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mardi 8 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (17)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA FIN DE LA GUERRE DE BRETAGNE : LA PRISE DE DINAN

La troisième phase de la guerre de Bretagne, telle qu’elle est décrite  par les phylactères de la tapisserie de Bayeux,  paraît sans ambiguïté en ce qui concerne la poursuite des opérations militaires :

   . HIC MILITES WILLEIMI DUCIS PUGNANT CONTRA DINANTES : « les soldats du duc Guillaume attaquent Dinan ».

  . ET CONANS CLAVES PORREXIT : « et Conan remet les clés »

On ressent l’impression que l’armée normande a poursuivi sans relâche l’armée de Conan  jusqu’à Rennes puis jusqu’à Dinan où Conan fut obligé de se réfugier. Cette  chronologie n’est  absolument pas corroborée par la chronique de  Guillaume de Poitiers.

Rappelons d’abord que le duc dût quitter la Bretagne  du fait de la disette sévissant dans son armée, et que, s’il revint en Bretagne, c’est parce qu’il se sentait menacé par la conjonction des armées de Conan et de Geoffroy d’Anjou qui s'avançaient afin d'envahir la Normandie : « (Guillaume) se montra d'autant plus avide de combattre qu'il voyait plus de gloire à triompher, dans une seule bataille, de deux ennemis tous deux cruels. »

Quand il annonça à Hual que son armée attendrait l’ennemi sur son territoire, Hual lui manifesta son désaccord :
« Hual, sur le territoire duquel il campait, se plaignit à lui,.. Si en effet le duc demeurait pour attendre Conan, le pays, peu fécond et fort épuisé, serait entièrement ravagé; et il revenait au même pour les laboureurs de voir consommer par l'armée des Normands ou par celle des Bretons le fruit des travaux d'une année. Si l'expulsion de Conan avait servi à sa renommée, elle n'avait rien fait à la conservation de leurs biens."

Dans de telles conditions Guillaume dût promettre de ne pas piller le pays et de payer tout ce qu’il devrait prélever dans le pays en attendant la bataille finale. Pourtant cette attente fut inutile comme l’écrit Guillaume de Poitiers :

« Ce fut inutilement que le duc attendit le combat, car son ennemi s'enfuit encore plus loin ». Alors, toujours selon Guillaume de Poitiers, le duc rentra directement en Normandie : « De retour chez lui, après que son cher hôte Hérald eut demeuré quelque temps auprès de lui, il le congédia comblé de présents »

Il est surprenant que le chroniqueur, un des plus fervents panégyristes de Guillaume, n’ait pas mentionné la prise de Dinan et surtout la reddition de Conan qui ne pouvaient qu’ajouter à la gloire du duc de Normandie. Cette absence peut être interprétée de deux manières : ou Guillaume de Poitiers a oublié cet épisode, ce qui n'est pas vraisemblable, ou la prise de Dinan ne fut qu’un épisode secondaire et sans lendemain de la guerre de Bretagne ne méritant même pas une mention dans les chroniques. Si cette seconde hypothèse est bonne, il est évident que ce n’est pas Conan qui dût se rendre à Guillaume.

Quoiqu’il en soit, cette partie de la tapisserie de Bayeux est d’un grand intérêt à deux points de vue : elle montre à nouveau un château fortifié dans sa totalité et elle permet de constater la manière dont une armée peut conquérir un château.

   . Le château de Dinan est représenté dans son intégralité ; sa structure étant organisée de la même manière que celui de Rennes, on peut penser que ce type de château fortifié correspondait à une généralité que l’on retrouvera encore lors de la description du château de Bayeux.

En ce qui concerne le château de Dinan, je me bornerai à rappeler les éléments qui le constituent :
     . A : la butte
     . B : les fossés sans eau
     . C : la rampe permettant l’accès au haut château
     . D : les portes. A Dinan, il existe deux portes
              . Une porte basse pourvue de moyens de défense
              . Une porte haute dissimulée par les assiégés qui tentent une sortie.
   . E : la courtine est construite au moyen de pieux de bois créant ainsi des sortes de créneaux permettant le tir
   . F : une tour centrale comportant deux niveaux :
              . Un premier niveau, construit dans doute en maçonnerie, avec peut-être une ossature de bois
              . Un second niveau où devait se trouver la grande salle du château où vit le seigneur du lieu.

L’attaque de Dinant est beaucoup plus intéressante que celle de Dol parce que complète. Elle montre la fin de la bataille et doit s’articuler comme suit :


     - Des hommes d’armes ont réussi à pénétrer jusqu’au pied de la butte (G), ils ont planté  au sol leurs javelots et ont posé à terre leurs boucliers ; ils font tournoyer des cordes pourvues de poix enflammée afin de faire brûler la courtine de bois. Un des brûlots a déjà atteint la muraille.

     - Devant le risque d’embrasement du château, la garnison encerclée tente une sortie (H) en brandissant elle aussi des javelots afin d'essayer de briser l’encerclement.

     - Pour contrer la sortie, se produit  la charge des cavaliers (J), ils ont revêtu une cotte de mailles qui leur couvre le torse, les bras et les cuisses. Pour la charge, ils ne sont armés que d’un bouclier et un javelot ; quelques-uns portent en sus une épée. Ils sont coiffés d’un casque conique pourvu d’un nasal. Ils lancent leurs javelots dès qu'il sont assez près du château ennemi On aperçoit sur la courtine quelques javelots fichés dans les murs.

La sortie des assiégeants dût échouer puisqu’on aperçoit un homme d’armes (K) tendant  les clés du château  (L) au bout de  son javelot. Guillaume (4) s’avance alors pour les recevoir. Son bouclier est décoré d’une croix. Il est évident que ces scènes ne sont pas simultanées puisqu’entre la sortie manquée et la reddition, il dut s’écouter une période de négociations.

La scène suivante représente Guillaume (4) armant chevalier Harold (2) (HIC WILHEIM DEDIT HAROLD ARMA, Guillaume donne ses armes à Harold). A cette époque, il était de coutume que les hommes d’armes s'étant conduits vaillamment lors de la bataille, soient armés chevaliers directement sur le lieu des combats, sans passer par le long processus de l’adoubement qui ne se développera que plus tard. Guillaume tient le bras d’Harold et lève la main au-dessus de son épaule, il s’apprête à donner à Harold un violent coup de poing sur l’épaule, la colée. Afin de montrer à tous  son courage, Harold restera impassible devant la douleur.



La présence de cette cérémonie a de quoi étonner du fait qu’Harold est âgé d’environ 40 ans. Peut-être Guillaume voulut-il , par ce geste, agréger Harold à la  hiérarchie militaire du duché de Normandie et ainsi  renforcer les liens de sujétion de celui-ci envers lui.

Prochain article : LE. RETOUR À BAYEUX ET LE SERMENT D’HAROLD

NOTE COMPLÉMENTAIRE
La carte des différents lieux cités ci-dessus :

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