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samedi 10 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (4)

SAINT NICOLAS SAUVE PAR DEUX FOIS TROIS CONDAMNÉS A MORT.

Jacques de Voragine raconte cette histoire en deux épisodes, le miracle n’intervenant que dans le deuxième. Pour l’illustrer, j’ai utilisé un panneau de Fra Angelico et trois panneaux du retable de Tallinn.

PREMIER ÉPISODE, NICOLAS SAUVE TROIS JEUNES CONDAMNÉS À MORT

 LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE
Dans le même temps, une nation se révolta contre l’empire romain ; l’empereur envoya contre elle trois princes, Népotien, Ursus et Apilion. Un vent défavorable les fit aborder au port adriatique, et le bienheureux Nicolas les invita à sa table, voulant par là préserver son pays des rapines qu'ils exerçaient dans les marchés. Or un jour, pendant l’absence du saint évêque, le consul, corrompu par argent, avait condamné trois soldats innocents à être décapités. Dès que l’homme de Dieu en fut informé, il pria ces princes de se rendre en toute hâte avec lui sur le lieu de l’exécution : à leur arrivée, ils trouvèrent les condamnés le genou fléchi, la figure couverte d'un voile et le bourreau brandissant déjà son épée sur leurs têtes. Mais Nicolas, enflammé de zèle, se jeta avec audace sur le licteur, fit sauter au loin son épée de ses mains, délia ces innocents et les emmena avec lui sains et saufs ; de là, il court au prétoire du consul ...  Le saint... lui dit : « Ennemi de Dieu, prévaricateur de la loi,  tu es coupable d'un si grand crime. » Après donc avoir reçu sa bénédiction, les envoyés de  l’empereur continuent leur route et soumettent les révoltés sans répandre de sang.


Les deux panneaux présentent une vision concordante des faits, les trois jeunes gens ont les yeux bandés, le bourreau a levé son épée et le premier  condamné s’apprête à recevoir le coup fatal. Alors Nicolas  prend le bras du bourreau  sur le panneau de Fra Angelico et se saisit de la lourde épée à deux mains sur le retable de Tallinn et arrête ainsi l'exécution.

Il ne s’agit pas d’un miracle au sens réel du terme mais beaucoup plus d’un acte de courage personnel de Nicolas, le miracle interviendra dans le deuxième épisode de cette histoire.

Comme dans tous les représentations de scènes antiques aux 15e et 16e siècles, le décor correspond non à l’époque antique mais à celle des peintres, on peut d’ailleurs constater une évolution des costumes entre la peinture de Fra Angelico et celle du retable de Tallinn : sur ce dernier panneau, le surcot a été raccourci et se boutonne devant, les chausses deviennent collantes...

À remarquer au point de vue stylistique sur la peinture de Fra Angelico, l’apparition d’une perspective bien visible au niveau de la muraille de la ville ; par contre, les montagnes restent traitée selon les procédés en cours à la fin du moyen-âge.


DEUXIÈME ÉPISODE NICOLAS SAUVE LES TROIS PRINCES CONDAMNÉS À MORT PAR L’EMPEREUR

 A leur retour, ils furent reçus par l’empereur avec magnificence. Or quelques-uns, jaloux de leurs succès, suggérèrent ..., au préfet de l’empereur, de les accuser auprès de lui du crime de lèse-majesté. L'empereur circonvenu, et enflammé de colère, les fit emprisonner et sans aucun interrogatoire, il ordonna qu'on les tuât cette nuit-là même.

 Informés de leur condamnation par le geôlier, ils déchirèrent leurs vêtements et se mirent à gémir avec amertume. Alors l’un deux ...se rappelant que le bienheureux Nicolas avait délivré trois innocents, exhorta les autres à réclamer sa protection. Par la vertu de ces prières, saint Nicolas apparut cette nuit-là à l’empereur Constantin et lui dit : « Pourquoi avoir fait saisir ces princes si injustement et avoir condamné à mort des innocents? Levez-vous de suite, et faites-les relâcher tout aussitôt ; ou bien je prie Dieu qu'il vous suscite une guerre dans laquelle vous succomberez et deviendrez la pâture des bêtes. » « Qui es-tu, s'écria l’empereur, pour pénétrer la nuit dans mon palais et  m’oser parler ainsi ? » « Je suis, répliqua-t-il, Nicolas, évêque de la ville de Myre. ». Il effraya aussi de la même manière le préfet dans une vision. « Insensé, lui dit-il, pourquoi as-tu consenti à la mort de ces innocents? Va vite et tâche de les délivrer, sinon ton corps fourmillera de vers et ta maison va être détruite. » « Qui es-tu, répondit-il, pour nous menacer de si grands malheurs? » « Sache, lui répondit-il, que je suis Nicolas, évêque de Myre. »


Le dessin du retable de Tallinn reprend intégralement le récit de Jacques de Voragine, pour cela, il accole dans un même lieu les prisonniers dans leur cachot et la chambre de l’empereur. Les trois princes sont assis les mains jointes, leurs jambes sont immobilisés dans un carcan. L’empereur est couché dans un lit surmonté d’un baldaquin, il a posé sa couronne sur un tabouret.

L'empereur (se rend auprès des prisonniers et)  leur dit ..: « Quels arts magiques connaissez-vous, pour nous avoir soumis à de pareilles illusions en songes? » Ils répondirent qu'ils n'étaient pas magiciens, et qu'ils n'avaient pas mérité d'être condamnés à mort. « Connaissez-vous, leur dit l’empereur, un homme qui s'appelle Nicolas ? » En entendant ce nom, ils levèrent les mains au ciel, en priant Dieu de les délivrer, par les mérites de saint Nicolas, du péril qui les menaçait. Et après que l’empereur leur eut entendu raconter toute sa vie et ses miracles : « Allez, dit-il, et remerciez Dieu qui vous a délivrés par ses prières ; mais portez-lui quelques-uns de nos joyaux, de notre part, en le conjurant de ne plus  m’adresser de menaces, mais de prier le Seigneur pour moi et pour mon royaume. 

Ainsi, Nicolas, encore vivant, semble entendre à distance l’appel des trois princes et se projeter en songe dans la chambre de l’empereur et dans celle du consul. On retrouve donc ce don d’ubiquité décrit dans la relation du miracle décrit précédemment.

Peu de jours après, ces hommes se prosternèrent aux pieds du serviteur de Dieu, et lui dirent : « Vraiment vous êtes le serviteur, le véritable adorateur et l’ami du Christ: » Quand ils lui eurent raconté en détail ce qui venait de se passer, il leva les yeux au ciel, rendit de très grandes actions de grâces à Dieu. Or après avoir bien instruit ces princes, il les renvoya en leur pays.

Comme lors des miracles décrits précédemment, Nicolas avec une grande humilité ne s'attribue pas le miracle qui provient, selon lui à Dieu seul.

On peut s'étonner que le retable de Tallinn figure ces scènes sur trois panneaux sur les neuf que comporte le retable. Il est probable que l'artiste lübeckois a voulu magnifier l'empereur idéal capable de reconnaître ses injustices et de faire preuve de magnanimité par ce miracle, saint Nicolas est devenu le protecteur des opprimés.

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