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samedi 7 mars 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (32) : LA PREMIÈRE CROISADE ; ÉPILOGUE

Au terme de cette série d'articles sur les mentalités et comportements qui se sont développés pendant cette croisade et en guise d'épilogue, je voudrais mentionner ici les trois caractéristiques qui me semblent apparaître tout au long de cette longue expédition :
     . L'exaltation religieuse,
     . La pratique des massacres,
     . Le pillage,
A cela j'ajourerai, un paragraphe sur les  impressions que ressentit le monde musulman vis à vis des francs et de leurs comportements.

L'EXALTATION RELIGIEUSE
C'est ce qui ressort en premier lieu de tous les récits de la croisade : elle est représentée comme une expédition quasiment eschatologique, voulue par Dieu et effectuée par des "combattants de Dieu" que Dieu conduira à la victoire.

Dans cette perspective, tout événement est expliqué par référence à Dieu, c'est Dieu qui permet de l'emporter à chaque bataille, les croisés n'étant que les instruments de ses desseins. C'est aussi par référence à Dieu que l'on explique les revers et les longues souffrances dues aux famines et aux  sièges interminables : l'explication la plus courante de ces revers est que Dieu abandonne les hommes à cause de leurs trop nombreux péchés ; cependant, deux autres explications peuvent apparaître :  d'une part, Dieu peut vouloir éprouver les croisés en leur infligeant des souffrances, d'autre part,  les hommes, incapables de comprendre les desseins de Dieu dont l'impénétrabilité est totale, doivent se plier à ce qui leur advient.  Pour célébrer les victoires, il faut effectuer des actions de grâce ; pour remédier à ces phases de revers, il n'y a pas d'autres solutions que la prière et la pénitence.

Cette ambiance d'exacerbation de la religiosité pourrait être relativisée par le fait que la plupart des chroniques ont été écrites par des clercs qui, bien évidemment, ont eu tendance à analyser l'ensemble des événements à l'aune de leurs conceptions religieuses. Une autre observation peut être d'ailleurs effectuée dans le même sens : plus les récits sont postérieurs aux événements, plus ils sont effectués dans la perspective d'une vision théologique.

Il faudrait  donc tenter de démêler de ce qui ressort d'une vision eschatologique effectuée à-posteriori par des clercs réinterprétant les événements dans le sens de cette vision et les événements tels que les contemporains les ont vécus au jour le jour.

Le seul récit qui puisse être utilisé pour cela est celui de l'Anonyme dont on pense qu'il fut un chevalier ayant participé à la croisade. Selon les extraits que j'ai pu en lire, il n'apparaît certes pas une ambiance théologique globale dans sa relation des faits, par contre on y trouve la mention de pratiques religieuses constantes visant à placer la croisade sous la protection de Dieu.

Ces connotations religieuses des chroniques qu'elles soient dans la vision globale des clercs ou dans le vécu quotidien des croisés s'expliquent au moins de trois manières :
     . D'abord, parce que l'essence même de la croisade prêchée par le pape et promettant le salut à ceux qui mourraient pendant l'expédition et par antiphrase à ceux qui y participeraient, constitue l'idée de base et le concept fondamental de la croisade,
     . Ensuite, par le fait que la croisade est composée d'un grand nombre de clercs et est dirigée théoriquement par le Pape via son légat : la présence de ces clercs imprègne tous les actes quotidiens des croisés, fournit une explication religieuse à tous les événements,  rappelle le sens du combat en le recentrant si nécessaire vers l'objectif final et organise les cérémonies et processions permettant la victoire.
     . Enfin, parce que l'époque impliquait la pratique de tout un ensemble de rituels habituels et quotidiens que les chevaliers effectuaient sans état d'âme : ils étaient conscients qu'ils pouvaient mourir à chaque moment et s'y préparaient avec ferveur : ils effectuaient les processions, les jeunes décidés par les clercs, se confessaient, assistaient à la messe et communiaient avant chaque bataille décisive. De la sorte, s'ils mouraient, ils étaient en état de pureté qui leur donnait le salut.

Ainsi, ambiance eschatologique des clercs et religiosité ordinaire de la ritualisation chrétienne de chaque acte quotidien des croisés laïcs se conjuguèrent pour donner cette ambiance si particulière de la longue marche de la croisade vers les lieux saints.

Un dernier aspect concernant l'exaltation religieuse me semble aussi émerger des récits de la croisade : il y a pour moi une étroite corrélation entre eux et les récits bibliques de la conquête de la Terre Promise : les hébreux dont un des commandements était " tu ne tueras point" (les membres de ton peuple)  pratiquaient l'anathème envers leurs ennemis sans aucun scrupule.  Ces mêmes comportements s'observent chez les croisés :  quelques instants après avoir massacré des centaines de "sarrasins", ils  confessent  au saint Sépulcre " les actes qu'ils déploraient et faisaient vœu de ne plus commettre de semblable " : il va de soi que ces promesses ne concernaient pas les infidèles et n’engageaient que les croisés entre eux ! Cela conduira à une conception du combat qui se résume en deux possibilités : "ou tu es tué en luttant contre les mécréants et tu iras au paradis, ou tu tues des infidèles et tu iras aussi au paradis puisque ton combat est celui de Dieu"

Pour moi donc, et c'est un avis personnel,  les références religieuses qui sous-tendent la croisade ressortent plus de l'ancien testament que de l’Évangile. Voici un extrait significatif à ce propos de la chronique de Robert le Moine (6), c'est une prière après une victoire sous les murs d'Antioche

" les prêtres et les clercs adressèrent à Dieu leurs hymnes en ces mots « Tu es glorieux dans tes saints, ô Seigneur! et tu es admirable dans ta sainteté ; à toi appartiennent la terreur et les louanges et de toi viennent les merveilles ; ta droite, ô Seigneur, a frappé l'ennemi, et tu as écrasé tes adversaires sous le poids de ta gloire...  tu as été avec nous Seigneur; comme un guerrier courageux, et dans ta miséricorde tu t'es fait le chef et le protecteur de ton peuple, que tu as racheté; maintenant, Seigneur, nous connaissons que c'est ta force qui nous porte à ta sainte demeure, c'est-à-dire à ton saint sépulcre. »

(6) moine qui réécrivit les "Gesta Francorum" vers 1116 sans avoir été en terre sainte.

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