieure (V), sont figurés deux cavaliers qui utilisent une sorte de fouet pour obliger leurs chevaux  à aller plus vite, ce sont probablement des soldats anglais car ils semblent porter leurs cottes de mailles et, pour l’un, un casque.

La tapisserie s’arrête au moment de cette fuite des anglais, Il était probablement prévu de la poursuivre comme le montre la partie représentée à l’extrême droite qui représente également des fuyards. On ignore pourquoi cela ne fut pas réalisé.

Par contre Guillaume de Poitiers consacre de larges extraits de sa chronique à ce dernier épisode :

 « Le jour étant déjà sur son déclin, les Anglais virent bien qu'ils ne pouvaient tenir plus longtemps contre les Normands. Ils savaient qu'ils avaient perdu un grand nombre de leurs troupes, que le roi, deux de ses frères, et plusieurs grands du royaume avaient péri, que tous ceux qui restaient étaient presque épuisés, et qu'ils n'avaient aucun secours à attendre. Ils virent les Normands, dont le nombre n'était pas fort diminué, les presser avec plus de violence qu'au commencement, comme s'ils eussent pris en combattant de nouvelles forces. Effrayés aussi par l'implacable valeur du duc qui n'épargnait rien de ce qui lui résistait, et de ce courage qui ne savait se reposer qu'après la victoire, ils s'enfuirent le plus vite qu'ils purent, les uns à cheval, quelques-uns à pied, une partie par les chemins, presque tous par des lieux impraticables; quelques-uns, baignés dans leur sang, essayèrent en vain de se relever, d'autres se relevèrent, mais furent incapables de fuir. Le désir ardent de se sauver donna à quelques-uns la force d'y parvenir. Un grand nombre expirèrent dans le fond des forêts, et ceux qui les poursuivaient en trouvèrent plusieurs étendus sur les chemins.

 Les Normands, quoique sans aucune connaissance du pays, les poursuivaient avec ardeur, et, frappant les rebelles dans le dos, mettaient la dernière main à cette heureuse victoire. Plusieurs d'entre eux, renversés à terre, reçurent la mort sous les pieds des chevaux »


 

lundi 12 octobre 2020

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (42)

 CHRONOLOGIE DE LA SUITE ET DE LA FIN DE LA BATAILLE D’HASTINGS

ÉPISODE 8 : l’infanterie anglaise ploie sous les attaques incessantes des normands

EPISODE 9 : le roi Harold est tué

suite de l'article précèdent 

Guillaume de Poitiers, lorsqu’il évoque le comportement du duc pendant ce combat, en fait un véritable panégyrique,

 « Il conduisit supérieurement cette bataille, arrêtant les siens dans leur fuite, ranimant leur vaillance, et partageant leurs dangers … sa valeur les devançait toujours dans la route en même temps qu'elle leur donnait le courage. A la vue seule de cet admirable et terrible chevalier, une grande partie des ennemis perdirent le cœur sans avoir reçu de blessures. Trois chevaux tombèrent percés sous lui, trois fois il sauta hardiment à terre, et ne laissa pas longtemps sans vengeance la mort de son coursier. C'est alors qu'on put voir son agilité et sa force de corps et d’âme. Son glaive rapide traverse avec fureur les écus, les casques et les cuirasses; il frappe plusieurs guerriers de son bouclier. Ses chevaliers, le voyant ainsi combattre à pied, sont saisis d'admiration, et la plupart, accablés de blessures, reprennent courage. Quelques-uns, perdant leurs forces avec leur sang, appuyés sur leur bouclier, combattent encore vaillamment; et plusieurs ne pouvant faire davantage, animent de la voix et du geste leurs compagnons à suivre hardiment le duc, et à ne pas laisser échapper la victoire d'entre leurs mains »

 Comme si la description de la bravoure de Guillaume n’était pas suffisante, Le narrateur n’hésite pas à montrer que celle-ci est à l’égale et même surpasse les grands héros  mythiques des combattants de  l’antiquité.

 « Guillaume n'aurait pas craint de se battre en combat singulier avec Herald, que les poètes comparent à Hector…, pas plus qu'Achille ne craignit de se battre avec Hector,…  Tydée eut recours à un rocher contre cinquante hommes qui lui dressaient des embûches; Guillaume … seul en affronta mille. Les auteurs de la Thébaïde ou de l'Enéide, qui selon les règles de la poésie exagèrent encore dans leurs livres les grandes actions qu'ils chantent…l’'élèveraient au rang des dieux. »

A suivre