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mardi 27 mai 2014

L'église médiévale, instrument du salut.

C'est le dernier volet de cette étude sur les concepts de la chrétienté médiévale, elle concernera l'apport effectué par l'église dans le cadre de la société de l'époque.

La description du tympan de Conques m'a permis de proposer deux analyses :
   . La peur de l'enfer est un puissant moteur de moralisation de la société même si elle peut conduire à une angoisse existentielle pour tout acte qui pourrait augmenter le poids des péchés dans la balance.
   . L'église transmet un message d'espoir : l'être humain est capable par les mérites que permet sa foi de gagner le salut.

Il va de soi que l'église en tant qu'institution se devait d'accompagner les fidèles dans leur quête du salut afin qu'ils ne cèdent pas au désespoir du la damnation. Un certain nombre de dispositions furent prises pour donner aux chrétiens les moyens de se rassurer et même de tourner à leur avantage les disposions évangéliques. C'est le cas en particulier de trois sacrements définis et explicités dans le 21ème canon du 4eme concile de Latran tenu en 1215 sous le pontificat du pape Innocent III.

" Tous les fidèles parvenus à l'âge de discrétion confesseront tous leurs péchés au moins une fois l'an à leur propre prêtre; ils accompliront la pénitence qui leur sera imposée et recevront le sacrement de l'eucharistie avec respect au moins à Pâques. Ceux qui ne s'acquitteront pas de ce devoir seront condamnés à être privés, de leur vivant, de l'entrée de l'église, et de la sépulture ecclésiastique après leur mort; et ce statut sera publié souvent dans l'église, afin que personne n'en prétende cause d'ignorance.
Il apparaît dans ce canon une chronologie en trois actes : confession, pénitence, eucharistie.
   . La confession permet au chrétien de reconnaître ses péchés en les nommant au prêtre, le prêtre donne ensuite l'absolution qui a pour conséquence l'effacement des péchés à la condition que le chrétien témoigne de son repentir.
   . Suit alors la pénitence,
   . Alors, ayant réparé ses fautes, le chrétien purifié peut recevoir l'Eucharistie qui, rappelons le, est le moyen de communier avec le corps du Christ et d'obtenir la vie éternelle.

Cette chronologie appelle plusieurs remarques :
     . Il convient d'abord de remarquer que seule l'Eucharistie figure dans les textes évangéliques, ni la confession ni la pénitence n'y sont mentionnées. Le seul terme indiqué dans les évangiles est celui de la repentance,
     . cela induit que confession et pénitence sont des concepts forgés par l'église médiévale au milieu du Moyen-âge et qui furent assortis de théories propres à cette époque.

En premier lieu, l'église effectua la distinction entre la peine éternelle et la peine temporelle :
     . la peine éternelle est celle des supplices de l'enfer. Du fait de la grâce de Dieu et du sacrifice du Fils pour sauver le monde, tout péché avoué est effacé sitôt que la formule d'absolution est prononcée par le prêtre, cependant cet effacement est assorti d'une double condition : il faut que le pécheur exprime son repentir et qu'il s'abstienne ensuite de commettre les mêmes fautes. La peine éternelle n'existe que pour ceux qui ne témoignent pas de repentir ou qui persévèrent dans ce péché. Un prêtre a tout pouvoir pour absoudre un péché, cependant, pour les cas très graves. l'absolution ne pouvait être prononcée que par un ecclésiastique de haut rang voire même parfois par le Pape.
     . la peine temporelle concerne tous les péchés même ceux que Dieu a effacé, elle est due en conséquence de la violation de l'ordre établi au sein de l'église et de la communauté chrétienne et pour sa réparation. La peine temporelle est infligée par l'Eglise. C'est à ce titre que le prêtre impose la pénitence.

Cette pratique des peines temporelles est à mettre en rapport avec une autre disposition doctrinale : celle du purgatoire : quelqu'un qui meurt sans avoir effectué toutes les pénitences consécutives aux peines temporelles doit les accomplir au purgatoire où il souffrira de supplices semblables à ceux de l'enfer mais temporairement seulement, le temps que les pénitences non réalisées de son vivant sur terre soient accomplies.

À cette notion de pénitence et de purgatoire s'ajouta celle des indulgences : les indulgences sont une manière soit de diminuer la lourdeur d'une pénitence, soit d'anticiper en prévention d'une future pénitence à venir. Il est possible d'utiliser ces indulgences pour soi-même ou pour des défunts ce qui permet de diminuer le temps qu'ils devaient rester au purgatoire. (1)


L'Eglise médiévale a beaucoup insisté sur les notions de pénitence et d'indulgence dans le double objectif de permettre aux fidèles d'effacer leurs péchés mais aussi d'oeuvrer pour ses propres desseins : quelques exemples permettent de le montrer :
   .  la croisade et la délivrance des lieux saints garantissait l'indulgence plénière pour tous ceux qui mourraient lors de la croisade.
   . Le pèlerinage était aussi le moyen de remédier aux péchés : on raconte par exemple, que lors d'une confession, un évêque constata qu'un chrétien avait commis un péché si grave qu'il ne pouvait l'absoudre. L'évêque dit alors : je vais écrire ton péché sur une feuille, tu partiras à saint Jacques de Compostelle, arrivé la-bas, tu prieras l'apôtre, puis tu montreras cette feuille et tu feras la pénitence qu'on t'indiquera. L'individu suivit ce conseil, il partit en pèlerinage ; quand il arriva, il montra la feuille, elle était devenue toute blanche : le péché avait été effacé. Des légendes comme celles-ci expliquent l'importance des pèlerinages dans le monde médiéval ainsi que le culte des reliques.
   . Un autre moyen était, comme on l'a dit, de faire des dons à l'église afin que par des messes régulières, on puisse raccourcir le temps de purgatoire. Il arrivait même que certains seigneurs sur leur lit de mort disent à leur fils : tu iras à ma place en pèlerinage, pour la rémission de mes péchés.
   . Il arrivait aussi, mais c'est une perversion du système, que l'on rachète par avance des péchés que l'on va commettre : la tour du beurre à Rouen doit son nom au fait que l'on effectuait des aumônes pour avoir le droit de manger gras pendant le carême.
   . De même des campagnes d'indulgences étaient régulièrement lancées quand on manquait d'argent pour la construction d'une cathédrale,c'est d'ailleurs une de ces campagnes dénoncée par Luther qui donna naissance au protestantisme
   . Enfin, bien entendu, il existait aussi des actes simples de prières, de charité, de mortifications personnelles, de dévouement envers les autres que l'on effectuait soit en guise de pénitence, soit pour acquérir des indulgences.

Si on considère ces éléments, on s'aperçoit que l'on est bien loin de l'angoisse existentielle que révèlent les tympans d'église romane, celle-ci n'était qu'un élément des mentalités médiévales ; en réalité, il était toujours possible de transiger non avec Dieu mais avec l'église, certains en arrivaient même subtilement à concilier vie de péché et rédemption, comme on le montrera dans l'article qui suivra.

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