LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE
Toute la province où habitait saint Nicolas eut à subir une si cruelle famine, que personne ne pouvait se procurer aucun aliment. Or l’homme de Dieu apprit que des navires chargés de froment étaient mouillés dans le port. Il y va tout aussitôt prier les matelots de venir au secours du peuple qui mourait de faim, en donnant, pour le moins, cent muids de blé par chaque vaisseau. « Nous n'oserions, père, répondirent-ils, car il a été mesuré à Alexandrie, et nous avons ordre de le transporter dans les greniers de l’empereur: » Le saint reprit: « Faites pourtant ce que je vous dis, et je vous promets que, par la puissance de Dieu, vous n'aurez aucun déchet devant le commissaire du roi. »
Ils le firent et la quantité qu'ils avaient reçue à Alexandrie, ils la rendirent aux employés de l’empereur; alors ils publièrent le miracle, et ils louèrent Dieu qui avait été glorifié ainsi dans son serviteur. Quant au froment, l’homme de Dieu le distribua selon les besoins de chacun, de telle sorte que, par l’effet d'un miracle, il y en eut assez pendant deux ans, non seulement pour la nourriture, mais encore pour les semailles.
LES REPRÉSENTATIONS ICONOGRAPHIQUES
La peinture de Fra Angelico montre ce miracle dans la partie gauche du tableau : on y aperçoit à l’extrême gauche, une ville construite sur des rochers abrupts qui domine une anse où sont amarrés quelques bateaux ; l’anse est dominée par une côte rocheuse indentée, représentée selon les conventions habituelles du 15e siècle en forme de vagues tempétueuses . Nicolas, reconnaissable à sa mitre épiscopale, discute avec le capitaine du navire tandis que des matelots déchargent des sacs de blé.
La partie de droite du tableau de Fra Angelico ainsi que le panneau du retable de Tallinn montrent deux scènes du sauvetage des marins dans la tempête :
. Sur la peinture de Fra Angelico, on aperçoit le bateau en perdition au milieu d’ondulations verdâtres qui figurent la mer déchaînée, Nicolas apparaît dans un halo de lumière, on le voit tirer sur les cordages qui permettent de manier les voiles.
. Sur le panneau de droite, le bateau, une lourde cogue hanséatique, que Nicolas vient de sauver, est arrivée à bon port, avec son mat cassé, l'évêque de Myre semble attendre le retour du bateau debout sur la grève.
Ces deux représentations montrent l’aspect des bateaux de l’époque, une coque en « coquille de noix », un gaillard avant, une seule voile ne permettant que d'avancer que vent arrière : ils sont inaptes à naviguer en haute mer et ne peuvent que longer les côtes en espérant que le vent soufflera dans la bonne direction pour les faire progresser.
LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE
Un jour que des matelots étaient en péril, et, que, les yeux pleins de larmes, ils disaient : « Nicolas, serviteur de Dieu, si ce que nous avons appris de vous est vrai, faites que nous en ressentions l’effet. » Aussitôt, leur apparut quelqu'un qui ressemblait au saint : « Me voici, dit-il ; car vous m’avez appelé. » Et il se mit à les aider dans la manœuvre du bâtiment, soit aux antennes, soit aux cordages, et la tempête cessa aussitôt. Les matelots vinrent à l’église de Nicolas, où, sans qu'on le leur indiquât, ils le reconnurent, quoique jamais ils ne l’eussent vu. Alors ils rendirent grâces à Dieu et à lui de leur délivrance : mais le saint l’attribua à la divine miséricorde et à leur foi, et non à ses mérites.
Le texte de Jacques de Voragine présente une description qui concorde avec les représentations picturales à cependant une exception près qui concerne le retable de Tallinn : Nicolas n’est pas présent sur le littoral lors du retour du bateau, ce sont les marins qui se rendirent à sa cathédrale et le remercièrent. Cet épisode de la vie de Nicolas fit que le futur saint Nicolas devint le patron des marins,
Il convient de remarquer que ce miracle fut accompli du vivant de l’évêque de Myre ce qui donnait au futur Saint un curieux don d'ubiquité, il fut en effet, durant sa vie terrestre, capable d’apparition en tant que personne réelle à des marins qu’il aida,comme une personne réelle en tirant sur les cordages. Une telle ubiquité apparaîtra aussi dans le miracle suivant qui permit de sauver trois condamnés à mort.
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